Tribunal administratif N° 25039 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2008 3e chambre Audience publique du 1er avril 2009 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers (art. 22, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25039 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2008 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Istok (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 août 2008 lui retirant la tolérance ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 27 octobre 2008 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en ses plaidoiries à l’audience publique du 11 mars 2009.
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En date du 26 septembre 2006, Madame … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au Grand-Duché du Luxembourg.
Cette demande fut rejetée comme non fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 décembre 2006.
Le recours contentieux introduit par Madame … à l’encontre de cette décision ministérielle fut rejeté en instance d’appel par un arrêt de la Cour administrative du 25 juillet 2007 (n° 22888C du rôle).
Madame …, bénéficiant d’une tolérance valable jusqu’au 31 août 2008, fut informée à travers un courrier émanant du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre » du 17 juin 2008, de son intention de lui retirer la tolérance accordée et de procéder à son rapatriement.
Par décision du 7 août 2008, le ministre se fondant notamment sur un accord du 4 août 2008 de l’UNMIK pour réadmettre Madame … au Kosovo, lui retira la tolérance accordée en soulignant que des circonstances de fait empêchant l’exécution matérielle de son éloignement n’existaient plus.
Le 1er septembre 2008, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision. Elle fit valoir qu’elle ne disposerait plus de maison, ni de famille au Kosovo et que la situation sécuritaire des minorités ne se serait toujours pas consolidée.
Le ministre confirma son refus antérieur par une décision du 27 octobre 2008.
Par requête déposée le 20 novembre 2008, Madame … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 7 août 2008 lui retirant la tolérance accordée ainsi qu’à l’encontre de la décision ministérielle confirmative du 27 octobre 2008.
Aucune disposition légale ne prévoyant un recours en réformation en la matière, le recours en annulation introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse reproche au ministre d’avoir fait une appréciation erronée des faits invoqués à la base de sa demande, en faisant valoir qu’elle ne pourrait pas retourner en toute sécurité dans son pays d’origine. Elle explique qu’elle aurait quitté son pays d’origine pour la raison qu’il n’y aurait plus aucun espoir, étant donné qu’elle aurait été chassée de sa maison par des Albanais qui l’occuperaient désormais et seraient prêts à tout faire pour la conserver. Elle affirme également souffrir des problèmes politiques prévalant au Kosovo et fait valoir que malgré une légère amélioration, la situation générale qui règne au Kosovo demeurerait fragile et instable. Elle invoque ensuite les problèmes auxquels les minorités ethniques seraient confrontées au Kosovo et notamment la minorité serbe dont elle ferait partie. Si elle admet que son pays d’origine a connu certains changements sur le plan politique, la situation resterait néanmoins alarmante, au vu des antagonismes entre la minorité serbe et la majorité albanaise. Elle se réfère ensuite à un rapport d’Amnesty International de 2008, selon lequel la situation des minorités au Kosovo serait alarmante et qui jugerait que les conditions pour un retour des réfugiés dans leur pays d’origine ne seraient actuellement pas données. Elle donne encore à considérer que le retour des réfugiés devrait se faire dans le respect de la dignité humaine et de manière à ne pas mettre leur vie en danger. Enfin elle ajoute qu’une de ses sœurs qui se trouverait légalement au Luxembourg serait disposée à la prendre en charge et qu’en plus elle aurait conclu le 14 mai 2008 un contrat de travail avec une société de nettoyage ce qui lui permettrait de subvenir à ses besoins.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte que le recours de celle-ci laisserait d’être fondé.
Quant à la demande tendant à l’obtention d’une attestation de tolérance, il y a lieu de retenir qu’aux termes de l’article 22, paragraphe 1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et aux formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 » « si le statut de réfugié est refusé au titre des articles 19 et 20 qui précèdent, le demandeur d'asile sera éloigné du territoire » et aux termes du paragraphe 2 du même article « si l'exécution matérielle de l'éloignement s'avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu'au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».
Il s’ensuit que le bénéfice du statut de tolérance est réservé aux demandeurs d’asile déboutés dont l’éloignement se heurte à une impossibilité d’exécution matérielle.
En l’espèce, il est constant que la demanderesse a été définitivement déboutée de sa demande d’asile, de sorte qu’elle sera éloignée du territoire, conformément aux termes de l’article 22 (1) de la loi du 5 mai 2006.
Il ressort des éléments du dossier que le 4 août 2008, l’UNMIK a donné son accord pour réadmettre Madame … au Kosovo.
Force est dès lors de constater, au vu de la confirmation de l’UNMIK qu’il n’y avait pas d’objection au rapatriement de la demanderesse au Kosovo, que le ministre a valablement pu conclure qu’il n’y avait pas de circonstances de fait rendant impossible l’exécution matérielle de son éloignement.
Dans ce contexte, ni l’argumentation relative à la situation générale et sécuritaire prévalant actuellement dans le pays d’origine de la demanderesse, ni l’allégation de craintes de persécution en raison de son appartenance à la minorité serbe du Kosovo, à les supposer établies, ne sauraient être considérées comme étant constitutives d’obstacles matériels rendant l’exécution matérielle de son éloignement du territoire impossible, étant entendu que les obstacles visés par la loi à travers l’emploi des termes « exécution matérielle » doivent avoir trait à l’éloignement proprement dit et non aux conditions d’accueil réservées à la personne concernée dans son pays d’origine.
Enfin en ce qui concerne la prise en charge par un membre de famille et le fait de s’adonner à une activité professionnelle, par ailleurs non permise, ces éléments ne relèvent pas du cadre légal de la tolérance, la demanderesse ne précisant en outre pas où résiderait dans ce contexte l’impossibilité matérielle justifiant l’octroi d’une attestation de tolérance.
Au vu de ce qui précède, le tribunal est amené à constater que le ministre a pu, à bon droit, conclure qu’il n’existe plus dans le chef de la demanderesse de circonstances de fait empêchant l’exécution matérielle de son éloignement et partant lui retirer la tolérance accordée en vue de procéder à son éloignement.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne Madame … aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er avril 2009 par :
Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, en présence du greffier Claude Legille.
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