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12/03/2009 | LUXEMBOURG | N°25471

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2009, 25471


Tribunal administratif Numéro 25471 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2009 3e chambre Audience publique extraordinaire du 12 mars 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25471 du rôle et déposée le 4 mars 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatho

lahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Tribunal administratif Numéro 25471 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2009 3e chambre Audience publique extraordinaire du 12 mars 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25471 du rôle et déposée le 4 mars 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité palestinienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 26 février 2009 ordonnant son placement en rétention au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley Freyermuth, en remplacement de Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 mars 2009.

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Monsieur …, né le … , déclarant être de nationalité palestinienne, sinon faisant déclarer à l’audience être de nationalité tunisienne mais précisant en cours de délibéré de nouveau être de nationalité palestinienne, sinon de nationalité israélienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étranger en situation irrégulière de Schrassig déposa une demande en obtention du statut de réfugié le 10 avril 2006.

Il fut débouté de cette demande par le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration par une décision du 29 août 2006 contre laquelle il n'a pas interjeté appel, de sorte qu’il se trouve en situation irrégulière sur le sol luxembourgeois depuis le début du mois de novembre 2006.

Le requérant avait déjà fait l'objet d'une mesure de placement en 2007.

Par décision du 1er mars 2007 du tribunal d’arrondissement, chambre correctionnelle, il a été condamné pour infraction à la loi sur la toxicomanie à six mois de prison, cette peine arrivant à son terme le 1 er mars 2009.

Il a fait l'objet d'un refus de séjour et d'une mesure de placement le 26 février 2009, notifiés le 27 février 2009.

Par requête déposée le 4 mars 2009 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de placement en rétention pré-mentionnée du 26 février 2009.

Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement en rétention, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal qui est à déclarer recevable.

Le recours subsidiaire en annulation doit dès lors être déclaré irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que le ministre n’aurait pas fait tous les efforts et toutes les démarches nécessaires en vue d'assurer que la mesure d'éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs.

Le requérant vivrait sa «rétention» au Centre pénitentiaire de Schrassig comme un traitement dégradant, et constitutif d'une atteinte intolérable à sa liberté.

Il serait naturellement dégradant d'être « retenu » et incarcéré au Centre pénitentiaire de Schrassig sans avoir commis une infraction à la loi pénale.

Il en résulterait une atteinte intolérable à la liberté telle que protégée par les dispositions de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans le même ordre d'idée le requérant estime que le Centre pénitentiaire de Schrassig ne serait pas à considérer comme une « structure fermée » telle que prévue à l'article 120 (1) de la loi précitée du 29 août 2008.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine application de la loi, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours.

Il soutient ensuite qu’un manque de diligences suffisantes ne saurait être reproché au ministre. Il fait valoir que l’identité du demandeur ne serait pas clairement établie de sorte à être obligé de procéder à un test linguistique afin de déterminer l’origine exacte du demandeur.

Aux termes de l’article 120, paragraphe 1 de la loi précitée du 29 août 2008 :

« (1) Lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 est impossible en raison des circonstances de fait, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée. (…). La durée maximale est fixée à un mois. (…) Cette disposition permet au ministre, dans l’hypothèse où l’exécution d’une mesure d’éloignement est impossible en raison de circonstances de fait, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois.

Le ministre compétent est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger en raison de circonstances de fait, lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son refoulement immédiat et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et desdits documents.

Il en résulte qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution de l’éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois et qu’il incombe donc à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

En l’espèce, il est constant que le demandeur ne dispose pas de documents d’identité et de documents de voyage pour permettre son éloignement immédiat vers son pays d’origine.

En outre il se dégage des éléments du dossier que le demandeur ne collabore pas à l’établissement de son identité et de sa nationalité alors que le ministre a dû saisir trois ambassades afin de rechercher sa nationalité et son identité.

Ainsi furent saisies les Ambassades d'Israël, qui répondit le 30 décembre 2008 que le requérant lui était inconnu, de Libye qui répondit le 5 janvier 2009 qu'un rendez-vous pour une entrevue avec le requérant pouvait être fixée et du Maroc qui répondit par courrier du 19 février 2009 qu'elle chercherait à identifier le requérant.

Il est également à relever que le requérant a reconnu au mois de février 2009 que l'identité de Mohamed Saki … était une fausse identité, qu'il serait né sous le nom de … , en Espagne le … et qu’il serait d'origine marocaine (voir p.v. de la police du 12 février 2009).

Dans ces conditions, le ministre a estimé à bon droit qu’il y a lieu de procéder à un test linguistique de l’intéressé afin de déterminer son pays de provenance qui, selon les explications fournies à l’audience par le délégué du gouvernement, a dû se dérouler le 11 mars 2009.

Au vu des circonstances de l’espèce, et en particulier du défaut manifeste de collaboration du demandeur, celui-ci est malvenu de reprocher au ministre d’avoir pris des mesures insuffisantes pour permettre son rapatriement, étant donné qu’une meilleure collaboration de sa part en vue de l’établissement de son identité aurait été de nature à accélérer les procédures et à faciliter son rapatriement.

Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché aux autorités luxembourgeoises, au vu des considérations énoncées ci-avant, de ne pas avoir entamé les démarches utiles et nécessaires en vue de l’éloignement du demandeur.

Quant au moyen tiré du caractère inapproprié du lieu de rétention, il y a lieu de rappeler que la mesure de placement litigieuse a été prise sur le fondement des dispositions de la loi précitée du 29 août 2008 qui se limite à exiger que l’étranger en situation irrégulière soit placé, en vue de son éloignement, dans une « structure fermée » et n’impose plus le placement dans un « lieu approprié ». Dès lors, le moyen du demandeur tiré du fait que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi du 28 mars 1972, abrogée par la loi du 29 août 2008, est à rejeter pour ne pas être pertinent.

Le demandeur estime encore que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, en ce qu’il ferait l’objet d’une mesure privative de liberté disproportionnée.

S’il est vrai que d’après l’article 120 de la loi précitée du 29 août 2008, la simple qualité d’étranger se trouvant au pays sans y être autorisé et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement autorise le ministre à le placer en rétention dans une structure fermée au cas où il existe des circonstances de fait rendant l’exécution de ladite mesure d’éloignement impossible, il n’en demeure pas moins qu’en vertu du principe de proportionnalité, la mesure de placement en rétention doit être proportionnée à la situation personnelle de l’étranger ainsi visé. Il échet en effet de vérifier si, par rapport à la situation dudit étranger, son placement dans une structure fermée est approprié, étant entendu que non seulement l’opportunité du principe de l’enfermement doit être examinée dans ce contexte, mais également le type de structure fermée retenu par le ministre, afin de pouvoir vérifier si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité (cf. trib. adm. 9 février 2009, n° 25344 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu).

Ne sont toutefois à prendre en considération dans le cadre de cet examen que les éléments liés à la personne même de l’étranger.

En l’espèce, le demandeur, à part des affirmations d’ordre général, ne fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les restrictions apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif de la mesure de placement.

Le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité laisse partant d’être fondé.

En ce que le requérant invoque une violation de l’article 5 de la Convention des Droits de l’Homme il y a lieu de rappeler que cet article prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures respectivement d’éloignement et de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays. (TA 3-10-02 N° 15408, confirmé par arrêt du 17-10-02, 15439C) Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 12 mars 2009 par :

Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Marc Feyereisen 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25471
Date de la décision : 12/03/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-03-12;25471 ?

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