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04/03/2009 | LUXEMBOURG | N°24740

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 mars 2009, 24740


Tribunal administratif Numéro 24740 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 août 2008 3e chambre Audience publique du 4 mars 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle et d’un règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 en matière de fonctionnaire d’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24740 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 août 2008 par Maître Richard Sturm, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, institutrice, demeurant à L-…, tendant ...

Tribunal administratif Numéro 24740 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 août 2008 3e chambre Audience publique du 4 mars 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle et d’un règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 en matière de fonctionnaire d’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24740 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 août 2008 par Maître Richard Sturm, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, institutrice, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation 1. d’une décision du 3 juin 2008 prise par le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle lui refusant le taux par elle sollicité pour le calcul des heures supplémentaires et de rattrapage prestées en tant qu’institutrice de l’éducation primaire de janvier 2002 à décembre 2005 ;

2. d’un règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 concernant les indemnités dues au personnel suppléant et aux chargés de cours de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement spécial et les leçons supplémentaires ;

Vu l’exploit de l’huissier de Justice Jean-Claude Steffen, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 21 août 2008 portant signification de ce recours à l’administration communale de Sanem, établie à L-4477 Belvaux, 60, rue de la Poste ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2008 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2008 par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sanem, notifié à Madame … le 6 novembre 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2008 par Maître Richard Sturm, mandataire de Madame …, notifié à l’administration communale de Sanem le même jour ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2008 par Maître Georges Pierret au nom de l’administration communale de Sanem, notifié à Maître Richard Sturm le 2 décembre 2008 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2008 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Kalthoum Boughalmi, en remplacement de Maître Richard Sturm, Maître Sébastien Coy, en remplacement de Maître Georges Pierret et le délégué du gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 janvier 2009.

Vu la rupture du délibéré prononcé le 21 janvier 2009 ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 janvier 2009 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2009 par Maître Georges Pierret au nom de l’administration communale de Sanem ;

Vu le mémoire supplémentaire déposée au greffe du tribunal administratif le 9 février 2009 par Maître Richard Sturm au nom de Madame … ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Kalthoum Boughalmi, en remplacement de Maître Richard Sturm, Maître Sébastien Coy, en remplacement de Maître Georges Pierret et le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 février 2002.

Madame … travailla dans le secteur privé de 1978 à 1995.

De 1995 à 1998, elle fréquenta l’Haute Ecole Robert Schumann à Virton pour obtenir le diplôme d’institutrice de l’enseignement primaire le 23 juin 1998.

Le 2 juillet 1998, elle subit avec succès au Luxembourg l’examen-concours réglant l’accès à la fonction d’instituteur de l’enseignement primaire.

Elle fut définitivement nommée par le conseil communal de Sanem comme institutrice dans l’enseignement primaire à partir de l’année 1998/1999.

Le 25 novembre 2005, l’avocat de Madame … s’adressa au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en les termes suivants :

« Monsieur le Ministre, J’ai l’honneur de vous informer que je suis le conseil de Madame …, demeurant à L-

4985 Sanem, 8, rue du Verger, qui m’a chargé de la sauvegarde de ses intérêts.

Ma mandante a sollicité, à différentes reprises, une reconstitution de sa carrière de fonctionnaire d’Etat avec bonification d’ancienneté, alors qu’elle estime que ses décomptes de rémunération ne tenaient pas compte, notamment en ce qui concerne le paiement des heures supplémentaires et de rattrapage, de son ancienneté de service réel.

Je fais suite, à ce propos, aux différents courriers échangés avec votre administration et le ministère de la Fonction publique.

Pour une meilleure gouverne, je me permets de vous retracer l’historique de la carrière professionnelle de ma mandante, qui se résume comme suit :

Ma mandante a travaillé dans le secteur privé auprès du Crédit Suisse de 1979 à août 1995.

Elle a, ensuite, résilié son contrat de travail, pour poursuivre des études pédagogiques auprès de l’ISERP, afin de parfaire sa formation d’institutrice et ce de septembre 1995 à septembre 1998.

En octobre 1998, elle fut nommée aux fonctions d’institutrice auprès de l’école primaire de Sanem.

En ce qui concerne la reconstitution de carrière de ma mandante, et par référence aux textes légaux en vigueur, relatifs aux traitements des fonctionnaires de l’Etat, l’âge de 21 ans est considéré comme âge fictif de début de carrière, qui remonte ainsi à octobre 1989. Une fois obtenue la nomination définitive au grade de début de sa carrière, il est tenu compte, pour le calcul de son traitement initial, entre autres, de la moitié du temps passé ailleurs qu’au service de l’Etat, avant la nomination définitive.

Il en résulte qu’au 1er octobre 2001, l’ancienneté de service de ma mandante, atteint l’échelon 12.

Or, s’il est juste que le salaire de base lui est attribué, à partir de cette date, selon cet échelon, il en est autrement pour le calcul des décomptes relatifs aux prestations d’heures supplémentaires et de rattrapage, tel qu’en justifie le décompte présenté et les décomptes retenus dans le cadre des fiches de salaire lui remis.

Dès l’année 2002, sans préjudice quant à une date plus précise, ma mandante est intervenue tant auprès de la commune que de l’administration du Personnel de l’Etat et du ministère de la Fonction publique.

J’estime dès lors que d’une part, la prescription qui est édictée par l’article 2277 du Code Civil, a été valablement interrompue.

Je me permets, à ce titre, de vous annexer à la présente, le détail des revendications de ma mandante, relatif au paiement des heures supplémentaires et de rattrapage.

La présente vaut, pour autant que de besoin, réclamation formelle quant à l’application erronée de l’ancienneté des années de service de ma mandante quant au décompte relatif à ses heures supplémentaires prestées d’octobre 2001 à ce jour.

La présente vous est également adressée pour interrompre tout délai de prescription.

Je vous prierais de bien vouloir me faire parvenir, au vu de l’urgence et de l’ancienneté de cette affaire, une réponse sous quinzaine.

Tous droits de ma mandante, notamment le droit de saisir les juridictions administratives, restent formellement réservés.

En espérant toutefois qu’il ne sera pas besoin d’en arriver là, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments très distingués. » Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative fit parvenir ce courrier au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle.

Le 30 janvier 2006, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle fit parvenir à l’avocat de Madame … une réponse libellée comme suit :

« Maître, J’accuse bonne réception de votre courrier en date du 11 janvier 2006 et de votre télécopie du 18 janvier 2006 dans l’affaire émargée.

Votre mandante estime que ses décomptes de rémunération ne tiendraient pas compte de son ancienneté de service réelle pour ce qui est du calcul des heures supplémentaires.

Tout d’abord, je tiens à préciser que les heures supplémentaires sont payées par les communes respectives à leur personnel enseignant et non par les services de mon ministère.

Pour ce qui est du cas d’espèce de votre mandante, je tiens à soulever qu’il y a lieu de faire la distinction entre d’une part, la bonification d’ancienneté qui est calculée pour la fixation du traitement initial et qui consiste à prendre en compte l’expérience professionnelle aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, l’expérience dans le privé ne comptant que pour moitié et dans le secteur public pour sa totalité et d’autre part, les années de service qui sont pris en compte pour la fixation de l’indemnité due au personnel enseignant pour toute leçon supplémentaire.

Dans ce contexte il y a lieu de comprendre par années de service, les années pendant lesquelles la personne a effectivement enseigné. En effet, il ressort de l’article 2, alinéa 2, du règlement modifié du gouvernement en Conseil du 4 octobre 1991 concernant entre autres les indemnités pour leçons supplémentaires que « les indemnités dues pour une leçon supplémentaire d’enseignement direct sont les suivantes pour les personnes visées sous I A (détenteur du brevet d’aptitude pédagogique, du certificat d’études pédagogiques, du certificat d’instituteur d’économie familiale ou d’un certificat reconnu équivalent pour le ministre de l’Education nationale) pendant les 12 premières années de service 6,36 Euros à l’indice 100 et avec plus de 12 années de service, 8,69 Euros à l’indice 100.

Il ressort clairement de cette disposition que les douze années de service à prendre en compte ici sont les douze années en tant qu’enseignant détenteur d’un des diplômes énuméré ci-dessus.

Vous comprenez dès lors qu’au vu des remarques qui précèdent, votre mandante n’a pu bénéficier d’un autre taux pour le calcul des heures supplémentaires, alors qu’elle ne totalise à l’heure actuelle que 8 années de service et ne pourra donc bénéficier du taux supérieur qu’à partir de l’année 2010, soit 12 années après son entrée en service en tant qu’institutrice de l’éducation primaire.

Veuillez agréer, Maître, l’expression de mes sentiments distingués. » La décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle fut annulée par un jugement du tribunal administratif du 20 décembre 2006, n° 21177 du rôle.

Le 5 décembre 2007, le gouvernement en conseil prit un nouveau règlement concernant les indemnités dues au personnel suppléant et aux chargés de cours de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement spécial et les indemnités pour leçons supplémentaires qui fut publié au Mémorial A N° 3 du 11 janvier 2008 et qui entra en vigueur le jour de sa publication au Mémorial, c’est-à-dire le 11 janvier 2008.

Suite à l’annulation de la décision du 30 janvier 2006, le ministre prit le 3 juin 2008 une autre décision libellée comme suit :

« Concerne: Heures supplémentaires.

Madame, Je me permets par la présente de revenir à l'affaire émargée.

Vous estimez que vos décomptes de rémunération ne tiendraient pas compte de votre ancienneté de service réelle pour ce qui est du calcul des heures supplémentaires.

Tout d'abord, je tiens à préciser que les heures supplémentaires sont payées par les communes respectives à leur personnel enseignant et non par les services de mon ministère.

Ensuite, je tiens à vous informer qu'un nouveau règlement du Gouvernement en Conseil daté du 5 décembre 2007 concernant les indemnités dues au personnel suppléant et aux chargés de cours de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de l'enseignement spécial et les indemnités pour leçons supplémentaires a été pris et publié au Mémorial A n°3 du 11 janvier 2008 page 26.

Suivant les dispositions de ce règlement et plus précisément l'article 2, il y a lieu de comprendre par années de service, les années pendant lesquelles la personne a effectivement enseigné.

Il ressort ainsi de l'article 2, alinéa 2, du règlement modifié du Gouvernement en Conseil précité que « L'indemnité due pour une leçon supplémentaire d'enseignement direct est la suivante pour les personnes visées sous I A (Remplaçant admis ou admissible à la fonction d'instituteur de l'éducation préscolaire et/ou de l'enseignement primaire) pendant les 12 premières années de service depuis la première nomination à la fonction: (dans l'enseignement) », 6,52.- Euros à l'indice 100 et « avec plus de 12 années de service depuis la première nomination à la fonction: (dans l'enseignement) », 8,92.- Euros à l'indice 100.

Il ressort clairement de cette disposition que les douze années de service à prendre en compte ici sont les douze années en tant qu'enseignant admis ou admissible à la fonction d'instituteur.

Vous comprenez dès lors qu'au vu des remarques qui précèdent, vous ne pouvez pas bénéficier d'un autre taux pour le calcul des heures supplémentaires, alors que vous ne totalisez à l'heure actuelle que 10 années de service et ne pourrez donc bénéficier du taux supérieur qu'à partir de l'année 2010, soit 12 années après votre entrée en service en tant qu'institutrice de l'éducation primaire ».

Par requête déposée le 18 août 2008 au greffe du tribunal administratif, Madame … fit introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de la décision litigieuse du 3 juin 2008 et à l’encontre du règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 concernant les indemnités dues au personnel suppléants et aux chargés de cours de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement spécial et les leçons supplémentaires.

1. Le recours introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 3 juin 2008 Etant donné qu’aux termes de l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désigné par « le statut général des fonctionnaires de l’Etat » « les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond », le recours en annulation introduit en ordre principal est irrecevable.

En l’espèce Madame … conteste l’application du taux horaire applicable aux heures supplémentaires ne tenant pas compte de son ancienneté de service telle qu’elle fut arrêtée pour la fixation de son traitement initial, de sorte que la contestation porte bien sur une décision relative à la fixation des traitements en principal et accessoires1.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire. Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

Le délégué du gouvernement soulève que le mémoire en réplique déposée par Madame … serait irrecevable pour cause de dépôt tardif.

1 Cf. TA 14 février 2001, n° 12100 et les autres références y citées, Pas. adm. 2008, V° Fonction publique, n° 270.

En présence de plusieurs parties admises à fournir une réponse, le délai pour répliquer court en principe à partir du dernier dépôt, sinon de la communication des mémoires en réponse fournis2, de sorte que le délai pour fournir le mémoire en réplique a commencé à courir à partir du 6 novembre 2008, date de dépôt du mémoire en réponse de la commune de Sanem. Il s’en suit que le mémoire en réplique déposé le 11 novembre 2008 a été déposé dans le délai légal d’un mois.

A l’appui de son recours, Madame … fait valoir que la décision litigieuse faisant suite à sa demande du 25 novembre 2005 et fondée sur le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 devrait encourir l’annulation, sinon la réformation, au motif qu’en vertu du principe de non rétroactivité des actes administratifs, ledit règlement du gouvernement en conseil ne saurait concerner le paiement des arriérés de salaires relatifs aux heures supplémentaires et heures de rattrapage prestées de janvier 2002 à décembre 2005, de sorte que la décision litigieuse ne serait basée sur aucun texte légal.

Le délégué du gouvernement répond qu’on se trouverait en l’espèce dans une situation de vide juridique, de sorte que Madame … ne pourrait se prévaloir ni de l’un, ni de l’autre des taux applicables aux heures supplémentaires et de rattrapage tels que prévus à l’époque par le règlement du gouvernement en conseil du 4 octobre 1991. Il ajoute que si la décision litigieuse devrait de nouveau être annulée, l’affaire serait de nouveau renvoyée au ministre qui ne pourrait toujours pas exécuter le jugement puisque le règlement du gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 ne serait pas opposable aux parties au litige.

La commune de Sanem répond qu’en application du principe de non-rétroactivité, le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 ne saurait viser des situations antérieures à sa publication, de sorte qu’on se trouverait face à une situation où aucun acte réglementaire du gouvernement, à savoir ni celui du 4 octobre 2001, ni celui du 5 décembre 2007 ne pourrait s’appliquer au cas d’espèce de Madame ….

Madame … réplique qu’en cas d’annulation de la décision litigieuse, le tribunal devrait, sous peine de commettre un déni de justice, indiquer sur quelles bases la nouvelle décision devrait être prise.

Elle estime qu’en présence du vide juridique existant en la matière, elle serait à traiter comme une employée privée et il y aurait lieu de lui appliquer l’article 18, alinéa 1er du texte coordonné du 5 décembre 1989 sur le louage de service des employés privés.

A titre subsidiaire il y aurait lieu de constater qu’un usage tendant à voir appliquer le taux de majoration de l’ordre de 36,67 % au profit des instituteurs ayant plus de 12 années d’ancienneté de service se serait constitué, de sorte qu’il y aurait lieu de faire droit à ses prétentions.

Elle ajoute qu’étant donné qu’elle aurait bénéficié pendant le 1er semestre 2001 du taux horaire applicable à l’enseignant pouvant faire valoir une ancienneté supérieure à 12 années de service, les autorités administratives auraient commis un excès de pouvoir en lui appliquant à 2 Cf. TA 10 décembre 2007 et autres références citées, Pas. adm. 2008, V° Requête introductive d’instance, n° 587.

partir du 2ème semestre 2002 le taux horaire applicable à l’enseignant ne pouvant faire valoir une ancienneté inférieure à 12 années de service.

A titre encore plus subsidiaire, elle sollicite la nomination d’un expert pour établir le décompte des paiements à effectuer au titre des heures supplémentaires par elle prestées depuis le mois de septembre 2001.

La partie étatique duplique que Madame … en tant que fonctionnaire d’Etat ne saurait se voir appliquer la législation applicable aux employés privés. L’Etat conteste encore qu’un usage se serait crée par l’application du règlement du gouvernement en conseil du 4 octobre 1991. Le délégué du gouvernement conclut que ce serait à juste titre que la décision ministérielle litigieuse préciserait que Madame … ne saurait bénéficier d’un autre taux que celui dont elle a bénéficié puisque tant le règlement du gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 que celui du 5 décembre 2007 préciseraient que les 12 années de service à prendre en compte pour l’application du taux des heures supplémentaires seraient celles prestées dans l’enseignement et non 12 années de service prestés dans n’importe quel domaine.

La commune conteste qu’un usage se serait formé dans le cadre de la rémunération des heures supplémentaires et que Madame … aurait bénéficié d’un droit acquis dans la mesure où elle aurait bénéficié pendant un semestre du taux applicable à l’enseignant disposant d’une ancienneté supérieure à 12 années de service.

Il ressort de la décision litigieuse du 3 juin 2008 qu’elle est fondée sur le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 et plus précisément sur l’article 2 de ce règlement.

L’article 8 du règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 précise que « le présent règlement entrera en vigueur le jour de sa publication au Mémorial ». En application de cet article le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 est entré en vigueur le 11 janvier 2008.

En l’espèce, bien que la décision litigieuse du 3 juin 2008 ait été prise après l’entrée en vigueur du règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007, tant la demande de Madame … à se voir appliquer un autre taux horaire pour la rémunération de ses heures supplémentaires que les heures prestées de janvier 2002 à décembre 2005 se sont situées avant l’entrée en vigueur du règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007.

Il s’en suit qu’en application du principe de non-rétroactivité et à défaut de disposition contraire en ce sens dans le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007, les leçons prestées dans le passé restent soumises aux anciennes dispositions. S’il est vrai que le texte nouveau est immédiatement applicable, il n’est cependant pas permis de le reporter en arrière et de l’appliquer à la création de situation juridiques établies – que ce soit par l’effet d’actes juridiques ou de faits juridiques – sous l’empire de l’ancien texte. L’acquisition d’un droit ou la création d’une situation juridique est régie et reste régie par le texte en vigueur au moment de l’acquisition ou de la création du droit. C’est l’application de la « loi du moment »3.

3 Cf. Pierre Pescatore, Introduction à la science du droit, Office des Imprimés de l’Etat, 1960, p. 314-319.

Au vu de ce qui précède, le ministre n’a pas pu appuyer sa décision de refus sur un texte qui n’était pas encore en vigueur au moment de la création de la situation juridique sous-

jacente à la décision prise.

Quant à la demande de Madame … de se voir appliquer, en présence du vide juridique existant en la matière, l’article 18, alinéa 1er du texte coordonné du 5 décembre 1989 sur le louage de service des employés privés, le tribunal ne saurait appliquer à la situation de Madame …, qui est fonctionnaire d’Etat, un texte qui s’applique exclusivement aux employés privés.

De même, la demande de Madame … à voir constater qu’un usage se serait constitué tendant à appliquer le taux de majoration de l’ordre de 36,67 % au profit des instituteurs bénéficiant d’une ancienneté de service supérieure à 12 ans est à rejeter. En effet, il ressort de l’analyse du dossier que la pratique suivie au sein de l’Etat consiste à appliquer l’indemnité majorée pour la rémunération des heures supplémentaires à partir d’une ancienneté de service supérieure à 12 ans et que les années de service prises en compte sont celles passées dans l’enseignement depuis la première nomination, de sorte que même en admettant qu’un usage se soit crée, Madame … n’aurait pas droit à l’indemnité majorée étant donné qu’elle ne totalise une ancienneté de service en tant qu’institutrice de 10 ans seulement.

Madame … fait encore valoir que les autorités administratives auraient commis un excès de pouvoir en lui appliquant, à partir du 2ème semestre 2002, pour le calcul de ses heures supplémentaires le taux horaire dû à l’enseignant pouvant faire valoir une ancienneté de service inférieure à 12 années, tandis qu’elle aurait bénéficié pendant le 1er semestre 2001 du taux horaire dû à l’enseignant pouvant faire valoir une ancienneté supérieure à 12 années.

En l’espèce, le tribunal est saisi d’un recours adressé à l’encontre d’une décision du ministre considérant les années mises en cause de janvier 2002 à décembre 2005 et se prononçant de façon globale sur le taux horaire applicable aux heures supplémentaires prestées par Madame … et non pas d’un recours adressé à l’encontre des différents décomptes de salaire établis par la commune de Sanem relatifs aux heures supplémentaires payés.

Il s’en suit que le moyen avancé que les autorités administratives auraient commis un excès de pouvoir n’est pas pertinent dans le cadre du présent litige, ceci d’autant plus que les heures supplémentaires sont payées par les communes respectives à leur personnel enseignant et non pas par l’Etat.

Il résulte de tout ce qui précède que la décision ministérielle litigieuse du 3 juin 2008 qui se fonde sur le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 et en l’absence d’autre base légale encourt dans le cadre du recours en réformation l’annulation pour absence de motifs légaux.

Madame … fait encore valoir que le tribunal, en cas d’annulation de la décision, devrait indiquer, sous peine de commettre un déni de justice, les bases sur lesquelles la décision devrait être prise.

Il est constant en cause que la situation de Madame … ne saurait être actuellement solutionnée ni par l’application du règlement du gouvernement en conseil du 4 octobre 1991, ni par l’application du règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007, ni par application d’un autre texte légal ou réglementaire. En effet le règlement du gouvernement en conseil du 4 octobre 1991 ne peut servir de base légale à la décision prise ou à prendre, étant donné que le jugement du 20 décembre 2006 (n° 21177 du rôle) coulée en force de chose jugée a retenu que ledit règlement ne saurait avoir force obligatoire et ne peut dès lors recevoir application. Le nouveau règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 ne peut pas non plus servir de base légale à la décision prise ou à prendre étant donné que son entrée en vigueur se situe après la naissance de la situation juridique sous analyse.

S’il est certes exact que la juridiction saisie, statuant au fond est appelée à remplacer en principe la décision viciée, il n’en reste pas moins que le tribunal est tenu de prendre une nouvelle décision conforme à la loi, étant entendu qu’il appartient à la partie demanderesse, revendiquant une rémunération allant au-delà de la rémunération perçue, d’indiquer la base légale à la source de ses revendications. En l’absence de l’indication d’un texte pertinent susceptible de la faire bénéficier du supplément de rémunération revendiqué, le tribunal se trouve dans l’impossibilité de faire droit à sa demande.

Au vu de l’issue du litige, la demande tendant à voir nommer un expert afin d’établir le décompte des paiements à effectuer au titre des heures supplémentaires prestées par Madame … depuis le mois de septembre 2001 est également à écarter.

2. Le recours introduit à l’encontre du règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 Il est constant que le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 a été publié au Mémorial A du 11 janvier 2008.

L’article 7, paragraphe 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose que le recours introduit contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent doit être introduit dans les trois mois de la publication de l’acte administratif à caractère réglementaire attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance.

Le tribunal avait prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position sur la recevabilité ratione temporis du recours introduit par voie principale à l’encontre dudit règlement.

L’Etat et la commune concluent que le recours introduit serait irrecevable pour cause de tardiveté.

Madame … fait valoir que le recours introduit à l’encontre du règlement du gouvernement en conseil aurait été introduit uniquement dans la mesure où ledit règlement a servi de base à la décision ministérielle de refus du 3 juin 2008, de sorte que le recours introduit à l’encontre du règlement devrait être analysé comme accessoire au recours introduit contre la décision du 3 juin 2008. Elle estime que dans la mesure où le recours introduit contre la décision du 3 juin 2008 serait recevable, le recours introduit à l’encontre du règlement du gouvernement en conseil devrait également être déclaré recevable.

S’il est certes exact que la décision ministérielle litigieuse est fondée sur le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007, il ressort de la requête introductive d’instance que le recours est divisé en deux parties bien distinctes, en ce qu’il est dirigé en premier lieu à l’encontre de la décision ministérielle et en deuxième lieu à l’encontre du règlement.

Dans le cadre du recours introduit contre la décision ministérielle du 3 juin 2008, la partie demanderesse se limite à demander l’annulation de la décision au motif que le règlement en question, en vertu du principe de non-rétroactivité, ne saurait être appliqué à sa situation sans pour autant soulever l’illégalité dudit règlement par voie d’exception en application de l’article 95 de la Constitution.

Dans le cadre du recours introduit contre le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007, il ressort explicitement du dispositif de la requête introductive d’instance que Madame … demande l’annulation par le tribunal administratif du règlement litigieux.

Au vu de ce qui précède, il y a dès lors lieu de retenir que le recours introduit contre le règlement du gouvernement en conseil a été introduit par voie directe ou principale et non pas par voie d’exception.

Etant donné que le recours introduit à l’encontre du règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 a été introduit le 18 août 2008, c’est-à-dire plus de trois mois après sa publication au mémorial en janvier 2008, il a y encore lieu de retenir que le recours est irrecevable pour cause de tardiveté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation introduit en ordre principal contre la décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 3 juin 2008 irrecevable ;

reçoit le recours en réformation introduit en ordre subsidiaire contre la décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 3 juin 2008 en la forme ;

au fond, le dit justifié dans la mesure des moyens d’annulation présentés ;

partant annule la décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 3 juin 2008 ;

rejette la demande de la demanderesse tendant à voir ordonner une expertise ;

déclare le recours introduit contre le règlement du gouvernement en conseil du 5 décembre 2007 concernant les indemnités dues au personnel suppléant et aux chargés de cours de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement spécial et les leçons supplémentaires irrecevable ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 mars 2009 par :

Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge en présence du greffier Claude Legille.

s. Claude Legille s. Marc Feyereisen 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 24740
Date de la décision : 04/03/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-03-04;24740 ?

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