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02/03/2009 | LUXEMBOURG | N°24389

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2009, 24389


Tribunal administratif N° 24389 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mai 2008 1re chambre Audience publique du 2 mars 2009 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 24389 du rôle, déposée le 20 mai 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Alexandre Cayphas, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épous

e, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de ...

Tribunal administratif N° 24389 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mai 2008 1re chambre Audience publique du 2 mars 2009 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 24389 du rôle, déposée le 20 mai 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Alexandre Cayphas, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 février 2008 déclarant non fondée leur réclamation du 27 décembre 2007 formulée par rapport au bulletin d’établissement séparé et en commun des revenus réalisés par la société civile immobilière … durant l’année 2003, émis le 3 octobre 2007 par le bureau d’imposition Sociétés 3 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2008 par Maître Alexandre Cayphas pour compte de Monsieur … et de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pascale Sicurani, en remplacement de Maître Alexandre Cayphas, et Monsieur le délégué du gouvernement Claude Lick en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2009 ;

Vu l’avis du tribunal du 21 janvier 2009 prononçant la rupture du délibéré et invitant les demandeurs à renseigner le tribunal plus précisément sur les activités de la société civile immobilière … ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2009 par Maître Alexandre Cayphas pour compte de Monsieur … et de Madame … ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Claude Lick en ses plaidoiries complémentaires à l’audience publique du 16 février 2009.

________________________________________________________________________

En date du 23 juillet 1992 Monsieur … et son épouse, Madame …, constituèrent la société civile immobilière …, ci-après « la SCI », qui acquit en date du 31 juillet 1992 un appartement en l'état futur d'achèvement à … , appartement que la SCI céda en date du 23 avril 2003 pour un prix de 225 000 €.

La déclaration fiscale pour l'établissement en commun des revenus d'entreprises collectives et de copropriété de l'année 2003 des époux … ayant initialement indiqué la plus-value ainsi réalisée en tant que bénéfice commercial, les époux … firent déposer le 7 août 2007 une déclaration rectificative pour l'établissement en commun des revenus d'entreprises collectives et de copropriété de l'année 2003 excluant la plus-value réalisée des bénéfices commerciaux ainsi qu'une déclaration relative aux revenus provenant de plus-values réalisées lors de la cession d'immeubles du patrimoine privé reprenant les données relatives à la plus-value réalisée.

Le bureau d’imposition Sociétés 3 de l'administration des Contributions directes adressa à la SCI en date du 3 octobre 2007 un bulletin d'établissement des revenus d'entreprises collectives et de copropriété pour l'année 2003 conforme à la déclaration initiale, de sorte que les époux … firent introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes par courrier du 21 décembre 2007 une réclamation à l'encontre dudit bulletin.

Par décision directoriale du 18 février 2008, le directeur de l’administration des Contributions directes déclara la réclamation recevable, mais non fondée aux motifs suivants :

« Vu la requête introduite le 27 décembre 2007 par Maître Pascal Peuvrel, au nom des époux, le sieur Gérard … et la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin portant établissement séparé et en commun des revenus de la société civile immobilière … de l'année 2003, émis le 3 octobre 2007, ainsi que contre le bulletin de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de l'année 2003, émis le 18 juillet 2007 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-

même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ;

qu'en conséquence la présente décision portera sur la réclamation contre le bulletin portant établissement séparé et en commun des revenus de la société civile immobilière … de l'année 2003, l'autre réclamation étant disjointe pour être vidée séparément, sous le no du rôle C 14264 ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition d'avoir intégré un immeuble dans l'actif net investi de la société civile immobilière … et d'avoir imposé le résultat de cession dudit immeuble dans la catégorie de revenus du bénéfice commercial ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public, qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé, qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que la société civile immobilière … fut constituée par les réclamants en date du 23 juillet 1993, avec pour objet définitionnel « la gestion, l'administration, la mise en valeur par l'achat et la vente, l'échange, la construction ou de toute autre manière de propriétés immobilières et l'exercice de toutes activités accessoires, nécessaires ou utiles à la réalisation de l'objet principal » ;

Considérant que les activités ainsi envisagées laissent a priori présumer d'une activité commerciale, mais ne seront, d'après un point de vue économique, constitutives d'un commerce que selon leur mise en pratique ;

Considérant d'ailleurs que la déclaration d'impôt remise du chef de la société immobilière … pour l'année litigieuse faisait sans équivoque état d'un bénéfice commercial, y compris le bénéfice résultant de la cession immobilière ;

que le bureau d'imposition a admis la déclaration en bloc et l'a seulement transposée, sans changement, lors de l'imposition ;

Considérant qu'il appert à titre indicatif que les statuts de la s.c.i. précitée se réfèrent expressément en leur article 15 à la loi du 10 août 1915, donc relative aux sociétés commerciales ;

Considérant qu'il est constant que le réclamant exerçait l'activité professionnelle de promoteur immobilier, d'une part, en son nom personnel, dans l'immeuble cédé, ce que concède encore la requête introductive, d'autre part, en tant qu'associé notamment de la société à r.l. …, cette société étant locataire de l'immeuble cédé ;

Considérant qu'il résulte de ces développements que l'immeuble était entièrement destiné aux activités commerciales de la promotion immobilière du réclamant soit en nom personnel soit en tant qu'associé, sans qu'on puisse nettement dissocier cette double activité ;

que c'est donc à juste titre que le bureau d'imposition a considéré l'immeuble comme faisant partie de l'actif net investi d'un agent immobilier ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ; (…) » Par requête déposée le 20 mai 2008, les époux … ont fait déposer une requête tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 février 2008.

La partie étatique soulève à ce sujet l’irrecevabilité de la requête introductive d’instance pour cumuler un recours en réformation et un recours en annulation, ne serait-

ce qu'à titre subsidiaire, le délégué du gouvernement estimant à cet égard que ces deux recours seraient incompatibles car ne procédant pas de la même cause, n'ayant pas le même objet et reposant sur des moyens juridiques fondamentalement différents, de sorte que le principe d'une bonne administration de la loi s'opposerait à la recevabilité d'une telle requête qu’il qualifie de « collective ».

Il convient cependant de relever que du fait que les demandeurs n’ont articulé les deux demandes différentes qu’en ordre de subsidiarité successive, c’est-à-dire que le recours a été formulé principalement en tant que demande en réformation et seulement subsidiairement en tant que demande en annulation, il ne saurait être question de requête collective ni de cumul de deux demandes différentes, le tribunal n’étant appelé à statuer sur la recevabilité de la demande subsidiaire en annulation qu’à défaut de recevabilité de la demande principale en réformation.

Or conformément au paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours au fond est ouvert contre la décision directoriale litigieuse, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par le demandeur. Le recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire.

Avant d’aborder le fond de l’affaire, le tribunal tient à souligner une incohérence émaillant tant la procédure administrative que la procédure contentieuse. En effet, si le litismandataire des demandeurs souligne dans le cadre de son mémoire supplémentaire qu’une erreur serait « apparue » en ce sens que l’appartement vendu ne serait pas situé à Mondercange, mais à Esch-sur-Alzette, route de Mondercange, force est de constater que les demandeurs ont indiqué dans leur déclaration de revenu provenant de plus-values réalisées lors de la cession d’immeubles du patrimoine privé pour l’année d’imposition 2003 en tant qu’adresse de l’immeuble réalisé « …, rue d’Esch, L-3920 Mondercange », la même adresse étant encore reprise par leur avocat dans la réclamation du 21 décembre 2007 adressée au directeur de l’administration des Contributions directes ainsi que dans la requête introductive d’instance.

Force est encore de constater à l’étude des pièces versées en cause que cette adresse correspond par ailleurs à un immeuble existant, l’adresse en question apparaissant en effet dans divers actes comme étant celle d’un cocontractant de la SCI.

L’administration des Contributions directes n’ayant cependant manifestement pas été induite en erreur par cette fausse indication, le tribunal n’entend pas en tirer une quelconque conséquence juridique.

A l’appui de leur recours, les époux … font plaider que ce serait à tort que l'administration des Contributions directes a intégré l'appartement dans l'actif net investi de l'agence immobilière exploitée par Monsieur … en nom personnel. Ils expliquent à ce sujet que la SCI n'aurait pas exercé elle-même l'activité d'agent immobilier et qu’elle n'aurait été utilisée que pour la détention de l'appartement en tant que patrimoine privé des requérants. Par ailleurs, ils affirment que l'intégralité de l'appartement aurait fait l'objet d'un contrat de location antérieurement à l'exercice de l'activité d'agent immobilier par Monsieur …, de sorte que ce dernier n'avait pas la possibilité d'apporter cet immeuble à l'actif net de sa nouvelle entreprise. Tout au plus Monsieur …, en tant qu'agent immobilier indépendant, serait à considérer comme un sous-locataire de partie de l'appartement, de sorte que la plus-value réalisée en 2003 sur l'appartement serait à considérer comme un revenu provenant de plus-values réalisées lors de la cession d'immeubles du patrimoine privé et à imposer conformément à la déclaration introduite le 7 août 2007.

Le délégué du gouvernement rétorque à cette argumentation que les époux …, en choisissant un objet social purement commercial, auraient manifesté dès la création de la SCl leur intention de s'adonner à des activités commerciales. Par ailleurs, il estime qu’il résulterait de l'instruction du dossier fiscal que pour les années antérieures à celle en cause, les revenus de la SCI auraient toujours été imposés dans la catégorie de bénéfice commercial, ce que les époux … n'auraient non seulement jamais contesté mais qu'ils auraient encore expressément accepté.

Les demandeurs en revanche donnent à considérer que la nature commerciale de l'activité de la SCI ne se présumerait pas, mais devrait, au contraire, s'analyser in concreto, sur base de son activité effective depuis sa création. Or, à cet égard la SCI n'aurait eu à aucun moment une activité commerciale, alors même qu'elle n'aurait acquis qu'un seul immeuble qu'elle aurait par la suite donné en location, puis cédé au cours de l'exercice 2003 ; ils estiment que ces activités resteraient du domaine du privé. Plus précisément, ils estiment encore que la qualification des revenus générés grâce à l'immeuble loué par la SCI ne saurait dépendre des seules indications figurant dans les statuts de la SCI quant à son objet social, alors même que l'ensemble des faits indiquerait une réalité économique différente : le fait que le locataire dudit immeuble, la société … s.

à r.1., exerce quant à elle une activité commerciale n'aurait aucune incidence sur la qualification des revenus réalisés par le bailleur, à savoir la SCI.

Les époux … contestent par ailleurs avoir reconnu ou accepté que l'immeuble appartenant à la SCI ait fait partie de la fortune d'exploitation personnelle de l’entreprise personnelle de Monsieur …, alors même que l’immeuble en question aurait été acquis par la SCI et qu'il ferait partie du patrimoine de cette dernière. De même, ils estiment qu’il ne saurait leur être fait grief de n'avoir pas contesté des bulletins d'établissement de l'impôt indiquant un bénéfice commercial, alors même que les revenus n'ont jamais été déclarés comme tels, à partir du moment où la qualification des loyers en bénéfice commercial par l'administration des Contributions directes pour les années passées n'aurait pas eu d'incidence majeure sur leur charge fiscale annuelle.

La question qui divise les parties à l’instance est celle de savoir si la plus-value réalisée par la SCI lors de la cession de l’immeuble lui appartenant doit être imposée dans la catégorie des revenus nets divers ou dans celle de bénéfice commercial, cette question devant être tranchée dans le cadre spécifique du régime d’imposition des revenus d’une société de personnes.

Or, conformément au § 11bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG »1, qui dispose que « les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les groupements d’intérêt économique, les groupements européens d’intérêt économique et les sociétés civiles sont considérés comme n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celle des associés », les sociétés de personnes, dont les sociétés civiles immobilières, sont considérées comme fiscalement transparentes en matière d’imposition sur le revenu, c’est-à-dire - encore qu’en droit des sociétés elles soient considérées comme ayant une personnalité juridique distincte - elles ne constituent pas des sujets fiscaux autonomes, de sorte ne pas être imposées dans leur propre chef, mais dans le chef de leurs associés qui sont soumis personnellement à l’impôt sur le revenu pour leur part dans le revenu de la société.

Par ailleurs, une société de personnes, qu’elle soit commerciale ou civile, ne qualifie jamais le revenu fiscal uniquement par sa forme, étant donné que l’article 14 (2) LIR précise à cet égard que les revenus réalisés par une société de personnes ne sont considérés comme du bénéfice commercial au sens de l’article 14 , alinéa 1er, LIR que si lesdits revenus peuvent être considérés comme bénéfice commercial dans les mains d’un entrepreneur individuel. En d’autres termes, pour que l'activité d'une société de personnes puisse être considérée comme commerciale au regard de la loi fiscale, il faut qu'elle rentre pour partie au moins dans le cadre de l'entreprise commerciale au sens de la définition donnée par l’alinéa 1er de l'article 14 LIR. Si tel est le cas, toutes ses activités sont réputées faire partie d'une seule et même entreprise commerciale collective. Par 1 Tel qu’insérée dans la loi d’adaptation fiscale par l’article 175 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».

contre, si la société de personnes n'exerce aucune activité commerciale au sens de l’alinéa 1er de l'article 14, les associés ne réalisent pas de bénéfice commercial2.

L’article 14, alinéa 1er LIR dispose à ce sujet qu’est à considérer comme bénéfice commercial, le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, l’entreprise commerciale étant définie comme « toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale… ». Le tribunal doit dès lors examiner la transaction immobilière litigieuse ci-dessus décrite sous l’angle de vue de l’existence cumulative des quatre critères de la loi dont l’existence simultanée définit l’entreprise commerciale et exclut la thèse soutenue par les demandeurs de la simple gestion de la fortune privée.

Il résulte des éléments de fait de la cause que parmi les critères de la loi, il convient d’examiner en premier lieu celui de la permanence de l’activité litigieuse, la délimitation entre l’activité commerciale et la simple gestion du patrimoine privé impliquant une appréciation de l’activité développée par le contribuable à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce.

A ce sujet, aucun élément de la cause ne permet a priori de conclure que l’acquisition en juillet 1992 de l’immeuble vendu en 2003 avait été à l’époque faite en vue d’une prochaine revente, les demandeurs expliquant au contraire que la SCI avait été constituée principalement en vue de la détention dudit appartement, l’acquisition d’un appartement par la SCI pouvant être considérée objectivement comme une opération de gestion de patrimoine privé dont le but aurait été de simplifier la gestion de son patrimoine privé et d’augmenter ainsi ses revenus nets de location, de même que la revente d'immeubles est compatible avec la gestion d'un patrimoine immobilier privé, aussi longtemps que ce patrimoine sert au contribuable principalement à dégager des revenus de location3.

Il convient cependant, en ce qui concerne cette dernière condition dégagée par la jurisprudence, de relever que les demandeurs restent muets quant aux raisons d’être de la vente en 2003 de l’appartement en question. Or, si l’administration d’un patrimoine immobilier privé n’exclut pas qu’il puisse y avoir des mutations, c’est-à-

dire des acquistions et des ventes d’immeubles, il faut que ces mutations soient comprises comme début ou fin d’une activité orientée essentiellement vers une 2 H. Dostert et E. Stoffel, Le bénéfice commercial, Etudes fiscales, décembre 1997, n° 109, p.30, n° 14.27.

3 « Private Vermögensverwaltung ist nach ständiger Rechtsprechung des BFH anzunehmen, solange sich die Tätigkeit noch als Nutzung von Grundbesitz durch Fruchtziehung aus zu erhaltender Substanz darstellt und die Ausnutzung substantieller Vermögenswerte nicht entscheidend in den Vordergrund tritt. … Die Veräusserung von Grundbesitz ist daher der privaten Vermögensverwaltung zuzurechnen, wenn der Steuerpflichtige damit höhere Erträge aus dem vorhandenen Vermögen anstrebt. Veräussert er dagegen den Grundbesitz, um Substanzwertsteigerungen auszunutzen, wird er gewerblich tätig » (BFH, arrêt du 18 janvier 1989, BStBl 1990, II, 1051, 1052).

jouissance des fruits, par notamment la location, et qu’elles ne s’analysent pas comme un négoce déguisé d’immeubles4.

Sur question spécifique du tribunal, il est encore apparu que la SCI s’était livrée en 2000 à une autre opération d’achat-vente, la SCI s’est ainsi portée acquéreuse en date du 19 décembre 2000 d’un appartement également sis à Esch-sur-Alzette, …, route de Mondercange, qu’elle a vendu le même jour à un tiers moyennant une plus-value de 450.000.- francs, opération qui incontestablement a un caractère commercial, la seule finalité de cette opération, dans laquelle la SCI n’a agi que très brièvement en tant qu’intermédiaire, étant de générer dans son chef un gain pécuniaire.

Or, il résulte à ce sujet des travaux préparatoires de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’article 14 LIR que « le caractère de permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète. Pour qu’il y ait permanence, il suffit que l’activité ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d’opérations répétées5 », le même commentaire de l’article 14 précisant que « le caractère de permanence sépare l’activité commerciale … d’actes similaires isolés qui ont lieu dans le cadre de l’administration du patrimoine privé du contribuable ».

A cet égard, force est encore au tribunal de constater que si les demandeurs affirment que la SCI n’aurait été utilisée « que pour la détention de l’appartement en tant que patrimoine privé » - affirmation d’ores et déjà contredite par l’opération d’achat-

vente réalisée en 2000 - et que la SCI ne disposerait plus d’aucun actif immobilier depuis 2003, les demandeurs restent en défaut d’avancer la moindre explication quant la justification de la survie à cette date de la SCI - le litismandataire des demandeurs ayant été absent à l’audience publique du 16 février 2009 au cours de laquelle le tribunal a soulevé cette question -, de sorte que l’explication avancée par le représentant étatique, à savoir que la SCI aurait servi en tant qu’instrument fiscal, instrument qui serait maintenu en dépit de l’absence de tout actif immobilier, doit être retenue comme étant à tout le moins plausible.

Or ce maintien non autrement justifié d’une société civile immobilière, dont l’objet social consiste en « la gestion, l’administration, la mise en valeur par l’achat et la vente, l’échange, la construction ou de toute autre manière de propriétés immobilières et l’exercice de toutes activités accessoires, nécessaires ou utiles à la réalisation de l’objet principal », ensemble les opérations d’ores et déjà réalisées, doit être considéré comme indice de l’intention de répéter à l’occasion des opérations analogues, de sorte que l’activité de la SCI présente le caractère de permanence requis pour la faire qualifier d’entreprise commerciale.

En ce qui concerne les autres trois critères d’appréciation cités ci-dessus, il y a lieu de souligner que la participation à la vie économique générale implique que le contribuable prenne part, d’une façon perceptible au public intéressé, à l’échange général 4 H. Dostert et E. Stoffel, op. Cit., pp.15 et 16.

5 Projet de loi n° 5714, commentaire des articles, p. 18.

des biens et prestations et qu’il soit prêt à entrer en relation d’affaires avec un nombre indéterminé de personnes, compte tenu naturellement de l’étendue et du genre de son entreprise et de sa propre capacité de prestation. Ainsi, le commerçant prend part au trafic économique général en approvisionnant le marché en biens pour lesquels il existe un besoin et en les échangeant contre des équivalents en nature ou en argent. Cet élément de la participation est à apprécier dans chaque cas d’espèce en considération du but recherché ainsi que de la nature des opérations exécutées6.

Or en l’espèce, tant l’objet commercial affirmé de la SCI que les opérations réalisées, et en particulier l’opération d’achat-vente de 2000, au cours de laquelle la SCI a agi en tant qu’agent immobilier, permettent de conclure à ce que l’activité de la SCI participe à la vie économique générale.

Quant au critère de l’indépendance, celui-ci est également donné en l’espèce, la SCI en tant société étant par définition une entité indépendante, c’est-à-dire non sujette aux liens d’une occupation salariale.

Enfin, en ce qui concerne le but de lucre, un tel but, outre de se dégager de l’objet commercial de la société, est encore donné au vu des opérations réalisées par elle.

Su base des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la même conclusion que l’administration des Contributions, à savoir que, dans les circonstances particulières de l’espèce, consistant en les développements ci-avant ainsi que dans les circonstances plus particulièrement relevées par le directeur, à savoir le fait que Monsieur … exerçait l'activité professionnelle de promoteur immobilier en son nom personnel dans l'immeuble cédé, ainsi qu’en tant qu'associé notamment de la société …, cette société étant locataire de l'immeuble cédé, les activités de la SCI s’analysent en activités commerciales, caractéristique se répercutant au niveau de l’imposition de ses associés.

Il s’ensuit que l’intégralité du bénéfice réalisé a à juste titre été imposé dans la catégorie de bénéfice commercial, les développements des demandeurs tendant, à titre subsidiaire, a obtenir une ventilation entre les pièces de l’appartement prétendument affectées à une activité non commerciale et le bureau, seule pièce prétendument utilisée à des fins commerciales, étant non pertinents au vu de la conclusion ci-avant dégagée, le caractère commercial n’ayant pas été retenu au vu de l’affectation des différentes pièces de l’appartement, mais au vu de la commercialité de l’activité poursuivie par la SCI.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est partant à rejeter comme n’étant pas fondé Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

6 Trib. adm. 21 juin 2000, n° 11582, Pas. adm. 2008, V° Impôts, n° 74.

déclare le recours en réformation formulé à titre principal recevable en la forme ;

le déclare cependant non fondé et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;

met les frais à charge des demandeurs.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mars 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2.3.2009 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 24389
Date de la décision : 02/03/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-03-02;24389 ?

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