La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2009 | LUXEMBOURG | N°26603

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 février 2009, 26603


Tribunal administratif Numéro 26603 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2010 3e chambre Audience publique extraordinaire du 26 février 2009 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

______________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26603 du rôle et déposée le 16 février 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Ar

davan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif Numéro 26603 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2010 3e chambre Audience publique extraordinaire du 26 février 2009 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

______________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26603 du rôle et déposée le 16 février 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d'une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 20 janvier 2010 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 février 2010.

______________________________________________________________________________

Le 20 janvier 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté de refus de séjour et par arrêté du même jour ce dernier fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour la durée d’un mois à partir de la notification intervenue le 11 février 2010, aux motifs qu’il serait démuni de tout document de voyage valable, qu’un accord de réadmission aurait été délivré par les autorités kosovares en date du 30 juin 2009 et qu’en attendant l’organisation du départ qui sera effectué dans les meilleurs délais, son éloignement immédiat du territoire serait impossible en raison de circonstances de fait.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2010, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement du 20 janvier 2010.

Aux termes de l’article 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », un recours contre une décision de placement est ouvert devant le tribunal administratif qui statue comme juge du fond, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que les autorités luxembourgeoises seraient en mesure de procéder à son éloignement vers son pays d’origine sur base de la loi du 10 janvier 2003 portant approbation de l’accord entre le Luxembourg et la République fédérale de Yougoslavie relatif à la reprise et la réadmission de personnes qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée ou de séjour sur le territoire de l’autre Etat membre signé le 19 juillet 2002 à Belgrade, et, dans la mesure où les autorités luxembourgeoises disposeraient de l’accord de réadmission des autorités kosovares depuis le 30 juin 2009, il y aurait lieu de constater que l’impossibilité de fait de l’éloigner vers son pays d’origine ferait défaut en l’espèce.

Le délégué du gouvernement estime à cet égard que le fait de posséder un accord de réadmission ne dispenserait pas les autorités luxembourgeoises d’organiser concrètement le retour du demandeur et que la police aurait été chargée d’organiser le prédit retour qui devrait se faire incessamment.

Aux termes de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 : « Lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 est impossible en raison des circonstances de fait, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée.

Le mineur non accompagné peut être placé en rétention dans un lieu approprié. La durée maximale est fixée à un mois. » Il en découle qu’un étranger est susceptible d’être placé en rétention lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 de la loi du 29 août 2008 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 de la loi du 29 août 2008 est impossible en raison des circonstances de fait. En l’espèce, force est de constater que s’il est exact que les autorités kosovares ont donné leur accord de réadmission du demandeur en date du 30 juin 2009, il n’en demeure pas moins que les autorités luxembourgeoises ont chargé la police grand-ducale d’organiser le retour du demandeur dans son pays d’origine dès le 12 février 2010, c’est-à-dire le lendemain de la notification et de l’exécution de la décision déférée. D’autre part, l’organisation matérielle de l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière est à qualifier de circonstances de fait rendant l’exécution de l’éloignement impossible aux termes de l’article 120 de loi du 29 août 2008.

En deuxième lieu le demandeur fait valoir qu’il aurait démontré, moyennant versement d’un certificat médical, que son état de santé empêcherait son éloignement vers son pays d’origine en application de l’article 130 de la loi du 29 août 2008.

Le délégué du gouvernement expose que le demandeur aurait déposé en date du 16 février 2010 une demande en sursis à l’éloignement sur base du même rapport médical que celui-ci invoque dans la présente procédure et qu’une même demande aurait déjà été présentée par le demandeur en date du 14 juillet 2009, mais le ministre aurait refusé de faire droit à cette première demande après rapport du médecin contrôleur du 11 décembre 2009.

Aux termes de l’article 130 de la loi du 29 août 2008 : « Sous réserve qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique, l’étranger ne peut être éloigné du territoire s’il établit au moyen de certificats médicaux que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et s’il rapporte la preuve qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné. » Il découle de la disposition précitée qu’un étranger ne saurait être éloigné du territoire luxembourgeois lorsqu’il établit d’une part au moyen de certificats médicaux que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, d’autre part, qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné. Or, en l’espèce, si le certificat médical versé par le demandeur fait certes état d’une dépression dans son chef et s’il certifie que le retour dans son pays d’origine pourrait provoquer un envenimement de son état de santé, l’article 130 précité se réfère aux empêchements à l’éloignement du territoire d’un étranger et figure à la section 4 de la loi du 29 août 2008, intitulée : « L’empêchement à l’éloignement ».

Force est dès lors au tribunal de constater qu’en l’espèce il est saisi exclusivement d’un recours en réformation à l’encontre d’un arrêté ministériel ordonnant le placement du demandeur au Centre de séjour et non point d’une décision d’éloignement du territoire. Il s’ensuit que le moyen du demandeur fondé sur l’article 130 de la loi du 29 août 2008 ayant trait à l’éloignement du territoire est dépourvu de toute pertinence en l’espèce et est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Le troisième moyen présenté par le demandeur à l’appui de son recours a trait à une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention alors qu’en l’espèce la décision déférée porte sur une mesure de placement en rétention initiale, de sorte qu’il laisse d’être fondé.

Le demandeur reproche encore aux autorités ministérielles qu’elles resteraient en défaut de prouver qu’elles sont en train d’exécuter la mesure de placement en vue de son éloignement immédiat.

En l’espèce les pièces versées en cause figurant au le dossier administratif renseignent que les autorités luxembourgeoises ont contacté en date du 12 février 2010 la Police grand-ducale afin que celle-ci organise l’éloignement du demandeur avec escorte et qu’en date du 17 février 2010 le certificat médical versé par le demandeur a été transmis au médecin délégué au service médical de l’Immigration de la Direction de la Santé/Division de la Santé au Travail du ministère de la Santé pour avis. D’autre part, en date du 18 février 2010, le médecin délégué a émis un avis selon lequel l’état de santé du demandeur ne s’opposerait pas à son éloignement vers son pays d’origine. Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle, le tribunal est amené à constater qu’au moment où il statue, des démarches suffisantes ont été entreprises afin de pouvoir procéder à l’éloignement du demandeur du territoire, de sorte que le moyen fondé sur une absence de diligences suffisantes, voire de l’inertie des autorités laisse d’être fondé.

Finalement, le demandeur estime que la décision déférée violerait les articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le demandeur affirme à cet égard qu’il vivrait sa rétention au centre pénitentiaire de Schrassig comme un traitement dégradant et constitutif d’une atteinte intolérable à sa liberté, notamment au vu de son état psychique. Il expose qu’il serait naturellement dégradant d’être retenu et incarcéré au Centre pénitentiaire de Schrassig sans avoir commis une infraction à la loi pénale de sorte qu’il en résulterait une atteinte intolérable à la liberté telle que protégée par les dispositions de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, ci-après « la CEDH ». Le demandeur estime encore dans ce contexte que le centre pénitentiaire de Schrassig ne serait pas à retenir comme « structure fermée » telle que prévue par l’article 120 de la loi du 29 août 2008, et que le législateur aurait voulu contraindre les autorités administratives de créer un établissement spécial. Or, il serait intolérable qu’il doive subir la carence des autorités de créer une telle structure.

Aux termes de l’article 3 de la CEDH « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements dégradants ».

Il est constant en cause que le demandeur est placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière qui est situé au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig.

Or, il y a lieu de rappeler qu’une rétention au Centre de séjour ne saurait, en tant que telle, être considérée comme dégradante, inhumaine ou humiliante si les conditions légalement prévues sont remplies. Dès lors que le demandeur se limite à affirmer de manière générale que la rétention serait vécue par lui comme traitement dégradant, et à défaut par lui d’indiquer concrètement en quoi ce traitement serait inhumain ou dégradant pour sa personne, le moyen du demandeur est à rejeter pour ne pas être fondé. Il convient à cet égard de relever que la seule affirmation selon laquelle le demandeur serait privé de sa liberté de circulation est insuffisante à cet égard. D’autre part, le demandeur ne démontre pas que son état psychique serait tel qu’il s’opposerait à ce qu’il soit placé en rétention. En effet, tel que relevé ci-avant, le certificat médical versé porte sur les conséquences d’un retour du demandeur dans son pays d’origine, mais reste muet quant aux incidences éventuelles de la mesure de placement en rétention sur l’état psychique du demandeur, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé Quant au moyen tiré d’une atteinte à la liberté telle que protégée par l’article 5 de la CEDH, cette disposition prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Il convient encore de préciser que le terme d’expulsion utilisé à l’article 5 est à entendre dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement d’une personne se trouvant en séjour irrégulier dans un pays. Le fait même d’être retenu ne saurait dès lors être remis en cause par le demandeur au regard des dispositions de la CEDH. Par ailleurs, le seul fait par le demandeur d’alléguer qu’il est retenu dans les mêmes conditions qu’un délinquant de droit commun ne saurait suffire à lui seul, à défaut d’autres éléments, afin d’établir que sa rétention serait effectuée en violation des dispositions de la CEDH invoquées. Le moyen afférent est partant à rejeter.

Concernant, le moyen selon lequel le centre pénitentiaire de Schrassig ne serait pas à qualifier de « structure fermée » aux termes de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, force est au tribunal de constater que la Cour administrative a décidé dans un récent arrêt que « […] le centre de séjour fonctionnant provisoirement dans l’enceinte du centre pénitentiaire est à qualifier de structure fermée répondant en son principe aux exigences de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 jusqu’à l’expiration d’un délai raisonnable de deux ans à compter de l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2008, de ladite loi du 29 août 2008, au-delà duquel la mise en place effective d’une structure fermée en dehors de l’enceinte du centre pénitentiaire s’impose »,1 de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Quant au recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 20 janvier 2010, force est de constater que dans la mesure où un recours en réformation est prévu en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour en connaître, de sorte qu’il est irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 26 février 2010 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26.02.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 1 Cf Cour adm. 9 avril 2009, n° 25578C du rôle, Pas. adm. 2009, v° Etrangers, n° 589, page 328 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26603
Date de la décision : 26/02/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-02-26;26603 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award