Tribunal administratif N° 22914a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2007 2e chambre Audience publique du 19 février 2009 Recours formé par Madame …, … (B) contre une décision de la direction de la Banque centrale du Luxembourg et deux décisions du Fonds de pension BCL, Luxembourg en matière de fonctionnaires et agents publics
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JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 22914 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2007 par Maître Fernand Entringer, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à B-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision de la direction de la Banque centrale du Luxembourg du 12 avril 2007 de ne pas donner une suite favorable à sa demande de réintégration au sein de la Banque centrale du Luxembourg et, pour autant que de besoin, d’une décision du Fonds de pension BCL du 2 février 2007 concernant le retrait de la pension d’invalidité avec effet immédiat, ainsi que d’une « décision » du Fonds de pension BCL du 28 décembre 2006 l’informant des démarches dudit Fonds en vue du retrait de la pension d’invalidité ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2008 par lequel le recours en réformation a été déclaré irrecevable en ce qu’il est dirigé contre une « décision » prise par le Fonds de pension BCL le 28 décembre 2006 et a été déclaré recevable pour le surplus, les parties ayant été invitées par le jugement en question à prendre position, par un mémoire écrit, par rapport à une question y formulée ;
Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2008 par Maître Fernand Entringer pour compte de Madame …, ledit mémoire ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de la Banque centrale du Luxembourg le 17 septembre 2008 ;
Vu le mémoire complémentaire déposé par Maître Louis Berns au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2008 pour compte de la Banque centrale du Luxembourg, ledit mémoire ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de Madame … le 18 septembre 2008 ;
Revu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Florence Holz, en remplacement de Maître Fernand Entringer, et Maître Louis Berns en leurs plaidoiries respectives.
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Vers la fin du mois de novembre 1998, Madame …, qui fut alors aux services de la Banque Nationale de Belgique, succursale de Luxembourg, signa avec la Banque centrale du Luxembourg (BCL) un contrat de travail non daté prenant effet au 1er janvier 1999. Suivant l’article 1er dudit contrat de travail, celui-ci fut basé sur « l’article 4 du règlement grand-ducal du 21 juin 1984 fixant le statut des agents de l’Institut Monétaire Luxembourgeois ». Le même article 1er prévoyait encore qu’après l’entrée en vigueur de la loi relative au statut monétaire et à la Banque centrale du Luxembourg, le contrat serait basé sur l’article 14 (3) b) de la loi en question. L'article 2 du contrat disposait que le temps passé par Madame … au service de la Banque nationale de Belgique à Luxembourg serait compté pour sa durée effective comme temps passé au service de la BCL en ce qui concerne le calcul de l'ancienneté à la BCL et le calcul de la pension de la BCL.
Le 1er mars 1999, Madame … prêta serment entre les mains du directeur de la BCL sur la base de l’article 14 (2) de la loi modifiée du 23 décembre 1998 relative au statut monétaire et à la Banque centrale du Luxembourg, ci-après dénommée « loi du 23 décembre 1998 ».
Suivant lettre recommandée du 31 mai 2002, la BCL résilia le contrat de travail de Madame … avec un préavis de six mois, prenant cours le 1er juin 2002 et se terminant le 30 novembre 2002.
Faisant suite à une demande afférente du mandataire de Madame … du 6 juin 2002, la BCL communiqua, par une lettre de son mandataire du 5 juillet 2002, les motifs du licenciement tenant aux absences de Madame … de son lieu de travail au cours des années 2000 à 2002, à une longue période d’absence d’environ sept mois à partir du 16 octobre 2001 et aux perturbations importantes en résultant pour le service.
En date du 10 juillet 2002, Madame … introduisit un recours contentieux devant le tribunal administratif contre la décision précitée de la BCL du 31 mai 2002 de résilier son contrat de travail avec un préavis de six mois.
Par courrier du 21 août 2002 à l’adresse du Fonds de pension BCL, Madame … sollicita l’allocation d’une pension d’invalidité.
Le 28 octobre 2002, Madame … introduisit un recours contentieux auprès du tribunal administratif contre une décision de la BCL de début octobre 2002, matérialisée par une fiche de salaire portant indication que sa sortie en tant qu’employée aurait lieu à la date du 15 octobre 2002 et que son salaire ne lui serait versé que jusqu’au 15 octobre 2002.
En date du 6 mai 2003, la BCL soumit au mandataire de Madame … un projet de transaction en dix points, libellé comme suit :
« 1. La BCL et Mme … chargeront, par lettre collective de leurs avocats, un collège de deux experts médicaux ("le collège d'experts") dont un expert médical à désigner par chacune des parties, avec la mission d'expertise suivante "d'examiner Madame …, épouse …, au besoin avec le concours d'un ou de plusieurs médecins-spécialistes de leur choix, de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si Mme …, épouse … a subi une perte de sa capacité de travail telle qu'elle est empêchée d'exercer sa profession d'employée administrative -
secrétaire exercée en dernier lieu ou d'exercer une autre occupation professionnelle correspondant à ses forces et aptitudes en indiquant, le cas échéant, à partir de quelle date cette invalidité éventuellement constatée existe ainsi que son caractère permanent ou transitoire.
En cas de désaccord entre vous sur vos conclusions, vous êtes autorisés à procéder à la désignation d'un commun accord d'un troisième expert médical chargé de vous départager." 2. En cas de refus d'acceptation de la mission par l'un des deux experts désignés par les parties, la partie l'ayant désigné désignera un nouvel expert et une nouvelle lettre collective sera adressée aux experts désignés.
3. Les frais d'expertise seront partagés à parts égales entre la BCL et votre cliente et si l'une des parties était amenée à faire l'avance des frais d'expertise elle est en droit d'en réclamer remboursement à l'autre partie à concurrence du montant avancé pour compte de l'autre partie.
4. Les parties s'engagent à reconnaître et à accepter la décision du collège d'experts.
5. Si le collège d'experts conclut à l'invalidité au sens de la loi de votre cliente, le contrat de travail qui liait votre cliente à la BCL sera considéré comme résilié d'un commun accord entre la BCL et votre cliente avec effet au jour de la prise d'effet de l'invalidité tel que fixé par le collège d'experts sans que cette date de la prise d'effet de l'invalidité ne puisse se situer avant le 21 août 2002, date de la demande de votre cliente en attribution de la pension d'invalidité.
Dans cette hypothèse votre cliente renoncera à toute demande en dommages et intérêts à l'égard de la BCL du chef du licenciement prononcé par la BCL le 31 mai 2002 et du constat de résiliation de plein droit du contrat de travail avec effet au 15 octobre 2002 et elle se désistera purement et simplement de ses recours introduits devant le tribunal administratif les 10 juillet 2002 et 29 octobre 2002 et tendant à l'annulation sinon à la réformation de la décision de son licenciement avec préavis notifiée par la BCL le 31 mai 2002 respectivement du constat par la BCL de la résiliation de plein droit du contrat de travail avec effet au 15 octobre 2002.
6. Si le collège d'experts conclut à l'invalidité au sens de la loi de votre cliente et à condition qu'elle n'exerce pas une autre activité professionnelle salariale ou indépendante soumise à assurance, Mme … aura droit au paiement de la pension d'invalidité conformément au Règlement du Fonds de Pension de la BCL.
7. Votre cliente s'engage à soumettre au Fonds de Pension de la BCL tous documents à sa disposition permettant de calculer ses droits à pension et notamment les relevés périodiques relatifs à ses différentes périodes d'affiliation.
8. Il est expressément convenu que de nouveaux examens médicaux sur l'état d'invalidité de votre cliente seront effectués à intervalles réguliers de 12 mois, le 1er examen périodique de contrôle ayant lieu au mois de mai 2004.
Ces examens périodiques seront effectués sur base des mêmes principes que ceux repris ci-dessus aux points 1 à 4. Ces examens seront, dans la mesure du possible, effectués par les mêmes experts que ceux choisis pour le 1er examen médical. En cas d'impossibilité de l'un des experts à assumer la mission lui confiée dans le contexte de ces examens médicaux, la partie l'ayant désigné désignera un nouvel expert et une nouvelle lettre collective sera adressée aux experts désignés.
En cas de refus de votre cliente de s'adjoindre à la saisine du collège d'experts en vue du contrôle périodique de l'invalidité, le Fonds de Pension de la BCL est en droit de suspendre le paiement de la rente d'invalidité à l'expiration d'un délai de 8 jours après une mise en demeure restée infructueuse.
9. En dehors de ces examens périodiques tels que prévus au point 8 votre cliente s'engage à informer sans délai le Fonds de Pension de la BCL de tout événement qui pourrait avoir des incidences sur les obligations de paiement du Fonds de Pension de la BCL en matière de pension d'invalidité et notamment sur une éventuelle reprise d'une activité professionnelle salariale ou indépendante soumise à assurance respectivement sa prise de retraite.
10. Les modalités reprises aux points 1 à 9 forment un tout indissociable entre parties. (…) » Par lettre du 15 mai 2003, le mandataire de Madame … accepta, pour compte de sa mandante, la proposition de transaction en les termes suivants :
« Je vous confirme par la présente que ma mandante marque son accord sur les 10 points de votre proposition contenue dans votre lettre du 6 mai 2003, celle-ci devenant par la même occasion officielle.
Afin qu’aucun doute ne subsiste, je vous confirme également que ma mandante ne se désistera des deux procédures engagées contre la BCL qu’à la condition qu’une pension d’invalidité lui soit accordée et versée par ladite BCL et /ou le Fonds de pension BCL ».
En exécution de l’accord transactionnel précité, les médecins experts nommés par les deux parties conclurent, dans leur rapport d’expertise non daté mais terminé le 18 septembre 2003, à l’invalidité de Madame … à partir du 16 octobre 2001.
En date du 21 mai 2004, Madame … se désista de ses deux recours contentieux déposés au greffe du tribunal administratif en date du 10 juillet 2002 respectivement en date du 28 octobre 2002, désistements qui furent actés par deux jugements du tribunal administratif du 5 juillet 2004 (numéros 15104 et 15502 du rôle).
Par un rapport non daté relatif à une deuxième opération d’expertise de Madame … effectuée le 25 juin 2004, les deux experts conclurent de remettre l’expertise « au mois de septembre 2004 ou plus tard si une intervention est pratiquée ».
Dans un rapport du 6 juin 2005, relatif à une troisième opération d’expertise de Madame … du 3 mars 2005, les deux experts retinrent que « l’état de Madame … ne s’est pas amélioré depuis notre dernière expertise » et que « l’invalidité de Madame … n’a pas cessé depuis le 16 octobre 2001 ». En guise de conclusion, les experts précisèrent que l’intéressée « a subi une perte de sa capacité de travail telle, qu’elle est empêchée d’exercer sa profession d’employée administrative-secrétaire exercée en dernier lieu ou d’exercer une autre occupation professionnelle correspondant à ses forces et aptitudes ».
Par un rapport non daté, visant une quatrième opération d’expertise effectuée le 27 octobre 2006, le collège des deux experts conclut que « la perte totale de la capacité de travail par l’état de santé de l’intéressée n’est pas démontrée par le suivi médical de son dossier et par le status clinique. Elle pourrait vraisemblablement reprendre une activité professionnelle dans un emploi strictement aménagé et ceci d’une façon définitive ».
Par lettre recommandée du 28 décembre 2006, le Fonds de pension BCL s’adressa à Madame … en les termes suivants :
« En date du 15 décembre 2006, Maître Louis Berns a fait suivre le rapport des experts Dr. Klein et Dr. Preyval mandatés au contrôle de votre capacité de travail.
Le Comité directeur du fonds de pension BCL qui s'est réuni en date du 22 décembre 2006 a pris connaissance des conclusions de l'opération d'expertise du 27 octobre 2006 dont il ressort que « la perte totale de la capacité du travail par l'état de l'intéressée n'est pas démontrée par le suivi médical de son dossier et par le status clinique. Elle pourrait vraisemblablement reprendre une activité professionnelle dans un emploi strictement aménagé et ceci de façon définitive ».
En conséquence, contacts ont été pris avec Maître Louis Berns en vue du retrait de la pension d'invalidité. (…) » Par lettre recommandée du 2 février 2007, le Fonds de pension BCL informa Madame … du retrait de la pension d’invalidité avec effet immédiat, en vertu d’une décision du Comité directeur du 22 décembre 2006, avec la précision que la dernière rente versée était celle du mois de janvier 2007.
Par lettre du 15 février 2007, le mandataire de Madame …, faisant suite aux courriers des 28 décembre 2006 et 2 février 2007, et en se référant à l’article 25, alinéa 1er du règlement du Fonds de pension BCL, informa le Fonds de pension BCL que sa mandante n’acceptait pas la décision du retrait de la pension d’invalidité et, en se prévalant du statut de sa mandante, sollicita la réintégration de celle-ci sur la base de l’article 74 de la « loi du 3 août 1998 sur la réforme des pensions des fonctionnaires ».
Par lettre recommandée du 3 avril 2007, le mandataire de Madame … introduisit, pour le compte de sa mandante, un recours gracieux, conformément à l’article 25, alinéa 2 du règlement du Fonds de pension BCL, auprès de la direction de la BCL contre une décision non datée du Fonds de pension qui lui aurait été notifiée dans un courrier du 16 mars 2007 et libellée comme suit :
« Le Comité directeur du Fonds de pension BCL, sans préjudice quant à une éventuelle applicabilité de ce texte à votre cliente, donne à considérer que le problème évoqué concerne une réintégration de Mme …-… au sein de l'administration qui était la sienne avant l'allocation d'une pension. Comme Mme …-… n'a jamais été employée du Fonds de pension BCL mais seulement affiliée et ensuite bénéficiaire de celui-ci, il ne saurait, à l'évidence, être question de la réintégrer au sein du Fonds de pension BCL.
Etant, d'un autre côté, déclarée valide, la décision de retrait de la pension d'invalidité est entièrement justifiée et votre recours gracieux destiné à une révision de cette décision ne nous semble pas fondé.
Une réintégration serait concevable tout au plus au sein de la Banque centrale du Luxembourg. Or à cet égard force est de constater que Mme …-… et la Banque centrale du Luxembourg ont convenu, par l'intermédiaire des avocats respectifs, d'une résiliation d'un commun accord de toutes relations de travail, résiliation qui exclut une réintégration au sein de la Banque centrale du Luxembourg. S'y ajoute, de façon superfétatoire, que la Banque centrale du Luxembourg a, d'une part, en date du 31 mai 2002, procédé au licenciement de Mme …-…, le préavis légal se terminant au 30 novembre 2002 et, d'autre part, constaté la résiliation de plein droit, avec effet au 15 octobre 2002, du contrat de travail par suite de l'épuisement des droits à indemnité pécuniaire de maladie de Mme …-…. Ces deux décisions avaient été attaquées par voie de 2 recours en annulation sinon en réformation, procédures dont votre cliente s'est néanmoins désistée par la suite. Aussi ces décisions fixant la fin des relations de travail au 30 novembre 2002 sinon au 15 octobre 2002 sont-elles devenues définitives excluant par là-même une réintégration de Mme …-… dans le cadre de relations contractuelles préexistantes avec la Banque centrale du Luxembourg mais qui n'existent plus actuellement ».
Par courrier du 12 avril 2007, le mandataire de la BCL informa le mandataire de Madame … que la direction de la BCL entendait confirmer sa décision de ne pas donner suite à la demande tendant à voir réintégrer Madame … au sein de la BCL, en faisant valoir que toute relation de travail entre la BCL et Madame … aurait été résiliée d’un commun accord en vertu de la transaction, excluant par la même toute réintégration au sein de la BCL.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2007, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision de la direction de la BCL du 12 avril 2007 de ne pas donner une suite favorable à sa demande de réintégration au sein de la BCL et, pour autant que de besoin, d’une décision du Fonds de pension BCL du 2 février 2007 concernant le retrait de la pension d’invalidité avec effet immédiat, ainsi que d’une « décision » du Fonds de pension BCL du 28 décembre 2006 l’informant des démarches du Fonds de pension BCL en vue du retrait de la pension d’invalidité.
Dans son jugement du 14 juillet 2008, qui contient l’exposé des faits et moyens, le tribunal administratif a déclaré le recours en réformation irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre une « décision » prise par le Fonds de pension BCL en date du 28 décembre 2006 et recevable pour le surplus. Par ailleurs, il a déclaré le recours subsidiaire en annulation irrecevable. Dans le cadre de son analyse quant à sa compétence d’attribution, le tribunal a retenu que Madame … avait été engagée par la BCL, en application de l’article 14 (3) b) de la loi du 23 décembre 1998, comme employée assimilée au régime des employés de l’Etat. Quant au fond, le tribunal a constaté que la demanderesse entendait remettre en cause la légalité de la transaction qu’elle avait conclue avec la BCL. Cette transaction prévoyait, en cas de constat de l’invalidité de Madame … par un collège de deux experts médicaux, la résiliation d’un commun accord entre les parties du contrat de travail qui liait Madame … à la BCL, le paiement d’une indemnité d’invalidité à Madame … conformément au règlement du Fonds de pension BCL, l’obligation pour Madame … de se soumettre à des examens médicaux sur son état d’invalidité à des intervalles réguliers de 12 mois et finalement le désistement de la part de Madame … de ses deux recours contentieux introduits devant le tribunal administratif contre la décision de la BCL de résilier le contrat de travail avec préavis et contre le constat de la BCL de la cessation de plein droit du contrat de travail avec effet au 15 octobre 2002 du fait de l’épuisement des droits à l’indemnité pécuniaire de maladie.
Dans la mesure où les parties demandaient ainsi au tribunal administratif de se prononcer sur la validité de ladite transaction, il se posait la question de la compétence du tribunal administratif pour en connaître. Aucune des deux parties n’ayant pris position par rapport à cette question, le tribunal a, par le jugement précité du 14 juillet 2008, invité les parties à y prendre position par écrit, en ordonnant un sursis à statuer.
Dans son mémoire complémentaire, la demanderesse conclut à la compétence du tribunal administratif pour connaître de la validité de la transaction, en s’appuyant sur la doctrine française, ainsi que sur une jurisprudence du Conseil d’Etat français, selon laquelle le juge administratif serait compétent pour connaître de toutes les transactions qui ont pour objet le règlement ou la prévention de litiges pour le jugement desquels la juridiction administrative est compétente. Elle insiste ensuite encore sur l’illégalité de ladite transaction, en soutenant que celle-ci serait intervenue en violation, tant de l’article 6 du Code civil, qui interdit de déroger par une transaction à une loi qui intéresse l’ordre public, que de l’article 2045 du Code civil qui prévoit que les établissements publics ne peuvent transiger qu’avec l’autorisation expresse du Grand-Duc.
La BCL, pour sa part, soutient dans son mémoire complémentaire que le tribunal administratif ne serait pas compétent pour connaître de la validité de la transaction conclue entre parties au motif que les litiges ayant trait à la validité, à l’interprétation ou à l’exécution d’un contrat entre deux parties, même si l’une d’elles est une autorité administrative, relèveraient, en tant que portant sur des droits civils, des juridictions de l’ordre judiciaire. Elle estime de surcroît que la question de la validité de la transaction constituerait un faux problème en ce que le tribunal administratif, même s’il n’était pas compétent pour vérifier la validité de la transaction, serait toutefois compétent pour statuer sur le bien-fondé ou le mal-fondé du recours en réformation dirigé contre les décisions litigieuses du Fonds de pension BCL du 2 février 2007 et de la direction de la BCL du 12 avril 2007, alors que ces décisions seraient détachables de la question de la validité de la transaction. Elle fait ainsi valoir que, contrairement à ce qui serait soutenu par la demanderesse, il ne s’agirait pas pour le tribunal de vérifier si Madame … pouvait conclure une telle transaction, mais de toiser la question du bien-fondé du recours introduit par celle-ci.
Aux termes de l’article 2044 du Code civil, la transaction se définit comme « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ».
La transaction constitue un contrat synallagmatique et est soumise aux règles générales régissant ces contrats, notamment aux dispositions de l’article 1108 du même code aux termes duquel « quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : - le consentement de la partie qui s’oblige ; - sa capacité de contracter ; -
un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; - une cause licite dans l’obligation ».
En vertu de l'article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l'article 95bis (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives.
La notion de « droits civils », telle que figurant à l’article 84 de la Constitution, est à prendre au sens le plus large, de sorte à englober tous les droits, tous les intérêts, à l’exception de ceux qui, par une loi, ont été spécialement soustraits à la connaissance de la juridiction ordinaire, de sorte à comprendre les contrats (cf. Alex Bonn, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, 1966, n° 101), en ce compris les contrats passés par l’administration qui relèvent, de la sorte, de la compétence des tribunaux judiciaires (cf. André Buttgenbach, Manuel de droit administratif, Bruylant, 1959, n° 383) (cf. trib.
adm. 19 novembre 2007, n° 22612 du rôle, confirmé par Cour adm. 26 juin 2008, n° 23838C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu).
En effet, il y a lieu de rappeler que la répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opère, non pas en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge (cf. trib. adm. 15 décembre 1997, n° 10282 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Compétence, n° 20 et autres références y citées).
Il s’ensuit que le fait qu’en l'espèce, la transaction a été signée, d’un côté, par une autorité administrative, à savoir la BCL, laquelle, aux termes de l’article 3, paragraphe 1 de la loi du 23 décembre 1998, est un établissement public, n'est pas de nature à fonder la compétence du tribunal administratif pour connaître de la validité de ladite transaction.
Etant donné que le moyen de la validité de la transaction s’analyse ainsi en une contestation portant sur des questions de droit civil, le tribunal administratif, en vertu de l’article 84 de la Constitution, n’est dès lors pas compétent pour se prononcer quant à la validité de la transaction conclue entre les parties, sous peine d’empiéter sur la compétence exclusive des juridictions de l’ordre judiciaire.
Or, dans la mesure où la question de la validité de la transaction litigieuse a une incidence sur la légalité des actes qui ont été pris en exécution de ladite transaction, dans le prolongement desquels se trouvent les décisions actuellement soumises au contrôle du tribunal, la solution à cette question est nécessaire pour rendre un jugement dans le cadre du présent litige.
Il y a partant lieu de surseoir à statuer jusqu’à ce que les tribunaux de l’ordre judiciaire se soient prononcés sur la légalité de la transaction litigieuse, à charge pour la demanderesse de justifier, dans le délai de trois mois à partir de la notification du présent jugement, de ses diligences à saisir la juridiction compétente.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
avant tout autre progrès en cause, surseoit à statuer en attendant que la partie demanderesse ait fait vérifier par les tribunaux de l’ordre judiciaire la validité de la transaction litigieuse ;
dit que faute par la partie demanderesse de saisir le juge judiciaire dans les trois mois de la notification du présent jugement ou en cas d'inaction prolongée de sa part dans le cadre de la poursuite du procès civil, la partie la plus diligente pourra saisir le tribunal administratif pour voir statuer sur le sort définitif du recours ;
réserve les frais ;
fixe l’affaire au rôle général.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Martine Gillardin, premier juge, et lu à l’audience publique du 19 février 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
Claude Legille Carlo Schockweiler 10