Tribunal administratif N° 24386 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mai 2008 2e chambre Audience publique du 11 février 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de demande de dérogation au périmètre d’habitation
JUGEMENT
Vu la requête déposée le 20 mai 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Arsène Kronshagen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 4 février 2008 et d’un avis du directeur général de la Police du 24 janvier 2008 ayant refusé à Monsieur … une dérogation relative au périmètre d’habitation, telle que prévue à l’article 26 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel policier;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2008;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2008 par Maître Arsène Konshagen pour compte de Monsieur …;
Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2008;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Laurent Mertz, en remplacement de Maître Arsène Konshagen, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 janvier 2009.
Maître Arsène Kronshagen, avocat à la Cour a déposé pour compte de Monsieur …, commissaire de police hors cadre, demeurant à L-…., en date du 20 mai 2008 un recours principalement en réformation sinon subsidiairement en annulation contre une décision du ministre de la Justice du 4 février 2008, lui notifiée le 20 février 2008 ainsi que contre un avis du directeur général de la Police du 24 janvier 2008.
Le requérant expose qu’il est membre de l'Unité Centrale de la Police de l'Aéroport (ci-après UCPA), affecté au Service de Contrôle Frontalier (ci-après SCF) du Service de contrôle de l'Aéroport (ci-après SCA).
D’après le requérant, le service auprès duquel il exerce ses activités se présente comme suit :
« L'UCPA comprend une Direction, un Secrétariat et deux Services, à savoir le SCA et le Service de Garde à l'Aéroport (ci-après SGA).
Elle est dirigée par un Directeur issu du cadre supérieur de la police.
Le SGA est constitué par des membres de la carrière des inspecteurs et des brigadiers.
Le SGA est chargé de la protection et de la sécurité à l'aéroport ainsi que des contrôles et fouilles de sécurité à l’aéroport.
Le SCA regroupe le SCF et le Service Documents de Voyage (SDV).
Le SCA est constitué par des membres de la carrière de l'inspecteur. Il est dirigé par un chef de service du grade de commissaire en chef.
Les membres du SDF (sic) sont chargés du contrôle de l'entrée et de la sortie des étrangers ayant emprunté la voie aérienne :
L'examen des documents de voyage au départ et à l'arrivée des voyageurs, Les contrôles approfondis des voyageurs suspects, La surveillance des passagers en transit, l'établissement des visas exceptionnels. » Par une demande écrite du 15 novembre 2007, adressée à la Direction générale de la Police/Direction des Ressources Humaines-Section Gestion du Personnel, le requérant a sollicité, avis favorable du directeur de l'UCPA à l'appui, une dérogation relative au périmètre d'habitation, telle que prévue à l'article 26 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d'instruction et d'avancement du personnel policier.
Plus précisément, le requérant a demandé l'autorisation du ministre compétent de s'établir à … en Allemagne, localité située à environ 10 kilomètres de la frontière germano-
luxembourgeoise.
A l'appui de sa demande, le requérant a invoqué principalement les motifs suivants :
« Compte tenu des problèmes de santé de la compagne de vie du requérant, et sur le conseil du pneumologe de celle-ci, le couple a décidé d'investir dans une maison en bois respectivement de type «Oekohaus».
Malgré des efforts intenses déployés afin de trouver un terrain à bâtir à un prix cadrant avec leurs limites budgétaires, le couple n'a pas pu trouver de parcelle à acheter, ce notamment à cause de la flambée des prix dans l'immobilier.
Se rendant compte que la réalisation de leur projet de bâtir une maison sur le territoire luxembourgeois est financièrement irréalisable, la compagne de vie du requérant a acquis un terrain à … en Allemagne, région frontalière où les prix des terrains à bâtir sont nettement inférieurs à ceux affichés au Luxembourg.
Moyennant le cofinancement du requérant, une maison en forme d'une «oekologische Holzblockbohlenkonstruktion » a été érigée sur le terrain précité.
Par ailleurs, le couple, ayant vendu sa demeure actuelle à …, est obligé de quitter celle-ci au premier juin prochain. » Le directeur général de la Police a émis un avis défavorable quant à la demande formulée par le requérant en date du 24 janvier 2008 en retenant que les motifs invoqués par le requérant «sont en effet essentiellement d'ordre économique et aucun intérêt de service ne justifie la dérogation demandée ».
Par ailleurs, le directeur a affirmé que, compte tenu de la distance géographique séparant le lieu de résidence du lieu de travail du requérant, « une éventuelle dérogation serait en contradiction parfaite aux dispositions relatives au périmètre d'habitation à l'intérieur du pays ».
Le requérant expose que le ministre de la Justice, dans sa réponse du 13 juillet 2007 à une question parlementaire (no 1774 du 11 juin 2007) avait écrit que « face à la mobilité accrue des gens, j'estime opportun de revoir l'ensemble des aspects liés au périmètre d'habitation, en tenant compte d'une organisation des services de police ».
Le requérant fonde son recours principalement sur un moyen d'incompétence alors qu’en tant que membre de l'UCPA, affecté au SCF du SCA il serait placé, pour l'exercice de ses fonctions, « directement sous l'autorité du ministre ayant l'Immigration et l'Asile dans ses attributions » en application de l’article 17 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers.
En effet, d'après la disposition précitée, les « agents chargés de l'exécution du contrôle (des conditions auxquelles l'étranger doit satisfaire et les formalités qu'il doit remplir pour le franchissement de la frontière) relèveraient, pour l'exercice de leurs fonctions, directement de l'autorité du Ministère ayant l'Immigration et l'Asile dans ses attributions ».
L'article 18 de la loi du 28 mars 1972 précitée disposerait qu'un « service de la Police grand-
ducale, dénommé « Service de Contrôle à l'Aéroport », est chargé du contrôle des personnes à l'aéroport ».
Il en résulterait que les « agents » visés à l'article 17 précité de la même loi seraient les membres du « Service de Contrôle à l'Aéroport » institué par l'article 18.
Le requérant, étant membre du SCA, serait donc un « agent » qui relèverait, pour l'exercice de ses fonctions, directement de l'autorité du Ministère ayant l'Immigration et l'Asile dans ses attributions.
Il en résulterait que le ministre compétent pour prendre une décision relative à la demande de dérogation au périmètre d'habitation prévu à l'article 26 du règlement grand-ducal précité introduite par le requérant serait le ministre qui aurait l'Immigration et l'Asile dans ses attributions.
Par conséquent, la décision litigieuse prise par le ministre de la Justice devrait encourir l’annulation pour incompétence dans le chef de son auteur.
Quant au fond, le requérant fait valoir que l'article 26 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, imposant au personnel de la carrière des inspecteurs un périmètre d'habitation déterminé, serait contraire au principe d'égalité devant la loi, proclamée à l'article 10bis de la Constitution.
En effet, cette contrainte ne s'appliquerait qu'au personnel de la carrière des inspecteurs de la police, alors que le cadre supérieur de la police et la carrière des brigadiers de police, qui composent, ensemble avec la carrière des inspecteurs le cadre policier, ne seraient soumis à aucune contrainte quant à la fixation de leur domicile.
Il y aurait lieu de constater que la disposition précitée opérerait une discrimination entre les membres du cadre policier, alors que ceux-ci se trouveraient dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée, en imposant aux seuls membres de la carrière des inspecteurs de police un périmètre d'habitation déterminé. Cette discrimination serait d'autant plus flagrante et non justifiée que les membres de la carrière des inspecteurs effectueraient, ensemble avec les autres membres du cadre policier, des missions identiques dans le cadre du service auquel ils sont affectés.
Compte tenu de ces considérations, la différence opérée par le texte incriminé quant aux conditions de fixation du domicile des membres du cadre policier ne serait pas justifiée au regard des exigences de rationalité, d'adéquation et de proportionnalité pour fonder une inégalité de traitement entre les différents membres du cadre policier.
Le requérant fait valoir par la suite que la décision attaquée constituerait une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
Le requérant estime que compte tenu de la nature du travail réalisé par lui et des horaires de fonctionnement du SDV, il conviendrait de constater que l'ingérence provoquée par la mise en place d'un périmètre d'habitation obligatoire ne serait pas nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, conditions nécessaires aux termes de l'article 8, alinéa 2 de la Convention européenne des droits de l'homme pour autoriser une ingérence au droit au respect du libre choix du domicile personnel et familial.
Le requérant fait finalement valoir que la décision attaquée aurait été prise sur un avis fondé sur des motifs qui seraient de nature à la vicier.
En effet, l'article 26 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 précité, prévoirait que le ministre peut relever de l'obligation de prendre domicile dans le périmètre déterminé s'il y a des motifs justifiés.
Dans son avis attaqué, le directeur général de la Police prétendrait que « des motifs invoqués (par le requérant à l'appui de sa demande) sont en effet essentiellement d'ordre économiques».
Compte tenu du fait que le directeur général de la Police prétendrait que les motifs d'ordre financier portés par le requérant à l'appui de sa demande ne seraient pas de nature à justifier une dérogation au périmètre d'habitation dans les conditions posées par l'article 26 du règlement grand-ducal précité, il conviendrait d'en déduire que celui-ci estime que des motifs financiers ne sont pas à considérer comme des motifs justificatifs au sens du texte précité.
Or, il serait certain que des arguments d'ordre financier pourraient être considérés comme motifs justifiant une mesure dérogatoire au périmètre d'habitation compte tenu de la flambée des prix dans le secteur de l'immobilier.
Au vu de ces considérations, il conviendrait de constater que l'avis attaqué du directeur général de la Police du 24 janvier 2008 serait entaché du vice d'excès de pouvoir de sorte qu’il devrait encourir la nullité.
Quant à la décision attaquée du Ministre de la Justice du 4 février 2008, celle-ci serait elle-
même entachée du vice d'excès de pouvoir pour s’être appropriée les motifs de l'avis du directeur général de la Police susvisé.
De plus, le ministre estimerait que la demande du requérant « va à l'encontre de l'intérêt du service» sans préciser la nature des intérêts du service à protéger et il en résulterait que sa décision devrait encourir la nullité pour excès de pouvoir alors que l'argumentation de l'auteur de la décision serait inexistante voire non fondée.
Le délégué du gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 7 octobre 2008 dans lequel il conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation.
Le recours exercé contre le courrier du 24 janvier 2008 du directeur général de la Police serait à déclarer irrecevable alors que celui-ci constituerait un acte simplement préparatoire de la décision finale du ministre de la Justice et ne serait dès lors pas susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux.
Le représentant étatique fait valoir que le moyen d’incompétence soulevé par le requérant serait à abjuger alors que suivant l'article 17 de la loi précitée du 28 mars 1972, les agents relèvent directement de l'autorité du ministre ayant l'Immigration et l'Asile dans ses attributions pour le seul contrôle des formalités que l'étranger doit satisfaire pour le franchissement des frontières.
Le moyen du requérant relatif à la violation du principe d'égalité devant la loi serait à rejeter alors que suivant l'article 44 du règlement précité du 27 avril 2007, les brigadiers de police seraient soumis au même périmètre d'habitation que les membres de la carrière de l'inspecteur de police.
Pour ce qui est de la carrière supérieure de police, la situation se présenterait autrement alors que les missions d'un cadre policier supérieur diffèreraient sensiblement de celles incombant aux deux autres carrières.
De toute façon, les cadres supérieurs policiers seraient systématiquement amenés à diriger des opérations sur tout le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, de sorte que l'introduction d'un périmètre d'habitation à leur égard ne présenterait aucun avantage sur le plan opérationnel.
Le représentant étatique souligne dans ce contexte qu’aussi bien les membres de la carrière de l'inspecteur que du brigadier bénéficieraient d'avantages financiers (prime d'astreinte, logements de service) pour compenser cette disponibilité.
Quant à la violation du droit au respect du domicile au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, il y aurait lieu de préciser que l'article 8.2. de cette même convention prévoirait précisément des exceptions au droit au respect du domicile qui sont en relation avec la sécurité nationale, la sécurité publique, la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales.
Le délégué du gouvernement souligne encore que la situation du requérant ne serait pas spécifique au sein du corps de la Police grand-ducale lorsqu'il invoque des motifs touchant à sa situation financière.
En effet, comme le ferait remarquer le requérant lui-même, le prix de l'immobilier touche tous les habitants du Luxembourg. La situation du requérant serait donc semblable à celle de beaucoup d'autres policiers, de sorte que si une dérogation devait lui être accordée, une telle situation aurait pour conséquence de vider de sa substance l'article 26 du règlement grand-
ducal du 27 avril 2007 précité, ce qui aurait nécessairement des répercussions néfastes sur le fonctionnement opérationnel de la police. La décision ministérielle du 4 février 2008, tout comme l'avis du directeur général de la Police, seraient dès lors fondés en se basant sur des considérations objectives, telles que l'intérêt du service.
Le personnel des carrières des inspecteurs et des brigadiers serait censé habiter dans un rayon défini dont l'étendue est fixée en fonction des missions incombant à l'unité d'affectation du fonctionnaire concerné. La raison principale du maintien d'un périmètre d'habitation serait la nécessité de faire résider les fonctionnaires de police à proximité du lieu de travail, soit pour assurer une intervention rapide en cas de nécessité (ce qui serait le cas pour les services centraux, les services régionaux et les centres d'intervention), soit pour faciliter le travail de proximité des commissariats.
Le requérant a déposé un mémoire en réplique en date du 6 novembre 2008 dans lequel il fait valoir que compte tenu du travail effectué par les membres du service contrôle frontalier, il conviendrait de constater qu'il s'agirait de missions qui seraient seulement effectuées pendant l'ouverture de l'aéroport.
Par ailleurs, compte tenu des missions incombant au service contrôle frontalier, il conviendrait de constater que le périmètre d'habitation lui imposé ne serait pas justifié pour l'un des motifs précités dont se prévaudrait le délégué du gouvernement afin de conclure au bien fondé de la décision attaquée et la décision attaquée ne tiendrait pas compte de la nature des missions incombant au service auquel la partie requérante est affectée.
En refusant de faire droit à sa demande en dérogation, alors même que son travail ne justifierait pas la mise en place d'un périmètre d'habitation, la mesure prise à son encontre ne serait pas proportionnelle au regard de sa situation.
Le délégué du gouvernement a déposé en date du 5 décembre 2008 un mémoire en duplique au libellé suivant :
« Contrairement à ce qui est affirmé, la décision de refuser une dérogation concernant le périmètre d'habitation repose sur des considérations objectives et a été prise exclusivement sur base de la nécessité pour les membres du service de contrôle frontalier à l'aéroport d'être disponibles à bref délai.
Contrairement en effet à ce qu'on pourrait déduire de la lecture des développements du requérant, la présence de la police à l'aéroport n'est pas seulement requise pendant les heures d'ouverture de l'aéroport et ne se limite pas « au contrôle de l'entrée et de la sortie des étrangers », mais la mission de la police est beaucoup plus vaste et importante.
En effet il faut préciser qu'il existe à l'aéroport le Service de Contrôle à l'Aéroport (SCA) et le Service de Garde à l'Aéroport (SGA). Le SCA regroupe le Service de Contrôle Frontalier (SCF) et le Service Documents de Voyage (SDV). Rappelons que le commissaire … est membre du SCA-SCF.
Quant à l'argument que les missions du service de contrôle à l'aéroport sont « seulement effectuées pendant l'ouverture de l'aéroport », il y a lieu de noter que les contrôles frontaliers s'effectuent non seulement pendant les heures d'ouverture, en l'occurrence entre 6.00 et 23.00 heures, mais que le SCA doit en outre garantir le contrôle des vols cargo et des vols inattendus respectivement retardés ou déviés. Ainsi, le SCA fonctionne par roulement 24 heures/24 heures et 7 jours / 7 jours.
Quant aux cas dans lesquels une intervention rapide sur le lieu du travail est requise, tels que les problèmes liés à l'immigration, il y a lieu de préciser qu'un service de permanence fonctionne depuis des années au sein du service SCA-SCF.
En tant que commissaire de police le requérant a une obligation de disponibilité et doit être joignable en cas de sollicitation dans des situations d'urgence. En guise d'exemple, le commissaire … peut être appelé à tout moment à rejoindre son unité de l'UCPA ou toute autre unité de la Police Grand-Ducale pour participer à des services d'ordre pour cause d'accident de grande échelle à l'aéroport ou en cas de manifestations, de plus en plus probables dans l'environnement économique actuel. La demande de pouvoir habiter à 65 km de son lieu de travail va donc à l'encontre de l'intérêt du service.
En réservant une suite favorable à la demande du requérant on suscitera des demandes de dérogations au périmètre d'autres policiers ; partant, l'obligation de disponibilité ne pourra plus être honorée par un nombre grandissant de membres de Corps ce qui risque d'entraver l'aptitude de la Police à assumer sa mission générale, à savoir assurer la sécurité intérieur (cf. l'article 2 de la loi du 31 mai 1999 sur la Police).
Une annulation de la décision ministérielle pour erreur d'appréciation manifeste ne se justifie dès lors nullement. » Aucun texte de loi ne prévoyant un recours en réformation en matière de demande de dérogation au périmètre d’habitation, le tribunal n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit à titre principal.
Le recours en annulation exercé contre le courrier du 24 janvier 2008 du directeur général de la Police est à déclarer irrecevable alors que celui-ci ne constitue qu’un acte simplement préparatoire de la décision finale du ministre de la Justice et n’est dès lors pas susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux.
En ce qui concerne le recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de la Justice du 4 février 2008, le requérant a soulevé en premier lieu l’incompétence de l’auteur de cette décision.
Ce moyen est à écarter alors que suivant l'article 17 de la loi précitée du 28 mars 1972 les agents relèvent directement de l'autorité du ministre ayant l'Immigration et l'Asile seulement pour l’exercice de ses fonctions, c'est-à-dire pour le seul contrôle des formalités que l'étranger doit satisfaire pour le franchissement des frontières.
L'article 20 de cette même loi du 28 mars 1972 précise par ailleurs que la surveillance et le contrôle des étrangers sont exercés par la Police grand-ducale conformément aux instructions données par le ministre ayant l'Immigration et l'Asile dans ses attributions.
Or, la décision du 4 février 2008 ayant trait à une demande de dérogation du périmètre d’habitation n’est en aucune relation avec la fonction même du policier et plus particulièrement avec la surveillance et le contrôle des étrangers étant par ailleurs entendu que la police relève exclusivement du ministre de la Justice pour tout ce qui concerne l'organisation, l'administration, l'instruction et la discipline en vertu de l'article 4 de la loi modifiée du 31 mai 1999 sur la Police et l'Inspection générale de la Police et de l'arrêté grand-
ducal du 7 août 2004 portant constitution des ministères.
D'ailleurs l'article 18 de la loi précitée du 28 mars 1972 précise que le Service de contrôle à l'Aéroport est un service de la Police grand-ducale, de sorte que le ministre de la Justice a été compétent pour décider des suites à réserver à la demande du requérant.
Quant au fond, Monsieur … fait valoir que l’article 26 du règlement grand-ducal précité du 27 avril 2007 opérerait une discrimination entre les membres du cadre policier, alors que ceux-ci se trouveraient dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée en imposant aux seuls membres de la carrière des inspecteurs de police un périmètre d'habitation déterminée. Cette discrimination serait d'autant plus flagrante et non justifiée que les membres de la carrière des inspecteurs effectueraient, ensemble avec les autres membres du cadre policier des missions identiques dans le cadre du service auquel ils sont affectés.
Comme le souligne à juste titre le représentant étatique dans ce contexte, il y a d’abord lieu de constater que suivant l'article 44 du règlement précité du 27 avril 2007, les brigadiers de police sont soumis au même périmètre d'habitation que les membres de la carrière de l'inspecteur de police.
S’il est exact que les membres du cadre supérieur policier sont soumis à un régime légal non identique à celui des membres de la carrière des inspecteurs et des brigadiers, cette différence est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but alors que les missions d'un cadre policier supérieur diffèrent sensiblement de celles incombant aux deux autres carrières.
En effet, comme souligné à bon escient par le délégué du gouvernement, pour l'exécution d'une mission policière d'envergure, il suffit d'un nombre minimal de cadres supérieurs, qui assument des missions de dirigeant et de coordination, tandis que le besoin en policiers exécutant des missions d'intervention et de prévention est beaucoup plus élevé.
A cela s’ajoute que le système actuel des services de permanence imposé au cadre supérieur policier garantit qu’une structure de commandement pourra être mise en place à tout moment pour encadrer efficacement les policiers en cas d'une intervention d'envergure.
Il découle de ces considérations que l'article 26 du règlement grand-ducal précité du 27 avril 2007 n'a pas violé le principe constitutionnel de l'égalité devant la loi de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant à l’argumentation du requérant relative à une prétendue violation du droit au respect du domicile au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme il y a lieu de constater que l'article 8.2. de cette même convention prévoit précisément des exceptions au droit au respect du domicile qui sont en relation avec la sécurité nationale, la sécurité publique, la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales en disposant qu’ « il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
En tant que membre de la police grand-ducale est soumis à un régime militaire et est dès lors susceptible d'être rappelé d'urgence en service en cas d'événement exceptionnel ou d'envergure et ce indépendamment de l’unité à laquelle il est actuellement affecté de sorte que la prescription d'un périmètre d'habitation s’avère nécessaire pour que la Police grand-ducale puisse pleinement assumer les missions lui dévolues par la loi. Le moyen soulevé n’est partant pas à retenir.
Le requérant estime finalement que la décision ministérielle serait basée sur des motifs de nature à la vicier.
L’article 26 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 précité prévoit ce qui suit :
« Le personnel de la carrière des inspecteurs doit prendre domicile conformément aux dispositions suivantes:
Le personnel de la Direction générale, des services centraux, des directions, des services et des centres d’intervention des circonscriptions régionales de Luxembourg et d’Esch-sur-
Alzette et des commissariats de proximité de la Ville de Luxembourg, à l’exception des services palais à Fischbach et à Colmar-Berg, doit prendre domicile sur le territoire de l’arrondissement judiciaire de Luxembourg de même que le personnel de l’Inspection générale de la police et les fonctionnaires affectés aux services administratifs et techniques ainsi qu’à un service national autre que le service actif de la Police.
Le personnel des directions, des services et des centres d’intervention des circonscriptions régionales de Diekirch, Capellen, Mersch et Grevenmacher doit prendre domicile sur le territoire de la circonscription régionale d’affectation ou dans un rayon de vingt kilomètres d’un centre d’intervention de la circonscription régionale concernée étant entendu que toute commune touchée fera partie de ce périmètre.
Le personnel affecté aux commissariats de proximité, à l’exception de ceux de la Ville de Luxembourg, doit prendre domicile sur le territoire du commissariat concerné ou dans un rayon de cinq kilomètres étant entendu que toute commune touchée fait partie de ce périmètre.
Le personnel des services palais à Fischbach et à Colmar-Berg doit prendre domicile dans un rayon de vingt kilomètres de son service d’affectation étant entendu que toute commune touchée fait partie de ce périmètre.
Le ministre peut relever de cette obligation s’il y a des motifs justifiés. » Il découle de ce texte que le requérant est obligé de prendre domicile sur le territoire de l’arrondissement judiciaire de Luxembourg.
Etant donné que ce texte a comme première vocation d’assurer un fonctionnement optimal de la Police grand-ducale, il appartient au requérant de justifier les motifs aux fins d’être relevé de l’obligation de prendre domicile dans un certain rayon de son service d’affectation.
La mission du tribunal, siégeant comme juge de l’annulation, n’est pas celle de se prononcer sur le caractère justifié ou non de la demande mais il doit se limiter à vérifier si la réponse ministérielle prononçant un refus est basée sur des motifs légaux et n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Il découle de l’ensemble des éléments soumis au tribunal que le ministre a refusé une dérogation concernant le périmètre d'habitation sur base de la considération objective de la nécessité pour les membres du service de contrôle frontalier à l'aéroport d'être disponibles à bref délai étant entendu que des arguments d'ordre financier ou autres liés à la convenance personnelle, ne sauraient être considérés comme motifs justificatifs dans ce contexte.
En l’absence d’une erreur d’appréciation manifeste, et au vu de tous les éléments dégagés par le tribunal le recours n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en réformation irrecevable ;
déclare le recours en annulation exercé contre le courrier du 24 janvier 2008 du directeur général de la Police irrecevable, reçoit le recours en annulation contre la décision du ministre de la Justice du 4 février 2008 en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 février 2009 par :
Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
Arny Schmit Marc Feyereisen 10