Tribunal administratif N° 24641 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2008 3e chambre Audience publique du 4 février 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire à points
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24641 du rôle et déposée le 18 juillet 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre Brasseur, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 28 avril 2008 l’informant que deux points ont été retirés du capital dont est doté son permis de conduire en raison d’un avertissement taxé dressé pour une infraction au code de la route ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 août 2008 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2008 par Maître Pierre Brasseur au nom de Monsieur … ;
Vu le « mémoire en duplique » ainsi intitulé déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2008 par Maître Pierre Brasseur au nom de Monsieur … Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 janvier 2009.
Monsieur … fit l’objet d’un avertissement taxé d’un montant de 145 €, duquel il résulte qu’il a commis en date du 22 avril 2008 sur l’autoroute A 13 à Ehlerange une infraction au code de la route libellée comme suit « Immobilisation PKW sauf cas de force majeure » et dont le code correspondant à l’infraction est renseigné comme étant celui de « A 156-16 ».
Monsieur … paya tout de suite cet avertissement taxé.
Par une décision du 28 avril 2008, le ministre des Transports informa Monsieur … que 2 points ont été retirés du capital dont est doté son permis de conduire pour l’infraction au code de la route libellée comme suit : « Immobilisation sur une chaussée, sur une brettelle ou chaussée d’accès ou de sortie, sur une bande ou une place d’arrêt d’urgence ou sur un accotement d’une autoroute, d’un véhicule assurant l’entretien de la voirie ou la sécurité de la circulation qui n’est pas signalé par des feux jaunes ». La décision précisa en outre que le lieu du fait était à Ehlerange sur l’autoroute A 13 en date du 22 avril 2008.
Par requête déposée le 18 juillet 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre la décision du ministre des Transports du 28 avril 2008.
Etant donné que la décision du ministre des Transports de retirer le nombre de points prévu par la loi s’analyse en une décision administrative, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours introduit.
Aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond dans la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal.
Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Le demandeur a déposé après le mémoire en réplique un deuxième mémoire intitulé « mémoire en duplique ».
La question du nombre des mémoires déposés est à considérer comme étant d’ordre public pour toucher à l’organisation juridictionnelle, de sorte qu’il y a lieu d’examiner l’admissibilité du mémoire intitulé « mémoire en duplique ».
L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (1) et (5) que :
« (1) Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. (…) (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois ».
Comme il ne peut y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie y compris la requête introductive, un troisième mémoire n’est partant pas à prendre en considération, à défaut par le président du tribunal d’avoir autorisé la production de mémoires supplémentaires1.
Il s’ensuit que le troisième mémoire intitulé « mémoire en duplique » déposé le 14 novembre 2008 par le demandeur est à écarter des débats.
A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que dans la mesure où sur l’avertissement taxé l’indication du libellé de l’infraction et celle de l’article correspondant à l’infraction commise seraient contradictoires, il aurait été sanctionné pour une infraction qu’il 1 Cf. TA 11 décembre 2006, n° 21074 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 603 et autres références y citées.
n’a pas commise. Il ajoute que cette contradiction contreviendrait au principe de la légalité des peines et entraînerait dans son chef une discrimination face aux autres administrés.
Il expose en outre que la décision ministérielle litigieuse serait entachée d’illégalité au motif que deux points de son permis de conduire lui auraient été retirés pour une infraction dont le libellé tel que précisé dans la décision ne correspondrait pas aux faits tels que libellés dans l’avertissement taxé.
Le délégué du gouvernement souligne qu’il y aurait discordance entre le libellé de l’infraction inscrit sur la formule de l’avertissement taxé avec référence au code de l’infraction A 156-16 et le libellé de l’infraction figurant dans la décision ministérielle du 28 avril 2008. En effet le libellé figurant dans la décision ministérielle correspondrait au code de l’infraction A 156-16, tandis que le libellé tel que figurant sur l’avertissement taxé correspondrait au code de l’infraction A 156-15.
Cette discordance aurait ses origines dans l’utilisation, par l’agent verbalisant, d’un code d’infraction erroné qui, lors de la saisie informatique dans la base de données des avertissements taxés par la police grand-ducale et de la transmission automatisée subséquente des informations relatives à l’avertissement taxé au ministère des Transports, aurait généré au sein de la décision ministérielle un libellé qui différerait de celui figurant sur la formule de l’avertissement taxé pour qualifier l’infraction commise par Monsieur ….
Le délégué du gouvernement donne à considérer que cette erreur matérielle n’aurait toutefois pas de conséquence sur la décision de retrait de points au motif que l’article 2bis, paragraphe 2 sub 15) de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques2 prévoirait pour toutes les infractions aux prescriptions spéciales concernant la circulation sur les autoroutes une réduction de 2 points.
Il ajoute que le demandeur ne mettrait pas en question l’infraction commise, telle que qualifiée par l’agent verbalisant, constat qui serait étayé, d’une part, par l’apposition sur la formule de l’avertissement taxé de sa signature et d’autre part par l’acquittement sur place de la taxe due. Il souligne qu’il serait de jurisprudence que le paiement de l’avertissement taxé impliquerait la reconnaissance par l’auteur de son comportement fautif et l’acceptation du retrait de points.
Le demandeur réplique que les conditions de retrait automatique du nombre de points ne seraient pas remplies en l’espèce, dans la mesure où l’avertissement taxé ferait état de deux infractions distinctes, de sorte qu’on ne saurait savoir laquelle des deux infractions en cause ferait preuve de réalité. Il ajoute qu’on ne saurait pas non plus vérifier le choix du ministre de fonder sa décision sur une infraction au détriment de l’autre. En l’espèce, la discordance entre deux infractions alléguées sur un même avertissement taxé ferait preuve d’une irrégularité formelle que le ministre aurait dû vérifier.
Monsieur … admet qu’en date du 22 avril 2008 il circulait sur l’autoroute A 13, en fin d’après-midi, lorsqu’un bruit inquiétant dans le moteur de son véhicule l’a contraint à s’arrêter au plus vite sur la bande d’urgence.
2 Ci-après dénommée « la loi du 14 février 1955 ».
L’avertissement taxé dressé en date du 22 avril 2008 renseigne le libellé de l’infraction de la façon suivante « Immobilisation PKW sauf cas de force majeure » et le code de l’infraction A 156-16.
Le règlement grand-ducal modifié du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points3 précise dans le catalogue des avertissements taxés la nature de l’infraction relative à l’article 156-16 de la façon suivante :
« Immobilisation sur une chaussée, sur une bretelle ou chaussée d’accès ou de sortie, sur une bande ou une place d’arrêt d’urgence ou sur un accotement d’une autoroute, d’un véhicule assurant l’entretien de la voirie ou la sécurité de la circulation qui n’est pas signalé par des feux jaunes clignotants. » Le règlement grand-ducal du 26 août 1993 précise dans le catalogue des avertissements taxés la nature de l’infraction relative à l’article 156-15 de la façon suivante :
« Immobilisation d’un véhicule sur une chaussée, sur une bretelle ou chaussée d’accès ou de sortie, sur une bande ou une place d’arrêt d’urgence ou sur un accotement d’une autoroute, hormis le cas de force majeure ».
Au vu du libellé de ces deux infractions et au vu de la constatation que le véhicule en cause n’est pas un véhicule assurant l’entretien de la voirie ou la sécurité de la circulation, il est dès lors établi que le libellé de l’infraction tel qu’indiqué de façon sommaire sur l’avertissement taxé correspond en réalité au code 156-15 et non pas au code 156-16.
Il est également établi que la décision ministérielle litigieuse indique comme infraction celle correspondant au code 156-16, code indiqué erronément sur l’avertissement taxé.
L’article 2 bis, paragraphe 2, dernier alinéa de la la du 14 février est libellé comme suit :
« Toute réduction de points donne lieu à une information écrite de l’intéressé sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points ainsi que sur le nombre de points dont le permis de conduire concerné reste affecté. Les modalités de cette information sont arrêtés par règlement grand-ducal ».
L’article 13 du règlement grand-ducal du 26 août 1993 précise ce qui suit :
« Les membres de la police grand-ducal et de l’administration des douanes et accises qui décernent un avertissement taxé pour une contravention donnant lieu à une réduction de points en vertu du paragraphe 2 de l’article 2bis de la loi du 14 février 1955 précitée, en informent par voie informatique le ministre des Transports dans les 15 jours suivant le règlement de la taxe.
Lorsque le contrevenant qui a sa résidence normale au Luxembourg, est titulaire d’un permis de conduire luxembourgeois ou d’un permis de conduire délivré par un autre Etat membre de l’Espace Economique Européen dûment enregistré, cette communication comporte toutes les données utiles à l’identification du contrevenant et notamment ses noms, 3 Ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 26 août 1993 » prénoms, date et lieu de naissance et le numéro de son permis de conduire ainsi que la nature de la ou des infractions commises et les références aux articles tels que prévues au catalogue annexé au présent règlement ».
L’article 15 du règlement grand-ducal du 26 août 1993 précise encore ce qui suit :
« 1. Le ministre des Transports procède à l’imputation des points retirés et en informe l’intéressé endéans les huit jours ouvrables à compter des communications prévues aux articles 13 et 14.
(…) 2. L’information prévue au dernier alinéa du paragraphe 2 de l’article 2bis de la loi du 14 février 1955 précitée mentionne le libellé de l’infraction et le nombre de points déduits ainsi que les date et lieu des faits. Elle indique en outre si la déduction des points intervient sur base d’une décision judiciaire ou sur base d’un avertissement taxé. Dans le premier cas l’instance judiciaire, la date de la décision ainsi que la date où cette décision est devenue irrévocable sont mentionnées. Dans le second cas, la date du paiement de la taxe est mentionnée.
L’information indique en outre le nombre résiduel de points et comporte, le cas échéant, un rappel sommaire des antécédents ayant entraîné une perte de points. Elle énonce, la possibilité éventuelle de la reconstitution partielle de points ainsi que les voies de recours ».
En application des textes légal et réglementaire cités, la décision ministérielle doit informer l’intéressé notamment sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points en mentionnant le libellé de l’infraction.
En l’espèce, la décision ministérielle indique un libellé de l’infraction ne correspondant pas à l’infraction commise.
Au vu de l’application de l’article 13 du règlement grand-ducal du 26 août 1993, le ministre dispose de toutes les informations nécessaires relatives à la nature de l’infraction commise et à la référence aux articles tels que prévus au catalogue annexé au règlement grand-ducal du 26 août 1993, de sorte qu’il aurait dû se rendre compte que le libellé de l’infraction ne correspond pas au code de l’infraction indiqué sur l’avertissement taxé.
Alors même que le même article 2bis paragraphe 2 requiert dans son dernier alinéa une information écrite de l’intéressé de la part du ministre sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points suite au paiement de l’avertissement taxé et que l’article 15, paragraphe 2 du règlement grand-ducal du 26 août 1993 précise que cette information doit mentionner notamment le libellé de l’infraction, toute erreur quelconque quant à l’une de ces mentions n’est pas nécessairement de nature à affecter la validité du retrait de points opéré.
Conformément à la finalité de ces dispositions légale et réglementaire d’informer le contrevenant sur l’effectivité du retrait de points, il suffit, concernant les indications relatives à l’infraction, que le contrevenant puisse clairement identifier l’infraction qui a été à la base du retrait opéré4.
4 Cf. TA 21 octobre 2004, Pas.adm. 2008, V° En l’espèce dans la mesure où la décision ministérielle indique une infraction erronée et non pas celle effectivement commise, le demandeur n’a pas pu identifier l’infraction qui a été à la base du retrait opéré, d’autant plus que le procès-verbal comporte une contradiction à ce titre, de sorte que la décision ministérielle est entachée d’illégalité et encourt dès lors l’annulation.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argument du délégué du gouvernement selon lequel cette erreur matérielle n’aurait toutefois pas de conséquence sur la décision de retrait de points au motif que l’article 2bis, paragraphe 2 sub 15) de la loi du 14 février 1955 prévoirait pour toutes les infractions aux prescriptions spéciales concernant la circulation sur les autoroutes une réduction de 2 points.
S’il est certes exact que l’infraction telle que libellée dans la décision ministérielle déférée et correspondant au code 156-16 donne également lieu à un retrait de 2 points, il n’en reste pas moins que le devoir d’information sur la nature de l’infraction à l’origine de la réduction de points est un devoir capital, de sorte qu’une information ne remplissant pas les prescriptions légales et réglementaires exigées en la matière ne saurait constituer une simple erreur matérielle n’entraînant aucune conséquence juridique.
Le demandeur demande en outre une indemnité de procédure d’un montant de 1500 € qui est à rejeter alors que les conditions légales telles qu’exigées par l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives pour obtenir une indemnité de procédure ne sont pas remplies en l’espèce.
Quant à la demande tendant à ordonner l’effet suspensif du recours, le demandeur limite sa demande tendant à voir ordonner l’effet suspensif du recours contre un jugement confirmatif pendant le délai et l’instance d’appel, de sorte sa demande est à rejeter étant donné que le tribunal a annulé la décision déférée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal, reçoit le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire en la forme ;
écarte des débats le mémoire déposé le 14 novembre 2008 par le demandeur;
au fond le déclare justifié ;
partant annule la décision du ministre des Transports 28 avril 2008 et renvoie l’affaire devant le ministre des Transports ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
rejette la demande tendant à voir ordonner l’effet suspensif du recours contre un jugement confirmatif pendant le délai et l’instance d’appel ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 février 2009 par :
Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Marc Feyereisen 7