Tribunal administratif Numéro 24953 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 octobre 2008 2e chambre Audience publique du 28 janvier 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24953 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2008 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 26 septembre 2008 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en ses plaidoiries à l’audience publique du 7 janvier 2009.
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Le 27 février 2008, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».
En date du 18 mars 2008, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 26 septembre 2008, expédiée par lettre recommandée en date du 29 septembre 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa l’intéressé que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 27 février 2008.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 18 mars 2008.
Il résulte de vos déclarations que vous appartiendriez à l'ethnie des bosniaques et que vous auriez vécu ensemble avec votre famille à … dans la commune d'Istok. Vous dites que vous auriez quitté l'école en 2001, cependant vous n'auriez jamais travaillé et vous admettez que vous n'auriez jamais essayé de trouver un emploi.
Vous dites qu'en 2002, un de vos cousins aurait été battu par des albanais. En outre, des albanais qui se seraient identifiés comme membres de l'UCK auraient fait irruption dans votre maison familiale en 2001. Un mois après cet incident, ils auraient mis le feu au foin et ils auraient tiré sur vous. Vous indiquez que vous en auriez informé la KFOR et l'UNMIK, cependant ils n'auraient rien fait. Vous dites que vous n'auriez jamais été persécuté personnellement, cependant votre famille aurait reçu des menaces de la part des albanais entre 1999 et 2007. Vous dites qu'en 2002, votre famille entière aurait tenté de quitter le Kosovo, cependant vous auriez tous été arrêtés et ramenés au Kosovo. Par manque d'argent, vous seriez venu seul au Luxembourg, sinon votre famille vous aurait accompagné.
Vous dites que vous n'auriez pas pu vous installer dans une autre région du Kosovo, comme uniquement à … se trouveraient encore des bosniaques. Ainsi, en date du 23 février 2008, vous auriez quitté le Kosovo en direction du Luxembourg. Vous auriez payé la somme de € 3.000.- aux passeurs.
Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune persécution, ni mauvais traitement et vous dites ne pas être membre d'un parti politique.
Concernant la situation particulière des musulmans slaves au Kosovo, il convient de souligner que la reconnaissance du statut de réfugié politique n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur, qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006.
En effet, en premier lieu, force est de constater que vous restez très vague dans vos déclarations et que vous n'entrez pas dans les détails. En deuxième lieu, les faits que des individus albanais, non autrement identifiés, auraient fait irruption dans votre maison familiale et qu'ils auraient mis le feu au foin ne sont pas de nature à constituer une crainte fondée de persécution selon la Convention de Genève et de ladite loi. De plus, les incidents qui dateraient de 2001 et de 2002, sont trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans l'examen de votre demande de protection internationale.
En ce qui concerne les soi-disant menaces que vous évoquez, mais que vous n'expliquez pas lors de l'entretien, force est de constater que ces derniers ne revêtent pas un caractère de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une persécution au sens de dispositions précitées de la convention de Genève.
En outre, il convient de mettre en évidence que ni vous et ni votre famille ne travaillez. Vous expliquez même que vous n'auriez jamais tenté de trouver un emploi. Par conséquent, il ne peut être exclu que des motifs économiques sous-tendent votre demande d'asile. A ce sujet, il y a lieu de noter que des raisons économiques ne sauraient davantage justifier une demande d'asile politique.
Finalement, en ce qui concerne les divers documents que vous avez remis aux autorités luxembourgeoises, force est de constater en tout premier lieu qu'il s'agit de photocopies et non d'originaux et par conséquent l'authenticité ne peut être établie. En deuxième lieu, il convient de relever que le contenu de la lettre de l'administration communale d'Istok semble peu crédible :
« (…) seulement … continuent d'être objets d'agressions et de menaces de mort de la part des extrémistes albanais, et leur unique chance de conserver leur vie, est de quitter le territoire du Kosovo. Les organes de la Police du Kosovo n'ont pas la possibilité d'assurer la. protection adéquate pour les personnes citées ci-dessus et sauvegarder leur sécurité (…) » Tout d'abord, vu vos déclarations, il semble peu crédible qu'uniquement votre famille serait menacée par des albanais. Vous dites que vous ne trouveriez pas d'emploi en raison de votre appartenance ethnique et que tous vos problèmes seraient liés au fait que vous seriez bosniaque. Or, par conséquent non seulement votre famille, mais tous les bosniaques devraient être menacés par les albanais, mais aussi les autres 1.700 bosniaques qui habitent à Istok. De plus, il est assez étonnant que le document a été élaboré en date du 3 août 2007 par un responsable de la commune d'Istok « à la demande personnelle » de la part de votre oncle paternel, alors que ce dernier se trouve au Luxembourg depuis le mois de février 2003. En outre, force est de constater qu'il est surprenant que vous auriez demandé un tel document au mois d'août 2007, alors que vous dites avoir quitté le Kosovo en date du 23 février 2008, donc 6 mois plus tard.
Monsieur, force est de constater que votre crainte traduit plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.
Enfin, vous n'apportez en l'espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d'origine pour ainsi profiter d'une fuite interne. Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En ce qui concerne la situation plus précise des bosniaques il ressort qu'actuellement ceux-ci ont, non seulement le droit à la participation et à la représentation politique, mais encore accès à l'enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu'une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. En ce qui concerne plus particulièrement les bosniaques de la région de Pec, une ville qui se trouve à vingt km d'Istok, il convient de souligner que les bosniaques n'y expriment pas d'inquiétude quant à leur sécurité physique et jouissent de la libre circulation. Selon les dires de certains leaders l'usage de la langue bosniaque serait considéré comme normal et cette langue serait utilisée dans certaines écoles primaires et secondaires. Les relations interethniques y sont stables. Par ailleurs, le rapport de I'UNHCR de juin 2006 intitulé « UNHCR's Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo » ne mentionne pas la situation des bochniaques et par conséquent on peut en conclure que l'UNCHR ne les considère plus comme courant de risque particulier. D'ailleurs, l'UNHCR ne s'oppose pas à un retour de bochniaques au Kosovo. De même, il ressort clairement du « UK Operational Guidance Note Republic of Serbie » du 22 juillet 2008 que « although Bosniaks may be subject to discrimination and/or harassment in Kosovo this does not generally reach the level of persecution.
Considering the sufficiency of protection available and the option of internal relocation, in the majority of cases it is unlikely that a claim based solely on the fear of persecution because of Bosniak ethnicity will qualify for a grant of asylum or Humanitarian Protection and cases from this category of claim are likely to be clearly unfounded ».
Au vu de ce qui précède, force est de constater que vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.
La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.
Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.
Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure. (…) » Par requête déposée le 24 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 26 septembre 2008 lui refusant la reconnaissance d’une protection internationale et tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, compris dans la même décision.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur, de confession musulmane et appartenant à la minorité ethnique des bochniaques vivant au Kosovo fait valoir qu’il aurait dû subir dans son quotidien des menaces et des insultes par des Albanais et que sa liberté de circulation et de mouvement aurait été fortement restreinte au motif que son oncle paternel Monsieur … aurait travaillé pour la police serbe. Il ajoute que des membres de sa famille auraient reçu des menaces de mort en 1999 et 2007, tandis qu’en 2001 des Albanais membres de l’UCK auraient fait éruption dans la maison familiale, ils auraient mis le feu au foin et ils auraient tiré sur tous les membres de la famille vivant dans cette maison. Le 8 mars 2002, un de ses cousins aurait été violemment battu par des Albanais sans aucune raison mais simplement parce qu’il était le neveu de Monsieur …. Même après avoir informé la KFOR et l’UNMIK de ces incidents, aucune enquête n’aurait eu lieu, de sorte qu’il aurait dû quitter le Kosovo afin de rejoindre ses membres de famille qui se seraient installés au Luxembourg.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…)».
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions. Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.
Ainsi, concernant la crainte générale exprimée par le demandeur d’être victime d’actes de persécution de la part de la majorité albanaise en raison de son origine bosniaque, il convient de relever que si la situation sécuritaire actuelle des minorités ethniques du Kosovo demeure toujours difficile et que les membres de minorités continuent de souffrir d’incidents motivés par leur appartenance ethnique, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi précitée du 5 mai 2006.
A cet égard, l’UNHCR note, dans un rapport daté du 16 juin 2006 réactualisant sa position en matière de protection des minorités au Kosovo, que : ”Since the issuance of UNHCR’s March 2005 position paper, the overall security situation in Kosovo has progressively improved. The number of members of minorities working at the central Institutions of Provisional Self-Government (PISG) and in the Kosovo Protection Corps (KPC) has increased; freedom of movement has generally progressed; a number of important steps have been taken to reinforce the protection of property rights; and an Inter-Ministerial Commission to monitor minorities’ access to public services has been established”1.
En outre, en ce qui concerne la minorité bosniaque, l’UNHCR ne mentionne plus les membres de cette minorité au chapitre des « Groups at risk », estimant qu’ils ne sont plus désormais à considérer comme courant en général des risques de persécution. En effet, il limite ses considérations à la minorité serbe, ainsi qu’aux Roms et aux Albanais se trouvant dans une situation de minorité et à celle des Ashkalis et Egyptiens.
Les autres faits exposés par le demandeur, à savoir notamment les menaces et insultes, s’analysent en substance en des harcèlements de la part d’Albanais qui constituent certes des pratiques condamnables, mais ne revêtent pas, en l’espèce, à défaut d’autres faits ou éléments, un degré de gravité tel que la vie lui serait, à raison, rendue intolérable dans son pays de provenance.
Le demandeur fait encore état, d’une manière générale, de menaces dont d’autres membres de sa famille auraient fait l’objet, en se référant ainsi à de prétendues persécutions qui n’auraient pas été dirigées à son encontre, mais contre de tierces personnes, sans établir en quoi il risquerait de faire l’objet des mêmes menaces. Ces faits ne sauraient partant être retenus dans le cadre de l’examen portant sur l’existence d’une crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève dans le chef du demandeur.
Le tribunal est partant amené à conclure que les craintes éprouvées par le demandeur en raison de son origine ethnique et de la situation sécuritaire prévalant au Kosovo constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays de provenance.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de 1 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p.3 , n° 8 croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Selon l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, sont considérées comme « atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur n’invoque pas d’autres motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, à l’exception de la situation politique générale existant au Kosovo à la suite de la déclaration unilatérale d’indépendance de ce pays.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que les risques invoqués par le demandeur de subir des traitements inhumains ou dégradants de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo ne sont pas suffisamment sérieux et avérés pour justifier l’octroi d’un statut de protection subsidiaire, alors que son récit ne fait que traduire un sentiment général d’insécurité. Il convient en outre de relever que la définition des atteintes graves donnée par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 précité implique une individualisation des atteintes graves, alors que « les risques auxquels la population d’un pays ou une partie de la population est généralement exposés ne constituent normalement pas en eux-mêmes des menaces individuelles à qualifier d’atteintes graves » (cf. directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004, considérant 26). En effet, la situation en matière de relations interethniques prévalant au Kosovo n’est pas, à elle seule, suffisante pour établir une impossibilité de retour à l’heure actuelle au Kosovo dans le chef du demandeur.
Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut, au-delà de ces simples allégations et du sentiment d’insécurité partagé vraisemblablement par tous les membres de minorités ethniques au Kosovo, d’avancer un quelconque élément concret permettant au tribunal de retenir qu’il risquerait personnellement de subir des atteintes graves au sens du prédit article 37.
Il se dégage de tout ce qui précède que c’est à juste titre que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation du demandeur, déclaré sa demande de protection internationale comme non fondée de sorte que son recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle attaquée. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité avec les dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. S’il est exact que ladite loi du 28 mars 1972 a été abrogée par la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, le juge administratif, dans le cadre d’un recours en annulation, est amené à analyser la légalité de la décision administrative en considération de la situation de droit et de fait ayant existé au jour où elle a été prise de sorte que la loi précitée du 28 mars 1972 était en vigueur au moment de la prise de la décision déférée et elle était partant applicable.
Force est de constater que le demandeur se contente de solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans avancer un quelconque moyen à l’encontre de cet ordre.
Comme le tribunal, tel que développé ci-dessus, vient de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire ne sauraient être utilement mis en cause.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 26 septembre 2008 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 26 septembre 2008 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 28 janvier 2009 par le président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Marc Feyereisen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29.1.2009 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 10