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14/01/2009 | LUXEMBOURG | N°22029

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 janvier 2009, 22029


Tribunal administratif N° 22029 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 octobre 2006 1re chambre Audience publique du 14 janvier 2009 Recours formé par Monsieur … et consort, …, ainsi que Monsieur XXX, …, en présence de la société à responsabilité limitée YYY s. à r.l.

contre une décision du ministre de l’Intérieur et une délibération du conseil communal de la commune de Mersch en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22029 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le

17 octobre 2006 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des ...

Tribunal administratif N° 22029 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 octobre 2006 1re chambre Audience publique du 14 janvier 2009 Recours formé par Monsieur … et consort, …, ainsi que Monsieur XXX, …, en présence de la société à responsabilité limitée YYY s. à r.l.

contre une décision du ministre de l’Intérieur et une délibération du conseil communal de la commune de Mersch en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22029 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2006 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, les deux demeurant ensemble à L-…, ainsi que de Monsieur XXX, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 3 août 2006, approuvant une décision du conseil communal de Mersch du 15 mai 2006 portant adoption définitive d'un projet d'aménagement partiel, portant sur des fonds sis à Mersch, commune de Mersch, au lieu-dit « Mierscherbierg », présenté par la société à responsabilité limitée YYY s. à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, ainsi que de la prédite décision du conseil communal du 15 mai 2006 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy Engel, demeurant à Luxembourg, du 18 octobre 2006 portant signification de ce recours à l’administration communale de Mersch ainsi qu’à la société YYY s.à r.l. ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2006 par Maître Victor Elvinger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société YYY s.à r.l. ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2006 par Maître Pierre Metzler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mersch ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 janvier 2007 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2007 par Maître Victor Elvinger, pour compte de la société YYY s.à r.l., notifié le même jour aux demandeurs ainsi qu’à l’administration communale de Mersch ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2007 par Maître Pierre Metzler pour compte de l’administration communale de Mersch, notifié le même jour aux demandeurs ainsi qu’à la société YYY s.à r.l.;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2007 par Maître Georges Krieger au nom des demandeurs. notifié le même jour à l’administration communale de Mersch ainsi qu’à la société YYY s.à r.l.;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mars 2007 par Maître Pierre Metzler pour compte de l’administration communale de Mersch, notifié le même jour aux demandeurs ainsi qu’à la société YYY s.à r.l.;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mars 2007 par Maître Victor Elvinger, pour compte de la société YYY s.à r.l., notifié le même jour aux demandeurs ainsi qu’à l’administration communale de Mersch ;

Vu le courrier du 18 avril 2008 de Maître Georges Krieger informant le tribunal qu’il n’occupe plus pour les demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne-Laure Jabin, en remplacement de Maître Pierre Metzler, Maître Serge Marx, en remplacement de Maître Victor Elvinger, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 janvier 2009.

En date du 7 janvier 2005, la commission d'aménagement auprès du ministère de l'Intérieur émit un avis relatif à un projet d'aménagement particulier (« PAP ») concernant des fonds sis à Mersch, commune de Mersch, au lieu-dit « Mierscherbierg », présenté par la société à responsabilité limitée YYY s. à r.l., ci-après « la société YYY ».

En date du 23 février 2006, le conseil communal de la commune de Mersch, ci-

après désigné par le « conseil communal », approuva provisoirement ledit PAP, décision qui fut affichée pendant 30 jours à la maison communale, à savoir à partir du 2 mars 2006 inclus.

Le collège des bourgmestre et échevins entendit les opposants en date du 6 mai 2006 en vue de l'aplanissement des difficultés conformément à l'article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

Dans sa séance du 15 mai 2006, le conseil communal approuva définitivement le PAP de la société YYY. Cette décision d'approbation définitive a été affichée à la maison communale pendant 8 jours à partir du 19 mai 2006.

Par courrier du 29 mai 2006, une réclamation fut introduite par Monsieur … et par son épouse, Madame …, ainsi que par Monsieur XXX par l’intermédiaire de leur avocat auprès du ministre de l'Intérieur, désigné ci-après par « le ministre ».

Dans sa séance du 28 juillet 2006, la commission d'aménagement émit un avis favorable quant à la réclamation introduite contre le PAP, et par courrier du 3 août 2006, le ministre de l'Intérieur informa l'administration communale de Mersch qu'il approuve, sur base de l'article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes et de l'article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, sa délibération du 15 mai 2006 portant approbation définitive du PAP « Mierscherbierg », tout en déclarant la réclamation émanant des consorts … recevable quant à la forme et quant au fond partiellement motivée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 octobre 2006, les époux … et … ainsi que Monsieur XXX ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la prédite décision du ministre de l’Intérieur du 3 août 2006, ainsi que de la prédite décision du conseil communal de Mersch du 15 mai 2006.

Les demandeurs font de prime abord valoir que la loi imposerait au ministre soit d'approuver, soit de refuser d'approuver un projet de plan lui soumis, mais qu’en l’espèce, il aurait approuvé la délibération du 15 mai 2006 du conseil communal, tout en recevant et en déclarant quant au fond partiellement fondée leur réclamation introduite par leur litismandataire, ce qui serait illégal.

La partie étatique s’oppose à cette analyse en affirmant que dans sa décision du 3 août 2006, le ministre aurait effectivement fait droit à la réclamation des requérants en ce qui concerne leur argument relatif à la « zone à relotir » et qu’en ordonnant aux autorités communales de réintégrer les fonds litigieux dans le PAP tel qu'il avait été voté provisoirement par le conseil communal, le ministre aurait veillé à la légalité de la procédure et à éviter ainsi toute violation du plan d'aménagement général, la partie étatique soulignant encore que le ministre n’aurait en l’espèce pas procédé à une approbation partielle, mais qu’il aurait fait droit, en partie, à la réclamation des demandeurs.

L’administration communale rejoint l’Etat en ces explications, en affirmant que le recours en annulation devrait être déclaré irrecevable faute d'intérêt à agir, et ce alors que la décision ministérielle ne leur aurait causé aucun grief aux demandeurs, le ministre ayant en fait fait droit à la réclamation des demandeurs contre le vote définitif du conseil communal. L’administration communale, affirmant encore à cet égard qu’elle « se pliera à cet ordre ministériel » souligne tout particulièrement que la décision litigieuse du ministre du 3 août 2006 aurait donné satisfaction aux demandeurs, en ce que le ministre aurait réintégré leurs parcelles dans le PAP, ce qui était l'objet de leur réclamation, de sorte que cette décision ne leur ferait pas grief.

Quant à la société YYY, celle-ci conclut également dans le même sens, en estimant que les demandeurs n’auraient pas d'intérêt à agir, alors que le ministre aurait, par sa décision du 3 août 2006, fait réintégrer les terrains des demandeurs dans le PAP.

Or, comme à la lecture de la réclamation adressée au Gouvernement et du recours en annulation, il apparaîtrait que les demandeurs ne critiqueraient que le fait que leurs terrains aient été exclus du PAP, le fait que le ministre ait fait droit à leurs objections les priverait dès lors de tout intérêt à agir devant le tribunal administratif.

Les demandeurs expliquent pour leur part avoir craint que la décision ministérielle litigieuse puisse être interprétée différemment par les parties défenderesses, alors qu’eu égard au libellé de la décision ministérielle, elles auraient craint que tant l'administration communale que la société YYY aient pu se prévaloir d'une approbation pure et simple par le ministre. Prenant note des explications de l’administration communale et de la société YYY qui s’accordent à admettre que leurs terrains seraient réintroduits dans le PAP tel qu'il avait été voté provisoirement par le conseil communal, les demandeurs affirment - à titre subsidiaire - pouvoir s’estimer satisfaits dans leur réclamation.

En présence de ces moyens et face à l’attitude contradictoire sinon toute au moins ambiguë des demandeurs, il appartient au tribunal d’examiner l’intérêt à agir des demandeurs, qui, conditionnant la recevabilité d’une demande, s’analyse en question d’ordre public.1 En effet, pour faire l’objet d’un recours contentieux, la décision critiquée doit être de nature à faire grief2, le demandeur, à cet égard, devant mettre en exergue dans quelle mesure l’acte querellé est de nature à lui causer un quelconque préjudice.

Il résulte en l’espèce tant de la réclamation introduite auprès de l’autorité de tutelle le 29 mai 2006 pour compte des demandeurs3 que des écrits déposés en cours de procédure contentieuse par les demandeurs que ceux-ci critiquent le fait que leurs terrains, qui étaient compris dans le PAP tel que voté initialement par le conseil communal, aient été sortis par le vote définitif du conseil communal dudit PAP et classés en « zone à relotir », de sorte qu’ils recherchent l’annulation de la délibération définitive du conseil communal et de l’approbation ministérielle subséquente.

Le tribunal, s’il peut aisément admettre cette raison mise en avant par les demandeurs au niveau de leur réclamation, a quelques difficultés à suivre le raisonnement 1 Cour adm. 29 mai 2008, n° 23728C du rôle, Pas. adm. 2008, v° Procédure contentieuse, n° 3.

2 Trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2008, v° Actes administratifs, n° 15, et autres références y citées.

3 « Mes clients s’opposent formellement à l’approbation de la décision définitive du conseil communal de la commune de Mersch et demande (sic) la réintégration de leurs terrains dans le projet d’aménagement particulier tel que prévu initialement » initial des demandeurs au niveau de leur recours contentieux, les demandeurs, après avoir critiqué, comme retenu ci-avant, le fait que leurs terrains aient été illégalement sortis du PAP, exposent cependant dans leur requête introductive d’instance que « le ministre a conclu dans l’alinéa 3 de sa décision que le reclassement en « zone à lotir » est illégal en ce qu’une telle catégorie ne figure pas au plan d’aménagement général de la commune de Mersch. Il invite les autorités communales à réintégrer dans le plan d’aménagement particulier tel qu’il a été voté provisoirement par le conseil communal les fonds des parties requérantes (…) », de sorte à admettre explicitement avoir obtenu satisfaction au travers de la décision ministérielle, dont ils poursuivent néanmoins l’annulation devant le tribunal administratif.

Il ressort encore de manière concordante des explications fournies par l’administration communale et par le promoteur, la société YYY, que celles-ci partagent la lecture faite par les demandeurs de la décision ministérielle en ce qui concerne les parcelles des demandeurs, l’administration communale annonçant de surcroît et à titre superfétatoire son intention d’obtempérer à l’injonction de l’autorité de tutelle.

L’intérêt à agir des demandeurs contre une décision qui non seulement ne leur cause pas grief, mais qui de surcroît leur donne expressément satisfaction, fait dès lors défaut, étant souligné qu’un demandeur n’a pas intérêt à intenter un recours contre une décision qui lui est en tous points favorables, même si la motivation de cette décision ne rencontre pas son agrément ou s’il allègue une violation de forme4.

Cette conclusion n’est pas énervée par les explications des demandeurs selon lesquelles ils auraient craint une autre interprétation de la part de l’administration communale et de la société YYY : outre qu’une telle crainte purement hypothétique ne constitue pas un intérêt actuel habilitant les demandeurs à agir en justice à l’encontre de la décision ministérielle du 3 août 2006, étant donné qu’une interprétation éventuellement différente de l’administration communale se serait nécessairement traduit par un vote du conseil communal susceptible de faire l’objet d’un futur recours contentieux, il y a encore lieu de souligner, à admettre que le recours contentieux des demandeurs n’ait eu pour but que de provoquer la prise de position de l’administration communale et de la société YYY - hypothèse vraisemblable au vu de la demande des demandeurs de leur donner acte par voie de jugement des explications de l’administration communale et de la société YYY, ce qui leur donnerait satisfaction -, que les juridictions administratives n’ont pas été instituées pour procurer aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations5.

Il s’ensuit que le recours en annulation tel que dirigé contre la décision ministérielle du 3 août 2006 encourt l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs, l’analyse des autres moyens échangés de part et d’autre devenant surabondante.

4 Voir J. Falys, La recevabilité des recours en annulation des actes administratifs, Bruylant, Bruxelles, 1975, n° 165, et les arrêts du Conseil d’Etat belge y cités.

5 Op.cit., n° 154.

La même conclusion est encore à retenir en ce qui concerne le recours tel que dirigé contre le vote du conseil communal du 15 mai 2006, ledit vote ayant été modifié en ce qui concerne la question de l’inclusion des terrains des parties demanderesses dans le PAP par la décision ministérielle postérieure.

L’administration communale réclame encore la condamnation solidaire, sinon in solidum des époux …-… et de Monsieur XXX à lui payer un montant de 2.500.- euros au titre d’indemnité de procédure, demande à laquelle les demandeurs s’opposent en faisant valoir qu’ils avaient « des raisons légitimes de craindre une interprétation divergente des parties défenderesses de la décision du ministre ».

Encore que la décision ministérielle ait été rédigée de façon a priori contradictoire, une approbation ministérielle pure et simple étant antinomique de la décision corrélative du ministre de faire droit à la réclamation des demandeurs, il ressort cependant des prises de position successives des demandeurs que ceux-ci n’ont pas été induits en erreur quant à la portée réelle de cette décision, mais qu’ils désiraient au travers du recours contentieux – en-dehors de toute contestation actuelle de la part de l’administration communale et du promoteur – obtenir une interprétation de la décision ministérielle en leur faveur. Outre, comme retenu ci-avant, qu’un tel but ne justifie pas le recours au tribunal, il y a en tout état de cause lieu de souligner que les craintes alléguées des demandeurs auraient pu trouver un apaisement plus rapide et moins onéreux par la voie d’un simple courrier adressé à l’administration communale par lequel les demandeurs se seraient enquis du sort que l’administration communale entendait réserver à la décision ministérielle.

Au vu de ces circonstances et en raison de l’issue du litige ainsi que du fait que l’administration communale a été obligée de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat et de l’absence de toute contestation de la part des demandeurs quant au montant de l’indemnité réclamée, il y a lieu de faire droit à la demande de l’administration communale.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation irrecevable pour défaut d’intérêt dans le chef des demandeurs ;

condamne les demandeurs in solidum au paiement d’une indemnité de procédure de 2.500.- € à l’administration communale de Mersch ;

les condamne encore in solidum aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 janvier 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge, Claude Fellens, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Paulette Lenert 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22029
Date de la décision : 14/01/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-01-14;22029 ?

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