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07/01/2009 | LUXEMBOURG | N°24289

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 janvier 2009, 24289


Tribunal administratif N° 24289 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2008 Audience publique du 7 janvier 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24289 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2008 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Iran), de nationalité iranienne,...

Tribunal administratif N° 24289 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2008 Audience publique du 7 janvier 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24289 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2008 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Iran), de nationalité iranienne, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, et tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration du 27 février 2008 portant obligation de quitter le territoire luxembourgeois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2008.

En date du 5 avril 2006, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ». Par décision du 20 décembre 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration rejeta cette demande et le recours contentieux introduit contre cette décision fut définitivement rejeté par arrêt de la Cour administrative du 18 décembre 2007 (n° 23455C du rôle).

Par jugement du 5 juin 2007 du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois pour vol à l’aide d’effraction. Il ressort en outre du dossier administratif versé en cause qu’il fut condamné par jugement du 3 mai 2007 du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle, à une peine d’emprisonnement de 15 mois du chef d’infraction à la loi sur la toxicomanie.

En date du 27 février 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit à l’égard de Monsieur … un arrêté lui refusant l’entrée et le séjour sur le territoire luxembourgeois basé sur le fait qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis, qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays et qu'il est susceptible de compromettre l'ordre et la sécurité publics, le même arrêté comportant également l’ordre de quitter le pays dès sa notification, et en cas de détention, immédiatement après la mise en liberté.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2008, Monsieur … a fait déposer un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 27 février 2007 en ce qu’elle porte ordre de quitter le territoire.

1.

Quant à la recevabilité Etant donné qu’en matière d’autorisation de séjour, la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère ne prévoit pas de recours de pleine juridiction, un recours en annulation a pu être valablement introduit.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable dans la mesure où il a été introduit dans les formes et délai de la loi.

Force est cependant de constater que le recours est explicitement limité au volet de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire à l’égard du demandeur, de sorte qu’il n’appartient pas au tribunal administratif de contrôler la légalité du refus d’entrée et de séjour dans le cadre du présent recours, ce volet de la décision bénéficiant à cet égard de l’autorité de la chose décidée.

2,.

Quant au recours dirigé contre la décision portant ordre de quitter le territoire A l’appui de son recours le demandeur fait valoir qu’il serait de nationalité iranienne et qu’il aurait fui son pays d’origine le 15 mars 2006, quelques jours après que son père aurait été assassiné en prison. Il serait originaire de la ville de Karaj en Iran et issu d’une « famille de Mollah », que son père, Monsieur …, aurait exercé la haute fonction d’ « Imam » à la mosquée de Karaj et enseigné à l’école théologique de Karaj et aurait été responsable de la section « Idéologie » au ministère de la Voix et de l’Ecoute iranien. Le demandeur soutient que malgré les hautes fonctions occupées par son père, ce dernier aurait été un contestataire du régime en place. Ainsi, son père aurait secrètement prôné la séparation des pouvoirs religieux et politique et aurait dénoncé la corruption, critiques qu’il aurait formulées dans des tracts anonymes diffusés par ses deux fils, dont le demandeur. Dans ce contexte, Monsieur … précise avoir été arrêté 3 fois par les autorités iraniennes, une première fois en 1996 pendant 6 mois, une deuxième fois en 2003 pendant 1 mois et une troisième fois en octobre 2005 jusqu’au 15 mars 2006, date à laquelle il aurait réussi à s’enfuir. Le demandeur relate plus particulièrement que lors de chaque détention, il aurait été torturé et il renvoie à ce sujet à un certificat médical du 15 juin 2006 décrivant les séquelles qu’il aurait gardées à la suite de ces actes de torture. Le demandeur précise encore que son frère … serait décédé dans des conditions suspectes en 2002, sans que le pouvoir en place ait autorisé une autopsie, ce qui aurait incité son père à rédiger un livre dénonçant la corruption omniprésente du régime iranien, que lui-même lors d’un séjour à l’école de théologie d’… aurait découvert des détournements de fonds et malversations, ce qui aurait provoqué son renvoi de ladite école et que son père aurait également été arrêté au courant du mois d’octobre 2005 et serait décédé d’un « infarctus » en prison le 6 mars 2006. Finalement, le demandeur expose que son évasion du tribunal en date du 15 mars 2006 n’aurait été possible que grâce au fait que sa mère aurait soudoyé un gardien au tribunal, qui l’aurait fait passer pour quelqu’un d’autre lorsqu’il aurait dû se présenter devant le juge. Par la suite, il aurait quitté l’Iran à bord d’un camion pour trouver refuge au Luxembourg.

La légalité intrinsèque de la décision déférée n’est pas mise en cause par le demandeur qui estime cependant que l’ordre de quitter le territoire serait contraire aux dispositions de l'article 3 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales , ci-après « la CEDH », et de l'article 14, paragraphe 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée dans la mesure où il serait exposé à un risque sérieux et avéré de faire l’objet de mauvais traitements en cas de retour dans son pays. Il rappelle à ce sujet que son père et son frère seraient morts en prison dans des circonstances suspectes et qu’il aurait versé des documents probants à ce sujet ainsi qu’au sujet des actes de torture allégués. Afin de documenter la situation des prisonniers en Iran, il cite un rapport de « Human Rights Watch » du 11 mars 2008 selon lequel les opposants politiques détenus font systématiquement l’objet d’actes de torture ou de traitements inhumains et dégradants et de nombreux cas d’exécution y seraient répertoriés.

Le délégué du Gouvernement fait valoir qu’il ne saurait être contesté que le demandeur ne dispose pas de moyens d’existence légalement acquis, qu’il se trouve en séjour irrégulier alors qu’il aurait été débouté de sa demande d’asile et qu’il serait susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics. D’autre part tous les arguments avancés par le demandeur auraient déjà fait l’objet d’une analyse du tribunal administratif lors de la procédure d’asile. En ce qui concerne l’application de l’article 3 de la CEDH, il estime qu’elle serait limitée à des cas exceptionnels d’éloignement forcé d’un individu. En effet, la notion de traitement inhumain au sens de l’article 3 de la CEDH serait celle qui provoque volontairement des souffrances mentales ou physiques d’une intensité particulière. Or, en l’espèce le récit du requérant aurait été jugé non crédible dans le cadre de sa demande s’asile.

Il conteste dès lors que le requérant serait soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine.

Force est de constater que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, étant entendu qu’il faut considérer la notion de traitements inhumains comme le risque de subir des souffrances mentales ou physiques d’une certaine intensité.

Force est également de constater que le risque de traitements inhumains et dégradants auquel le demandeur allègue être exposé en cas de retour dans son pays d’origine est basé sur les mêmes faits et les mêmes pièces que ceux qu’il avait soumis au tribunal administratif et à la Cour administrative dans le cadre du recours contentieux contre la décision ministérielle portant refus de lui accorder le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire dont il a été définitivement débouté par arrêt de la Cour administrative du 18 décembre 2007, n° 23455C du rôle au motif que « … sur vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour est à son tour amenée à retenir l’existence d’invraisemblances manifestes – énoncées et examinées minutieusement par l’autorité ministérielle dans la décision initiale du 20 décembre 2006, analyse à laquelle la Cour renvoie et qu’elle se fait sienne – constellant les faits relatés par l’intéressé et son récit relatif aux actes de persécutions allégués » retenant ainsi que le récit du demandeur n’est pas crédible. Dans la mesure où cette décision bénéficie de l’autorité de la chose jugée, le tribunal ne saurait se départir de cette analyse, de sorte qu’à défaut d’éléments nouveaux, le demandeur n’a pas établi de manière crédible qu’il risque d’être victime de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d’origine.

Au vu de ce qui précède, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire à l’égard du demandeur ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 janvier 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge, Claude Fellens, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 24289
Date de la décision : 07/01/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-01-07;24289 ?

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