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07/01/2009 | LUXEMBOURG | N°24287

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 janvier 2009, 24287


Tribunal administratif N° 24287 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2008 Audience publique du 7 janvier 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24287 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2008 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité serbo-monténégrine,...

Tribunal administratif N° 24287 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2008 Audience publique du 7 janvier 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24287 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2008 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation de deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration datant respectivement des 7 mars et 1er avril 2008 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bouchra FAHIME, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2008.

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Monsieur … introduisit en date du 13 janvier 2003 une demande d’asile au Grand-

Duché de Luxembourg qui fut rejetée comme étant non fondée par décision du 16 avril 2003 du ministre de la Justice. Ce refus fut confirmé définitivement par jugement du 17 novembre 2003, n° 16802.

Monsieur … bénéficia depuis le 4 août 2005 d’une tolérance qui expira le 31 août 2008.

Par courrier de son mandataire datant du 22 février 2008, Monsieur … s’adressa au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », pour solliciter une autorisation de séjour en faisant valoir qu’il ne pouvait pas retourner dans son pays d’origine, le Kosovo, étant donné qu’il y serait persécuté par des Albanais qui voulaient se venger des activités de son beau-frère, qu’il serait parfaitement intégré au Luxembourg, notamment par ses activités salariales, et en raison de la situation sécuritaire générale au Kosovo.

Par décision du 7 mars 2008, le ministre refusa de faire droit à cette demande en faisant valoir que l’intéressé « ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers (…) » et qu’il « ne fait pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg ».

Le recours gracieux que Monsieur … fit introduire à l’encontre de cette décision par courrier de son mandataire datant du 14 mars 2008 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 1er avril 2008 ayant retenu le défaut de présentation d’éléments pertinents nouveaux, Monsieur … a fait introduire, par requête déposée en date du 16 avril 2008, un recours contentieux tendant à l’annulation des deux décisions ministérielles ci-avant visées des 7 mars et 1er avril 2008.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il se trouverait au Luxembourg depuis le 13 janvier 2003 et qu’il y bénéficierait d’une mesure de tolérance qui aurait été prolongée à plusieurs reprises jusqu’au 31 août 2008. Il appartiendrait à la minorité bosniaque et il aurait été contraint de quitter son pays d’origine en raison de problèmes rencontrés avec des Albanais qui auraient voulu se venger des activités de son beau-frère, un inspecteur de police qui se serait entretemps réfugié en Suisse. Il estime que sa sécurité ne serait plus garantie dans son pays d’origine. Par ailleurs, il aurait fait preuve d’une réelle volonté d’intégration dès son arrivée au Luxembourg et qu’il aurait mis tout en œuvre pour ne pas constituer une charge pour l’Etat. Ainsi il aurait travaillé comme électricien auprès de la s.à r.l. … et actuellement il travaillerait auprès de la s.à r.l. … en qualité de plongeur moyennant un contrat à durée indéterminée. Il en conclut qu’il disposerait des moyens personnels légalement acquis conformément à l’article 2 de la loi modifié du 28 mars 1972. D’autre part il fait valoir que la situation générale au Kosovo serait instable, de sorte qu’il faudrait présumer un risque de nouveaux conflits interethniques. Cette situation ne présenterait aucune garantie qu’il ne ferait pas l’objet de persécutions en cas de retour au Kosovo. Il conclut que ces éléments constitueraient des raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Le délégué du Gouvernement fait valoir qu’il ne saurait être contesté que le demandeur ne dispose pas de moyens personnels suffisants dans la mesure où il ne disposerait que d’une occupation temporaire de travail qui ne serait valable que jusqu’au 10 août 2008 et qui serait conditionnée par la prolongation de son statut de tolérance. Quant à l’instabilité du Kosovo, et plus particulièrement quant à la situation des Bosniaques du Kosovo, il fait valoir que ces derniers auraient droit à la participation et à la représentation politique mais également accès à l’enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, de sorte qu’une discrimination à leur égard ne saurait être retenue. Cette situation n’aurait pas changé depuis la déclaration d’indépendance du Kosovo.

Le tribunal tient de prime abord à rappeler qu’il statue dans la présente matière en tant que juge de l’annulation. Or, dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l'article 2 alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que son pouvoir de contrôle est essentiellement limité dans la mesure des griefs invoqués. En d’autres termes, l’examen auquel le tribunal doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par la partie demanderesse pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré ; par contre, son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse.

Il appartient dès lors au demandeur d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 précitée tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

En l’espèce, le tribunal est saisi d’une décision ayant refusé à Monsieur … une autorisation de séjour.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourrant être refusés à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » La décision litigieuse étant fondée sur le fait que Monsieur … ne dispose pas de moyens d’existence personnels, force est au tribunal de constater que c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement signale que d’après l’article 22 (8) de la loi précitée du 5 mai 2006, le bénéfice d’une autorisation d’occupation temporaire ne donne pas droit à un permis de travail. En effet, même si le demandeur, en raison d’une décision de tolérance, a bénéficié d’une autorisation d’occupation temporaire, cette autorisation ne saurait être assimilée à un permis de travail proprement dit qui autorise le demandeur à occuper un poste de travail au Luxembourg. L’autorisation d’occupation temporaire a en effet un caractère précaire et se trouve rattachée au statut de tolérance accordé de façon exceptionnelle et temporaire, jusqu’à ce que les circonstances empêchant le rapatriement aient cessé, tel que cela résulte des dispositions de l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. L’autorisation d’occupation temporaire étant, par l’effet de la loi, directement fonction du statut de tolérance, les revenus dégagés le cas échéant moyennant une telle autorisation d’occupation temporaire ne sauraient dès lors être considérés comme des moyens de subsistance personnels et suffisants au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, faute de présenter une prévisibilité et une stabilité suffisante1 Il s’ensuit que ce motif de refus d’une autorisation de séjour prévu par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 se trouve vérifié en l’espèce.

En ce qui concerne les raisons avancées par Monsieur … aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, en se référant à la situation au Kosovo et plus particulièrement au risque de persécutions de la part des Albanais en raison de son 1 Cf. TA 24 septembre 2008, n° 24108, disponible sous www.ja.etat.lu appartenance à la minorité bochniaque, force est de relever que l’ensemble de ces craintes de persécutions auxquelles le demandeur a fait référence, a déjà fait l’objet d’une analyse par le ministre de la Justice dans sa décision du 16 avril 2003 portant refus d’accorder au demandeur le statut de réfugié, de sorte que cette décision bénéficie de l’autorité de chose décidée, étant entendu que le recours contentieux introduit contre la ministérielle précitée a été déclaré irrecevable pour avoir été introduit après le délai légal par jugement du 17 novembre 2003 (n° 16802 du rôle), de sorte que ces éléments ne peuvent justifier la délivrance d’une autorisation de séjour. Concernant la situation générale du Kosovo, force est de constater que le demandeur n’invoque aucune incidence concrète entre sa situation particulière et la situation générale du Kosovo, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Il suit des développements qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du ** janvier 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge Claude Fellens, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 24287
Date de la décision : 07/01/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-01-07;24287 ?

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