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05/01/2009 | LUXEMBOURG | N°24544

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 janvier 2009, 24544


Tribunal administratif Numéro 24544 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2008 Audience publique du 5 janvier 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24544 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2008 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l

’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Téhéran (Iran), de natio...

Tribunal administratif Numéro 24544 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2008 Audience publique du 5 janvier 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24544 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2008 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Téhéran (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 mai 2008 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 août 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

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Le 12 octobre 2007, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur son itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

En date des 13 novembre et 6 décembre 2007, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 mai 2008, expédiée par lettre recommandée en date du 9 juin 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa l’intéressé que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 12 octobre 2007.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police judiciaire du 15 octobre 2007 et le rapport de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration daté des 13 novembre et 6 décembre 2007.

Il ressort du rapport du service du Service de Police judiciaire que vous auriez quitté l'Iran trois semaines avant votre arrivée au Luxembourg. Vous seriez d'abord allé au Pakistan en changeant plusieurs fois de voiture. A Islamabad, vous auriez reçu du passeur deux faux passeports. Vous auriez alors pris un premier vol jusqu'à Dubaï et un autre jusqu'en Italie. Dans ce pays vous auriez été hospitalisé. Les autorités italiennes vous auraient remis un ordre de quitter le territoire en prenant vos empreintes digitales.

Vous n'auriez pas déposé de demande d'asile en Italie. De là, vous auriez pris un train jusque dans le sud de la France, sans doute jusque Cannes. Vous auriez poursuivi ensuite votre voyage en train jusqu'à Paris et puis jusqu'à Luxembourg.

Il résulte de vos déclarations à l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration que vous auriez été propriétaire d'une salle de musculation à Téhéran. Au mois de juillet 2007, il y aurait eu une fête privée à Ispahan. A cette occasion, la police aurait arrêté beaucoup de monde, mais deux amis de votre cousin auraient pu échapper à cette raffle. Ils auraient demandé de l'aide à votre cousin et celui-ci vous aurait à son tour demandé de les héberger dans votre salle de musculation. Vous auriez donc caché ces deux personnes la nuit dans votre local. Vous dites que ces deux garçons étaient homosexuels mais que vous l'ignoriez quand vous auriez accepté de les héberger. Un soir, ils auraient fait la fête dans votre salle de musculation en buvant et en mettant la musique très fort. Un voisin aurait sans doute porté plainte car la police aurait débarqué dans votre salle pour les arrêter. Au moment de leur arrestation, les deux garçons auraient sûrement dit que vous leur aviez laissé une clef du local car des convocations (des mandats d'arrêt) seraient arrivées chez vous. Votre club de musculation aurait été mis sous scellés. Vous auriez alors décidé de vous enfuir d'Iran. Vous ignorez ce qu'il est advenu des deux garçons. Vous affirmez que vous n'auriez pas le temps de vous défendre ni de porter plainte contre les deux garçons car vous seriez surement condamné avant pour avoir tenu un lieu de prostitution et de perdition. Après votre départ, votre père aurait été convoqué au Tribunal pour être interrogé. Vous ajoutez qu'en 2006, vous auriez passé quelques heures en garde-à-vue pour avoir acheté un livre d'un auteur dont l'œuvre serait prohibée. Les policiers vous auraient giflé et grâce à votre père, militaire de carrière, vous auriez été relâché quatre ou cinq heures après.

Vous ne présentez aucun document d'identité ni aucune des convocations envoyées chez vos parents. Vous expliquez que la police ne leur aurait pas laissé de convocations de peur que vous ne les utilisiez dans le cadre de la demande d'asile que vous avez déposé au Luxembourg.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

En effet, en l'espèce, je relève d'abord que malgré vos affirmations vous n'avez fait parvenir aucun document d'identité au Ministère ni aucune autre pièce. L'affirmation comme quoi la police n'aurait pas remis les convocations à vos parents pour éviter que vous les utilisiez dans le cadre de votre demande d'asile est très peu crédible. A moins que vos parents en aient informé les forces de l'ordre, il n'est pas vraisemblable que celle-ci sachent que vous êtes ici et que vous avez déposé une demande de protection internationale au Luxembourg. Quant à vos craintes, elles ne sont basées sur rien de concret. Vous pensez que vous risquez une peine pour avoir tenu "un lieu de perdition" mais il ne résulte pas de votre dossier que vous n'auriez pas pu expliquer la situation aux forces de l'ordre et qu'il vous aurait été impossible de porter éventuellement plainte contre les deux garçons qui ont abusé de votre hospitalité. De plus, ces deux garçons ont été arrêtés pour tapage nocturne. Mais vous n'apportez cependant aucune preuve comme quoi ils auraient été également arrêtés pour leur homosexualité ni même que leur homosexualité aurait été connue des forces de l'ordre.

De plus, je relève également qu'avant d'arriver au Luxembourg vous avez été en Italie et que vous avez traversé la France. Si vous vous étiez vraiment senti persécuté dans votre pays, vous auriez tenté de trouver une protection internationale dans le premier pays sûr dans lequel vous vous trouviez.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En l'espèce, ces faits sont trop peu crédibles pour justifier la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) » Par requête déposée le 30 juin 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 28 mai 2008 lui refusant la reconnaissance d’une protection internationale et tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, compris dans la même décision.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être de nationalité iranienne, estime en premier lieu que le fait de ne pas étayer sa demande de protection internationale par des pièces à l’appui ne pourrait pas lui être reproché, puisqu’il aurait expliqué que ses papiers se trouveraient dans le coffre-fort de sa salle de musculation, qui aurait été perquisitionnée et mise sous scellés. De plus, les documents attestant qu’il était poursuivi n’auraient pas été remis à ses parents. En second lieu, il soutient qu’il aurait déjà été victime de violences physiques auparavant. Le fait d’avoir déjà été persécuté constituerait un indice sérieux de sa crainte fondée d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, conformément à l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006. Le demandeur se réfère encore à des rapports des organisations Amnesty International et Human Rights Watch pour affirmer que les droits de l’Homme seraient systématiquement violés en Iran. Enfin, il estime que ce serait à tort que le ministre ne lui a pas reconnu le statut de la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé. Il souligne que le demandeur aurait circulé durant trois semaines en Europe avant de déposer sa demande de protection internationale au Luxembourg. Le représentant étatique conclut du fait que le demandeur n’a pas déposé de demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré qu’il ne se sentait pas persécuté dans son pays d’origine. Il suppose ensuite que le demandeur est sorti d’Iran avec son passeport et un visa. De plus, il résulterait clairement du rapport d’audition que les craintes invoquées par le demandeur resteraient à l’état de pures suppositions. Le fait d’héberger deux garçons homosexuels serait insuffisant pour être considéré comme faisant courir au demandeur un risque de persécution. Enfin, la seule situation du pays d’origine ne pourrait pas fonder une demande de protection internationale.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…)».

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions. Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

Ainsi, le demandeur explique en premier lieu qu’en décembre 2006 il aurait été arrêté et frappé par les forces de l’ordre pour avoir voulu acheter un livre dont la lecture était interdite. Les coups reçus auraient causé la perte de l’usage de son oreille droite. Il aurait été libéré après 7 heures d’arrestation en raison de l’intervention de son père qui était un militaire. Le demandeur estime que le fait d’avoir été arrêté et frappé par les forces de l’ordre constituerait un indice sérieux de sa crainte fondée d’être persécuté au sens de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006.

Aux termes dudit article 26 (4) « le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas ».

Force est au tribunal de constater que les déclarations du demandeur telles qu’actées au rapport d’audition, au sujet de l’incident précité sont vagues et imprécises.

En effet, le demandeur ne précise ni quel livre il voulait acheter, ni qui en était l’auteur. Il ne précise pas non plus l’identité des personnes qui l’ont arrêté, ni les circonstances de l’arrestation et de l’enfermement subséquent. Par ailleurs, si le demandeur affirme avoir perdu l’usage de son oreille droite en raison des coups reçus par les forces de l’ordre, il ne verse aucun certificat médical à l’appui de ses affirmations. A défaut d’éléments supplémentaires, le tribunal est amené à constater que le fait d’avoir été arrêté durant environ sept heures et d’avoir été frappé n’est pas établi. Même à le supposer établi, ce fait est certes condamnable, mais n’est pas d’une gravité suffisante pour être considéré comme acte de persécution ou atteinte grave, au sens de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006. Pour le surplus, il convient d’ajouter qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier qu’il y aurait de « bonnes raisons de penser » que les faits condamnables de décembre 2006 se reproduisent, étant donné que ces faits, déclenchés apparemment par l’intention d’acheter de la lecture interdite, se situent probablement dans un contexte plutôt politique. Or, les raisons ayant finalement amené le demandeur à quitter son pays d’origine, à savoir la peur d’être persécuté pour avoir exploité un lieu de débauche, ne se situent pas dans un contexte politique. Dès lors, le moyen du demandeur fondé sur l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, le demandeur explique qu’il aurait exploité une salle de musculation à Téhéran. Durant environ un mois, il y aurait hébergé la nuit deux amis de son cousin, apparemment recherchés par les forces de l’ordre, afin de leur permettre de réunir de l’argent pour quitter l’Iran. Il aurait cependant ignoré que les deux garçons étaient homosexuels. Un soir, les voisins de la salle de musique auraient averti les forces de l’ordre en raison du volume élevé de la musique écoutée par les deux garçons. Les deux garçons auraient été arrêtés. Le demandeur explique que « c’est à ce moment là que les forces de l’ordre sont venus chez moi avec le gyrophare, mais moi je n’étais pas là ». Il conclut du fait que les deux garçons étaient homosexuels et de l’intervention des forces de l’ordre avec le gyrophare qu’il serait désormais poursuivi pour « détention d’un lieu de perdition où on favorise la prostitution et l’homosexualité, (…), en utilisant le nom d’un club sportif (…) ». Il aurait alors préféré quitter son pays d’origine.

Or, une crainte de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006 doit nécessairement reposer sur des éléments de fait réels et probables. De simples craintes hypothétiques ne sauraient justifier l’obtention du statut de réfugié au sens de la loi du 5 mai 2006. En l’espèce, le demandeur fonde les craintes de persécution qu’il invoque sur l’unique fait que les forces de l’ordre se seraient un soir présentées à son domicile avec un gyrophare.

Il en déduit qu’il serait désormais persécuté dans son pays d’origine. Or, ces craintes s’analysent en de pures suppositions de la part du demandeur, aucun élément du dossier ne permet d’établir concrètement et de façon probable qu’il serait actuellement recherché ou persécuté dans son pays d’origine pour une des causes énumérées à l’article 2c) de la loi du 5 mai 2006. En effet, le demandeur ne verse aucun élément au dossier pour étayer ses déclarations, s’il affirme avoir reçu des convocations et mandats d’arrêt, il soutient ne pas pouvoir les verser au dossier étant donné qu’en Iran de telles convocations ou mandats ne seraient pas remis entre les mains de la personne recherchée, mais ne lui seraient que présentés pour lecture. Partant, la peur du demandeur s’analyse en une crainte purement hypothétique, fondée essentiellement sur des évènements futurs éventuels et ne constitue ainsi pas une crainte de persécution au sens de l’article 2c) de la loi du 5 mai 2006.

Pour le surplus, il convient d’ajouter que le demandeur fonde ses craintes de persécution sur un fait isolé, à savoir l’intervention avec des gyrophares par les forces de l’ordre à son domicile. Or, cette intervention, à la supposer établie, n’est pas d’une gravité telle que la vie du demandeur lui serait rendue intolérable dans son pays d’origine en cas de retour.

Par ailleurs, le moyen du demandeur tiré des violations systématiques des droits de l’Homme à l’appui des rapports des organisations Amnesty International et Human Rights Watch, s’analyse en l’expression d’un sentiment général d’insécurité insuffisant pour fonder une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte fondée de persécution susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, tel que prévu par les dispositions des articles 2 e) et 37 de la loi du 5 mai 2006, force est de constater que le demandeur n’a pas attaqué ce volet de la décision par des moyens spécifiques mais qu’il se réfère aux faits et moyens soulevés à l’appui de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Or, le tribunal vient de constater que la crainte invoquée par le demandeur s’analyse en une crainte purement hypothétique. De plus, le demandeur n’établit ni qu’il risquerait la peine de mort ou l’exécution, ni qu’il risquerait d’être soumis à la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine. Il n’est par ailleurs pas établi que le demandeur risquerait de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre sa vie en sa qualité de personne civile en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. En effet la situation actuelle en Iran ne s’analyse pas en conflit armé interne ou international.

Au vu de cette conclusion et en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il encourrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation du demandeur, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée et que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle attaquée. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité avec les dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Ladite loi du 28 mars 1972 est entretemps abrogée par la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes l’immigration. Or, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est amené à analyser la légalité de la décision administrative en considération de la situation de droit et de fait ayant existé au jour où elle a été prise. La loi précitée du 28 mars 1972 était en vigueur au moment de la prise de la décision déférée et elle était partant applicable.

Force est de constater que le demandeur se contente de solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans avancer un quelconque moyen à l’encontre de cet ordre.

Le tribunal vient cependant, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 mai 2008 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 mai 2008 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 5 janvier 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

Legille Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24544
Date de la décision : 05/01/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-01-05;24544 ?

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