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26/11/2008 | LUXEMBOURG | N°24017

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 novembre 2008, 24017


Tribunal administratif N° 24017 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2008 Audience publique du 26 novembre 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre le règlement grand-ducal du 30 novembre 2007 en matière d’actes réglementaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24017 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er février 2008 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation du r

èglement grand-ducal du 30 novembre 2007 modifiant a) le règlement grand-ducal modifié du 4 av...

Tribunal administratif N° 24017 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2008 Audience publique du 26 novembre 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre le règlement grand-ducal du 30 novembre 2007 en matière d’actes réglementaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24017 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er février 2008 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 30 novembre 2007 modifiant a) le règlement grand-ducal modifié du 4 avril 1964 portant assimilation des traitements des fonctionnaires des communes, syndicats de communes et des établissements publics placés sous la surveillance des communes, à ceux des fonctionnaires de l’Etat et b) le règlement grand-ducal du 11 septembre 2006 fixant les conditions et modalités de l’ordre de justification à adresser aux fonctionnaires communaux, publié au Mémorial A no 216 du 11 décembre 2007, sinon à l’annulation de l’article 1er point 3 du règlement précité ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Martine Lisé, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 14 février 2008, portant signification de la requête à l’administration communale de Bettembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins ayant sa maison communale à L-3217 Bettembourg, Château de Bettembourg, 13, rue du Château ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Albert Rodesch le 29 mai 2008 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le règlement attaqué ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Albert Rodesch et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives en audience publique du 6 octobre 2008.

Au vu de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, de l’avis de la chambre des Fonctionnaires et Employés publics et de l’article 2 paragraphe 1er de la loi modifiée du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat et considérant qu’il y a urgence, le Grand-Duc, sous le contreseing du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, arrêta en date du 30 novembre 2007 un règlement grand-ducal modifiant a) le règlement grand-ducal modifié du 4 avril 1964 portant assimilation des traitements des fonctionnaires des communes, syndicats de communes et des établissements publics placés sous la surveillance des communes, à ceux des fonctionnaires de l’Etat, b) le règlement grand-ducal du 11 septembre 2006 fixant les conditions et modalités de l’ordre de justification à adresser aux fonctionnaires communaux. Ledit règlement grand-

ducal fut publié au Mémorial A-N° 216 du 11 décembre 2007.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er février 2008, Monsieur … fit introduire un recours tendant à l’annulation du règlement grand-ducal précité du 30 novembre 2007, sinon à l’annulation de l’article 1er point 3 dudit règlement, sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif A titre liminaire, le tribunal est amené à analyser le moyen d’irrecevabilité du recours, soulevé par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, tiré d’un défaut d’intérêt né et personnel et d’intérêt actuel dans le chef du demandeur. Le représentant étatique estime qu’il n’existerait pas de droit à la promotion à l’intérieur du cadre fermé.

Contrairement aux promotions des fonctionnaires communaux aux différents grades du cadre ouvert, il n’existerait aucune obligation légale ou règlementaire pour le conseil communal d’accorder à un fonctionnaire communal une promotion à un grade au cadre fermé. Le demandeur ne pourrait donc pas faire valoir en l’espèce de préjudice certain, de sorte qu’il serait dépourvu d’un intérêt à agir né et actuel. Le délégué du gouvernement ajoute que même si le demandeur disposait d’un intérêt à agir, il serait dépourvu d’un intérêt à agir actuel, dans la mesure où il n’aurait pu accéder au grade douze de sa carrière qu’au plus tôt à partir du 1er novembre 2008. Au moment de l’introduction de son recours il n’aurait donc pas disposé d’un intérêt à agir actuel.

Dans son mémoire en réplique le demandeur reconnaît qu’il n’existe pas de droit à la promotion dans le cadre fermé, en soulevant toutefois qu’avant l’adoption du règlement grand-ducal déféré, la possibilité d’une promotion sur décision du conseil communal aurait bel et bien existé, possibilité qui serait désormais exclue. Quant au défaut d’un intérêt à agir actuel, invoqué par le délégué du gouvernement, le demandeur fait d’abord valoir que le recours en annulation en vertu de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 serait soumis à un délai strict. Il ajoute qu’il serait d’usage que la décision au niveau du conseil communal, relative à une promotion, serait prise au moins trois mois avant l’entrée en vigueur de la promotion, puisque l’approbation de ladite décision par le ministre n’interviendrait généralement que trois mois postérieurement à la décision du conseil communal. Or, l’existence du règlement grand-ducal du 30 novembre 2007 aurait évidemment empêché le conseil communal de prendre une décision relative à la promotion du demandeur, de sorte que l’intérêt de ce dernier serait actuel.

Aux termes de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 le recours contre les actes administratifs à caractère règlementaire n’est ouvert qu’aux personnes justifiant « d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain ».

Si, en principe, le fait que l’intérêt à agir doit être né et actuel implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour déclarer un recours contre un acte administratif recevable, le problème de l’intérêt ne se pose pas, le plus souvent, en termes d’actualité ou d’éventualité, s’il s’agit d’actes administratifs à caractère réglementaire, mais en termes de virtualité. En effet, le grief que provoque l’acte administratif à caractère réglementaire ne s’actualisera dans le chef des administrés qu’au fur et à mesure qu’il trouvera à s’appliquer.

Ainsi, en attendant que l’acte règlementaire reçoive l’application qui lui fait grief, un administré ne pourra justifier que d’un intérêt virtuel pour en solliciter l’annulation1. Un tel intérêt virtuel est à considérer comme suffisant pour que le recours introduit par un administré contre un acte administratif réglementaire soit recevable. En effet, les actes administratifs à caractère règlementaire sont susceptibles d’être attaqués par toutes les personnes auxquelles ils s’appliquent, par celles auxquelles ils ont vocation à s’appliquer et par celles qui sans y être à proprement parler soumises en subissent directement les effets2. D’ailleurs, priver l’administré de son recours contre un acte réglementaire s’il ne dispose que d’un intérêt virtuel reviendrait à le priver définitivement de ce recours, compte tenu des délais pour introduire un recours contre un acte administratif à caractère règlementaire. L’administré ne disposerait donc plus que de la possibilité lui conférée par l’article 95 de la Constitution pour attaquer un acte réglementaire.

Ainsi, adoptant une attitude large, le Conseil d’Etat belge reconnaît un intérêt à agir au demandeur auquel un règlement deviendra normalement applicable. Conformément à la jurisprudence belge, solution que le tribunal entend faire sienne, les membres du personnel d’un service public ont intérêt à poursuivre l’annulation d’un règlement dont on peut s’attendre qu’il leur soit appliqué en cours de carrière3.

En l’espèce, il est certes vrai qu’il n’existe pas d’obligation pour le conseil communal d’accorder une promotion au grade douze. Toutefois, dès lors que le règlement déféré modifie considérablement les possibilités d’avancement et de déroulement des carrières de certains fonctionnaires communaux, il affecte directement la situation de ces fonctionnaires communaux. Dans la mesure où le demandeur fait partie des fonctionnaires communaux concernés par le règlement déféré, et où le déroulement de sa carrière est modifié par ledit règlement grand-ducal, sa situation en est directement affectée et il dispose d’un intérêt personnel direct et certain à agir à son encontre4. De même, si en l’espèce, le demandeur n’aurait pu accéder au grade douze qu’au plus tôt le 1er novembre 2008, il y a lieu de constater que sa situation se trouve affectée par le règlement grand-ducal déféré, dès l’entrée en vigueur de ce dernier, dans la mesure où ses perspectives de carrière sont altérées dès ce moment. Par conséquent, le demandeur dispose également d’un intérêt actuel à agir contre le règlement grand-ducal déféré.

Le recours en annulation a par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, à savoir dans les trois mois de la publication de l’acte administratif à caractère réglementaire attaqué et est partant à déclarer recevable.

1 cf. Jacques Falys, La recevabilité des recours en annulation des actes administratifs, Bruylant, 1975, no 171 2 cf. Michel Leroy, Contentieux administratif, troisième édition, Bruylant 2004, p. 479 et 486 et René Chapus, Droit administratif général, tome 1, douzième édition, Montchrestien, no 1008 3 cf. Jacques Falys, op. cit., no 173 4 Voir à ce sujet : Michel Leroy, op. cit., p. 492. Un fonctionnaire a intérêt à attaquer un arrêté qui fixe le statut qui lui est applicable, alors même qu’il ne remplit pas les conditions fixées pour que les dispositions qu’il attaque lui soient effectivement appliquées et Jacques Falys, op. cit., no 234. Un agent a intérêt à l’annulation d’un arrêté qui introduisant dans les cadres de son administration un poste nouveau, fut-ce par transformation d’un autre, serait susceptible de régulariser la nomination d’un tiers à un emploi supérieur à celui qu’il occupe.

Les parties sont tout d’abord en désaccord sur la légalité externe du règlement grand-

ducal déféré et plus précisément sur la question de savoir si le Conseil d’Etat aurait dû être saisi préalablement à l’adoption dudit règlement grand-ducal.

Le demandeur fait valoir une illégalité externe du règlement grand-ducal déféré, au motif que selon l’article 7.1 la loi précitée du 24 décembre 1985 tout règlement grand-ducal concernant la promotion du fonctionnaire devrait obligatoirement être pris sur avis du Conseil d’Etat. Ainsi, tout règlement d’application en matière de promotion des fonctionnaires devrait être pris sur avis du Conseil d’Etat et aucune dérogation à ce principe, motivée par l’urgence ne pourrait exister. Le demandeur en conclut qu’étant donné que le règlement grand-ducal déféré concernerait directement la promotion du fonctionnaire dans le cadre fermé, l’avis du Conseil d’Etat aurait dû être demandé. Dès lors que cet avis n’a pas été sollicité, le règlement grand-ducal déféré serait à déclarer nul pour avoir été adopté en violation des formes et procédures légales.

A titre subsidiaire, le demandeur estime que même à supposer que l’avis du Conseil d’Etat n’aurait pas été nécessaire, le règlement grand-ducal déféré devrait être annulé pour violation des formes et procédures légales applicables au motif qu’aucune urgence particulière justifiant le recours à une procédure exceptionnelle n’aurait existé en l’espèce.

Le délégué du gouvernement estime que le régime des traitements des fonctionnaires communaux serait régi par deux dispositions légales, en l’occurrence, l’article 7 de la loi précitée du 24 décembre 1985 et l’article 22 de la même loi. L’article 7 serait relatif aux promotions des fonctionnaires communaux et constituerait ainsi la base légale du règlement grand-ducal du 10 août 1992 fixant les règles d’après lesquelles s’effectuent les promotions des fonctionnaires des communes, syndicats de communes et établissements publics placés sous la surveillance des communes. L’article 22, pour sa part, serait relatif aux traitements des fonctionnaires communaux et constituerait la base légale du règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964. Pour toute adoption d’un règlement d’exécution l’article 7 exigerait une saisine obligatoire du Conseil d’Etat, tandis qu’en vertu de l’article 22 le Conseil d’Etat ne devrait être consulté que si le contenu du règlement grand-ducal envisagé dépasse le cadre de la pure assimilation des fonctionnaires communaux aux fonctionnaires de l’Etat. Or, le règlement grand-ducal déféré n’aurait pas porté modification du règlement grand-ducal précité du 10 août 1992 pris en exécution de l’article 7 de la loi précité du 24 décembre 1985, mais du règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964, pris en exécution de l’article 22 de la loi précitée du 24 décembre 1964. Dès lors, il n’aurait pas existé d’obligation légale impérative concernant la saisine du Conseil d’Etat en l’espèce.

A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement ajoute que le règlement grand-ducal déféré n’aurait pas seulement modifié le règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964, mais également le règlement grand-ducal du 11 septembre 2006 fixant les conditions et modalités de l’ordre de justification à adresser aux fonctionnaires communaux. En raison du fait qu’une certaine formule, conditionnant l’exécution du règlement grand-ducal précité du 11 septembre 2006, n’aurait pas fait l’objet de « la procédure réglementaire engagée au sujet du règlement concerné », l’adoption du règlement grand-ducal déféré comprenant ladite formule aurait revêtu une certaine urgence, de sorte que le règlement grand-ducal déféré aurait été adopté selon la procédure d’urgence.

Le demandeur réplique que l’article 22 de la loi précitée du 24 décembre 1985 ne constituerait pas la base légale du règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964 puisqu’il ne consacrerait pas une assimilation totale du traitement entre les fonctionnaires communaux et les fonctionnaires de l’Etat et étant donné que le règlement grand-ducal antérieur ne pourrait pas prévaloir sur la loi spéciale postérieure.

Il ajoute que les champs d’application des articles 7 et 22 de la loi précitée du 24 décembre 1985 seraient bien distincts et que le critère de distinction ne résiderait pas dans l’assimilation du statut de fonctionnaire communal à celui de fonctionnaire d’Etat, mais dans l’objet des deux articles. Dès lors que l’article 1 point 3 du règlement grand-ducal déféré ne concernerait que la promotion du fonctionnaire communal et non point son traitement, le règlement grand-ducal déféré serait adopté sur base de l’article 7 de la loi précitée du 24 décembre 1985 relatif aux promotions des fonctionnaires communaux et l’avis préalable du Conseil d’Etat aurait donc dû être sollicité. D’ailleurs la justification de l’urgence invoquée par l’Etat manquerait de sens, dans la mesure où la modification du règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964 n’aurait pas été nécessaire pour compléter le règlement du 11 septembre 2006.

Le délégué du gouvernement insiste dans son mémoire en duplique sur le fait que l’article 22 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 constituerait indubitablement la base légale du règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964 dans la mesure où il concerne l’assimilation des traitements des fonctionnaires communaux aux traitements des fonctionnaires de l’Etat. Par contre, le règlement grand-ducal d’exécution de l’article 7 de la loi précitée du 24 décembre 1984, pour l’adoption duquel la consultation du Conseil d’Etat serait impérativement prévue, serait le règlement grand-ducal précité du 10 août 1992.

Le tribunal est partant amené à déterminer si l’avis du Conseil d’Etat aurait dû être sollicité avant l’adoption du règlement grand-ducal déféré. Afin de déterminer si une telle consultation du Conseil d’Etat s’imposait, il y a lieu de déterminer de prime abord sur quelle base légale le règlement grand-ducal déféré est fondé.

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que le règlement grand-ducal déféré modifie le règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964, qui a été adopté en exécution de la loi du 28 juillet 1954 portant révision générale des traitements et pensions des fonctionnaires et employés des communes, syndicats de communes et établissements publics placés sous la surveillance des communes et syndicats de communes. Ladite loi du 28 juillet 1954 fut abrogée par celle du 25 juillet 1990 modifiant la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux. La loi du 25 juillet 1990 précisa par la même occasion explicitement que les dispositions du règlement grand-ducal d’exécution précité du 4 avril 1964 restaient en vigueur. Dès lors, le règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964 est à considérer comme règlement d’exécution de la loi modifiée du 24 décembre 1985, sans qu’il ait été adopté sur base d’un article précis de ladite loi.

Le règlement grand-ducal déféré qui modifie ledit règlement grand-ducal du 4 avril 1964, se limite pour sa part également à indiquer qu’il procède de la loi précitée du 24 décembre 1985, sans en préciser un article déterminé.

Il y a partant lieu d’analyser le contenu les articles 7 et 22 de la loi précitée du 24 décembre 1985, invoqués par les parties en cause, afin de déterminer sur base duquel le règlement grand-ducal déféré a été adopté et par conséquent si une consultation préalable du Conseil d’Etat s’imposait.

Aux termes de l’article 7 figurant au chapitre 3, intitulé « Promotion », de la loi du 24 décembre 1985 « Dans la mesure où la loi n’en dispose pas autrement, la promotion du fonctionnaire se fait dans les conditions et suivant les modalités prévues par le règlement grand-ducal pris sur avis du Conseil d’Etat. (…) ».

L’article 22 de la loi précitée du 24 décembre 1985 inscrit au le chapitre 8 intitulé « Rémunération » dispose : « Le fonctionnaire jouit d’un traitement dont le régime est fixé par règlement grand-ducal, par assimilation « en principal et accessoires » modalités et délais, à celui des fonctionnaires de l’Etat, en tenant compte, le cas échéant, de la situation spéciale de la fonction communale. (…) ».

Il ressort de la lecture respective des deux articles ainsi que des chapitres respectifs auxquels ils sont inscrits que l’objet de l’article 7 est de fixer les dispositions relatives aux promotions des fonctionnaires communaux, tandis que l’article 22 fixe les dispositions relatives aux traitements des fonctionnaires communaux.

Le règlement grand-ducal déféré et plus précisément son article 1er point 3 dispose : « Dans ce cas aucune promotion à un grade du cadre fermé ne peut intervenir s’il ne s’est écoulé un délai minimum de trois années depuis la dernière promotion. Toutefois, ce délai est porté à 4 années pour la promotion au dernier grade du cadre fermé pour les carrières dont le cadre fermé comporte trois grades. » S’il est certes vrai que le règlement grand-ducal déféré porte modification du règlement grand-ducal précité du 4 avril 1964 concernant essentiellement le traitement des fonctionnaires communaux, force est au tribunal de constater que l’article 1er point 3 du règlement déféré n’a pas trait au traitement des fonctionnaires communaux, mais que son unique objet est d’introduire des limites aux promotions dans le cadre fermé des fonctionnaires communaux. Ledit article s’inscrit partant dans le cadre des dispositions concernant les promotions des fonctionnaires communaux. Ainsi, il aurait dû être adopté suivant les dispositions figurant à l’article 7 de la loi précitée du 24 décembre 1985, régissant, comme le tribunal vient de le constater ci-avant, les conditions et modalités des promotions des fonctionnaires communaux et non point d’après les dispositions figurant à l’article 22 de la même loi, régissant exclusivement la rémunération des fonctionnaires.

Quant à la nécessité de recourir à l’avis du Conseil d’Etat, le tribunal est amené à constater que si l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 ne se contente pas de retenir que les conditions et modalités de promotion des fonctionnaires communaux seraient fixées par règlement grand-ducal, mais prend soin d’ajouter expressément « pris sur avis du Conseil d’Etat », il impose une consultation préalable obligatoire du Conseil d’Etat pour l’adoption de tout règlement grand-ducal relatif aux conditions et modalités de promotion des fonctionnaires communaux, excluant ainsi explicitement la possibilité de recourir à la procédure d’urgence et de ne pas consulter le Conseil d’Etat, pour l’adoption d’un règlement grand-ducal en la matière.

De surplus, il convient d’ajouter qu’aux termes de l’article 2 (1) de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat :« Aucun projet, ni aucune proposition de loi ne sont présentés à la Chambre des députés et, sauf le cas d’urgence à apprécier par le Grand-Duc, aucun projet de règlement pris pour l’exécution des lois et des traités ne sont soumis au Grand-Duc qu’après que le Conseil d’Etat a été entendu en son avis. ». Ladite loi est postérieure à la loi précitée du 24 décembre 1985 et elle impose en tout état de cause une consultation du Conseil d’Etat, pour l’adoption de règlements grand-ducaux, sauf en cas d’urgence. Dès lors, le raisonnement du délégué du gouvernement, selon lequel le Conseil d’Etat n’aurait en aucun cas dû être consulté, si le règlement déféré avait été adopté selon l’article 22 de la loi précitée du 24 décembre 1985, est à rejeter pour ne pas être fondé.

Enfin, le recours du demandeur tend principalement à l’annulation du règlement grand-ducal déféré dans son ensemble et subsidiairement à l’annulation de l’article 1er point 3 du règlement grand-ducal déféré.

Force est au tribunal de constater que seul l’article 1er point 3 du règlement-grand-

ducal déféré traite des conditions et modalités de promotion des fonctionnaires communaux, de sorte que seul cet article aurait dû être adopté suivant la procédure visée par l’article 7 de la loi précitée du 24 décembre 1985. Or, dès lors que le règlement grand-ducal déféré, y compris son article 1er point 3, a été adopté suivant la procédure d’urgence, c’est-à-dire sans consultation préalable du Conseil d’Etat, l’article 1er point 3 n’a pas été adopté conformément à la procédure prévue à l’article 7 de la loi précitée du 24 décembre 1985, de sorte qu’il y a lieu de l’annuler pour violation de la loi.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

dit le recours recevable ;

au fond le déclare partiellement justifié ;

partant annule l’article 1er point 3 du règlement grand-ducal du 30 novembre 2007 modifiant a) le règlement grand-ducal modifié du 4 avril 1964 portant assimilation des traitements des fonctionnaires des communes, syndicats de communes et des établissements publics placés sous la surveillance des communes, à ceux des fonctionnaires de l’Etat, b) le règlement grand-ducal du 11 septembre 2006 fixant les conditions et modalités de l’ordre de justification à adresser aux fonctionnaires communaux ;

ordonne la publication de ce jugement conformément aux dispositions de l’article 7 (3) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 novembre 2008 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge Françoise Eberhard, juge en présence de Arny Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 24017
Date de la décision : 26/11/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-11-26;24017 ?

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