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20/11/2008 | LUXEMBOURG | N°24149

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 novembre 2008, 24149


Tribunal administratif Numéro 24149 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mars 2008 Audience publique du 20 novembre 2008 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24149 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2008 par Maître Victor Elvinger, avocat à la Cour, assisté de Maître Serge Marx, avocat à la Cour, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrit...

Tribunal administratif Numéro 24149 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mars 2008 Audience publique du 20 novembre 2008 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24149 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2008 par Maître Victor Elvinger, avocat à la Cour, assisté de Maître Serge Marx, avocat à la Cour, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l'Environnement du 13 septembre 2007 par laquelle l’autorisation de procéder au raccordement électrique de la maison de Monsieur … à Kautenbach a été refusée et de celle confirmative du 1er février 2008 émanant du même ministre intervenue suite à l’introduction d’un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mai 2008 par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2008 par Maître Victor Elvinger au nom de la société anonyme … S.A ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 août 2008 par le délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions litigieuses ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Serge Marx et Monsieur le délégué du Gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.

Le 1er décembre 2006, la société anonyme … S.A., ci-après la société « … », sollicita auprès du ministre de l’Environnement l’autorisation d’installer une ligne basse tension souterraine pour le raccordement de la maison de Monsieur … … sise à L-…, suivant le tracé indiqué au plan annexé à ladite demande.

Le 13 septembre 2007, le ministre fit parvenir à la société … une décision de refus libellée comme suit :

« En réponse à votre requête du 1er décembre 2006 par laquelle vous sollicitez l’autorisation de procéder au raccordement électrique du chalet de Monsieur … à Kautenbach, sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Kiischpelt : section C de Kautenbach, j’ai le regret de vous informer qu’en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je ne suis pas disposé à donner une suite favorable au dossier.

Il résulte de l’avis de l’administration des Eaux et Forêts que la réalisation du projet nécessiterait des travaux d’excavation dans la roche bordant la route menant vers Consthum (CR 322). Cette intervention dans le sol n’est pas justifiée pour raccorder un chalet isolé aux commodités.

La présente décision est susceptible d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, recours qui doit être intenté dans les trois mois de la notification par requête signée d’un avocat ».

Par un courrier du 7 décembre 2007, la société … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision. Elle souligna que le raccordement projeté ne concernerait pas un chalet, mais une maison en pierres et qu’il n’y aurait pas lieu de réaliser des travaux d’excavation dans la roche, mais que la tranchée serait réalisée dans une bande de terrain entre la roche et le revêtement de la route. Elle insiste qu’elle aurait l’obligation de raccorder à son réseau, tout client final qui en ferait la demande et qui serait situé dans sa zone de transport ou de distribution.

Le 1er février 2008, le ministre de l’Environnement confirma sa décision de refus en la motivant comme suit :

«En réponse à votre recours gracieux du 07 décembre 2007 à l’encontre de ma décision No 64261 GW/yd du 13 septembre 2007 concernant le raccordement électrique du chalet « … » à Kautenbach, j’ai le regret de vous informer que je maintiens ma décision négative antérieure pour les motifs y évoqués.

La réalisation des travaux projetés aurait un impact considérable sur la nature, le milieu naturel et le paysage et détruirait pour plusieurs années la végétation de lichens, mousses, fougères et plantes vasculaires qui habitent ces milieux exceptionnels.

Par ces faits, le projet est contraire aux objectifs de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2008, la société … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre des prédites décisions de refus des 13 septembre 2007 et 1er février 2008.

Etant donné que l’article 58 de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles1 prévoit un recours au fond contre les décisions prises en vertu de ladite loi, le tribunal est compétent pour analyser le recours en réformation introduit 1 Ci-après la loi du 19 janvier 2004 en ordre principal. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours, la société … fait valoir que même s’il est exact que la maison de Monsieur … se trouverait située en zone verte et que dès lors la pose d’une conduite électrique serait soumise à autorisation, il n’en resterait pas moins que cette maison servirait d’habitation principale, qu’elle se trouverait à l'abord de la route CR 322 menant vers Consthum et en face d'une grande zone soumise à un plan d’aménagement particulier. Elle précise qu’actuellement la maison ne serait pas raccordée au réseau électrique et que son propriétaire s'approvisionnerait en énergie électrique par un groupe électrogène.

Elle estime que la motivation avancée par le ministre pour refuser le raccordement constituerait une violation de la loi et plus particulièrement une erreur d'appréciation manifeste, voire même un excès de pouvoir, étant donné que le ministre devrait tenir compte des objectifs fixés par la loi du 19 janvier 2004. Elle fait ajouter que pour le surplus les critères de refus seraient énumérés limitativement à l'article 56 de la loi du 19 janvier 2004.

Elle insiste qu’une ligne souterraine ne saurait avoir un impact sur la nature, le milieu naturel et le paysage dans la mesure où elle est souterraine et donc invisible. Par ailleurs, le câble posé ne constituerait aucun danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l'atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général, d’autant plus que les travaux de mise en souterrain ne nécessiteraient pas des travaux d'excavation dans la roche.

Etant donné que le câble longerait sur l'intégralité de son tracé la route et serait mis en souterrain dans l'accotement de la route sur lequel ne feraient que pousser des mauvaises herbes, les travaux envisagés ne sauraient détruire pour plusieurs années la végétation de lichens, mousses, fougères et plantes vasculaires, tel que soutenu par le ministre. De même, ledit accotement ne saurait être qualifié de milieu exceptionnel. Elle fait ajouter que le raccordement constituerait pour le surplus une amélioration de la situation actuelle dans la mesure où il permettrait de supprimer le groupe électrogène actuellement utilisé par Monsieur … pour la production de l'électricité et d'éviter tous les troubles et inconvénients inhérents à l'utilisation d’un tel groupe électrogène. Enfin, elle donne à considérer que la motivation avancée pourrait cacher en fait la véritable motivation inhérente aux décisions de refus, à savoir éviter à tout prix le raccordement au réseau électrique d’une construction située en zone verte.

Le délégué du Gouvernement renvoie à la motivation contenue dans les deux décisions ministérielles actuellement soumises au tribunal et aux deux avis négatifs des 31 août 2007 et 8 janvier 2008 du chef d’arrondissement Cn-Nord de l’Administration des Eaux et Forêts pour souligner que le projet envisagé serait contraire aux objectifs de la loi du 19 janvier 2004. Il fait ajouter que la présente demande d’autorisation pour une conduite électrique ne serait que la pointe de l’iceberg, dans la mesure où ladite maison serait actuellement occupée par une jeune famille dont seul Monsieur … serait officiellement enregistré à la commune du Kiischpelt. La maison aurait longtemps été utilisée comme maison de vacances avec présence humaine sporadique et le nouveau propriétaire y aurait élu son domicile principal.

L’autorisation du raccordement électrique ne serait que le début d’un développement prévisible, à savoir la mise en place du téléphone, de l’eau potable, d’une installation épuratoire, de l’agrandissement de l’habitation, sinon la construction d'un garage, de places de parking et enfin l’enlèvement des arbres faisant trop d'ombre. En effet, l’habitation humaine permanente d'une construction non destinée à ces fins et non équipée des infrastructures adéquates serait contraire aux objectifs de la loi et constituerait un projet de nature à correspondre aux critères de refus énumérés à la loi du 19 janvier 2004. Le délégué du Gouvernement souligne que les travaux d'installation de la conduite électrique auraient un impact considérable sur la nature, dans la mesure où la solution préconisée, à savoir le fraisage de la roche avec pose des conduites dans un fossé ainsi constitué, serait catastrophique pour ces affleurements rocheux qui seraient des habitats classés suivant la directive 92/43/CEE sous les codes 8220 « Végétation chasmophytique des pentes rocheuses silicieuses » et 8230 « Végétation pionnière des surfaces de roches silicieuses ».

La société … réplique que l’argumentation avancée par le délégué du Gouvernement en ce qui concerne l’élection de domicile et les travaux envisagés par Monsieur … serait hors contexte de la législation en matière de protection de la nature et ne saurait légalement justifier les décisions de refus. En ce qui concerne le moyen de refus principal à savoir éviter toute habitation en zone verte, la société demanderesse fait valoir que ce motif de refus ne serait pas prévu par la législation applicable, de sorte que ce motif serait un motif illégal. En ce qui concerne le moyen de refus relatif à la prétendue protection de la végétation chasmophytique des pentes rocheuses siliceuses et de la végétation pionnière des surfaces de roches silicieuses, elle fait valoir que ces végétations figureraient sous le chapitre 8, point 82 de l'annexe 1 de la directive modifiée 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Or cette annexe 1 traiterait des types d'habitats naturels d'intérêt communautaire dont la conservation nécessiterait la désignation de zones spéciales de conservation en application de l’article 34 de la loi du 19 janvier 2004.

Dans la mesure où aucun règlement grand-ducal tel que prévu par l’article 34, ci-avant visé, n’aurait désigné l’endroit litigieux comme zone spéciale de conservation, le ministre ne pourrait pas se référer à ces types d’habitats naturels dont la conservation nécessiterait la désignation préalable d'une zone spéciale de conservation. La société … insiste qu’il n’y aurait absolument rien à protéger dans l’accotement de la route qui serait censé recevoir le câble électrique.

Le délégué du Gouvernement tout en soulignant que la philosophie de la loi du 19 janvier 2004 serait de restreindre l’habitat aux zones prévues à cet effet aux plans d’aménagement communaux, sauf nécessité de l’habitation nécessaire en rapport avec une activité compatible avec la zone verte, propose à titre subsidiaire, de n’autoriser que la pose de la conduite électrique dans le corps de la chaussée, sans aucune intervention sur les habitats cités. Il avance que même si ces habitats n’auraient, de par leur étendue, pas donné lieu à désignation d’une zone de protection spécifique, ils seraient de haute valeur biologique qui ne pourrait pas être subordonnée à des intérêts particuliers. Il ajoute que le raccordement de la maison de Monsieur … ne pourrait être considéré comme constituant un motif d’intérêt général susceptible de permettre une dérogation à l’interdiction de principe inscrite à l’article 17 de la loi du 19 janvier 2004.

Il est constant en cause que la maison de Monsieur … est classée en zone verte. La demande d’autorisation a été fondée sur l’article 6 de la loi du 19 janvier 2004, qui est libellé comme suit : « Dans la zone verte, les installations de transport, de communication et de télécommunication, les installations de production d’énergie renouvelable, les conduites d’énergie, de liquide ou de gaz sont soumises à autorisation du Ministre. » Il n’est pour le surplus pas contesté que la maison a été légalement construite avant l’entrée en vigueur des lois relatives à la protection de l’environnement et qu’elle est actuellement utilisée à des fins d’habitation permanente.

Il y a encore lieu de souligner que lors des plaidoiries les parties ont admis que le raccordement éventuel suivra le tronçon suivant le tracé A-B tel qu’indiqué sur le plan d’étude n° 238/010505/2.0 annexé à la demande d’autorisation introduite par la société … auprès du ministre le 1er décembre 2006 et que le câble ne sera pas posé dans un fossé constitué par l’enlèvement par fraisage de la roche, solution telle qu’exposée par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse.

Il est encore constant que l’objet du présent litige a trait à un refus de délivrer une autorisation pour l’installation d’une conduite électrique, de sorte que le tribunal limitera son analyse sur le projet en ce qu’il prévoit la pose de ladite conduite électrique. En effet, les considérations avancées par le délégué du Gouvernement en ce qu’il serait très probable que le projet ne se limiterait pas à la pose d’une conduite électrique mais engloberait dans la suite encore notamment le téléphone, l’eau potable, une installation épuratoire, sont étrangères à l’objet du présent litige.

L’article 56 de la loi du 19 janvier 2004 énumère de façon limitative les différents motifs de refus dont le ministre peut tenir compte pour refuser une autorisation sollicitée en application de l’article 6 de la loi du 19 janvier 2004. L’article 56 est libellé comme suit : « Les autorisations requises en vertu de la présente loi sont refusées lorsque les projets du requérant sont de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage ou s'ils constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l'atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général ou lorsqu'ils sont contraires à l'objectif général de la présente loi tel qu'il est défini à l'article 1er ».

L’article 1er de la loi du 19 janvier 2004 énumère les objectifs de ladite loi comme suit : « La sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel, la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, la protection de la flore et de la faune et de leurs biotopes, le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques, la protection des ressources naturelles contre toutes les dégradations et l’amélioration des structures de l’environnement naturel ».

Au vu de ces dispositions légales, il y a lieu d’analyser les différents motifs de refus invoqués par le ministre.

Le motif de refus ressortant de la décision ministérielle du 13 septembre 2007 est tiré du fait que la « réalisation du projet nécessiterait des travaux d’excavation dans la roche bordant la route menant vers Consthum (CR 322). Cette intervention dans le sol n’est pas justifiée pour raccorder un chalet isolé aux commodités ».

Etant donné que le tribunal vient de souligner que les parties au litige se sont mises d’accord pour retenir que le câble ne sera pas posé dans un fossé constitué par l’enlèvement par fraisage de la roche, la motivation avancée dans la décision litigieuse du 13 septembre 2007 manque actuellement en fait, de sorte qu’elle doit être écartée. Dans la mesure où la pose du câble ne nécessite pas un enlèvement de la roche, il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant les moyens développés en ce que ces affleurements rocheux seraient des habitats classés suivant la directive 92/43/CEE, d’autant plus que le délégué du Gouvernement admet dans son mémoire en duplique que ces habitats n’ont, de par leur étendue, pas donné lieu à désignation d’une zone de protection spécifique.

Le motif de refus contenu dans la décision de refus du 1er février 2008 intervenue sur recours gracieux est libellé comme suit : « La réalisation des travaux projetés aurait un impact considérable sur la nature, le milieu naturel et le paysage et détruirait pour plusieurs années la végétation de lichens, mousses, fougères et plantes vasculaires qui habitent ces milieux exceptionnels », de sorte que le projet serait contraire aux objectifs de la loi du 19 janvier 2004. Il ressort par ailleurs d’un avis du 8 janvier 2008 du chef d’arrondissement Cn-

Nord de l’administration des Eaux et Forêts que « le responsable régional de l’administration des Ponts et Chaussées a, lors d’une visite des lieux commune, précisé que seule une pose de la gaine électrique en dehors du corps de la chaussée du CR 322 serait autorisée par son service et que pour ce faire un terrassement de la roche affleurant à côté de la route serait nécessaire. Cette intervention détruirait pour plusieurs années la végétation de lichens, mousses, fougères et plantes vasculaires qui habitent ces milieux exceptionnels ».

Il ressort du plan d’étude de la société anonyme Cegedel S.A. n° 238/010505/2.0 annexé à la demande d’autorisation que le câble sera posé tel qu’indiqué en couleur bleu clair sur ledit plan dans le corps de la chaussée, de sorte qu’il y a lieu de retenir que la réalisation des travaux projetés a lieu dans le corps de la chaussée, sinon à certains endroits dans l’accotement de celle-ci. En effet, le ministre, pour analyser l’autorisation sollicitée, est tenu d’analyser la situation telle qu’elle est présentée par le demandeur et ne saurait substituer à la réalisation technique du projet une autre solution ne correspondant pas au plan versé. A cela s’ajoute qu’il n’est pas établi que la pose de la conduite électrique en dehors du corps de chaussée nécessiterait un terrassement de la roche affleurant à côté de la route.

Dans la mesure où le câble est enterré dans le corps de la chaussée, sinon à certains endroits dans l’accotement de celle-ci, il sera invisible, de sorte que ledit projet ne saurait porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage. Le motif de refus avancé en ce que la réalisation des travaux projetés aurait un impact considérable sur la nature, le milieu naturel et le paysage ne se trouve dès lors pas vérifié en fait.

Il y a encore lieu de vérifier si le projet envisagé constitue un danger pour la flore ou pour le milieu naturel en général tel que soutenu par le ministre. Il est constant en cause que la chaussée n’est pas soumise à une protection particulière en vertu de la loi du 19 janvier 2004, de sorte que seul l’accotement pourrait tomber sous la protection telle qu’envisagée par ladite loi. Or, il ressort des différentes photos versées que l’accotement de la chaussée ne présente aucune particularité, si ce n’est la proximité du bois et de diverses plantes. Il importe encore de souligner que l’accotement n’est pas couvert de végétation. En l’absence de végétation dans l’accotement et dans la mesure où les travaux projetés sont réalisés notamment dans le corps de la chaussée, le tribunal ne saurait valider la motivation en ce qu’elle retient que la réalisation des travaux projetés détruirait pour plusieurs années la végétation de lichens, mousses, fougères et plantes vasculaires qui habiteraient ces milieux exceptionnels, de sorte qu’il y a lieu de l’écarter.

Il y a enfin lieu d’analyser le dernier motif de refus soulevé par le ministre en ce que l’habitation humaine permanente d’une construction non destinée à ces fins et non équipée des infrastructures adéquates serait contraire aux objectifs tels que définis à l’article 1er de la loi du 19 janvier 2004.

Le tribunal est en l’espèce saisi d’une décision refusant la pose d’une conduite électrique et non pas d’une décision ayant trait à une éventuelle autorisation relative à l’habitation permanente d’une maison située en zone verte. Dans la mesure où il vient d’être constaté que la pose de la conduite électrique ne porte pas préjudice à la beauté et au caractère du paysage et qu’elle ne constitue par ailleurs pas un danger pour la conservation de la flore ou du milieu naturel en général, le ministre, en faisant valoir que l’habitation humaine permanente d’une construction non destinée à ces fins et non équipée des infrastructures adéquates serait contraire aux objectifs tels que définis à l’article 1er de la loi du 19 janvier 2004, s’est basé sur un motif de refus non légalement prévu par la loi dans le cadre de laquelle il a nécessairement dû prendre la décision litigieuse2. En effet, la législation sur la protection de l’environnement n’autorise pas le ministre à empêcher des personnes d’habiter de manière permanente ou occasionnelle leurs maisons dans des conditions normales de salubrité et de confort pour la seule raison que le terrain sur lequel les maisons ont été construites a été classé dans la zone verte postérieurement à la construction3. Il appartient à la commune si elle estime, pour des raisons inhérentes à la sécurité, à la salubrité et à l’hygiène, que le lieu en question ne se prête pas à une résidence habituelle, d’entamer une procédure séparée en usant de son pouvoir de police général en matière de sécurité et de salubrité et d’y faire interdire toute résidence4. Il convient d’ajouter que ce pouvoir de police revient plus précisément au bourgmestre, lequel est chargé aux termes de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 de l’exécution des lois et règlements de police. Le bourgmestre a, à titre personnel, le droit et le devoir d’assurer l’exécution des lois de police et de la législation sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire5.

L’illégalité de ce troisième motif de refus étant ainsi constatée, il s’ensuit que la décision ne saurait pas non plus valablement se justifier sur base de celui-ci.

Il résulte des considérations qui précèdent que le ministre de l’Environnement a commis une erreur d’appréciation des faits en prenant les décisions incriminées et celles-ci sont partant à réformer en autorisant l’installation d’une ligne basse tension souterraine par la pose d’un câble dans le corps de la chaussée et suivant le tracé tel qu’indiqué sur le plan d’étude de la société anonyme Cegedel S.A. n° 238/010505/2.0 et par la pose d’une armoire de comptage au point A, tel qu’indiqué sur le même plan, en vue du raccordement électrique de la maison de Monsieur … à Kautenbach.

2 Cf. TA 9 juin 1999, n° 10910, confirmé par CA 8 février 2000, n° 11389C, TA 30 avril 2003, n° 14887 confirmé par CA 13 novembre 2003, 16498C, Pas.adm. 2006, V° Environnement, n° 36 et 38 3 Cf. CA 8 février 2000, n° 11389C 4 Cf. TA 5 mai 2004, n° 17030, confirmé par CA 2 décembre 2004, n° 18323C, Pas.adm. 2006, V° Noms-

Prénoms-Domicile, n° 11 et 15 5 Cf. TA 15 avril 1997, Pas. adm. 2006, V° Communes, n°1, p. 88, Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant, par réformation des décisions prises par le ministre de l’Environnement les 13 septembre 2007 et 1er février 2008 autorise l’installation d’une ligne basse tension souterraine par la pose d’un câble dans le corps de la chaussée et suivant le tracé tel qu’indiqué sur le plan d’étude de la société anonyme Cegedel S.A. n° 238/010505/2.0 et par la pose d’une armoire de comptage au point A, tel qu’indiqué sur le même plan, en vue du raccordement électrique de la maison de Monsieur … à Kautenbach, avec interdiction d’une quelconque atteinte à la végétation et à la roche longeant la route CR 322 menant vers Consthum ;

déclare le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire irrecevable ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 20 novembre 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

Legille Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24149
Date de la décision : 20/11/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-11-20;24149 ?

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