Numéro 24144 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2008 Audience publique du 20 novembre 2008 Recours formé par la société anonyme … SA, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24144 du rôle et déposée le 5 mars 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles Kaufhold, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 décembre 2007 ayant rejeté comme non fondée sa réclamation dirigée contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2001;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2008 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2008 par Maître Charles Kaufhold ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Laurent Engel, en remplacement de Maître Charles Kaufhold, et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives.
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A défaut de déclaration d’impôt déposée pour l’année 2001, le bureau d’imposition Luxembourg VI de la section des sociétés du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société anonyme … SA, dénommée ci-après « la société … » le 11 octobre 2006 les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal relatifs à l’ année 2001.
La société … introduisit par courrier daté du 9 janvier 2007, par l’intermédiaire de Monsieur Rainer Erz de la Fiduciaire Socofisc, une réclamation à l’encontre des bulletins d’impôt susvisés. En date du 21 mars 2007, la demanderesse déposa auprès du bureau d’imposition la déclaration d’impôt pour l’année 2001.
Par décision datée au 7 décembre 2007, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », rejeta ladite réclamation comme non fondée. Le corps de ladite décision est libellé comme suit :
« Vu la requête introduite le 10 janvier 2007 par le sieur Rainer Erz de la Fiduciaire Socofisc, pour réclamer au nom de la société anonyme …, avec siège social à L-…, contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités de l'année 2001 et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2001, tous émis le 11 octobre 2006 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi ; qu'elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante critique les bulletins susmentionnés sans fournir des précisions supplémentaires quant à l'objet de ses contestations, la motivation annoncée dans sa réclamation n'ayant jamais été présentée ;
qu'il résulte cependant de l'examen du dossier fiscal de l'année litigieuse que les réclamations ne peuvent être dirigées que contre l'établissement des bases d'imposition par voie de taxation ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause sans égard aux moyens et conclusions du requérant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;
Considérant que la réclamante n'ayant réservé aucune suite aux divers rappels l'invitant au dépôt des déclarations pour l'impôt sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial communal de l'année 2001, notamment à la sommation d'astreinte du 11 janvier 2006 et à la décision du 7 juillet 2006 liquidant les astreintes en question, le bureau d'imposition était fondé à procéder par voie de taxation conformément au § 217 AO ;
Considérant que les contribuables ne doivent s'imputer qu'à eux-mêmes les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation, lorsque c'est par la suite de leur propre comportement fautif qu'il a été nécessaire de recourir à cette mesure (jugement tribunal administratif du 19.06.2000, no 11295 du rôle) ;
Considérant d'ailleurs que l'obstination de retenir des déclarations jusqu'à ce que le bureau d'imposition soit forcé à procéder par voie de taxation, tient du pari à ce que le bureau d'imposition, par ignorance de certains faits, établisse un revenu imposable inférieur à celui réalisé ;
que cependant le droit aux voies de recours ne saurait être converti en instance réparatrice des taxations ressenties comme défavorables, alors même que la production de déclarations en date du 21 mars 2007 prouve que leur remise n'avait aucune raison de traîner pendant des années ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme ;
les dit non fondées ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2008, la société … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale du 7 décembre 2007, ayant déclaré non fondée sa réclamation dirigée contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2001.
Dans son mémoire en réplique, la société … soulève d’abord l’irrecevabilité du mémoire en réponse du délégué du gouvernement au regard de l’article 5 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, au motif que le mémoire en réponse n’indiquerait pas les qualités du signataire du mémoire.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen d’irrecevabilité du mémoire en réponse, alors que ses qualités en tant que signataire du mémoire ressortiraient clairement du papier à en-tête du gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg.
Dans la mesure où la qualité de délégué du gouvernement ressort effectivement du papier à en-tête utilisé pour la rédaction du mémoire en réponse, de sorte qu’il ne peut faire de doute que l’Etat est valablement représenté dans la présente instance par un délégué du gouvernement, ceci au regard de l’article 5 (1) de la loi du 21 juin 1999 précitée, le moyen tendant au rejet du mémoire en réponse de l’Etat doit être écarté.
Le délégué du gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1.
de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision directoriale du 7 décembre 2007.
Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est partant irrecevable.
Quant à la recevabilité du recours en réformation, le délégué du gouvernement fait valoir que le recours n’aurait pas été introduit conformément à l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999, au motif que l’objet de la demande ainsi que les faits et moyens invoqués ne seraient pas clairement exposés. En effet, le recours, tout comme la réclamation, seraient limités à une simple contestation de la taxation, sans contenir des précisions supplémentaires quant à l’objet exact de la contestation, ni une explication en quoi exactement cette taxation ferait grief.
A cet égard, la demanderesse fait valoir dans son mémoire en réplique que la requête ferait référence à la décision critiquée en ce qu’elle a déclaré non fondée sa réclamation dirigée contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2001, et que par ailleurs, la requête, indiquant qu’il est reproché au directeur d’avoir refusé de réexaminer le dossier, préciserait les faits à la base du recours et le moyen tiré de l’illégalité de la décision directoriale. Elle estime que ces indications seraient suffisantes pour organiser utilement la défense et instruire le dossier.
Force est cependant de constater qu’il ressort de la requête, qui est certes plus que sommaire, que la demanderesse critique la décision du directeur en ce qu’il a refusé de réexaminer le dossier suite à la réclamation, en argumentant que cette façon de procéder enlèverait au contribuable le droit de contester toute taxation d’office, et en ce qu’elle estime que la taxation serait exagérée au regard des dispositions du paragraphe 204 AO. A cela s’ajoute que le délégué du gouvernement a pris position d’une façon très détaillée dans le cadre de ses mémoires en réponse et en duplique par rapport à la requête introductive d’instance et au mémoire en réplique, de sorte qu’il n’a partant pas pu se méprendre sur l’objet du recours introduit et sur les moyens développés. Le moyen soulevé mettant en cause la recevabilité du recours est dès lors à écarter pour ne pas être fondé.
Ledit recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la société … reproche au directeur d’avoir refusé d’examiner son dossier suite à sa réclamation, le raisonnement du directeur enlevant, d’après la demanderesse, au contribuable le droit de contester toute taxation d’office. La demanderesse estime encore que la taxation serait exagérée au regard des dispositions du paragraphe 204 AO.
Le délégué du gouvernement insiste tout d’abord sur le fait que les taxations d’office seraient intervenues à défaut de déclaration d’impôt par la demanderesse dans les délais légaux, malgré l’envoi répété mais infructueux de rappels et d’une astreinte.
Il continue en soutenant qu’au cas où le tribunal ne mettrait pas en cause la recevabilité du recours, le recours serait néanmoins non fondé. En effet, aux termes des paragraphes 167 et s. AO, le contribuable aurait l’obligation légale de faire une déclaration d’impôt, de même que le bureau d’imposition serait tenu, conformément aux paragraphes 204 et 205 AO, de procéder à l’examen et au contrôle de la déclaration d’impôt. La procédure d’imposition reposerait ainsi sur les principes de bonne coopération et de confiance réciproque entre le contribuable et le bureau d’imposition. En cas de contestation d’un bulletin d’impôt émis à la suite d’une procédure d’imposition régulière, le paragraphe 228 AO permettrait au contribuable de présenter une réclamation au directeur, lequel, aux termes des paragraphes 243 et 244 AO, serait tenu de procéder au réexamen intégral de la cause, mais ce réexamen intégral ne serait pas à confondre avec une première procédure d’imposition ou un premier examen par le directeur de nouvelles déclarations, demandes ou autres éléments nouvellement présentés par le contribuable, que ce dernier s’est refusé jusqu’alors à fournir au bureau d’imposition. Le représentant étatique soutient qu’une telle première procédure d’imposition, rendue impossible au niveau du bureau d’imposition par le refus de collaboration du contribuable, ne saurait être admise devant le directeur. En effet, la ratio legis du paragraphe 243 AO ne serait pas d’offrir à un contribuable négligent et fautif le choix entre l’acceptation et le refus d’une taxation et de lui permettre d’imposer à sa guise sa collaboration au directeur en obligeant ce dernier non pas à un réexamen d’un dossier déjà traité par le bureau d’imposition, mais à un premier examen d’une déclaration d’impôt que le contribuable n’a pas voulu présenter au bureau d’imposition.
Le contribuable négligent ne saurait en aucun cas profiter de son comportement fautif pour abuser d’une voie de recours dont il détourne intentionnellement l’objet. Le service contentieux de la direction des contributions serait de façon inutile encombré des réclamations de contribuables négligeants et fautifs. La taxation des revenus ne constituerait pas une sanction, mais la conséquence inévitable de la pratique de la demanderesse de ne pas déclarer ses revenus pendant des années.
En ordre subsidiaire, et pour le cas où le tribunal estimerait que le directeur aurait dû procéder à un premier examen de la déclaration d’impôt de la demanderesse, le délégué du gouvernement conclut au rejet de la réclamation et au rejet de la déclaration d’impôt (déposée le 21 mars 2007 auprès du bureau d’imposition) pour être incomplète et insuffisante. Dans ce contexte, il fait valoir que si le directeur disposait en vertu du paragraphe 244 AO des mêmes moyens et droits que ceux dont disposerait le bureau d’imposition, les fonctions du directeur et du bureau d’imposition ainsi que les principes gouvernant les procédures et le régime des preuves ne seraient cependant pas les mêmes. Ainsi, si la déclaration d’impôt présentée au bureau d’imposition bénéficierait en vertu du paragraphe 166 AO d’une présomption de sincérité et d’exactitude, la nature juridique d’une déclaration d’impôt annexée à une réclamation introduite sur base du paragraphe 228 AO devant le directeur, ou, comme en l’espèce, déposée auprès du bureau d’imposition à un moment où une réclamation a déjà été introduite auprès du directeur, serait cependant différente, alors qu’il ne s’agirait que d’un simple état d’avoirs et de dettes du contribuable couché sur le formulaire de la déclaration d’impôt sur le revenu, mais ne bénéficiant pas d’une présomption de sincérité ou d’exactitude.
Devant le directeur, la charge de la preuve de la déclaration d’impôt incomberait partant au contribuable. Or, en l’espèce, le bilan, non révisé, ni publié, produit par la demanderesse n’aurait pas la valeur requise pour constituer une preuve valable des chiffres avancés. Les chiffres avancés resteraient ainsi à l’état de pure allégation, de sorte que la réclamation, ensemble le recours introduit devant le tribunal, seraient à déclarer non fondés.
En ordre plus subsidiaire, le délégué du gouvernement conclut encore à la régularité de la taxation des revenus de la demanderesse, telle qu’opérée par le bureau d’imposition, au motif que les conditions du paragraphe 217 AO auraient été remplies en l’espèce. Ainsi, face à un contribuable ayant refusé toute collaboration et se soustrayant systématiquement à ses obligations légales, le bureau d’imposition se serait trouvé dans l’impossibilité de déterminer les bases d’imposition litigieuses et aurait été dans l’obligation de procéder à la taxation de ses revenus et ce par voie de généralisation. Les calculs retenus auraient été établis d’une façon aussi objective que possible, sur base de données existantes et de présomptions de probabilité.
Ce serait partant à tort que la demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir procédé d’une manière arbitraire, étant donné qu’il aurait été tenu compte de tous les indices et circonstances de nature à influer sur la détermination du bénéfice réalisé par la demanderesse.
Il explique qu’en l’absence d’une déclaration d’impôt, le bureau d’imposition aurait totalement ignoré le bénéfice commercial réalisé par la demanderesse. Il résulterait des circonstances de l’affaire que les résultats de la taxation seraient probables et approximatifs, de sorte que les critiques adressées à leur encontre ne seraient pas fondées.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse argumente que sur base du paragraphe 243 AO, le directeur aurait l’obligation d’examiner d’office et dans son intégralité la situation de fait et de droit qui est à sa disposition, et qu’il ne saurait se soustraire à cette obligation en invoquant une faute du contribuable. Dénier au contribuable l’instruction de sa réclamation reviendrait à vider la procédure de réclamation devant le directeur de tout sens et la transformerait en une simple « chicanerie administrative ». La demanderesse soutient que sa réclamation aurait été étayée par une déclaration fiscale concernant l’année litigieuse, elle-
même étayée par le bilan et le compte de pertes et profits, éléments que le directeur aurait dû prendre en considération. Il résulterait de ces pièces que la taxation d’office serait manifestement erronée. Elle fait valoir qu’une mesure de taxation ne pourrait pas constituer une sanction, mais constituerait un procédé de détermination des bases d’imposition, appliqué même à l’égard d’un contribuable diligent, consistant à déterminer et à utiliser une valeur probable ou approximative. Elle soutient, en donnant des chiffres à l’appui, que le résultat de l’année 2001 se serait soldé par un résultat négatif et qu’à la lumière de ce résultat, la taxation apparaîtrait comme exagérée. Elle en conclut que sur base de ce résultat, les cotes d’impôt devraient être fixées à zéro. Ce résultat prouverait encore que le défaut de remise de déclarations ne tiendrait pas du pari, comme l’entendait le directeur.
La demanderesse explique encore le dépôt tardif de la déclaration fiscale par la circonstance que la date effective d’un transfert d’immeuble en Allemagne ne lui aurait été communiquée que le 19 mars 2007. Dès l’obtention de cette information, elle aurait déposé la déclaration d’impôt.
Face aux contestations du délégué du gouvernement concernant la véracité du résultat déclaré, la demanderesse estime que la charge de la preuve ne reposerait pas exclusivement sur le contribuable, en ce sens qu’une fois les éléments nécessaires pour la détermination de la base d’imposition fournies par le contribuable, ces éléments documentant l’apparence d’une réalité économique et étant de nature à conforter la preuve de la régularité de la comptabilité de la société, il incomberait à l’administration de rencontrer utilement les déclarations et pièces fournies, et de faire état d’indices concrets pour ébranler cette apparence. La demanderesse cite à l’appui de sa thèse une jurisprudence du tribunal administratif (trib. adm.
28 juin 2000, n° 11553 du rôle) développée dans le cadre de la procédure d’imposition, mais qui, d’après la demanderesse, serait applicable aussi dans le cadre de la procédure devant le directeur, ce dernier ayant en vertu des paragraphes 243 AO les mêmes pouvoirs et obligations que le bureau d’imposition. L’obligation de preuve à charge du contribuable serait limitée par les dispositions du paragraphe 171 alinéa 1ier AO, à ce que peut raisonnablement être exigé. A défaut pour l’administration de fournir des indices concrets mettant en cause la régularité de la comptabilité, la preuve fournie par la demanderesse devrait être considérée comme suffisante.
Quant à la régularité de la taxation, la demanderesse renvoie à la publication de ses statuts qui révèle un capital social de 31.000 EUR, et elle fait référence à ses résultats des années 1998 à 2000, éléments qui prouveraient que la taxation est manifestement exagérée.
Le délégué du gouvernement fait valoir, dans son mémoire en duplique, que son argumentation suivant laquelle la charge de la preuve incomberait exclusivement au contribuable, serait confirmée par une jurisprudence du tribunal administratif, qui retient que le contribuable ne saurait se limiter de contester en bloc une taxation. Ce principe que la charge de la preuve incombe au contribuable n’aurait pas été respecté par la demanderesse, alors que celle-ci se serait limitée à contester la taxation, sans fournir des éléments complémentaires au directeur, de sorte que même si le tribunal retenait que le directeur aurait dû procéder à un réexamen de la taxation, cet examen n’aurait pu aboutir qu’à la simple confirmation de la taxation.
Quant au principe de la taxation, il y a lieu de rappeler en premier lieu que le paragraphe 217 AO dispose que :
« (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.
(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».
La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (cf. trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Impôts n° 340 et autres références y citées). Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable ou approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique. Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération (cf. Cour adm.
30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2006, V° Impôts n° 341 et autres références y citées). La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents (cf. trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Impôts n° 344).
Il est constant en cause que la demanderesse, malgré une sommation d’astreinte et une décision liquidant l’astreinte, n’a pas donné suite aux injonctions administratives de remettre la déclaration d’impôt sur le revenu de l’année 2001. Il n’est pas non plus contesté que ce n’est que suite à une réclamation dirigée contre les bulletins d’impôt établis par la voie de la taxation d’office que la demanderesse a soumis au bureau d’imposition la déclaration d’impôt de l’année concernée, ainsi que différentes pièces justificatives afférentes.
Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à constater que c’est à bon droit que le directeur a retenu que le bureau d’imposition était tenu, conformément aux termes du paragraphe 217 AO, de procéder par voie de taxation pour fixer les bases d’imposition. Il y a lieu de relever dans ce contexte que le principe du recours à la procédure de la taxation d’office n’est pas en soi remis en question par la demanderesse, mais elle conteste le résultat, auquel aboutissent les taxations d’office faites par le bureau d’imposition, qu’elle considère comme arbitraire, et reproche au directeur de ne pas avoir réexaminé son dossier au regard des pièces remises.
Le paragraphe 228 AO dispose qu’une réclamation contre un bulletin doit « être introduite devant le directeur de l’Administration des contributions directes ou son délégué ».
Le paragraphe 243 (1) AO prévoit que « Soweit die Rechtsmittelbehörden zur Nachprüfung tatsächlicher Verhältnisse berufen sind, haben sie den Sachverhalt von Amts wegen zu ermitteln ». Il résulte de cette disposition que le directeur est tenu de procéder d’office à l’examen de la situation de fait et de droit à la base de la réclamation. En d’autres termes, le directeur saisi d’une réclamation procède d’office à un réexamen intégral de la situation du contribuable et à l’établissement de l’impôt en lieu et place du bureau d’imposition. A cette fin, le paragraphe 244 AO confère au directeur les mêmes prérogatives que celles revenant au bureau d’imposition dans le cadre de la procédure d’imposition.
Il résulte encore de ces dispositions légales que le directeur, en sa qualité d’instance compétente pour statuer sur le bien-fondé d’une réclamation contre un bulletin d’impôt, est appelé à clarifier la situation de fait à la base de la réclamation et à obtenir à cette fin de la part du contribuable réclamant ou, le cas échéant, de tierces personnes les informations complémentaires de nature à lui permettre de se prononcer sur le bien-fondé de l’imposition sujette à critique.
Dès lors, le directeur, en procédant à un réexamen intégral de la situation du contribuable, est ainsi tenu de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis, y compris les éléments de fait dont le bureau d’imposition ne disposait pas encore lors de la détermination de la base imposable et qui n’ont été présentés que durant l’instance de réclamation. Il appartient dès lors au directeur de vérifier notamment si les bases imposables fixées par la voie de la taxation d’office se rapprochent autant que possible de la réalité économique et si la marge de sécurité fixée par le bureau d’imposition a été établie avec mesure et modération.
En l’espèce c’est partant à tort que le directeur, saisi d’une réclamation dirigée contre les bulletins d’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2001, s’est contenté de vérifier le principe du recours à la taxation d’office, sans procéder à un examen au fond de la situation de la demanderesse, plus particulièrement sans procéder à l’examen de la déclaration qui était à sa disposition au moment de la prise de sa décision, ensemble les pièces versées à l’appui, alors que cette démarche rentre directement dans la mission qui lui a été assignée par les dispositions légales prévisées. En effet, le directeur a refusé de prendre en compte tant la déclaration d’impôt concernant l’année fiscale litigieuse, que les pièces justificatives afférentes, en se contentant de se retrancher derrière le constat que le contribuable devrait s’imputer à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses d’une taxation. A cet égard, c’est à tort que le délégué du gouvernement argumente qu’aucun justificatif tel qu’annoncé dans la réclamation du 9 janvier 2007, n’ait été à la disposition du directeur, alors qu’il ressort du dossier fiscal versé au litige, que la déclaration fiscale ensemble avec des documents en annexe, a été déposée le 21 mars 2007 au bureau d’imposition, donc avant que le directeur ait pris sa décision, et que le directeur en disposait tel que cela résulte des termes de sa décision. En vertu des principes dégagés ci-
avant, le directeur ne pouvait pas faire abstraction de cette déclaration.
Le directeur aurait partant dû, conformément à sa mission, procéder d’office à l’examen des faits à la base de la réclamation et vérifier la conformité à la réalité tant de la taxation d’office opérée par le bureau d'imposition, que des données soumises par la demanderesse à l’appui de sa réclamation.
En omettant de procéder à un examen au fond de la situation de la demanderesse et de tenir compte des éléments factuels à sa disposition, le directeur ne s’est pas conformé aux prescriptions du paragraphe 243 AO, de sorte que la décision directoriale déférée encourt l’annulation pour violation de la loi, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les autres moyens soulevés de part et d’autre, cet examen devenant surabondant.
Au vu de l’issue du litige et afin de maintenir dans le chef de la demanderesse la possibilité de voir toiser sa réclamation à un niveau non contentieux, il y a lieu, dans le cadre du recours en réformation sous examen, de prononcer l’annulation de la décision directoriale litigieuse et de renvoyer le dossier en prosécution de cause devant le directeur1.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare recevable le mémoire en réponse du délégué du gouvernement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision n° C 13894 du directeur de l’administration des Contributions directes du 7 décembre 2007 et renvoie le dossier en prosécution de cause devant ledit directeur ;
déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge et lu à l’audience publique du 20 novembre 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
s. Legille s. Schockweiler Cf. TA 3 septembre 2008, n° 23516, TA 10 septembre 2008, n° 23929, TA 22 septembre 2008, n° 23501, TA 23 octobre 2008, n° 24060 et TA 23 octobre 2008, n° 24090, disponibles sous www.ja.etat.lu 9