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31/10/2008 | LUXEMBOURG | N°24972

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 octobre 2008, 24972


Tribunal administratif Numéro 24972 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2008 Audience publique extraordinaire du 31 octobre 2008 Recours formé par Monsieur …, alias …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative ( art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24972 du rôle et déposée le 28 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par MaÃ

®tre Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à L...

Tribunal administratif Numéro 24972 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2008 Audience publique extraordinaire du 31 octobre 2008 Recours formé par Monsieur …, alias …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative ( art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24972 du rôle et déposée le 28 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … 1975, alias …, né le … 1983, de nationalité guinéenne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 octobre 2008 ordonnant sa rétention au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Rafaëlle Weiss, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique extraordinaire du 31 octobre 2008.

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Le 13 juillet 2004, Monsieur …, formula, sous le nom de …, auprès des autorités luxembourgeoises une demande en reconnaissance du statut de réfugié. Par une décision du 25 mai 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », rejeta cette demande comme non fondée.

Un recours contentieux introduit contre cette décision de refus fut définitivement rejeté par un jugement du tribunal administratif du 18 février 2008 (n° 23299 du rôle), aucune requête d’appel n’ayant été introduite contre ledit jugement.

Par arrêté du ministre du 24 octobre 2008, Monsieur …, alias … se vit refuser le séjour au Grand-Duché de Luxembourg, en application des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, au motif qu’il n’était en possession ni d’un passeport ni d’un visa en cours de validité et qu’il n’était pas non plus en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise.

En date du même 24 octobre 2008, le ministre ordonna la rétention administrative de Monsieur …, alias … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, intervenue le même jour, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu la décision de refus de séjour du 24 octobre 2008 ;

Considérant que l'intéressé est démuni d'un document de voyage valable ;

Considérant qu'un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités guinéennes ;

Considérant qu'en attendant l'émission de ce document de voyage, l'éloignement immédiat de l'intéressé est impossible en raison des circonstances de fait ; ».

Par courrier du 28 octobre 2008, le mandataire de Monsieur … sollicita de la part du ministre la « réformation » des deux arrêtés du ministre du 24 octobre 2008 par lesquels a été refusé à son mandant le séjour au Luxembourg et a été ordonné sa rétention administrative, en sollicitant par ailleurs la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de son mandant « en vue de son union matrimoniale » avec sa concubine.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2008, Monsieur …, alias … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision de rétention administrative précitée du 24 octobre 2008.

Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi précitée du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir qu’il se serait trouvé incarcéré au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, en détention préventive, jusqu’à la date du 24 octobre 2008, date à laquelle il aurait été remis en liberté par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Le jour même de sa libération, il se serait vu notifier les décisions précitées du ministre du 24 octobre 2008 lui refusant le séjour au Luxembourg et le plaçant en rétention administrative. Il fait encore exposer que depuis le début de l’année 2008, il aurait entrepris ensemble avec sa concubine des démarches en vue de procéder à leur mariage et que dans ce contexte, il aurait d’ailleurs révélé sa véritable identité au ministère public avec les documents afférents à l’appui. Au vu de ce projet de mariage, il fait estimer que ni la décision de rétention administrative ni la décision de refus de séjour à son encontre ne seraient plus justifiée, en faisant valoir qu’un retour dans son pays d’origine aurait des « conséquences désastreuses » pour lui-même au vu de ses « attaches profondes et stables » qu’il aurait sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et de son projet de mariage. Il fait soutenir que la décision actuellement litigieuse constituerait « en réalité une entrave à l’union matrimoniale » qu’il projetterait ensemble avec sa concubine. Ainsi, son éloignement du territoire luxembourgeois constituerait une atteinte considérable et disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale violant ainsi l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le délégué du gouvernement soutient dans son mémoire en réponse que le seul moyen invoqué à l’appui du présent recours, à savoir celui tiré d’une prétendue violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme serait étranger à la mesure de rétention administrative faisant l’objet de la présente instance, alors qu’il aurait plutôt sa place dans le cadre d’une instance dirigée contre une éventuelle décision d’éloignement. Pour le surplus, il expose que le demandeur se trouverait au Luxembourg depuis l’année 2004, sous un faux nom, et qu’il aurait été incarcéré au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig depuis le mois de mai 2007 jusqu’au moment de la notification de la mesure de rétention administrative sous analyse. Ainsi, il ne saurait être question d’attaches profondes et stables que le demandeur aurait au Luxembourg. Par ailleurs, le représentant étatique conteste l’existence de toute vie familiale au Luxembourg dans le chef du demandeur, au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Quant au seul moyen invoqué par le demandeur à l’appui du présent recours, à savoir celui tiré d’une prétendue violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que la mesure de rétention administrative litigieuse porterait atteinte à son droit à une vie privée et familiale telle que protégée par ledit article 8 dans la mesure où son éloignement du territoire national le mettrait dans l’impossibilité d’épouser sa concubine, il échet de relever qu’une mesure de rétention administrative se fonde nécessairement sur une décision d’éloignement du territoire qui en constitue un préalable, étant entendu que la mesure de rétention administrative a pour seul objectif d’assurer l’exécution matérielle de la décision d’éloignement. Etant donné que c’est la décision d’éloignement qui est susceptible de porter atteinte au droit du demandeur à la protection de sa vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, un moyen tiré de la violation de ladite disposition de droit international ne peut être invoqué que dans le cadre d’un recours ayant pour objet soit une décision de refus de séjourner sur le territoire luxembourgeois, soit une décision portant ordre de quitter le pays. Ce moyen n’est partant pas pertinent dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de rétention administrative au sens de l’article 120 de la loi précitée du 29 août 2008, de sorte qu’il doit être rejeté.

Pour le surplus, le tribunal est amené à constater qu’un recours est pendant contre la décision du ministre du 24 octobre 2008 portant refus dans le chef du demandeur de séjourner sur le territoire luxembourgeois, de sorte que le demandeur peut faire valoir le moyen invoqué à l’appui du présent recours dans le cadre de cette instance qui est toujours pendante.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est pas fondé et doit partant être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 31 octobre 2008 à 11.45 heures par le premier vice-

président, en présence du greffier Claude Legille.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24972
Date de la décision : 31/10/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-10-31;24972 ?

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