Tribunal administratif N° 24191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mars 2008 Audience publique du 27 octobre 2008 Requête introduite par Monsieur …, … en matière de nomination d’un commissaire spécial
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 24191 du rôle, déposée le 18 mars 2008 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la nomination d’un commissaire spécial avec la mission de prendre en lieu et place de l’autorité compétente la décision que celle-ci est restée en défaut de prendre à la suite d’un jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2007 inscrit sous le numéro 22763 du rôle ;
Vu la lettre présentée le 27 mars 2008 au greffe du tribunal administratif par le préposé du bureau d’imposition Luxembourg 6 informant le tribunal que le jugement précité du 17 décembre 2007 serait exécuté par le bulletin d’imposition de l’impôt sur le revenu de l’année 2004 du 2 avril 2008 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2008 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2008 par Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur … en ses explications et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en sa plaidoirie.
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Par son jugement du 17 décembre 2007 (n° 22763 du rôle), le tribunal administratif a déclaré partiellement fondé le recours introduit par Monsieur … à l’encontre d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2004, émis à son égard le 27 septembre 2006 par le bureau d’imposition Luxembourg 6 et, par réformation dudit bulletin d’impôt, a dit que les recettes de location étaient à fixer au montant total de 867,62 € et a renvoyé le dossier au directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent aux fins d’exécution. Ledit jugement n’a pas été frappé d’appel.
Par requête déposée le 18 mars 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a introduit une demande sur base de l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, afin de voir désigner un commissaire spécial pour « prendre la décision aux lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de cette dernière », l’administration fiscale étant restée en défaut de prendre une nouvelle décision en exécution du jugement précité du 17 décembre 2007.
A l’appui de sa requête, le demandeur fait valoir que l’autorité compétente n’aurait donné « aucune suite » au jugement précité du tribunal administratif du 17 décembre 2007.
Le délégué du gouvernement rétorque que la requête en nomination d’un commissaire spécial serait devenue sans objet, au motif que le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2004, pris en exécution du jugement précité du tribunal administratif du 17 décembre 2007, aurait été émis et notifié au demandeur en date du 2 avril 2008, ensemble avec un décompte. Il précise encore que suite aux contestations relatives à la notification effective dudit bulletin d’impôt soulevées par le demandeur lors de la fixation de l’affaire à l’audience du tribunal du 23 avril 2008, une copie du même bulletin aurait été notifiée en date du 6 mai 2008 par voie de lettre recommandée avec avis de réception, lequel avis de réception aurait été signé par le demandeur et retourné au bureau d’imposition compétent.
Il sollicite encore sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives de voir condamner le demandeur au paiement d’une indemnité de procédure de 1.000 euros pour les frais et sommes exposés directement et indirectement par l’Etat en raison « du trouble créé par le sieur … qui menace le déroulement régulier des travaux ainsi que l’organisation interne du bureau d’imposition Luxembourg 6 et compte tenu de l’attitude querelleuse de la partie adverse ayant conduit au présent litige ».
Dans son mémoire en réplique, le demandeur affirme à nouveau qu’il n’aurait pas reçu le bulletin d’impôt qui lui aurait prétendument été notifié par l’administration fiscale en date du 2 avril 2008, tout en relevant que cette dernière resterait en défaut de prouver la notification effective dudit bulletin d’impôt. Il fait encore valoir qu’il ne disposerait que d’une copie du bulletin d’impôt rectificatif et d’un décompte qui lui auraient été notifiés en date du 7 mai 2008 après son intervention à l’audience publique du tribunal du 23 avril 2008.
Il s’ensuivrait qu’il ne serait toujours pas en possession de l’original du bulletin d’impôt rectificatif suite au jugement précité du tribunal administratif du 17 décembre 2007.
Il conclut ensuite au rejet de la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’Etat, en faisant valoir qu’il aurait été obligé d’entamer de nombreuses procédures par le passé afin de parvenir à son dû et qu’on ne saurait ainsi lui reprocher les disfonctionnements du bureau d’imposition dont il ne serait que la victime. Sur ce, il formule à son tour une demande tendant à voir condamner l’Etat à une indemnité de procédure de l’ordre de 1.500 euros.
Le demandeur demande encore de voir condamner l’Etat à mettre à sa disposition dans un délai de quinze jours à partir du prononcé du jugement à intervenir l’original du bulletin d’impôt rectificatif en exécution du jugement précité du tribunal administratif du 17 décembre 2007.
L’article 84 de la loi précitée du 7 novembre 1996 dispose comme suit: « Lorsqu’en cas d’annulation ou de réformation, coulée en force de chose jugée, d’une décision administrative qui n’est pas réservée par la Constitution à un organe déterminé, la juridiction ayant annulé ou réformé la décision a renvoyé l’affaire devant l’autorité compétente et que celle-ci omet de prendre une décision en se conformant au jugement ou à l’arrêt, la partie intéressée peut, à l’expiration d’un délai de trois mois à partir du prononcé de l’arrêt ou du jugement, saisir la juridiction qui a renvoyé l’affaire en vue de charger un commissaire spécial de prendre la décision aux lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de celle-ci. La juridiction fixe au commissaire spécial un délai dans lequel il doit accomplir sa mission. La désignation du commissaire spécial dessaisit l’autorité compétente ».
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier qu’au moment du dépôt de la requête sous analyse, en date du 18 mars 2008, plus de trois mois s’étaient écoulés depuis le jugement précité du tribunal administratif du 17 décembre 2007 qui a partiellement réformé le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2004 du 27 septembre 2006 dans la mesure où il a retenu que les recettes de location perçues par le demandeur au titre de l’année 2004 étaient à fixer au montant total de 867,62 €.
Il est par ailleurs constant qu’au jour du dépôt de la requête sous analyse, aucune décision n’avait encore été prise en exécution du jugement précité du 17 décembre 2007 conformément aux exigences posées à la base de l’article 84 de la loi précitée du 7 novembre 1999.
Partant, la requête en nomination d’un commissaire spécial, introduite par ailleurs selon les formes et délai de la loi, est recevable.
Il ressort encore des pièces versées au dossier qu’en exécution du jugement précité du tribunal administratif du 17 décembre 2007, le bureau d’imposition Luxembourg 6 a émis en date du 2 avril 2008 un bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2004 rectificatif « suivant jugement du tribunal administratif ».
En présence de cette nouvelle décision, le tribunal est amené à constater que les conditions pour la nomination d’un commissaire spécial chargé de l’exécution du jugement précité du 17 décembre 2007 ne sont plus remplies, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la demande qui est devenue sans objet.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il n’aurait reçu qu’une copie et non pas l’original du bulletin d’impôt rectificatif. En effet, cet état des choses, à le supposer établi, ne saurait porter à conséquence, étant donné que le demandeur qui s’est vu notifier le 7 mai 2008 par lettre recommandée une copie du bulletin d’impôt émis le 2 avril 2008 par le bureau d’imposition Luxembourg 6, ne saurait nier l’existence même du bulletin d’impôt rectificatif.
La demande de Monsieur … tendant à voir condamner l’Etat à produire l’original du bulletin d’impôt rectificatif du 2 avril 2008 est également à rejeter comme non fondée, étant donné qu’indépendamment de toutes considérations quant à la compétence du tribunal pour ordonner une telle mesure, l’original du bulletin d’impôt a, selon les déclarations de l’administration des Contributions, été expédié au demandeur le 2 avril 2008, de sorte que l’administration ne saurait produire un original, alors qu’il n’existe par définition qu’un seul original qui, en l’espèce, semble avoir été égaré.
En ce qui concerne les demandes en allocation d’une indemnité de procédure, formulées de part et d’autre, il convient de rappeler que l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 est libellé comme suit :
« Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».
Au vu de l’issue de la requête en nomination d’un commissaire spécial, la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur est à rejeter.
En ce qui concerne la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’Etat et fondée principalement sur « l’attitude querelleuse » du demandeur, elle est également à rejeter comme non fondée, étant donné que le bulletin d’impôt rectificatif, intervenu suite au jugement précité du 17 décembre 2007, n’a été émis qu’après le dépôt de la requête en nomination d’un commissaire spécial. A cela s’ajoute qu’une indemnité de procédure ne saurait tenir lieu de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire qui ne rentrent pas dans le champ de compétence du tribunal administratif.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit la requête en nomination d’un commissaire spécial en la forme ;
au fond, dit qu’elle est devenue sans objet, partant en déboute ;
rejette la demande visant à obtenir la production de l’original du bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu pour l’année 2004 ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées tant par le demandeur que par l’Etat ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Martine Gillardin, premier juge, et lu à l’audience publique du 27 octobre 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
Legille Schockweiler 4