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13/10/2008 | LUXEMBOURG | N°24038

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 octobre 2008, 24038


Tribunal administratif N° 24038 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2008 Audience publique du 13 octobre 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de carte de légitimation pour accompagnateur

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24038 du rôle et déposée le 7 février 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformatio

n et subsidiairement à l’annulation d'une décision du ministre des Transports du 5 décemb...

Tribunal administratif N° 24038 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2008 Audience publique du 13 octobre 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de carte de légitimation pour accompagnateur

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24038 du rôle et déposée le 7 février 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d'une décision du ministre des Transports du 5 décembre 2007 lui refusant l’obtention d’une carte de légitimation pour accompagnateur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2008 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, Maître Jean TONNAR ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 septembre 2008.

___________________________________________________________________________

Monsieur …, fils mineur de Monsieur …, adressa en date du 6 septembre 2007 une demande au ministre des Transports tendant à l’obtention d’un permis de conduire sous le régime de la conduite accompagnée, tandis que Monsieur … adressa le 11 septembre 2007 une demande au même ministre tendant à l’obtention d’une carte de légitimation pour accompagnateur.

Par courrier du 2 octobre 2007, le ministre des Transports accusa réception de la prédite demande, mais lui opposa un refus pour les motifs suivants :

« Votre demande en vue de l'attribution d'une carte de légitimation pour accompagnateur pour assister Monsieur … lors de sa préparation à l'examen pratique pour l'obtention d'un permis de conduire de la catégorie B m'est bien parvenue le 19 septembre 2007.

L'article 80 modifié de l'arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques (Code de la route), dispose qu'en vue de l'obtention de la carte de légitimation, l'accompagnateur doit justifier, au moyen de l'extrait du casier judiciaire prévu à l'article 78, ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation du chef d'infractions à la législation routière, ni avoir au cours des cinq dernières années fait l'objet d'une déchéance administrative ou judiciaire du droit de conduire.

Or, il résulte de votre extrait du casier judiciaire que vous avez fait l'objet d'une condamnation pour infraction au Code de la Route le 2 mars 2006.

Ne remplissant pas les conditions requises, je suis dès lors au regret de devoir refuser votre demande. (…) » Suite à un recours gracieux introduit en date du 7 novembre 2007 par le mandataire de Monsieur …, le ministre prit une décision confirmative de refus par laquelle il réitéra, en les précisant, les motifs de son refus.

Monsieur … réitéra à son tour par le biais de son mandataire ses objections par courrier du 15 janvier 2008, par rapport auquel le ministre maintint par décision du 22 janvier 2008 son refus initial.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2008, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation et sinon à l’annulation de la décision ministérielle de refus du 5 décembre 2007.

Etant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en cette matière, seul un recours en annulation a pu être introduit, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Le recours subsidiaire en annulation, pour sa part, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Monsieur … s’empare à l’appui de son recours de l’article 80 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, aux termes duquel « l'accompagnateur doit justifier au moyen de l'extrait du casier judiciaire […] ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation du chef d'infraction à la législation routière, … » pour expliquer qu’il aurait rempli la prédite condition au moyen d’un extrait du bulletin n° 3 du casier judiciaire qui indiquerait l’état des inscriptions dans son casier comme « néant ».

A titre subsidiaire, à supposer néanmoins que ce serait le bulletin n° 2 du casier judiciaire qui serait applicable, il donne à considérer qu’il aurait seulement fait l’objet d’une ordonnance pénale pour avoir oublié de payer certains procès-verbaux pour stationnement sans ticket valable. Il explique à cet égard qu’il serait obligé de se déplacer très souvent à Esch-sur-Alzette du fait de sa profession et qu’il serait dans l’impossibilité de prendre à chaque fois un ticket avant d'effectuer une visite urgente chez un malade.

Il estime que les faits lui reprochés ne sauraient pas justifier qu’il soit considéré comme étant inapte à accompagner son fils en vue de l'obtention de son permis de conduire de la catégorie B.

Le délégué du Gouvernement, pour sa part, souligne que la décision du ministre des Transports portant refus d'attribuer au demandeur une carte de légitimation pour accompagnateur repose sur l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que du règlement grand-ducal du 14 décembre 1976 portant réorganisation du Casier judiciaire tel qu'il a été complété et modifié par la suite et de l'arrêté ministériel du 22 novembre 1977 déterminant la liste des administrations et personnes morales de droit public pouvant réclamer le bulletin n° 2 du Casier judiciaire, tel qu'il a été complété et modifié par la suite.

Il explique qu’au vu de l'extrait du bulletin n° 2, le ministre a constaté que le demandeur avait fait l'objet d'une condamnation judiciaire en date du 2 mars 2006 en raison d'infractions commises contre le Code de la Route entre le 5 avril 2005 et le 4 octobre 2005.

S’il admet que le bulletin n° 3 remis par le demandeur porte la mention « néant », il estime que le ministre devrait néanmoins tenir compte du bulletin n° 2, plus détaillé que le bulletin n° 3 et spécifiquement réservé à l'administration.

Or le bulletin n° 2 établissant qu'il y a eu condamnation, le ministre des Transports devrait tenir compte de cette condamnation, ayant acquis autorité de chose jugée, et par conséquent refuser la demande en application de l'article 80 précité.

Plus précisément, il relève qu’il y aurait lieu de constater que l'extrait du casier judiciaire, bulletin n° 2, indiquerait que le demandeur a fait l'objet de trois avertissements taxés pour des infractions en matière de stationnement, mais qu'il y aurait encore eu condamnation par jugement du 2 mars 2006 prononcé par le tribunal de police d'Esch-sur-

Alzette, jugement qu’il n’appartiendrait pas au ministre de relativiser.

Aux termes de l’article 80, paragraphe 4, c) de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, « en vue de l’obtention de la carte de légitimation l’accompagnateur doit justifier, au moyen de l’extrait du casier judiciaire prévu à l’article 78, ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation du chef d’infractions à la législation routière, ni avoir au cours des cinq dernières années fait l’objet d’une déchéance administrative ou judiciaire du droit de conduire. Il doit en plus avoir été présent pendant au moins deux leçons pratiques du candidat à accompagner, dispensées par l’instructeur agréé de celui-ci », tandis que l’article 78 du même arrêté grand-ducal exige la production par l’impétrant d’un extrait du casier judiciaire.

D’un autre côté, les articles 1er et 6 du règlement grand-ducal modifié du 14 décembre 1976 portant réorganisation du casier judiciaire, pris conjointement, prévoient l’existence d’un bulletin n° 1 du casier judiciaire, qui comporte le relevé intégral des inscriptions au casier judiciaire - dont les condamnations irrévocables pour infractions commises contre la réglementation de la circulation sur les voies publiques -, mais qui est réservé aux autorités judiciaires.

L’article 8 du même règlement grand-ducal précise quant à lui que le bulletin n° 2 constitue le relevé de certaines inscriptions du casier judiciaire, concernant notamment « les condamnations pour infractions à la réglementation concernant la circulation sur les voies publiques », tandis qu’il résulte des dispositions de l’article 9 du même règlement grand-ducal que le bulletin n° 2 n’est délivré sous certaines conditions qu’aux seules administrations publiques de l´Etat, aux autorités militaires ainsi qu’à certaines administrations et personnes morales de droit public déterminées par arrêté du ministre de la Justice.

En revanche, aux termes de l’article 10 du même règlement grand-ducal « le bulletin n° 3 est le relevé des condamnations à des peines privatives de liberté prononcées par une juridiction luxembourgeoise pour crime ou délit, pour lesquelles le bénéfice de la condamnation conditionnelle, avec ou sans mise à l´épreuve, n´a pas été accordé ou dont le condamné est déchu. Le bulletin n° 3 peut être réclamé par la personne qu´il concerne ».

Il résulte dès lors de la combinaison des diverses dispositions légales citées ci-avant que si un candidat à l’obtention d’une carte de légitimation d’accompagnateur doit justifier, au moyen d’un extrait de son casier judiciaire, ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation du chef d’infractions à la législation routière, le seul bulletin dont il peut obtenir effectivement communication, à savoir le bulletin n° 3, n’indique précisément pas les infractions à la législation routière, qui figurent en revanche sur le bulletin n° 1 - délivré aux seules autorités judiciaires - et sur le bulletin n° 2, réservé à certaines administrations et autorités publiques.

Il s’ensuit que le texte de l’article 80 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques fait reposer sur l’administré la charge d’une preuve dont les dispositions du règlement grand-ducal modifié du 14 décembre 1976 portant réorganisation du casier judiciaire l’empêchent de s’acquitter.

Or, en cas de contradiction entre des règles de droit, le tribunal est tenu d’interpréter les règles de telle manière que leur effet soit assuré, une interprétation qui réduirait à néant une disposition dans son effet pratique étant inadmissible1.

Si en l’espèce le demandeur insiste à cet égard sur le fait qu’il se serait acquitté – dans les limites des possibilités légales lui ouvertes – de la charge de la preuve lui imposée, en produisant le bulletin n° 3, sur lequel figure la mention « néant », de sorte qu’il conclut au respect, dans son chef, des conditions prescrites pour l’obtention de la carte de légitimation sollicitée, le tribunal se doit cependant de souligner que la preuve imposée par le législateur ne constitue pas une simple obligation de moyens - dont le demandeur pourrait s’acquitter au moyen de la production du seul bulletin n° 3, sans égard au fait que celui-ci sera en tout état de cause muet quant à l’existence de condamnations pour infractions commises contre la réglementation de la circulation sur les voies publiques – mais qu’elle a pour but de vérifier l’absence effective de condamnations pour infractions commises au Code de la Route dans le chef du demandeur.

Aussi, s’il est vrai que les diverses dispositions légales et réglementaires applicables témoignent d’une mauvaise coordination entre elles, en ce sens qu’elles imposent à l’administré la charge d’une preuve qu’il n’est pas habilité à produire, force est souligner, au-

delà de cette contradiction et nonobstant la production par le demandeur du bulletin n° 3 requis, que le demandeur a fait l’objet d’une condamnation pour infractions commises contre la réglementation de la circulation sur les voies publiques - réalité étayée par le bulletin n° 2 et que le demandeur ne conteste d’ailleurs pas - de sorte que s’il a certes formellement respecté la charge de la preuve lui imposée, il n’en a en revanche pas satisfait à l’objet de la preuve 1 Trib. adm. 27 mars 2006, n° 20395, Pas. adm., 2007-2008, V° Lois et règlements, n° 63.

requise, à savoir prouver l’inexistence dans son chef de toute condamnation pour infraction à la législation routière.

Dès lors, en se fondant sur l’existence d’une condamnation du demandeur pour infraction à la législation routière, le ministre a légalement pu refuser la carte de légitimation sollicitée.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation du demandeur relative à l’absence de gravité des faits pour lesquels il a été condamné, respectivement à la disproportionnalité alléguée de la décision litigieuse du ministre par rapport à ces faits, alors que le texte légal, en exigeant dans le chef du candidat à l’obtention d’une carte de légitimation pour accompagnateur l’absence de toute condamnation pour infraction à la législation routière, exclut tout pouvoir d’appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, du tribunal.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 octobre 2008 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge, Claude Fellens, juge, en présence du greffier en chef, Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 24038
Date de la décision : 13/10/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-10-13;24038 ?

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