Tribunal administratif N° 23435 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2007 Audience publique du 10 septembre 2008 Recours formé par la copropriété … et …, … contre des bulletins d’impôt émis par le bureau d’imposition Luxembourg 8 en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23435 du rôle et déposée le 17 septembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … …, demeurant à …, déclarant agir en sa qualité de « mandataire officiel » au nom de la copropriété … et …, tendant à l’annulation :
des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 2002, 2003 et 2004 ;
des bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2002, 2003 et 2004 ;
des bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2003 et au 1er janvier 2004 ;
tous émis le 4 janvier 2007 par le bureau d’imposition Luxembourg 8 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins attaqués ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur … … en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie Klein en sa plaidoirie.
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Monsieur … …, demeurant à …., et Monsieur … …, ayant son adresse professionnelle à …, sont copropriétaires d’un immeuble situé à ….
En date du 4 janvier 2007, le bureau d'imposition Luxembourg 8 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la copropriété … et … les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 2002, 2003 et 2004, les bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2002, 2003 et 2004, ainsi que les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2003 et au 1er janvier 2004.
Par lettre datée du 8 janvier 2007, Monsieur … …, en sa qualité de « mandataire officiel » de la copropriété … et …, introduisit une réclamation contre lesdits bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes.
Cette réclamation étant restée sans réponse, Monsieur … …, en sa qualité de « mandataire officiel » de la copropriété … et …, a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 septembre 2007, un recours contentieux tendant à l’annulation des bulletins d’impôt prévisés du 4 janvier 2007.
Quant à l’admissibilité du mémoire en réponse Préalablement à l’examen de la recevabilité et du bien-fondé du recours ainsi introduit, il y a lieu d’examiner l’admissibilité du mémoire en réponse fourni par le délégué du gouvernement en date du 12 mars 2008, au regard des dispositions de l’article 5 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, cette question ayant été soulevée d’office par le tribunal à l’audience fixée pour les plaidoiries.
La question de la fourniture des mémoires dans les délais impartis et suivant le nombre prévu par la loi précitée du 21 juin 1999 touche à l’organisation juridictionnelle et est par voie de conséquence d’ordre public. Elle doit être soulevée d’office par le tribunal à défaut de l’être à travers l’un des moyens par les parties (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas.
adm. 2006, V° Procédure contentieuse n° 452).
Conformément aux dispositions de l’article 5 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999, le défendeur est tenu de fournir sa réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive, étant entendu que conformément aux dispositions du paragraphe (6) du même article 5, ce délai de trois mois est suspendu entre le 16 juillet et 15 septembre.
Dans la mesure où il est encore constant que conformément à l’article 4 (3) de la loi précitée du 21 juin 1999, le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat, le délai pour fournir la réponse a commencé à courir le 17 septembre 2007, de sorte que le dépôt du mémoire en réponse aurait dû intervenir le 17 décembre 2007 au plus tard. Il s’ensuit que le dépôt du mémoire en réponse du délégué du gouvernement en date du 12 mars 2008 est intervenu tardivement et doit être écarté des débats.
Quant à la compétence du tribunal Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3.
de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé contre des bulletins d’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, d’impôt commercial communal et d’établissement de la valeur unitaire, en cas de silence du directeur de l’administration des Contributions directes durant plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable.
En présence d’un contribuable exerçant sans l’assistance d’un professionnel de la postulation les voies de recours lui ouvertes contre une décision directoriale, la désignation impropre, dans la requête introductive, de la voie de recours par lui exercée n’est pas de nature à affecter la recevabilité de son recours du moment qu’il se dégage par ailleurs du contenu de la requête introductive qu’il a entendu exercer contre cette décision la voie de recours lui ouverte par la loi.
En l’espèce, nonobstant le fait que Monsieur … conclut en l’espèce, d’après le libellé du dispositif de la requête introductive d’instance, à la seule annulation des bulletins déférés, il a toutefois indiqué dans le corps de la requête introductive solliciter l’annulation voire la réformation des bulletins d’impôt déférés et il ressort par ailleurs du libellé de la requête introductive qu’il entend contester le bien-fondé desdits bulletins. Il en découle que Monsieur … a en fait entendu introduire également un recours en réformation à l’encontre des bulletins déférés du 4 janvier 2007.
Le tribunal est donc compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les bulletins d’impôt prévisés du 4 janvier 2007. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.
Quant à la recevabilité du recours A l’audience fixée pour les plaidoiries, le tribunal a encore soulevé d’office la question de la recevabilité du recours introduit par la copropriété … et …, représentée par Monsieur … ….
A cet égard, Monsieur … s’est prévalu des dispositions des paragraphes 219 (1) et 239 (2) AO pour fonder sa qualité de « mandataire officiel » de ladite copropriété. En termes de plaidoiries, il a encore fait valoir qu’en tant que copropriétaire, il disposerait d’un intérêt à défendre son patrimoine et qu’en tant que « Geschäftsführer », il serait habilité à représenter la société, tout en précisant qu’en sa qualité d’expert-comptable, il pourrait représenter la société.
Le paragraphe 238 AO établit la règle générale que la qualité pour introduire une voie de recours appartient à celui à l’égard duquel une décision a été prise.
Il convient cependant de relever que même si la copropriété … et … est le destinataire direct des bulletins d’impôt litigieux, étant donné que ceux-ci ont été adressés à ladite copropriété, celle-ci ne saurait être considérée comme étant un contribuable, c’est-à-dire un sujet de droit fiscal, qui disposerait du droit de réclamer ou d’introduire un recours, dans la mesure où ce n’est pas elle qui est matériellement imposée, mais ce sont les copropriétaires qui sont personnellement et directement imposables sur leurs parts dans les bénéfices de la copropriété.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de Monsieur … qui prétend fonder sa qualité d’agir au nom de la copropriété sur les paragraphes 219 (1) et 239 (2) AO.
En effet, s’il ressort certes des pièces du dossier et plus particulièrement des bulletins déférés qui ont été notifiés au domicile de Monsieur …, que ce dernier est le représentant de ladite copropriété au sens du paragraphe 219 (1) AO, il convient toutefois de retenir que Monsieur … ne saurait baser sa qualité d’agir au nom de la copropriété sur les dispositions du paragraphe 219 (1) AO, étant donné que cette disposition a pour seul objet de désigner un représentant de la copropriété censé recevoir les notifications de l’administration avec effet pour et contre tous les autres cointéressés, à l’exclusion de tous droits d’exercer des voies de recours au nom de la copropriété.
Quant au paragraphe 239 AO, celui-ci dispose que :
« (1) Zur Einlegung von Rechtsmitteln, die einen einheitlichen Feststellungsbescheid über Einkünfte aus Gewerbebetrieb, über den Einheitswert eines gewerblichen Betriebs oder über wirtschaftliche Untereinheiten von gewerblichen Betrieben betreffen, sind die folgenden Personen berechtigt:
1. soweit es sich darum handelt, wer an dem festgestellten Betrag beteiligt ist und wie der festgestellte Betrag sich auf die einzelnen Beteiligten verteilt:
jeder Gesellschafter oder Gemeinschafter, der durch die Feststellungen über diese Punkte berührt wird;
2. soweit es sich um einen Punkt handelt, der einen Gesellschafter oder Gemeinschafter für seine Person angeht (zum Beispiel die Höhe von Sondervergütungen oder persönlichen Werbungskosten):
der Gesellschafter oder Gemeinschafter, der durch die Feststellungen über diesen Punkt berührt wird;
3. im übrigen:
nur die zur Geschäftsführung berufenen Gesellschafter oder Gemeinschafter;
Gesellschafter oder Gemeinschaften die nicht zur Geschäftsführung berufen sind, sind auch nicht berechtigt, dem Rechtsmittel beizutreten.
(2) Sind in anderen als den im Absatz 1 bezeichneten Fällen einheitliche Feststellungsbescheide gegen Mitberechtigte ergangen, so ist jeder Mitberechtigte zur Einlegung von Rechtsmitteln befugt.
(3) Mehrere Rechtsmittel gleicher Art, die denselben Betrieb, dasselbe Grundstück, dasselbe Betriebsgrundstück oder dieselbe Gewerbeberechtigung, in den Fällen des § 215 Absatz 2 dieselben Einkünfte betreffen, werden verbunden und zur Einlegung von Rechtsmitteln befugte Mitberechtigte, die kein Rechtsmittel eingelegt haben, zu dem Rechtsmittelverfahren von Amts wegen zugezogen. Auch im Rechtsmittelverfahren können nur einheitliche Feststellungen getroffen werden. Die Rechtsmittelentscheidungen richten sich gegen alle Mitberechtigten; § 219 Absatz 1 Sätze 2 bis 4 finden Anwendung ».
Il échet de relever qu’en matière de l’établissement séparé et en commun de revenus commerciaux collectifs et de la fixation de la valeur unitaire d’une telle entreprise commerciale, le paragraphe 239 alinéa 1er AO restreint par les chiffres 1 et 2, le champ d’application du paragraphe 238 AO à l’égard des sociétaires et indivisaires, autres que les gérants ou administrateurs. En effet, à l’égard des bulletins qui établissent le bénéfice ou la valeur unitaire d’une exploitation commerciale, artisanale ou industrielle (Gewerbebetrieb) qui appartient en commun à plusieurs personnes, ces sociétaires ou indivisaires n’ont qualité pour réclamer qu’au sujet des causes visées aux chiffres 1 et 2. Au titre du chiffre 3, seul le sociétaire ou indivisaire chargé de la gestion de l’exploitation a qualité pour faire valoir tous les autres moyens contre le bulletin.
Il découle encore de l’alinéa 2 du paragraphe 239 AO que dans tous les autres cas que ceux visés à l’alinéa 1er du paragraphe 239 AO, c’est-à-dire dans les hypothèses autres que l’établissement séparé et en commun des revenus d’une entreprise commerciale collective et la fixation d’une valeur unitaire d’une telle entreprise, chacun des sociétaires ou indivisaires a qualité pour interjeter une réclamation ou un recours contre le bulletin.
En l’espèce, il n’est ni allégué ni a fortiori établi que le recours introduit par Monsieur … au nom de la copropriété … et … tomberait sous les hypothèses énumérées aux chiffres 1 et 2 du paragraphe 239 alinéa 1er AO. Au contraire, ladite copropriété affirme que son droit d’introduire un recours découlerait des dispositions du paragraphe 239 alinéa 2 AO. Or, d’après ladite disposition légale, le droit d’agir est réservé exclusivement aux sociétaires et indivisaires et non à la copropriété elle-même, celle-ci n’ayant d’ailleurs aucune personnalité juridique.
En ce qui concerne le chiffre 3 du paragraphe 239 alinéa 1er AO, si Monsieur … se prévaut certes de sa qualité de « Geschäftsführer » de la copropriété, il convient toutefois de retenir qu’en vertu de cette disposition, seul le sociétaire ou l’indivisaire chargé de la gestion de l’exploitation a qualité pour faire valoir tous les autres moyens contre ces bulletins. Or, contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur …, il y a lieu de constater qu’il n’est pas établi qu’il soit administrateur ou gérant de la copropriété.
Force est de relever qu’en l’espèce, il s’agit d’un recours introduit contre des bulletins contenant respectivement l’établissement séparé et en commun des revenus d’une entreprise commerciale collective et fixation de la valeur unitaire d’une entreprise commerciale collective, hypothèse expressément visée par l’alinéa 1er du paragraphe 239 AO.
Il suit de ce qui précède que ce n’est pas la copropriété … et … qui peut agir contre les bulletins litigieux mais que seuls les copropriétaires pris individuellement sont en droit d’introduire une voie de recours, cette conclusion valant également en ce qui concerne les bulletins d’impôt commercial communal déférés.
S’il est encore vrai que Monsieur … a produit à l’appui du présent recours introduit au nom de la copropriété … et … une procuration ad litem établie par Monsieur … le 9 octobre 2007, par laquelle ce dernier confère à Monsieur … « mandat (…) pour représenter (…) [ses] intérêts dans le recours dirigé contre les bulletins d’imposition de la copropriété … et … nr fiscal 1600 8028 048 par le bureau d’imposition Luxembourg VIII », force est toutefois de relever qu’abstraction faite de toutes autres considérations quant à la date d’émission de cette procuration, le législateur a restreint le champ des personnes capables de représenter le contribuable. Ainsi, d’après le paragraphe 1er de l’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, les réviseurs d’entreprises et les experts-comptables dûment autorisés à exercer leur profession ont, à côté des avocats, la possibilité de représenter un justiciable devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière fiscale.
Dans ce contexte, Monsieur … se prévaut encore de sa qualité d’expert-comptable pour justifier sa qualité à agir au nom de la copropriété et verse à cet effet une autorisation d’établissement délivrée au nom de la société …, autorisée à exercer l’activité d’expert-
comptable, et dont la gérance est assurée par Monsieur ….
Or, force est de constater, d’une part, que Monsieur … a conféré mandat à Monsieur … et non pas à la société … pour le représenter dans le cadre du présent recours et, d’autre part, le recours sous analyse n’a pas été introduit par la société … S.àr.l., mais par Monsieur … au nom de la copropriété … et ….
Il s’ensuit que Monsieur … n’a pas qualité pour agir au nom de la copropriété … et ….
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours introduit par la copropriété … et … est à déclarer irrecevable.
Quant à la demande tendant à voir ordonner un sursis à exécution sur base du paragraphe 251 AO pour le paiement des impôts, il convient de relever qu’indépendamment de la recevabilité en la forme de ladite demande en ce qu’elle n’a pas été reprise au dispositif de la requête introductive d’instance, c’est le bureau d’imposition qui est compétent sur base du paragraphe 251 AO pour ordonner un sursis à exécution des bulletins d’impôt. Le tribunal en revanche n’est pas compétent pour ordonner le sursis à exécution des bulletins d’impôt déférés faute de disposition légale investissant le tribunal d’un tel pouvoir.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
écarte des débats le mémoire en réponse de l’Etat, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2008 ;
se déclare compétent pour connaître du recours en réformation ;
déclare le recours en réformation irrecevable ;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;
se déclare incompétent pour connaître de la demande en sursis à exécution ;
condamne la copropriété demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
… Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique du 10 septembre 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier de la Cour administrative Anne-Marie Wiltzius, greffier assumé.
s. Wiltzius s. Schockweiler 6