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10/09/2008 | LUXEMBOURG | N°23434

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 septembre 2008, 23434


Numéro 23434 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2007 Audience publique du 10 septembre 2008 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23434 du rôle et déposée le 17 septembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, élisant domicile à …, et son épouse, Madame

…-…, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Co...

Numéro 23434 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2007 Audience publique du 10 septembre 2008 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23434 du rôle et déposée le 17 septembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, élisant domicile à …, et son épouse, Madame …-…, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 14 juin 2007 (no C 13829 du rôle) ayant rejeté comme non fondées leurs réclamations contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur … en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie Klein en sa plaidoirie.

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A la suite de l’émission en date du 13 décembre 2006 par le bureau d'imposition Luxembourg 8 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après « le bureau d’imposition », des bulletins de l’impôt sur le revenu et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal pour l’année 2001, les époux …-… introduisirent le 5 février 2007 une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par décision du 14 juin 2007, référencée sous le numéro C 13829 du rôle, le directeur rejeta cette réclamation comme n’étant pas fondée. Cette décision est libellée comme suit :

Vu la requête introduite le 5 février 2007 par les époux, le sieur … et la dame … …, demeurant à Luxembourg, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et le bulletin de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2001, émis le 13 décembre 2006 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l'introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des Contributions de joindre des affaires, si elles sont connexes, mais n'est pas incompatible en l'espèce avec les exigences d'une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi, qu'il n'y a pas lieu de la refuser ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit dans les forme et délai de la loi, qu'elles sont partant recevables ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition, principalement, d'avoir qualifié une gestion patrimoniale d'immeubles leur appartenant en propre comme une activité commerciale, et subsidiairement, d'avoir agi en défaut de compétence ;

qu'outre cela certains frais déclarés n'auraient pas été admis en déduction ;

I.

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

Considérant que les réclamants soulèvent une violation du § 205, alinéa 3 AO aux fins d'invoquer la nullité des bulletins litigieux ;

Considérant à ce titre que le but du § 205, alinéa 3, en tant que principe de bonne administration, consiste à vérifier les conclusions auxquelles tend une instruction en défaveur du contribuable et partant à éviter d'éventuels malentendus ;

qu'à cet effet le contribuable doit être mis en mesure de prendre position avant que le bureau n'arrête sa décision ;

Considérant que si le contribuable n'est pas obligé de prendre position, le bureau d'imposition n'est pas lié le cas échéant par les explications données, qu'il n'a qu'à apprécier pour soit en tenir compte soit non ;

qu'en l'occurrence, les réclamants critiquent à faux que le bureau d'imposition n'ait pas longuement ruminé leurs observations, mais qu'il a procédé, à leur réception toutes bien considérées, à l'imposition ;

que celle-ci n'est en aucun cas le résultat de négociations entre bureau d'imposition et contribuables, mais l'application par le bureau d'imposition des lois aux faits déclarés ou dégagés par l'instruction ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant à titre superfétatoire que d'une violation des dispositions du § 211, alinéa 2 AO, si tant était, ne s'ensuivrait aucune annulation des bulletins, sauf que le délai de recours ne commencerait pas à courir, ce qui reste sans incidence, vu la réclamation introduite dans le délai légal ;

II.

Considérant que le principe général de l'assujettissement à l'impôt commercial communal de tout bénéfice commercial n'est pas controversé en l'espèce, mais la redéfinition d'une catégorie de revenus, à savoir la gestion patrimoniale d'immeubles en tant que revenus provenant de la location de biens en tant que bénéfice commercial, question litigieuse à part traitée infra ;

Considérant qu'il appert en tout état de cause, au vu du bulletin litigieux, que le montant de l'impôt commercial communal de l'année 2001 a été fixé à zéro euro ;

Considérant qu'au vœu du § 232, alinéa 1er AO le contribuable ne peut réclamer contre un bulletin que pour autant que la cote d'impôt ou l'affirmation de l'impossibilité y contenues lui causent grief, que dans cette logique le § 232, alinéa 1er AO n'admet un recours que contre un bulletin d'impôt mettant à la charge du contribuable visé une obligation positive de payer une certaine cote d'impôt ;

qu'en conséquence un bulletin ne fixant pas de cote d'impôt positive ne saurait en principe ouvrir le droit à réclamation, faute de charge fiscale imposée au contribuable lui faisant grief ;

Considérant qu'il en résulte que la réclamation dirigée contre le bulletin de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2001 doit être déclarée irrecevable pour défaut d'intérêt ;

III.

Considérant, en ce qui concerne la requalification litigieuse, en tant que bénéfice commercial imposé, de la gestion patrimoniale d'immeubles déclarée en tant que revenus provenant de la location de biens, que la requête introductive se borne à citer deux immeubles sis à …, dont l'un détenu de longue date, pour conclure à une « gestion normale d'un patrimoine privé » ;

que d'ailleurs le traitement fiscal que pourra subir un terrain appartenant au patrimoine privé avant le début d'une exploitation commerciale dépend concrètement de la mise en valeur choisie le moment venu ;

Considérant généralement qu'il échet de résumer d'abord un aperçu global des activités connues des réclamants en matière d'immobilier, avant de décider à la lumière des faits en objectivité des critères déterminants de la nature de ces activités, et partant en quelle catégorie de revenus elles deviendront imposables ;

Considérant à titre incident qu'un domicile principal, sis route de Longwy à Luxembourg et acquis dès 1993, reste patrimoine privé ;

que, cependant et entretemps, les réclamants déclarent par séparation d'adresses un second domicile, sis rue des … ;

que, d'autre part, un immeuble, sis … acquis en 1993, où est exercée la profession libérale de médecin, reste partie de l'actif net investi de cette activité ;

qu'outre le cabinet médical précité, les réclamants ont acquis en 1996 deux immeubles sis à la même adresse … ;

Considérant qu'au début du XXIe siècle les réclamants détenaient un patrimoine immobilier en somme modeste, comprenant en tout et pour tout sept immeubles, dont trois en copropriété ;

Considérant que l'activité en matière d'immobilier des réclamants, pour avoir constitué jusque-là une gestion de patrimoine privé, gagne par la suite nettement en envergure ;

qu'à partir d'une plus-value réalisée en l'année 2001 par une société civile immobilière appartenant aux réclamants, ceux-ci possèdent, au début de l'année 2002, d'une part, un terrain sis à …, suite à un « compromis » de vente qui daterait selon déclaré de 1991, d'autre part, un immeuble sis … en copropriété indivise, dont la moitié aux réclamants ;

qu'au début de l'année 2003, les réclamants détiennent en propre et à nouveau un immeuble sis … ;

qu'au début de l'année 2004, ont été acquis respectivement un second immeuble sis rue …, un immeuble sis à …, un sis à …, ainsi que cinquante pour-cent en copropriété indivise d'un immeuble sis … ;

qu'au début de l'année 2005 ont été acquis la moitié en copropriété indivise de deux immeubles sis à …, ainsi qu'un immeuble sis à … ;

qu'au début de l'année 2006 a été acquis pour une moitié en indivision un second immeuble sis … ;

Considérant que ce ne sont point des diverses acquisitions séparées d'immeubles qui à elles toutes seules auraient induit le bureau d'imposition à soulever la question de la requalification litigieuse des revenus, mais que c'est la prolifération des activités dans des sociétés connexes au secteur immobilier, dont celles constituées à l'initiative des réclamants, tout comme celles où ils interviennent par des activités déterminantes ;

Considérant que les réclamants figurent entretemps comme associés de sept sociétés civiles immobilières, sans compter quatre copropriétés en indivision ;

Considérant que le réclamant agit comme administrateur délégué de la société anonyme « … » depuis le 2 août 2003, engageant la société par sa simple signature individuelle, tandis que la réclamante remplit la fonction d'administrateur de la société anonyme « … » ;

que déjà la simple dénomination des deux sociétés précitées précise assez leurs objets ;

Considérant qu'en 2005 le réclamant devient actionnaire et administrateur la société anonyme « … » dont l'objet est l'achat, la vente, la gestion, la gérance et la mise en valeur d'immeubles, la promotion immobilière ainsi que toutes opérations commerciales, financières, mobilières et immobilières se rapportant directement ou indirectement à l'objet ci-dessus et susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement ;

qu'il échet de constater que cette extension des engagements en matière d'immobilier du réclamant dépasse une gérance d'un patrimoine privé ;

que ce constat est corroboré lorsqu'en 2006 le réclamant devient actionnaire majoritaire dominant (99 parts de 100 au total) et administrateur de la société anonyme «… », qui a pour objet la réalisation de tous travaux d'électricité générale, l'installation de chauffage central, de sanitaire, de plomberie ainsi que de ventilation, de couverture, de ferblanterie, de ramonage, d'isolations thermiques, acoustiques et d'étanchéité, l'exécution de tous travaux de constructions et de rénovations de bâtiments, y compris le carrelage, de peinture-décoration, de plafonnage et de façade, chapes, plâtre, aménagement extérieur, l'aménagement d'espaces verts, le nettoyage de bâtiments, la commercialisation de matériaux relatifs aux articles de ces branches, l'achat, la vente, la gestion, la gérance et la mise en valeur d' immeubles, la promotion immobilière ainsi que toutes opérations commerciales, financières, mobilières et immobilières se rapportant directement ou indirectement à l'objet ci-dessus et susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement ;

Considération que l'objet de la société précitée reflète fidèlement les intentions du réclamant, qui se situent bien à l'opposé de la gestion privée d'un patrimoine de quelques immeubles choisis ;

Considérant qu'en conformité avec l'article 14 L.I.R. est réputée entreprise commerciale toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale ;

que cette définition légale énonce quatre signes caractéristiques de l'entreprise commerciale, à savoir : l'indépendance, le but de lucre, le caractère de permanence et la participation à la vie économique générale ;

Considérant que la délimitation de l'activité commerciale par rapport à la simple administration du patrimoine privé s'avère d'autant plus compliquée dès lors que la seule réunion des quatre signes caractéristiques énumérés à l'article 14 L.I.R. n'est pas suffisante pour opérer une telle délimitation ;

Considérant qu'il résulte à suffisance de preuve des développements qui précèdent que les réclamants ont continuellement développé leurs activités dans le domaine de l'immobilier, non envers le but allégué d'une « jouissance à long terme de fruits par la perception de revenus locatifs » soit une possession patrimoniale, mais manifestement envers un négoce tant de promotion, que d'achat et vente, parallèle à une entreprise de construction générale ;

que la galaxie des sociétés civiles ou anonymes, sans exception à objet immobilier, est intrinsèquement liée par les personnes des réclamants, soit actionnaires, soit administrateurs ;

qu'en objectivité l'effervescence prise au fur et à mesure des activités immobilières des réclamants dépasse la gestion d'un patrimoine privé ;

Considérant en conséquence que toutes les activités réunies des réclamants vont loin au-delà de la seule possession d'un ou plusieurs immeubles, passant par le biais de paravents sociétaires aux promotions, locations, achats et ventes de tous immeubles, pour logiquement aboutir à l'entreprise générale de construction en bâtiment, engagée d'ailleurs par la seule signature du réclamant ;

qu'en l'occurrence le faisceau global des activités immobilières des réclamants, par leurs interventions personnelles, en nom propre comme au niveau des sociétés tant civiles que commerciales, s'identifie exactement aux façons typiques de l'organisation des exploitations des agents immobiliers et promoteurs professionnels du bâtiment ;

Considérant donc que c'est à raison que le bureau d'imposition a défini, en vertu de l'article 14 L.I.R. précité, les activités en matière d'immobilier comme se situant dans le cadre d'une entreprise commerciale ;

IV.

Considérant qu’il échet de rappeler, en ce qui concerne la soi-disant incompétence du bureau d’imposition incriminée en vertu des §§ 71 à 79 AO par les réclamants, que la compétence des bureaux d’imposition de la section des personnes physiques établis à Luxembourg-Ville est régie, hormis leurs compétences territoriales, en spécialité par règlement ministériel du 9 août 1993 tel que modifié ;

que s’il est vrai qu’il en découle que le bureau d’imposition Luxembourg I se trouve investi d’une compétence spéciale pour les médecins de la Ville et du Canton de Luxembourg de sorte qu’il était de ce fait le bureau d’imposition des réclamants, avant qu’ils ne commencent à développer leurs activités commerciales ;

qu’il n’en découle pas moins que le bureau d’imposition Luxembourg VIII a en son attribution la compétence spéciale pour les contribuables exploitant une entreprise de construction et de promotion immobilière située dans les secteurs de compétence territoriale des bureaux d’imposition I à IX ;

Considérant que la solution de l’équivoque en l’espèce, laquelle des compétences spéciales concurrentes des bureaux d’imposition, en l’occurrence Luxembourg I et VIII, emporte priorité sur l’autre, ne procède pas des seules prescriptions des §§ 71 à notamment 73a de la loi générale des impôts, réglant la compétence territoriale, mais en outre des §§ 12 et 24 AO, et plus précisément de l’ordonnance (« über die Zuständigkeit im Besteuerungsverfahren») du 3 janvier 1944, § 1er , alinéa 1er, qui dispose : « Hat ein gewerblicher Einzelunternehmer seinen Wohnsitz und seinen Betrieb (die Geschäftsleitung des Betriebs) in den Bezirken verschiedener Finanzämter, aber im Bezirk derselben Gemeinde, so ist für die Einkommensteuer und für die Vermögensteuer des gewerblichen Einzelunternehmers das Betriebsfinanzamt zuständig » ;

Considérant qu’il ressort en clarté que le bureau d’imposition compétent pour l’entreprise prime celui compétent soit territorialement soit spécialement pour l’imposition du revenu ;

qu’en conséquence l’attribution en compétence du dossier fiscal des réclamants revient au bureau d’imposition Luxembourg VIII, en son ressort spécial des entrepreneurs et promoteurs immobiliers ;

Considérant d’ailleurs que le fait de la compétence d’un bureau d’imposition établie aux vœux des lois et règlements afférents ne pourra être sujet de discussion ou autrement soumise au bon-vouloir des contribuables ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que c’est à raison et aux fins d’une bonne administration que le bureau d’imposition Luxembourg VIII a enrôlé en son ressort spécial le dossier des réclamants ;

V.

Considérant, en ce qui concerne les reprises litigieuses, effectuées sur certaines dépenses d'exploitations déclarées, que le bureau d'imposition, en vertu de ses pouvoir et devoir d'instruction légitimes, a itérativement demandé aux réclamants de fournir des pièces probantes à l'appui ;

qu'en réponse les réclamants ont fait état d'extraits de grand livre, sans production de quelconques documents, par exemple des factures ou extraits de compte ;

Considérant à ce titre qu'une série continue de débits assemblés sur une page imprimée sans la contrepartie des crédits y correspondants ne saurait suffire comme moyen de preuve ;

que c'est confondre la qualité d'une comptabilité régulière en ce qu'elle apporte une présomption d'exactitude, d'ailleurs sans plus, alors que la mise à l'épreuve, serait-ce au hasard, aux fins de sonder la véritable teneur quant au fond d'une comptabilité ne saurait se faire qu'à l'appui des pièces originaires constituant le point de départ de l'écriture comptable primaire ainsi que de sa contrepartie ;

Considérant que les programmes d'ordinateur actuels de traitement de textes, de calcul et de comptabilité permettent facilement de reconstruire une ou plusieurs pages libellées Grand Livre, sans oublier les moyens d'imprimerie à la portée de chacun ;

Considérant sous ces points d'approche que le bureau d'imposition a magnanimement admis des postes importants de frais, non pas suite à la production des pièces à l'appui de la comptabilité, mais uniquement de copies de pages de celle-ci ;

Considérant d'ailleurs que des dépenses exposées pour restauration ou déplacement etc. des salariés, devraient être réintégrées par leur montant brut aux salaires et soumises partant à la retenue d'impôt à la source, ce à quoi les réclamants ne prétendent pas, qu'il y a donc lieu de considérer ces avantages s'il y a lieu comme prélèvements privés à porter en majoration du bénéfice ;

Considérant qu'il n'est a priori pas clair quelles (sic !) seraient les frais de voiture professionnels d'un médecin pratiquant notoirement son art en son cabinet ;

que le bureau a en raison admis des frais de voiture réalistes, tandis que les montants pour déplacements professionnels, autres que ceux entre le domicile et le cabinet, restent à l'état d'allégation ;

Considérant à titre de rappel superfétatoire que le bureau d'imposition a déterminé un revenu imposable servant de base lors de l'imposition d'un montant de 422.534 francs inférieur à celui déclaré par les réclamants ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ;

Par ces motifs reçoit les réclamations en la forme ;

dit la réclamation contre le bulletin de la base d'assiette de l'impôt commercial communal irrecevable ;

rejette la réclamation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu des personnes physiques comme non fondée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2007, les époux …-… ont introduit un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision directoriale précitée du 14 juin 2007. En cours du délibéré, ils ont demandé au tribunal, par courrier déposé en date du 18 mars 2008, d’interpréter leur recours comme une demande tendant à la fois à l’annulation et à la réformation de la décision litigieuse conformément à la dernière phrase du 1er alinéa du paragraphe 249 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

Préalablement à l’examen de la recevabilité et du bien-fondé du recours ainsi introduit, il y a lieu d’examiner l’admissibilité du mémoire en réponse fourni par le délégué du gouvernement en date du 12 mars 2008 au regard des délais, cette question ayant été soulevée d’office par le tribunal à l’audience fixée pour les plaidoiries.

La question de la fourniture des mémoires dans les délais impartis et suivant le nombre prévu par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives touche à l’organisation juridictionnelle et est par voie de conséquence d’ordre public. Elle doit être soulevée d’office par le tribunal à défaut de l’être à travers l’un des moyens par les parties (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas.

adm. 2006, V° Procédure contentieuse n° 452).

Conformément aux dispositions de l’article 5 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999, le défendeur est tenu de fournir sa réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive, étant entendu que conformément aux dispositions du paragraphe (6) du même article 5, ce délai de trois mois est suspendu entre le 16 juillet et 15 septembre.

Dans la mesure où il est encore constant que conformément à l’article 4 (3) de la loi du 21 juin 1999 précitée, le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat, le dépôt du mémoire en réponse aurait dû intervenir le 17 décembre 2007 au plus tard. Il s’ensuit que le dépôt du mémoire en réponse du délégué du gouvernement en date du 12 mars 2008 est intervenu tardivement et doit être écarté des débats.

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a encore été amené à soulever d’office la question de la recevabilité du recours en annulation introduit par les demandeurs.

En présence d’un contribuable exerçant sans l’assistance d’un professionnel de la postulation les voies de recours lui ouvertes contre une décision directoriale, la désignation impropre, dans la requête introductive, de la voie de recours par lui exercée n’est pas de nature à affecter la recevabilité de son recours du moment qu’il se dégage par ailleurs du contenu de la requête introductive qu’il a entendu exercer contre cette décision la voie de recours lui ouverte par la loi.

En l’espèce, nonobstant le fait que les demandeurs concluent en l’espèce, d’après le libellé du dispositif de la requête introductive d’instance, à l’annulation de la décision directoriale déférée, il ressort du libellé de la requête introductive que les demandeurs entendent contester le bien-fondé de la décision directoriale. Il en découle que les demandeurs ont en fait entendu exercer également un recours en réformation à l’encontre de la décision directoriale du 14 juin 2007.

Il échet encore de relever que le recours sous analyse est dirigé contre la décision du directeur en ce qu’il a rejeté leur réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu comme non fondée et non pas en ce qu’il a déclaré irrecevable pour défaut d’intérêt leur réclamation introduite contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal au motif que celui-ci prévoit une cote d’impôt de zéro euro pour l’année d’imposition litigieuse.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours devant être considéré comme tendant à la réformation de la décision directoriale du 14 juin 2007 lequel recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délais de la loi. Le recours en annulation est partant irrecevable.

Quant au fond, les époux …-… reprochent au directeur d’avoir confirmé la décision du bureau d’imposition qu’ils jugent illégale et arbitraire. Ils soutiennent à cet égard que le bureau d’imposition aurait violé leurs droits de la défense dans la mesure où il n’aurait pas tenu compte de leurs observations, vidant ainsi la disposition du paragraphe 205 (3) AO de sa substance. En outre, en ignorant leurs objections, le bureau d’imposition aurait méconnu sa mission d’investigation, telle que circonscrite par le paragraphe 204 (1) AO en vertu duquel les bureaux d’imposition seraient tenus d’instruire en faveur comme en défaveur du contribuable.

Le paragraphe 204 (1) AO prévoit que « das Finanzamt hat die steuerpflichtigen Fälle zu erforschen und von Amts wegen die tatsächlichen und rechtlichen Verhältnisse zu ermitteln, die für die Steuerpflicht und die Bemessung der Steuer wesentlich sind. Es hat Angaben der Steuerpflichtigen auch zugunsten der Steuerpflichtigen zu prüfen ».

Le paragraphe 205 (3) AO dispose que : « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

Le paragraphe 205 (3) AO met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Cette disposition constitue ainsi une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Anspruch auf Gehör »), tel qu’il résulte du paragraphe 204 (1) AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale.

A cet effet, le contribuable est appelé d’abord à indiquer les éléments et données qui lui sont demandés dans le cadre de la déclaration d’impôt, ainsi que, par ailleurs, dans le cadre de son devoir de collaboration, tel que défini au paragraphe 171 AO, les informations lui réclamées, le cas échéant, en vue d’établir les bases d’imposition.

Cette obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette « wesentliche Abweichung » en sa défaveur provient d’une divergence par rapport aux informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition.

En l’espèce, sur base des éléments et pièces du dossier administratif, il convient en premier lieu de constater que le bureau d'imposition a soumis, en conformité avec le paragraphe 205 (3) AO, par deux courriers datant du 2 respectivement du 3 août 2006, aux demandeurs les bases d’imposition desquelles il entendait s’écarter de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2001. Il ressort ainsi du courrier du 2 août 2006 que le bureau d’imposition a considéré que les opérations d’achat et de vente d’immeubles effectuées par les demandeurs sortaient du cadre de la gestion normale du patrimoine privé et que les critères de l’article 14 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR) étaient remplis, de sorte que leur activité était à considérer comme activité commerciale. Il a ainsi indiqué dans ladite lettre que tout immeuble acheté même en vue de la location est à considérer comme bien investi par destination et est à inclure au capital d’exploitation. S’il est encore vrai que les renseignements communiqués par le bureau d’imposition, dans son courrier du 3 août 2006, se confinent, d’une part, à l’indication des montants des bases d’imposition et de la cote d’impôt sur le revenu due et à un renvoi à la lettre précitée du 2 août 2006 en ce qui concerne le bénéfice commercial et, d’autre part, à l’indication des redressements des frais généraux en leur défaveur, et ne témoignent partant pas d’un effort d’explication excessif du bureau d’imposition, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, les demandeurs, nécessairement conscients des pièces antérieurement par eux soumises au bureau d'imposition, étaient mis en mesure de déceler les points sur lesquels le bureau d'imposition entendait s’écarter de leur déclaration. En outre, par le biais de ces deux courriers, le bureau d’imposition invita encore les demandeurs à présenter leurs éventuelles observations pour le 28 août 2006 au plus tard. Par deux courriers séparés du 25 août 2006, les demandeurs ont ainsi pris position par rapport aux deux prédits courriers du bureau d’imposition.

Il ressort encore des pièces du dossier que le préposé du bureau d’imposition, suite à la prise de position des demandeurs exprimée à travers leurs courriers du 25 août 2006, a convoqué les demandeurs à un entretien oral pour le 22 septembre 2006 et qu’il leur a demandé de fournir des pièces supplémentaires concernant certains postes de frais déclarés par les demandeurs. D’après les pièces du dossier, cette entrevue a eu lieu en date du 27 septembre 2006.

Il appert au vu dudit dossier administratif que les contacts entre les demandeurs et le bureau d’imposition préalablement à l’imposition étaient intenses, que le bureau a amené les demandeurs à produire tout un ensemble d’informations et de pièces et que ces derniers étaient non seulement informés mais aussi conscients de la perspective d’une imposition en rapport avec les faits par eux communiqués au bureau d’imposition.

S’il est encore vrai que par la suite, le bureau d’imposition a repris les informations communiquées par les demandeurs pour les requalifier au regard des dispositions légales applicables, il n’en reste pas moins que le bureau d’imposition n’a pas remis en cause la situation de fait déclarée par les demandeurs.

En d’autres termes, on ne saurait retenir l’existence d’une divergence de vues entre le bureau d’imposition et les demandeurs au sujet des faits à la base de l’imposition, mais tout au plus existe-t-il une telle divergence au sujet d’une question de droit relativement à l’application et l’interprétation de la loi d’impôt.

Or, l’interprétation et l’application de la loi d’impôt relève de la compétence du bureau d’imposition en vertu du paragraphe 166 AO.

Force est dès lors de constater que les demandeurs ont été entendus préalablement à l’imposition, le simple fait que le bureau d’imposition n’a pas suivi toutes leurs objections n’est pas, à lui seul, suffisant pour conclure à une violation du paragraphe 204 (1) AO.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à retenir que c’est à bon droit que le directeur a rejeté le moyen des demandeurs tiré d’un prétendu non-respect du paragraphe 205 (3) AO, les demandeurs ayant été valablement entendus en leurs observations concernant les modifications substantielles envisagées par le bureau d’imposition par rapport à la déclaration faite.

Les demandeurs soutiennent ensuite que le bureau d’imposition, en indiquant sur les bulletins la remarque suivant laquelle l’imposition tiendrait compte des redressements qui leur auraient été communiqués par lettre séparée, n’aurait pas respecté les prescriptions du paragraphe 211 (2) n° 4 AO, devant entraîner l’annulation du bulletin, d’autant plus que les modifications entreprises lors de l’imposition différeraient des modifications projetées par la lettre du 3 août 2006 suivant le paragraphe 205 (3) AO. Ils estiment ainsi que le bureau d’imposition les aurait mis dans l’impossibilité de vérifier ce qui a effectivement été modifié, entraînant une violation de leurs droits de la défense. En conclusion, ils estiment que ces violations devraient entraîner l’annulation des bulletins pour vices de forme grave.

Aux termes du paragraphe 211 (2) n° 4, les bulletins d’impôt « müssen ferner enthalten : … 4. die Punkte, in denen von der Steuererklärung abgewichen worden ist ».

Il se dégage de cette disposition que le bureau d’imposition est obligé d’indiquer au contribuable les éléments sur lesquels l’imposition diffère, en sa défaveur, par rapport aux déclarations déposées.

En l’espèce, le bureau d’imposition s’est contenté d’indiquer aux demandeurs au titre des points sur lesquels l’imposition s’écarte de la déclaration d’impôts que l’imposition tient compte des redressements qui leur ont été communiqués par lettre séparée.

Le fait que le bureau d’imposition opère ainsi un renvoi à un courrier séparé n’est pas de nature à entacher ledit bulletin d’illégalité dès lors que les demandeurs ont ainsi effectivement reçu communication des redressements.

Pour le surplus, il convient de relever que le non-respect de l’obligation d’indiquer les éléments s’écartant par rapport à la déclaration fiscale du contribuable n’entraîne pas l’annulation du bulletin, mais la suspension du délai de recours notamment dans la mesure où le contribuable n’a pas été en mesure de se rendre compte par lui-même, sur base des données fournies dans le bulletin d’impôt, des éléments retenus en sa défaveur par le bureau d’imposition au-delà de sa déclaration (trib. adm. 20 mai 1998, n° 10321 du rôle, Pas.adm.

2006, V° Impôts n° 435).

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le directeur a rejeté le moyen tiré d’une violation du paragraphe 211 (2) AO comme non fondé.

Les demandeurs reprochent ensuite au directeur d’avoir rejeté leur réclamation concernant la requalification en tant que bénéfice commercial imposé de la gestion patrimoniale d’immeubles déclarée en tant que revenus provenant de la location de biens. Ils critiquent ainsi le directeur d’avoir conclu à partir de l’importance de leur patrimoine immobilier à une activité commerciale. Ils expliquent que leur « patrimoine serait orienté vers une jouissance de ses fruits à long terme par la perception de revenus locatifs sur base d’un portefeuille sélectionné d’après des critères rigoureux et changeants suivant la situation de marché et a pour but primordial l’augmentation des ressources, donc des immeubles procurant un revenu de location ». Le fait que ces immeubles soient détenus en propre, en copropriété ou via des sociétés civiles immobilières serait sans importance. Ils reprochent également au préposé du bureau d’imposition d’avoir violé le principe d’égalité de traitement au sens du paragraphe 29, alinéa 2 AO au motif qu’il aurait traité un autre contribuable détenant un patrimoine immobilier encore plus important que le leur comme faisant de la gestion normale de son patrimoine, en dépit du fait que ce contribuable serait associé dans une société civile immobilière. Dans le même ordre d’idées, les demandeurs concluent encore à une violation par le bureau d’imposition de l’article 101 de la Constitution.

Ils soutiennent ensuite que le directeur ferait une mauvaise application de l’article 14 n° 4 LIR et de la « Geprägetheorie » dans la mesure où il tenterait d’établir que le fait d’être associé dans des sociétés de capitaux conférerait automatiquement un caractère commercial à l’activité personnelle. Ils contestent toutefois l’exercice de toute activité commerciale dans leur chef et précisent à cet égard que les sociétés … et …. auraient pour objet l’acquisition d’immeubles et leur mise en location. En outre, la qualité d’administrateur ou d’actionnaire dans une société anonyme ne permettrait pas de qualifier les autres revenus du contribuable en bénéfice commercial. Quant à la constitution de la société … en 2006, elle aurait pour objet l’entretien et la rénovation des immeubles personnels et ne saurait avoir une quelconque influence sur l’imposition de l’année 2001.

Ils critiquent encore l’affirmation du directeur selon laquelle l’extension de leurs engagements en matière immobilière dépasserait une gérance de patrimoine privé, en soutenant que l’accroissement constant du patrimoine d’immeubles locatifs serait justement la preuve de la jouissance à long terme de fruits par la perception de revenus locatifs, soit d’une gestion de patrimoine privé, nonobstant son importance. Ils contestent de surcroît que leur activité serait celle d’un promoteur, alors que d’après la définition donnée par le Larousse juridique de la profession de promoteur, serait promoteur celui qui organise la construction et la vente d’immeubles en l’état futur d’achèvement.

De même, les demandeurs reprochent au directeur, en ce qui concerne les terrains à …, de « spéculer sur l’affectation éventuelle dans un futur plus ou moins lointain » pour conclure à une activité commerciale de ce chef. Ils donnent à considérer que l’un de ces terrains serait détenu depuis 18 ans et qu’ils n’auraient pas bénéficié de la déduction des intérêts débiteurs y relatifs.

En application de l’article 14 LIR, le revenu net provenant d’une entreprise commerciale est considéré comme constituant un bénéfice commercial.

Selon la définition générale de l’entreprise commerciale, l’article 14, alinéa 1 LIR spécifie qu’« est réputée entreprise commerciale (…) toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale. (…) » Il est constant en cause que les opérations immobilières litigieuses ne constituent ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale.

Outre ces deux critères négatifs, la définition énonce quatre signes caractéristiques, à savoir 1) l’indépendance, 2) le but de lucre, 3) le caractère de permanence et 4) la participation à la vie économique générale, qui doivent être réunis pour qu’une activité soit constitutive d’une entreprise commerciale au sens du droit fiscal.

L’activité en cause doit en outre dépasser les limites de la gestion de patrimoine pour pouvoir être qualifiée de commerciale. En effet, il se dégage des distinctions inhérentes aux différentes catégories de revenus que « quelle que soit l’importance d’un patrimoine privé, les opérations de gestion y relatives ne constituent pas une activité commerciale, si les actes posés ne sortent pas du cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé » (Emile Stoffel, Le bénéfice commercial, commentaire des articles 14-18 de la loi du 4 décembre 1967, in Etudes fiscales décembre 1997, n° 109-111, p. 15, n° 14.14) La notion de gestion du patrimoine privé (« Vermögensverwaltung ») ne faisant pas l’objet d’une définition légale, elle est cependant délimitée par le biais de deux exemples énoncés au paragraphe 7 (4) de l’ordonnance du 16 décembre 1941 relative à l’exécution des paragraphes 17 à 19 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 qui prévoit que : « Vermögensverwaltung liegt in der Regel vor, wenn Vermögen genutzt wird, zum Beispiel wenn Kapitalvermögen verzinslich angelegt oder unbewegliches Vermögen vermietet oder verpachtet wird ». Le concept de gestion d’un patrimoine privé ne se limite cependant pas aux exemples de jouissance sus-énoncés (cf. Emile Stoffel, op.cit.). D’une manière générale, il y a administration du patrimoine privé aussi longtemps que les activités d’achat et de vente s’analysent en de simples accessoires d’une jouissance des fruits d’un patrimoine immobilier privé dont la substance est conservée. Au contraire, de telles activités dépassent le cadre de la gestion d’un patrimoine privé lorsque le contribuable recherche une exploitation de la substance de son patrimoine par transfert (« Umschichtung ») d’éléments substantiels de sa fortune.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier et notamment de l’énumération des transactions immobilières, telle que décrite par le directeur dans sa décision litigieuse et dont la matérialité n’est pas contestée par les époux …-…, que ceux-ci ont acquis en 1993 un immeuble sis à …. qui constitue leur domicile privé, qu’ils ont ensuite, par séparation d’adresses, déclaré un second domicile, sis à …, qu’ils ont encore la même année acquis un immeuble à …où Monsieur … exerce la profession libérale de …et qu’en 1996, ils ont acquis deux immeubles à la même adresse à Luxembourg, avenue de la Liberté. A partir d’une plus-

value réalisée en 2001 par une société civile immobilière leur appartenant, les demandeurs ont ensuite acquis en 2002, un immeuble sis à …. et la moitié d’un immeuble en copropriété indivise d’un immeuble sis …. En 2003, ils ont acquis la propriété d’un immeuble sis à … et en 2004, un second immeuble situé … et un immeuble sis à … et la moitié en copropriété indivise d’un immeuble sis à …. Au début de l’année 2005, les demandeurs ont acquis la moitié en copropriété indivise de deux immeubles situés respectivement à … et à ….. En 2006, ils ont encore procédé à l’acquisition d’une moitié en propriété indivise d’un immeuble situé …..

Il ressort également des éléments et pièces du dossier et notamment de la décision litigieuse du directeur, non contredite sur ce point par les demandeurs, que parallèlement à ces différentes acquisitions immobilières, les demandeurs ont participé à la constitution d’un certain nombre de sociétés immobilières, dans lesquelles ils assument également certaines fonctions. Ainsi, depuis le 2 août 2003, Monsieur … est administrateur-délégué de la société anonyme … constituée en 1999, tandis que Madame …-… est administrateur de la société anonyme ….. En 2005, Monsieur … est devenu administrateur et actionnaire de la société anonyme …, constituée le 25 février 2005, dont l’objet social consiste notamment en l’achat, la vente, la gestion, la gérance et la mise en valeur d’immeubles, la promotion immobilière ainsi que toutes autres opérations financières mobilières et immobilières se rapportant directement ou indirectement à l’objet ci-dessus et susceptibles d’en faciliter l’extension ou le développement. Le 19 décembre 2006, Monsieur … est devenu actionnaire majoritaire et administrateur de la société anonyme …, ayant comme objet social la réalisation de tous travaux d'électricité générale, l'installation de chauffage central, de sanitaire, de plomberie ainsi que de ventilation, de couverture, de ferblanterie, de ramonage, d'isolations thermiques, acoustiques et d'étanchéité, l'exécution de tous travaux de constructions et de rénovations de bâtiments, y compris le carrelage, de peinture-décoration, de plafonnage et de façade, chapes, plâtre, aménagement extérieur, l'aménagement d'espaces verts, le nettoyage de bâtiments, la commercialisation de matériaux relatifs aux articles de ces branches, l'achat, la vente, la gestion, la gérance et la mise en valeur d' immeubles, la promotion immobilière ainsi que toutes opérations commerciales, financières, mobilières et immobilières se rapportant directement ou indirectement à l'objet ci-dessus et susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement.

Au vu de ces éléments, il appert certes que les activités immobilières déployées par les époux …-… ont été exercées dans un but lucratif, étant donné que les demandeurs ont eux-

mêmes déclaré vouloir en tirer des recettes de loyers, qu’elles ont été exercées de manière indépendante, c’est-à-dire pour le compte et aux risques et périls des demandeurs et qu’elles impliquaient une participation à la vie économique générale, étant donné que les demandeurs ont acquis ces immeubles pour les donner en location à des tiers et qu’ils ont fait faire des travaux, participant de la sorte à l’échange général des biens et prestations, perceptible au public.

Il convient toutefois encore d’examiner si l’activité litigieuse déployée par les demandeurs, eu égard à l’ensemble des faits et circonstances l’entourant, remplit le quatrième critère de la permanence, notion qui est précisée comme suit par les travaux préparatoires relatifs à la LIR: « Le caractère de la permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète. Pour qu’il y ait permanence, il suffit que l’activité ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d’opérations répétées. A défaut de pareille intention, une opération isolée ne revêt pas le caractère requis de permanence » (doc. parl. 5714, ad art. 17, p. 18).

Force est de constater que les demandeurs ont acquis avant l’année d’imposition litigieuse un certain nombre d’immeubles, dont certains constituent leur domicile privé, d’autres sont utilisés à des fins professionnelles, d’autres encore en vue de les donner en location pour en retirer des recettes de loyers. En ce qui concerne l’année 2001, il ressort des éléments du dossier qu’ils ont acquis un immeuble à …, pour lequel le compromis aurait été signé en 1991, la moitié d’un appartement, … la moitié d’un appartement …. Ce n’est qu’à partir de la plus-value réalisée par la vente d’un immeuble détenue par le biais d’une société civile immobilière en 2001 que les activités d’acquisition d’immeubles se sont intensifiées à partir de l’année 2002, les demandeurs ne se contentant plus simplement d’acquérir des immeubles que ce soit en nom propre ou par le biais de sociétés civiles immobilières, mais qu’ils ont également mis en place des structures sociétaires devant leur permettre d’entretenir, de rénover et de gérer leur patrimoine immobilier.

Au vu de ces éléments et indépendamment de la qualification attribuée aux opérations immobilières des années subséquentes, force est au tribunal de constater que les activités déployées par les demandeurs jusqu’en 2001 ne revêtent pas le caractère de permanence requis par l’article 14 LIR pour les faire qualifier d’activité commerciale, étant donné qu’il ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal que ces acquisitions séparées d’immeubles n’aient pas consisté en des opérations isolées et distancées. En effet, le simple fait que les demandeurs détenaient certains de ces immeubles par le biais d’une société civile immobilière ne permet pas d’affirmer que ces opérations aient été accomplies de manière réitérée ou systématique. Il s’ensuit que les acquisitions des immeubles de 2001 relèvent de la gestion du patrimoine privé, de sorte qu’elles sont à considérer comme revenus provenant de la location de biens.

Il suit de ce qui précède que c’est à tort que le directeur a rejeté la réclamation des demandeurs sur ce point et qu’il a confirmé la décision du bureau d’imposition consistant à qualifier l’activité comme se situant dans le cadre d’une entreprise commerciale.

Les demandeurs concluent ensuite à l’incompétence territoriale du bureau d’imposition alors qu’ils ne seraient pour les raisons exposées ci-avant, ni commerçants ni promoteurs ni entreprise de construction.

L’article 12 alinéa (1) sub 2° de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant organisation de l’administration des contributions directes et des accises tend à organiser la compétence territoriale des différents services et bureaux. Il dispose que des règlements ministériels détermineront « la répartition parmi les différents services et bureaux des contribuables et autres personnes soumises à des obligations ou prestations en vertu des dispositions légales et réglementaires dont l’exécution appartient à l’administration des contributions ».

Il se dégage ainsi des dispositions applicables résultant d’un règlement ministériel modifié du 9 août 1993 que les … de la Ville et du Canton de Luxembourg rentrent dans le secteur de compétence territoriale du bureau d’imposition Luxembourg 1 et que le bureau d’imposition 8 est compétent notamment pour les contribuables exploitant une entreprise de construction et de promotions immobilières située dans les secteurs de compétence territoriale des bureaux d’imposition Luxembourg 1 à Luxembourg 9.

Il est constant en cause que Monsieur … est …, établi dans la Ville de Luxembourg.

Au vu de la conclusion ci-avant dégagée que les activités immobilières des demandeurs pour l’année 2001 ne sont pas à considérer comme activité commerciale, il s’ensuit que le bureau d’imposition 8 n’est pas compétent et que la décision directoriale est à réformer sur ce point en ce que le bureau d’imposition territorialement compétent pour les demandeurs est le bureau d’imposition de la section des personnes physiques Luxembourg 1.

Les demandeurs reprochent ensuite au directeur de ne pas s’être prononcé sur leur réclamation en ce qui concerne la déduction de frais de voiture supplémentaires motivés par les déplacements professionnels au titre de cours de formation continue et de cours universitaires suivis par Monsieur …. Ils critiquent ainsi le bureau d’imposition de ne pas avoir tenu compte des directives directoriales obligatoires prévoyant un forfait de 500 à 1.250 euros en sus du forfait prévu à l’article 46 n° 9 LIR pour les médecins en sus des déplacements entre le domicile et le lieu du travail. Ils estiment que le bureau d’imposition aurait procédé à une taxation en leur défaveur au lieu de leur demander un état des déplacements. Ils réfutent ensuite tout reproche de la part du directeur à leur encontre d’avoir trafiqué les pièces de la comptabilité en relevant que le règlement grand-ducal du 3 décembre 1969 ad article 18 LIR instituerait un mode simplifié de détermination du bénéfice par la déduction des dépenses d’exploitation des recettes d’exploitation sans qu’il soit besoin d’avoir une comptabilité commerciale en partie double.

Conformément aux dispositions de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable, de sorte que c’est aux demandeurs qu’incombe en l’espèce la charge de justifier des conditions de fait dont dépend la diminution d’impôt à laquelle ils aspirent.

Il ressort des éléments du dossier que les demandeurs ont déclaré à titre de frais de transport du … un montant total de 73.161 LUF qui n’ont pas été admis en déduction par le bureau d’imposition.

Si les demandeurs soutiennent à juste titre qu’une comptabilité régulière bénéficie en vertu du paragraphe 208 (1) AO d’une présomption de véracité, le tribunal partage cependant l’avis du directeur en ce que la production d’extraits du grand livre ne saurait satisfaire à l’exigence de tenir une comptabilité régulière en la forme et au fond, à défaut de présenter les pièces originales à l’appui.

Or, force est de constater au vu des pièces versées au dossier tel que soumis au tribunal que les demandeurs n’ont pas soumis les pièces justificatives des frais de déplacement pour des raisons de formation continue à l’appui de leur déclaration fiscale. Ce n’est que par courrier du 25 août 2006, par lequel les demandeurs ont pris position par rapport à la communication selon le paragraphe 205 (3) AO, qu’ils ont soumis un extrait du grand-livre à cet égard. Par courrier du 14 septembre 2006, le bureau d’imposition leur a demandé de produire un carnet de route, ainsi que les pièces justificatives concernant les frais de formation. Il ne se dégage cependant pas des éléments du dossier que les demandeurs aient donné une quelconque suite à cette demande du bureau d’imposition et qu’ils aient présenté au bureau d’imposition les pièces réclamées.

Cette carence au niveau de la preuve, par ailleurs déjà retenue dans le cadre de la décision directoriale litigieuse, n’a dès lors pas été autrement comblée en cours d’instance contentieuse. Il y a partant lieu de rejeter ledit moyen comme étant non fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que le directeur a rejeté comme non fondée la réclamation des demandeurs concernant la requalification en tant que bénéfice commercial imposé de la gestion patrimoniale d’immeubles déclarée en tant que revenus provenant de la location et que la décision directoriale encourt la réformation en ce sens que le bénéfice réalisé par les demandeurs sur les immeubles sis à …. n’est pas à qualifier de bénéfice commercial, mais en tant que revenu provenant de la location de biens et que, pour l’exercice 2001, l’impôt dû par les demandeurs s’établit en faisant abstraction du caractère d’entreprise commerciale des opérations litigieuses relatives aux deux immeubles sis à …, d’une part, et que le bureau d’imposition compétent pour les demandeurs est le bureau Luxembourg 1, d’autre part.

Au vu de l’issue au fond du litige et plus particulièrement du fait que les demandeurs ont succombé en partie dans leurs moyens, il y a lieu de faire masse des frais et de les imputer à raison de la moitié aux demandeurs et de l’autre moitié à l’Etat.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte des débats le mémoire en réponse du délégué du gouvernement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation de la décision n° C 13829 du directeur de l’administration des Contributions directes du 14 juin 2007, dit que -

le bénéfice réalisé par les demandeurs sur les immeubles acquis en 2001 n’est pas à qualifier de bénéfice commercial, mais en tant que revenu provenant de la location de biens et que, pour l’exercice 2001, l’impôt dû par les demandeurs s’établit en faisant abstraction du caractère d’entreprise commerciale des opérations litigieuses relatives à deux immeubles sis à … ;

-

que le bureau d’imposition compétent pour les demandeurs est le bureau d’imposition Luxembourg 1 ;

renvoie dans cette mesure l’affaire au directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission pour exécution au bureau d'imposition compétent ;

déclare le recours non fondé pour le surplus ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

fait masse des frais et les impose pour moitié aux demandeurs et pour l’autre moitié à l’Etat.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique du 10 septembre 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier de la Cour administrative Anne-Marie Wiltzius, greffier assumé.

s. Wiltzius s. Schockweiler 17


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 23434
Date de la décision : 10/09/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-09-10;23434 ?

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