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31/07/2008 | LUXEMBOURG | N°24559

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 juillet 2008, 24559


Tribunal administratif Numéro 24559 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 2008 Audience publique extraordinaire du 31 juillet 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24559 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2008 par Maître Ardavan FATHOLA

HZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif Numéro 24559 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 2008 Audience publique extraordinaire du 31 juillet 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24559 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2008 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 2 avril 2008 ayant déclaré irrecevable sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juillet 2008.

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Le 25 janvier 2006, Monsieur … introduisit auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, dénommé ci-après « le ministre », une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, en indiquant comme identité le nom de …. Cette demande fut rejetée par décision du ministre du 14 décembre 2006.

Suite au rejet de sa demande de protection internationale, Monsieur … avait quitté le Luxembourg en direction des Pays-Bas et fut arrêté par la police des frontières lorsqu’il s’apprêtait à embarquer sur un avion en partance pour l’Irlande muni d’un passeport grecque falsifié au nom de …. Il fut alors transféré au Luxembourg par application du règlement communautaire Dublin 2.

Monsieur … introduisit alors une seconde demande de protection internationale auprès des autorités luxembourgeoises en affirmant que le nom de … correspondrait à sa véritable identité.

Après avoir été auditionné par un agent du ministère en dates des 3 et 10 décembre 2007, le ministre, par décision du 2 avril 2008, déclara sa demande irrecevable sur base de l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de votre dossier que vous aviez déposé une première demande d'asile le 25 janvier 2006. Vous aviez déposé cette demande sous le nom de …, né le 19 juillet 1975 à Téhéran.

Cette demande avait été rejetée au motif que vos craintes restaient hypothétiques et que vos dires s'analysaient seulement comme un sentiment d'insécurité mais pas comme une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

De même, votre récit de cette époque ne permettait pas de croire que vous risquiez sérieusement de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Après le rejet de votre première demande d'asile, vous avez quitté le Luxembourg pour les Pays-Bas où vous avez été arrêté par la Police Militaire néerlandaise à l'aéroport de Schiphol alors que vous tentiez de monter clandestinement dans un avion en partance pour l'Irlande. Vous avez alors déposé le 20 août 2007 une demande d'asile au Pays-Bas, toujours sous le nom de ….

En vertu du règlement communautaire dit Dublin II, vous avez été transféré au Luxembourg, Etat responsable de votre dossier, le 18 octobre 2007. Vous avez déposé votre seconde demande le 23 novembre 2007.

En mains le rapport d'entretien du l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 3 décembre et 10 décembre 2007.

Vous exposez d'emblée que vous aviez donné un faux nom au Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en 2006 ainsi qu'aux Pays-Bas, mais que votre vrai nom serait …, né le …. Vous auriez donné ce faux nom dans la crainte d'être renvoyé en Iran. Vous dites ensuite que les motifs gisant à l'appui de votre seconde demande seraient les mêmes que ceux de la première demande.

Vous racontez que vous auriez été arrêté le 21 ou le 22 août 2004. En effet, vous auriez travaillé comme chauffeur pour un certain Ali BAGHERI, dépositaire de boissons. Quelques jours auparavant, vous auriez transporté des boissons destinées à un restaurant de Hasht-Bar, une localité près de Bandare-Anzali. Vous auriez eu un problème avec le pot d'échappement de votre voiture et vous auriez dû, plutôt que de livrer les marchandises, les stocker dans votre cave pour pouvoir emmener votre voiture chez un garagiste. En fin d'après-midi, votre famille vous aurait appelé sur votre téléphone portable pour vous annoncer que les forces de l'ordre venaient de perquisitionner chez vous, qu'on avait trouvé des boissons alcoolisées dans la cave et que votre père, en votre absence, avait été arrêté. Le même jour, le 21 ou 22 aout 2004, en fin d'après midi, vous vous seriez présenté aux forces de l'ordre. Vous auriez été maintenu en garde-à-vue et maltraité. Deux jours après, vous auriez comparu devant un juge, membre du Hefazat-e-Ettelaat (c'est-à-dire le service de garde et de protection des informations). Le Juge n'aurait pas cru votre histoire et il vous aurait renvoyé en prison. A ce moment-là, vous auriez été interrogé de façon plus poussée et vous auriez même été torturé par un certain …. Il vous aurait posé des questions sur …et notamment pourquoi vous auriez possédé les clefs de sa maison. Vous n'auriez rien pu dire sur …mais sous la torture, vous auriez avoué que les boissons alcoolisées trouvées dans votre cave vous appartenaient. Après un mois, vous seriez repassé devant le Juge où vous auriez confirmé vos aveux. Vous auriez dû mettre en gage la maison de votre soeur et promettre de collaborer avec les forces de l'ordre. … vous aurait contacté régulièrement pour savoir ce que vous faisiez et si vous aviez eu des contacts avec …qui était en fuite. Un ou deux mois après votre libération, vous auriez été convoqué par les forces de l'ordre pour leur donner des explications ;

vous n'y seriez pas allé mais vous seriez parti à Téhéran chez des amis. Ces amis ayant une maison de campagne à …, vous y seriez resté sous le nom de …. Vous précisez que vous auriez interjeté appel contre la décision du juge mais que cette instance ne vous aurait pas été favorable non plus. Après cela, vous auriez décidé de quitter l'Iran.

Je constate que, contrairement à vos affirmations, votre second récit diffère beaucoup de celui que vous aviez raconté lors de votre première demande d'asile. En effet, en 2006 vous aviez dit qu'…importait des vêtements d'Iraq. Vous auriez disposé de la clef de son garage pour décharger la marchandise. Un jour, …vous aurait appelé pour dire qu'il avait un problème et que, à cause de cela, vous auriez craint d'être arrêté et que vous auriez décidé de quitter l'Iran.

Vous avez dit que la police aurait perquisitionné chez vous après votre départ. Vous avez ajouté avoir eu un casier judiciaire pour avoir, jadis, possédé une parabole et avoir bu de l'alcool. A aucun moment, vous n'aviez fait état d'une arrestation et encore moins de torture.

De plus dans le cadre de votre seconde demande, vous versez des pièces, notamment deux décisions du tribunal et une convocation.

Ce qui est curieux, c'est que votre second récit diffère tellement du premier alors que vous affirmez qu'il n'y a rien de nouveau. Vous précisez que vous osez maintenant déposer des documents que vous aviez déjà en 2006 mais dont vous n'aviez pas fait état pour ne pas dévoiler votre véritable identité. Je constate cependant que les pièces que vous versez maintenant vous ont été envoyées par courrier DHL le 13 novembre 2007 à l'adresse d'un autre demandeur d'asile Monsieur …(R-6591) Il est curieux également que, parmi les documents que vous versez, certains soient contradictoires. En effet, vous versez un extrait de casier judiciaire mentionnant « N'a pas une condamnation pénale importante ». Outre le fait que cette formulation « importante » est très peu juridique, cette mention est contraire au jugement 83/6/5-1100 qui mentionne « avec casier judiciaire récidiviste dans la fabrication de boissons alcooliques ». Je relève aussi que les jugement et arrêt que vous versez présentent des lacunes qui font douter de leur authenticité : les mentions « dates, numéro, annexe » qui figurent en marge ne sont pas remplies, ce qui fait que le jugement n'est pas daté. Il en est de même pour l'arrêt de la Cour de cassation. La convocation, appelée « notification » n'est pas datée, elle non plus ; n'y figure que le date à laquelle vous devez vous présenter, à savoir le 26/8/83 soit le 16 novembre 2004 de notre calendrier. Cette convocation ne porte pas de numéro alors qu'un espace est prévu à cet effet.

Il résulte de ce qui précède que votre récit et les pièces que vous versez en 2007 doivent être considérés comme montés de toutes pièces dans le but d'obtenir un asile qui vous fut refusé en 2006.

Je vous rends attentif au fait que, d'après l'article 23(1) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection « le Ministre considérera comme irrecevable la nouvelle demande d'une personne à laquelle la protection internationale a été définitivement refusée ou d'une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu'ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ».

Etant donné d'une part le peu de crédibilité à accorder à votre récit et d'autre part le fait que vous auriez pu, de votre propre aveu, remettre ces pièces lors de votre première demande, vous ne fournissez pas d'éléments ou de faits nouveaux qui augmenteraient de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

Je suis donc au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable.

La présente décision est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente. La décision du Tribunal administratif ne sera susceptible d'aucun appel ».

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par l’intermédiaire de son mandataire à l’encontre de cette décision du 2 avril 2008 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 2 juin 2008, il a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juillet 2008, un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle prérelatée du 2 avril 2008 tel que confirmé sur recours gracieux le 2 juin 2008.

L’article 23 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoyant un recours en annulation en matière de nouvelles demandes déclarées irrecevables, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision ministérielle critiquée.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que du moment qu’un demandeur d’asile présente des éléments nouveaux à la base d’une seconde demande d’asile, l’Etat d’accueil, par application de la directive 2004/83/CEE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, serait tenu d’examiner à nouveau cette demande d’asile sans disposer de la possibilité de la déclarer irrecevable. Cette directive ne prévoirait à cet égard aucune restriction, du moment que le demandeur d’asile présente des éléments nouveaux, de sorte que s’agissant d’une norme minimale et obligatoire non susceptible de dérogation par des dispositions nationales, sauf des mesures plus favorables, l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée contreviendrait aux dispositions de ladite directive. Le demandeur se prévaut en outre des articles 3 et 15 de ladite directive pour soutenir qu’il disposerait de la possibilité de solliciter une protection subsidiaire au Luxembourg. Il demande par voie de conséquence au tribunal de poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes les questions préjudicielles suivantes :

« L’article 23 de la loi modifiée du 23 mai 2006 est-il compatible avec les articles, 3, 9 et 10 et 15 de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 en ce qui déclare irrecevable une seconde demande d’asile d’un demandeur d’asile présentant initialement sa première demande d’asile sous une fausse identité dont celle-ci a fait l’objet d’une première décision de rejet contre laquelle aucun recours n’a été introduit par le requérant, Que suite à sa deuxième demande d’asile présenté par le demandeur d’asile devant la même autorité sous son vrai identité en se basant sur des nouvelles pièces à l’appui de sa demande d’asile, si celle-ci peut faire, d’une part, l’objet d’une décision d’irrecevabilité par les autorités compétentes d’un état membre aux regards des dispositions des articles 3, 9 et 10 de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 au motif qu’il s’agit d’une seconde demande d’asile et d’autre part si la décision incriminée de rejet en ce qui écarte d’office l’examen des dispositions de la protection subsidiaire dans le chef du même demandeur d’asile, est-elle compatible avec la finalité des dispositions de l’article 15 de la directive précitée 2004/83/CE, en ce qu’il prive le demandeur d’asile de l’examen de sa demande de protection subsidiaire au motif que celle-ci a déjà fait l’objet d’une décision de rejet à l’occasion de sa première demande d’asile » (sic).

Le demandeur déduit de ces développements que sa demande aurait dû être examinée sur le fondement de l’article 19 de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée.

Le demandeur soulève ensuite la nullité de la décision déférée pour erreur manifeste d’appréciation en fait et en droit. Ainsi, contrairement à ce qui est retenu par le ministre, il n’aurait pas invoqué les mêmes faits que ceux invoqués dans le cadre de sa première demande d’asile, mais bien des éléments ou faits nouveaux, de nature à augmenter de manière significative la possibilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Il explique sa démarche ayant consisté à introduire une première demande de protection auprès des autorités luxembourgeoises sur une fausse identité par le fait qu’il aurait à tout prix voulu partir en Irlande ou au Canada et qu’il ne voulait dès lors pas révéler sa véritable identité par crainte d’être renvoyé dans son pays d’origine. Dans la mesure où il aurait entre-temps compris qu’il lui serait impossible de partir en Irlande en raison du mécanisme du règlement Dublin 2 déterminant l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile, il aurait décidé d’agir une itérative fois en révélant cette fois-ci sa véritable identité. Il fait valoir que du fait de l’utilisation d’une fausse identité, il aurait ainsi été dans l’impossibilité de verser les différentes pièces de nature à documenter son identité et ses craintes de persécution, étant donné que ces documents portent le nom de …, tandis que lui-même s’était présenté sous une autre identité par crainte d’un refoulement vers son pays d’origine.

Il fait valoir ensuite qu’il n’y aurait pas de contradiction entre les deux casiers judiciaires évoqués par le ministre dans le cadre de la décision litigieuse et, concernant les lacunes alléguées au niveau des jugements produits à l’appui de sa demande, il affirme solennellement et officiellement que les documents et jugements qu’il a communiqués en original au ministère à l’appui de sa seconde demande d’asile seraient authentiques, tout en demandant, en cas de doute, que ces documents soient transmis à une personne compétente afin que celle-ci se prononce sur leur authenticité. Il estime également que l’authenticité de la convocation lui adressée pour se présenter au commissariat de police ne saurait être mise en doute, ceci par application du principe du bénéfice du doute qui devrait lui être applicable. Le demandeur se réfère finalement à la violation systématique des droits de l’homme en Iran ainsi qu’à des rapports d’organisations internationales de nature à sous-tendre cette affirmation.

Le délégué du gouvernement rétorque que l’article 3 de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée ne saurait être contraire à la directive 2004/83/CEE invoquée par le demandeur, étant donné que ladite loi du 5 mai 2006 aurait justement eu pour but de transposer en droit luxembourgeois cette directive. Quant à la protection subsidiaire, le représentant étatique relève qu’aucune disposition de la loi modifiée du 5 mai 2006 ne permettrait de formuler une demande de protection subsidiaire isolée, mais qu’un demandeur de protection internationale verrait en pratique sa demande analysée d’abord selon les critères de qualification du statut de réfugié et ensuite seulement, dans l’hypothèse où le candidat ne répond pas à ces critères, selon les critères du statut conféré par la protection subsidiaire. S’agissant en l’espèce d’une deuxième demande par rapport à une première qui avait déjà été toisée tant au regard du statut de réfugié qu’au regard de la protection subsidiaire, cette deuxième demande aurait très bien pu être déclarée irrecevable tant en ce qui concerne la demande d’asile que la demande de protection subsidiaire.

Le représentant étatique estime pour le surplus que le fait pour le requérant de n’avoir dévoilé sa prétendue véritable identité que lors de sa deuxième demande de protection internationale resterait sans incidence sur le fait que la même personne a demandé par deux fois une protection aux autorités luxembourgeoises et que les motifs de fuite invoqués lors de sa première demande seraient toujours les mêmes que ceux produits à l’appui de la deuxième demande. Il insiste dans ce contexte que l’intéressé avait tenté d’induire le ministère en erreur lors de sa première demande d’asile en ayant sciemment donné une fausse identité. Quant à la situation générale en Iran, elle serait insuffisante pour justifier l’octroi d’une protection internationale.

L’article 23 (1) de la loi du 5 mai 2006 précitée est libellé comme suit :

« le Ministre considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle la protection internationale a été définitivement refusée ou d’une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ».

Si le tribunal peut certes s’accorder avec le demandeur pour constater que la nouvelle identité révélée dans le cadre de l’introduction de sa seconde demande de protection internationale, ainsi que les pièces nouvellement versées sont des éléments ou des faits nouveaux susceptibles d’augmenter la probabilité que le demandeur remplisse que les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire au sens de l’article 23 prérelaté, il importe cependant de relever que des éléments ou faits nouveaux de ce type ne sont susceptibles d’être utilement pris en considération qu’à la condition expresse que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

En l’espèce, force est de constater que les explications avancées en cause par le demandeur pour justifier sa démarche ayant consisté à se présenter la première fois sous une fausse identité sont de nature à révéler son choix délibéré et personnel d’induire en erreur les autorités luxembourgeoises au sujet de son identité afin de minimiser l’éventualité d’un retour dans son pays d’origine, le demandeur de préciser lui-même que la démarche lui suggérée par les passeurs de se présenter sous une fausse identité a eu pour but de rendre difficile, voire impossible toute tentative d’un éloignement utile vers son pays d’origine. Or, ces considérations purement stratégiques ne sont pas de nature à établir une incapacité dans le chef de l’intéressé de faire valoir sa véritable identité au cours de la précédente procédure, mais au contraire de nature à établir une faute de sa part en ce qu’il a sciemment induit en erreur les autorités luxembourgeoises sur son identité.

Dans la mesure où la première demande de protection internationale de l’intéressé a été définitivement refusée en l’espèce, le ministre a dès lors valablement pu considérer la nouvelle demande introduite par Monsieur … comme étant irrecevable par application de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 précitée, étant entendu que s’agissant non pas d’une simple faculté du ministre de recourir à cette procédure spéciale, mais d’une obligation (« le ministre considérera »), il n’appartient pas au ministre, chargé d’appliquer la loi, de passer outre le cadre, certes sévère, ainsi posé.

Cette conclusion ne saurait pas non plus être énervée par les développements du demandeur tenant à une éventuelle contrariété de la procédure prévue à l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 à la directive 2004/83/CE, étant donné que cet article 23 fut introduit dans la nouvelle loi par référence à la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 qui confère expressément aux Etats membres la possibilité de prévoir des procédures spéciales qui dérogent aux principes et garanties normalement applicables, pour examiner une demande émanant d’une personne qui a déjà déposé une telle demande dans l’Etat membre concerné. Conformément à l’article 25 de ladite directive 2005/85/CE, les Etats membres peuvent en effet considérer une demande comme irrecevable lorsque « le demandeur a introduit une demande identique après une décision finale ».

Dans la mesure où le législateur luxembourgeois a fait usage de cette possibilité lui conférée expressément par la législation communautaire applicable, le moyen sous examen laisse partant d’être fondé, sans qu’il n’y ait lieu de poser la question préjudicielle telle que suggérée par le demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 juillet 2008 par :

Paulette Lenert, vice-président, Claude Fellens, juge Lexie Breuskin, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 24559
Date de la décision : 31/07/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-07-31;24559 ?

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