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28/07/2008 | LUXEMBOURG | N°24539

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juillet 2008, 24539


Tribunal administratif Numéro 24539 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2008 Audience publique du 28 juillet 2008 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24539 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2008 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant êtr...

Tribunal administratif Numéro 24539 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2008 Audience publique du 28 juillet 2008 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24539 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2008 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … (République Démocratique du Congo), déclarant être de nationalité congolaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 mai 2008 ayant déclaré irrecevable sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2008 par Maître François Moyse pour le compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Yves Tumba Mwana, en remplacement de Maître François Moyse, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 juillet 2008.

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Le 18 juillet 2006, Monsieur … introduisit auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, dénommé ci-après « le ministre », une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Cette demande fut rejetée par une décision du ministre du 26 avril 2007.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la décision ministérielle précitée fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 22 octobre 2007 (n° 23002 du rôle). Aucun appel ne fut interjeté contre ledit jugement qui acquit autorité de chose jugée.

En date du 25 avril 2008, le mandataire de Monsieur … fit introduire auprès du ministre une nouvelle demande de protection internationale pour compte de son mandant.

Par décision du 28 mai 2008, envoyée par lettre recommandée le 30 mai 2008, le ministre rejeta cette nouvelle demande de Monsieur … pour être irrecevable sur base de l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer au courrier de votre avocat du 25 avril 2008 dans lequel vous sollicitez la réouverture de votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Il ressort de votre dossier que vous avez déposé une première demande en obtention d'une protection internationale en date du 18 juillet 2006, demande qui fût rejetée par décision ministérielle du 26 avril 2007. La prédite décision a été confirmée par jugement du Tribunal administratif en date du 22 octobre 2007. Aucun appel n'a été introduit.

Le statut de tolérance et une autorisation de séjour vous ont été refusés en date des 4 janvier 2008 et 10 mars 2008.

Il y a lieu de signaler que votre première demande de protection internationale a été notamment rejetée pour fausses déclarations. Ainsi, vous avez nié avoir séjourné dans un autre pays de l'Union européenne ou y avoir déposé de demande d'asile ou d'avoir été en possession d'un quelconque titre de séjour alors que vous êtes connu sous plusieurs identités différentes en France et en Suisse. Ainsi, vous êtes connu en France sous 16 identités différentes avec les noms de « …» ou «…», mais avec des dates de naissance différentes. De même, les autorités françaises vous connaissent sous le nom de «…» et «…» pour infractions de la loi sur les étrangers à Orly en 1996, séjour irrégulier à Mulhouse en 2001, à Saint Louis également en 2001 suite à une interdiction de territoire. Vous avez fait l'objet d'un arrêté ministériel d'expulsion en date du 3 avril 1995 et condamné (sic) le 11 février 1997 à 10 ans d'interdiction de territoire.

Vous êtes également connu en Suisse sous les identités de «…» et «…». En effet, il résulte d'une lettre de l'Office fédéral de migration du 6 septembre 2006 que vous avez déposé une demande d'asile en Suisse le 17 octobre 2001. Par décision du 5 novembre 2001, les autorités suisses ont prononcé votre renvoi préventif en France. Un recours contre cette décision a été interjeté le 7 novembre 2001. Par décision du 12 novembre 2001, la Commission suisse de recours en matière d'asile a restitué l'effet suspensif et vous a autorisé à séjourner en Suisse jusqu'à droit connu sur sa requête. Le 23 février 2005, l'ODM a annulé sa décision et décidé de reprendre l'instruction et la CRA a rayé du rôle le recours le 10 mars 2005. Il ressort également d'un procès verbal du 18 juillet 2006 que vous êtes propriétaire d'une voiture immatriculée en Suisse et que vous disposez d'une adresse à Lausanne.

Votre véritable identité n'est donc pas connue, ni établie étant donné que vous ne présentez aucune pièce d'identité.

Par ailleurs, votre demande a également été rejetée pour manque de crédibilité et de cohérence manifeste étant donné les nombreuses contradictions constatées. Relevons particulièrement que vous avez fait état de problèmes en RDC, alors que manifestement pendant cette époque vous étiez en Suisse. Votre récit ne correspond donc pas à la réalité.

Notons que le Tribunal administratif est venu à la même conclusion en soulevant le « caractère incohérent et douteux du récit du demandeur ».

Enfin, vous avez des antécédents judiciaires en France pour les faits suivants :

falsification et usage de documents administratifs, escroqueries, usurpation d'état civil, atteinte sexuelle et violences légères. Il ressort également d'une lettre du bâtonnier de l'ordre des avocats à la Cour d'appel de Besançon que vous n'avez jamais été inscrit au barreau de Besançon comme vous l'avez pourtant prétendu dans le passé. Après demande de renseignement du bâtonnier de Besançon auprès du barreau de l'ordre des avocats de Kinshasa vous n'avez jamais été inscrit à ce barreau jusqu'en 1997. Il ne ressort également pas du Tableau de l'Ordre 2006-2007 de l'Ordre des Avocats du Barreau de Kinshasa/Gombe mis à jour le 23 septembre 2006 que vous y êtes inscrit en tant que avocat. En effet, votre nom n'y figure pas.

Selon un rapport de la police du 14 juillet 2007 vous devez être considéré comme „Hochstapler welcher es bestens versteht, das menschliche Mitgefühl zu manipulieren, Tatsachen vorzutäuschen, welche dazu führen, dass ihm Geldmittel ausgeliehen respektif « gespendet » werden“.. Par ailleurs, je suis également obligé de constater un procès-verbal du 2 mars 2008 pour « faux et usage de faux documents ».

En date du 25 avril 2008 votre avocat fait état d'éléments nouveaux en présentant un article de presse du journal congolais « La Manchette » daté du 31 décembre 2007 dont l'original a été fourni au Service des Réfugiés en date du 26 mai 2008. Selon cet article de presse vous seriez toujours recherché par les autorités congolaises et votre famille aurait été surprise dans sa parcelle par des « hommes armés en tenue civile » le 25 décembre 2007. Des membres de votre famille auraient été blessés. Le journal vous aurait été envoyé par votre famille habitant encore à Kinshasa, victime de l'agression qui aurait reporté les faits à la presse.

Or, il est étonnant de constater que selon l'article de presse en question vous seriez « cadre du MLC ayant pris une part active dans l'affirmation de ce parti à Ngaliema. Depuis les affrontements de mars dernier entre l'armée nationale et la garde rapprochée de l'ancien vice-

président Jean-Pierre Bemba, il aurait pris la poudre d'escmpette (sic), alors que des éléments armés sont toujours à ses trousses ». En effet, lors de vos entretiens précédents vous n'avez jamais mentionné être membre du parti politique MLC ! Au contraire, vous avez prétendu être membre de l'UDPS. Par ailleurs, il ressort de l'article que vous auriez quitté la RDC après les affrontements de mars 2007. Or, vous avez déposé votre demande de protection internationale en juillet 2006. Les faits relatés dans cet article de presse, fournis selon votre avocat par des membres de votre famille ne correspondent donc pas à vos propres déclarations ! Il est également difficile à concevoir que cet article aurait paru en décembre 2007 et que vous ne présentez cette pièce qu'en avril 2008.

Au vu de toutes les constatations relevées plus haut concernant votre première demande de protection internationale, vos différents antécédents judiciaires et les nombreux procès-

verbaux à votre égard, ainsi que finalement les contradictions soulevés dans le cadre de votre nouvelle demande de protection internationale, aucun crédit ne saura être accordé à ce que vous avancez ou à l'article de presse! En effet, dans ce contexte il y a lieu de soulever que la pratique d'article de complaisance est un usage fréquent en RDC. Ainsi, il ressort du document de réponse du 30 janvier 2008 du CGRA que « selon l'ONG de défense de la liberté de presse, Journaliste en danger (JED) les encarts ou faux avis de recherches publiés dans les journaux sont courants dans la presse congolaise et s'expliquent par la précarité des revenus des journalistes et par la corruption généralisée que connaît le pays. Il s'agit pour la plupart de personnes en exil qui « commandent » à leurs amis des articles dans lesquels leur nom figure et ce afin d'obtenir des papiers. Les avis de recherches ou l'insertion de nom(s) dans les articles à caractère général ou faisant référence à ces événements réels et donc une pratique toujours constatée ». De même, « la plupart de ces articles frauduleux apparaissent sur l'ensemble d'un même tirage, ce qui rend illusoire toute recherche d'authenticité de l'exemplaire produit devant les instances d'asile ». Le document en question fait également référence à un article du Courrier International intitulé «Les faux-vrais journaux des vrais-faux persécutés » du 20 novembre 2007. Les articles de presse doivent donc être traités avec une certaine méfiance, d'autant plus que dans le passé vous n'avez pas hésité à recourir à des faux et d’en faire usage ! Considérant votre demande de protection internationale comme abusive, je suis donc amené à vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, elle est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

La demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2008, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 28 mai 2008.

L’article 23 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoyant un recours en annulation en matière de nouvelles demandes déclarées irrecevables, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision ministérielle critiquée. Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

Le recours subsidiaire en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … soutient que ce serait à tort que le ministre a déclaré sa nouvelle demande irrecevable. Tout d’abord, il est reproché au ministre d’avoir fondé la décision critiquée en grande partie sur des faits anciens pour rejeter sa nouvelle demande de protection internationale. Ensuite, il conteste formellement être connu sous plusieurs identités en France et en Suisse, tel que le prétend le ministre, sans documents français ou suisses à l’appui. Il s’agirait d’une confusion dans le chef du ministre qui tirerait son origine de l’existence de plusieurs neveux qui porteraient un nom quasi identique au sien, état de fait très courant en Afrique. Le demandeur explique encore que ce serait à tort que le ministre soutient qu’il nierait avoir séjourné en France, ce qui ne serait pas le cas. En revanche, il conteste formellement avoir séjourné en France en tant que demandeur d’asile. Quant au reproche d’un manque de cohérence et de crédibilité de son récit au motif notamment qu’il aurait fait état de problèmes en République Démocratique du Congo, désignée ci-après par « RDC », à une époque où il aurait séjourné en Suisse, il insiste qu’au moment des faits, il se serait effectivement trouvé en RDC. Il reproche encore au ministre d’avoir fait état, dans sa décision du 28 mai 2008, de ses antécédents judiciaires, sans d’ailleurs en rapporter la moindre preuve, alors que de telles considérations ne sauraient fonder une décision d’irrecevabilité. Le demandeur précise encore que ce serait à tort que le ministre a contesté sa qualité d’avocat inscrit au barreau de Bandundu, en faisant valoir que le fait qu’il ne serait pas inscrit au barreau de Kinshasa/Gombe ne saurait mettre en doute sa qualité d’avocat, alors que la RCD, pays grand comme l’Europe occidentale, disposerait de plusieurs barreaux.

En ce qui concerne le moyen tiré du rapport de police du 14 juillet 2007 et du procès verbal du 2 mars 2008 pour faux et usage de faux, le demandeur signale tout d’abord qu’il ne disposerait pas de ces deux documents. En outre, il n’y aurait pas eu de condamnation pénale se rapportant à ces faits, de sorte que le ministre n’aurait pas pu se fonder sur de telles pièces pour rejeter sa demande de protection internationale.

Quant à l’article de presse « La Manchette », fait nouveau par lui produit, il souligne que ce serait à tort que le ministre en met en doute la véracité au motif que d’une part, ledit article le qualifierait de « cadre du MLC », alors qu’il aurait déclaré lors de ses nombreuses auditions avoir fait partie de l’UDPS et, d’autre part, qu’il serait indiqué dans l’article querellé qu’il aurait quitté la RDC après les affrontements de mars 2007, alors que sa demande de protection internationale daterait du mois de juillet 2006. A cet égard, il conviendrait de préciser que l’incident provoqué par les agents de sécurité du président Kabila chez sa famille n’aurait été qu’un prétexte pour faire pression sur lui pour qu’il arrête de critiquer les autorités au pouvoir tel qu’il l’aurait fait à la télévision luxembourgeoise lors des dernières élections en RDC. L’assimilation aux membres du mouvement politique MLC de Monsieur Jean-Pierre Bemba, effectuée par le journal, n’aurait eu pour seul but que de justifier l’agression de sa famille. En effet, Monsieur Bemba aurait dû quitter la RDC après les dernières élections présidentielles suite à la guerre que se seraient livrée ses troupes contre celles du président Kabila. Depuis son élection contestée à la tête du gouvernement congolais, ce dernier se comporterait en véritable dictateur en refusant d’accepter la moindre opposition à son pouvoir, de sorte que la situation des opposants politiques resterait inquiétante dans la mesure où ils feraient toujours l’objet de persécutions. Lors de l’audience, le mandataire du demandeur a précisé que dans la mesure où le principal mouvement politique opposant le président Kabila serait le MLC, tout opposant au parti au pouvoir serait assimilé audit MCL, peu importe sa véritable couleur politique. Ce serait dans ce contexte qu’il y aurait lieu de placer les faits allégués dans le journal « La Manchette », et si incohérence il y avait, elle se trouverait dans les agissements du président Kabila qui tenterait de le faire passer pour un membre du MLC. Le demandeur rappelle encore que toute la communauté internationale déplorerait le manque de respect des droits de l’homme par les autorités actuellement au pouvoir en RDC. En dernier lieu, le demandeur fait valoir que le ministre ne saurait soutenir que l’article en cause constituerait un article de complaisance sans apporter la preuve de cette affirmation.

Le délégué du gouvernement estime que le demandeur aurait basé sa nouvelle demande sur les mêmes faits que ceux exposés lors de sa première demande d’asile, à l’exception de l’article de presse précité et qu’il n’aurait présenté aucun élément ou fait nouveau, de sorte que ce serait à bon droit que le ministre a déclaré la seconde demande irrecevable Quant au reproche fait au ministre par le demandeur d’avoir repris dans la décision du 28 mai 2008 les faits soulevés lors de la première demande de protection internationale, le délégué du gouvernement répond qu’il serait indispensable de mettre les faits présentés comme nouveaux, ayant conduit à la réouverture de la procédure d’asile, dans le contexte des faits ayant été à la base de la première demande de protection internationale, pour être en mesure d’apprécier et analyser si ces faits seraient de nature à « augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire », une telle analyse ne pouvant être faite que dans son ensemble en prenant en compte tous les éléments du dossier. L’allégation par le demandeur que le ministre aurait basé l’essentiel de sa motivation sur des faits anciens ne correspondrait pas non plus à la vérité, dans la mesure où il ressortirait clairement de la décision sous examen qu’il aurait pris position par rapport à l’article de presse du journal congolais « La Manchette » du 31 décembre 2007, seul élément nouveau présenté.

A cet égard, le délégué du gouvernement relève plus précisément que le demandeur y serait présenté comme « cadre du MCL ayant pris une part active dans l’affirmation de ce parti à Ngaliema.».Cependant, il ressortirait de ses nombreux entretiens au cours de la première procédure d’asile, que le demandeur n’aurait jamais mentionné être membre du parti politique MLC, mais, au contraire, qu’il aurait toujours prétendu être membre du parti UDPS.

Par ailleurs, suivant l’article de presse cité, le demandeur aurait quitté la RDC en mars 2007 après les affrontements entre l’armée nationale et la garde rapprochée de l’ancien vice-

président Bemba, tandis qu’il ressortirait du dossier administratif versé en cause qu’il aurait déposé sa première demande d’asile en date du 18 juillet 2006, de sorte que les faits relatés dans l’article de presse invoqué ne correspondraient ni aux déclarations du demandeur, ni à la réalité de la procédure menée au Luxembourg.

En outre, le représentant étatique insiste sur le fait que des doutes sérieux quant à l’authenticité de l’article de presse devraient être émis et il s’étonne par ailleurs de la présentation tardive de ce document, pour en déduire qu’il s’agirait ou bien d’un faux ou bien d’un article de complaisance. Il souligne en outre que dans le passé, le demandeur n’aurait pas hésité à faire des faux, voire d’en faire usage, de sorte que l’article de presse devrait être traité avec une certaine méfiance, d’autant plus que la pratique d’articles de complaisance serait fréquente en RDC. Le représentant étatique estime encore que même si l’article de presse était authentique, cela n’augmenterait pas de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions pour prétendre à une protection internationale.

En ce qui concerne le fait que le demandeur serait connu sous diverses identités en France et en Suisse, le délégué du gouvernement estime que les preuves présentées lors de la première procédure de protection internationale seraient manifestes et évidentes au point qu’elles auraient même été citées par le tribunal administratif. De même, les empreintes digitales du demandeur auraient clairement établi la réalité de son séjour en Suisse, de sorte que son explication concernant une éventuelle « confusion » dans le chef du ministre par le fait que ses neveux, porteraient un « nom plus ou moins identique» au sien, ne saurait être retenue pour établir le contraire. Enfin, la preuve des antécédents judiciaires du demandeur aurait également été fournie lors de la première procédure de protection internationale.

Pour le surplus, le représentant étatique souligne que la décision ministérielle n’aurait pas reproché au demandeur d’avoir nié son séjour en France en tant qu’étudiant de 1961 à 1968, mais bien les autres séjours n’ayant rien à faire avec ses études, y compris l’arrêté ministériel français d’expulsion du 3 avril 1995 ainsi que la condamnation à 10 ans d’interdiction du territoire du 11 février 1997 dont il aurait fait l’objet.

Finalement, le délégué du gouvernement souligne que l’identité du demandeur ne serait toujours pas établie puisqu’il serait connu sous différentes identités et qu’il n’aurait produit aucune pièce d’identité.

Dans son mémoire en duplique, le demandeur insiste que les faits anciens, repris par le ministre dans la décision sous examen, ne seraient pas pertinents pour apprécier les éléments nouveaux présentés par lui, dans la mesure où lesdits éléments anciens auraient uniquement trait à ses prétendues multiples identités et ses prétendus antécédents judiciaires sans mettre en cause sa qualité d’opposant politique proche de l’UDPS. Cette qualité n’aurait pas non plus été mise en cause par le jugement du tribunal administratif du 22 octobre 2007. Sa seconde demande de protection internationale serait basée sur un article de presse relatant l’agression dont aurait été victime sa famille, suite à l’activisme politique dont il aurait fait preuve au Luxembourg, de sorte à conforter ses déclarations relatives à son statut d’opposant politique. Partant, contrairement à ce que prétendrait le délégué du gouvernement, il existerait en l’espèce des éléments nouveaux par rapport à la première demande.

Le demandeur estime encore qu’il appartiendrait au ministre de fournir la preuve qu’il se serait trouvé en Suisse et non pas en RDC lors des persécutions dont il aurait été victime. Lors de l’audience, le mandataire du demandeur indique qu’il devrait y avoir une faute de frappe au niveau des dates relatées dans l’article de presse en question.

Le demandeur insiste pour le surplus sur le fait que pour le président Kabila, tout opposant politique, indépendamment de son appartenance politique, serait à assimiler au MLC, de sorte que sa qualification comme membre du MLC dans l’article n’en mettrait pas en cause l’authenticité. Il conteste également que sa famille aurait donné l’information relative à la désignation du requérant comme adhérant au MLC.

Aux termes de l’article 23 de la loi précitée du 5 mai 2006, tel que modifié par la loi du 17 juillet 2007 :

« (1) Le Ministre considérera comme irrecevable la demande de protection internationale d’une personne à laquelle le statut de réfugié ou la protection internationale ont été définitivement refusés ou d’une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

(2) Le demandeur concerné devra indiquer les faits et produire les éléments de preuve à la base de sa nouvelle demande de protection internationale dans un délai de 15 jours à compter du moment où il a obtenu ces informations. Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire prévu au paragraphe (1) en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien. (…) » Le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande de protection internationale est ainsi conditionné par la soumission d’éléments qui, d’une part, doivent être invoqués dans un délai de 15 jours à compter du moment où le demandeur les a obtenus et, d’autre part, augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

Force est de constater qu’en l’espèce, le demandeur se base en substance sur certains des faits et éléments qu’il avait invoqués à la base de sa première demande d’asile introduite le 18 juillet 2006, tels que transcrits dans la décision du ministre du 26 avril 2007. Pour demander le bénéfice de la protection internationale, le demandeur soutient plus particulièrement qu’il ne pourrait pas retourner au Congo au motif qu’il y serait toujours activement recherché par la garde rapprochée du président Kabila ; comme il est indiqué dans l’article de presse en question :

« depuis les affrontements de mars dernier entre l’armée nationale et la garde rapprochée de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba, il aurait pris la poudre d’escmpette (sic) alors que des éléments armés sont toujours à ses trousses ». Il se fonde ainsi sur un article prétendument paru le 19 juillet 2007 dans un quotidien congolais dénommé « La Manchette » et intitulé « La nativité dans la douleur à Ngaliema » évoquant les faits qu’il allègue.

Force est de constater que l’original d’un exemplaire du quotidien congolais « La Manchette » du 19 juillet 2007 contenant l’article en question, que le demandeur produit à l’appui de ses déclarations, indépendamment de la valeur probante de cette pièce au vu des réserves émises par le délégué du gouvernement quant à son authenticité, ne constitue pas un élément de preuve convainquant, dans la mesure où, d’une part, le demandeur y est décrit comme adhérant d’un autre parti politique que celui dont il se réclamait durant sa procédure de protection internationale et que, d’autre part, l’information contenue dans l’article quant à sa date de départ de la RDC, à savoir en mars 2007, est contradictoire par rapport à la date à laquelle il a introduit sa première demande de protection internationale, à savoir, en juillet 2006.

Abstraction faite du manque de cohérence de l’article en question par rapport à son propre récit, il y a lieu de relever en plus que les éléments de preuve contenus dans l’article se rapportent à des faits allégués lors de sa précédente demande, demande dont il a été débouté au motif que son récit manquerait en cohérence et en crédibilité par jugement du tribunal administratif du 22 octobre 2007.

Ce jugement, ainsi que le raisonnement le sous-tendant ayant acquis autorité de chose, force est de constater que la circonstance que le demandeur serait actuellement toujours recherché dans son pays d’origine par des membres de la garde rapprochée du président Kabila, attestée uniquement par un article de presse pour le moins incohérent par rapport au dossier globalement considéré, ne saurait être considérée comme un élément nouveau qui augmente de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Il s’ensuit que c'est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale comme étant irrecevable sur base de l’article 23 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation introduit par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Paulette Lenert, vice-président, Françoise Eberhard, juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 28 juillet 2008 par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 24539
Date de la décision : 28/07/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-07-28;24539 ?

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