Tribunal administratif N° 23942 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2008 Audience publique du 23 juillet 2008 Recours formé par Madame …, épouse …, …, contre une décision du ministre de la Santé en matière d’exercice de la profession de médecin
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23942 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2008 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, née le … (Zaïre), demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision rendue par le ministre de la Santé datée du 12 décembre 2007 lui refusant l’autorisation d’exercer la profession de médecin spécialiste en santé publique au Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Caroline GODFROID, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en sa plaidoirie à l’audience publique du 30 juin 2008.
Madame … est titulaire du grade de docteur en médecine délivré par la faculté de médecine de l'Université nationale du Zaïre en date du 31 juillet 1979. Elle a ensuite suivi une formation spécialisée en santé publique à l'Université Libre de Bruxelles durant les années 1981 à 1985. En date du 30 juin 2005, elle a obtenu son diplôme d'études approfondies en sciences de la santé de l'Université Libre de Bruxelles.
Au cours de l'année 2005, elle entama les démarches administratives en vue de l'homologation de son grade de docteur en médecine obtenu le 31 juillet 1979. Par arrêté ministériel du 25 janvier 2006, cette homologation lui fut refusée, au motif que la durée de formation pratique de sa formation ne correspondait pas aux exigences prévues par le règlement grand-ducal du 10 septembre 2004. Madame … introduisit un recours en réformation sinon en annulation contre l'arrêté de refus d’homologation en date du 18 avril 2006 devant le tribunal administratif. Par jugement du 13 novembre 2006 (n° 21267 du rôle), le tribunal administratif annula l'arrêté ministériel portant refus de l'homologation du grade de docteur en médecine délivré par la faculté de médecine de l'Université nationale du ZAÏRE et renvoya le dossier devant qui de droit.
En date du 1er mars 2007, le diplôme en question fut homologué par le Secrétaire d'Etat à la Culture, à l'Enseignement supérieur et à la Recherche.
Le 12 mars 2007, Madame … adressa une demande en autorisation d'exercer la profession de médecin spécialiste en santé publique au ministre de la Santé. Par décision du 12 décembre 2007, le ministre de la Santé refusa d’accorder à Madame … l’autorisation d’exercer la profession de médecine au Luxembourg. Cette décision est libellée comme suit :
« Me référant à votre demande relative à l'affaire dont question sous rubrique et à l'avis émis par la Direction de la Santé, je suis au regret de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande et de vous accorder l'autorisation sollicitée.
En effet conformément à l'article 2 du règlement grand-ducal modifié du 10 juin 1997 portant fixation de la liste des spécialités en médecine reconnues au Luxembourg ainsi que détermination des conditions de formation à remplir en vue de la reconnaissance de ces titres sont reconnus les diplômes, certificats et autres titres délivrés dans les disciplines visées à l'article 1er dans un Etat membre de l'Union européenne et répondant aux critères minimales de formation inscrits à la directive 2005/36 /CE abrogeant la directive modifiée 93/16/CE du Conseil du 5 avril 1993 visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres.
Or, au vu de votre dossier et de l'avis émis par la Direction de la Santé vous ne remplissez pas la condition de formation minimale prévue à la directive précitée, soit quatre années de formation pour la discipline de santé publique.
En effet il ressort de votre dossier que la licence en santé publique, dont vous êtes titulaire, a été effectuée sur deux années à savoir pendant les années 1981/1982 et 1982/1983 et votre formation menant au diplôme d'études approfondies en sciences de la santé n'a été que d'une seule année.
La durée totale de votre formation en santé publique s'élève donc à trois années et elle n'est pas conforme à la durée minimale de formation prévue à la directive précitée.
Je vous signale que la présente décision peut faire l'objet d'un recours en réformation qui doit être introduit auprès du tribunal administratif par ministère d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification. » Par requête déposée en date du 11 janvier 2008, Madame … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 12 décembre 2007.
Conformément aux dispositions de l’article 35 de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-
vétérinaire, le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond à l’encontre de toute décision d’octroi, de refus, de suspension ou de retrait d’une autorisation d’exercer la profession de médecin, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation.
Bien que la requête introductive d’instance fût notifiée à l’Etat, ce dernier n’a pas comparu dans le délai prévu à l’article 5 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 ». Le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties en vertu de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999.
A l’appui de son recours la demanderesse fait valoir qu'il résulterait des articles 1, 2 et 4 du règlement grand-ducal du 10 juin 1997 portant fixation de la liste des spécialités en médecine reconnues au Luxembourg que la condition de formation minimale pour la discipline de la santé publique serait de quatre années. Elle renvoie aux pièces versées à l'appui de son recours pour affirmer qu’elle remplit cette condition de formation minimale de quatre années en santé publique. En effet au cours de l'année académique 1981/1982 elle aurait passé sa 1 ère licence spéciale en santé publique, au cours des années académiques 1982/1983 et 1983/1984, elle aurait passé la 2ème licence spéciale en santé publique et en date du 28 novembre 1984, le diplôme de licence spéciale en santé publique lui aurait été délivré par l'Université Libre de Bruxelles. Au cours de l'année académique 1984/1985, elle aurait passé le certificat de méthodes statistiques, épidémiologiques et opérationnelles appliquées à la médecine et à la santé publique et en date du 31 mai 1985, le diplôme correspondant lui aurait été délivré. Elle affirme être en plus titulaire d'un diplôme d'études approfondies en santé publique, formation qu'elle aurait effectuée au cours des années académiques 2003/2004 et 2004/2005, de sorte qu’elle remplirait la condition de formation minimale de quatre années en discipline de santé publique.
Aux termes de l’article 4 (2) du règlement grand-ducal du 10 juin 1997 portant fixation de la liste des spécialités en médecine reconnues au Luxembourg ainsi que détermination des conditions de formation à remplir en vue de la reconnaissance de ces titres, ci-après « le règlement grand-ducal du 10 juin 1997 », « les durées minimales des formations spécialisées ne peuvent être inférieures aux durées suivantes :
[…] 3e groupe : quatre ans […] -
santé publique. […] ».
Aux termes de l’article 25 de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 et de l’annexe V, point 5.1.3., la durée minimale de la formation pour la spécialité de santé publique est de 4 ans.
Force est de constater que le ministre a retenu dans sa décision déférée que la durée totale de la formation de Madame … en santé publique s'élève à trois années en prenant en compte la licence en santé publique et sa formation menant au diplôme d'études approfondies en sciences de la santé qu’elle a effectuée au cours des années académiques 2003/2004 et 2004/2005.
Force est dès lors de constater que le ministre n’a pas pris en compte le certificat de méthodes statistiques, épidémiologiques et opérationnelles appliquées à la médicine et à la santé publique que la demanderesse a passé au cours de l’année académique 1984/1985. Or, au vu d’un courrier du Professeur … de l’Université libre de Bruxelles du 21 avril 2008, le certificat de méthodes statistiques, épidémiologiques et opérationnelles appliquées à la médicine et à la santé publique est une formation de 3ème cycle d’un, an organisée à temps plein, de sorte que cette formation aurait dû être prise en compte par le ministre pour déterminer la durée totale de la formation de la demanderesse en santé publique.
Partant, c’est à tort que le ministre a conclu que la durée totale de la formation en santé publique de la demanderesse s'élèverait à trois années seulement et qu’elle ne serait pas conforme à la durée minimale de formation prévue en cette matière, de sorte que la décision déféré est à réformer en ce sens que la formation de la demanderesse est à considérer comme ayant eu une durée minimale de 4 années et non seulement de trois années tel que retenu par le ministre à l’appui de la décision déférée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en réformation recevable à l’encontre des décision du ministre de la Santé du 12 décembre 2007 ;
dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;
au fond le dit justifié ;
partant par réformation dit que la formation de la demanderesse est à considérer comme ayant eu une durée minimale de 4 années et non seulement de trois années tel que retenu par le ministre à l’appui de la décision déférée et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre de la Santé ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge, Claude Fellens, juge, et lu à l’audience publique du 23 juillet 2008 par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
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