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18/07/2008 | LUXEMBOURG | N°24187

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juillet 2008, 24187


Tribunal administratif N° 24187 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2008 Audience publique extraordinaire du 18 juillet 2008 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 5 mai 2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24187 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2008 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, i

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Tribunal administratif N° 24187 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2008 Audience publique extraordinaire du 18 juillet 2008 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 5 mai 2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24187 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2008 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 mars 2008 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire figurant dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif 30 avril 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Maître Louis TINTI ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mai 2008.

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Le 12 septembre 2007, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Elle fut entendue le 27 septembre 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 4 mars 2008, notifiée par lettre recommandée expédiée en date du 7 mars 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Madame … de ce que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée au sens de l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 5 mai 2006 après l’avoir évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire. Par la même décision, le ministre enjoignit à Madame … de quitter le territoire. Cette décision est libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère de Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 12 septembre 2007.

En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 27 septembre 2007.

Il ressort des informations en nos mains que vous auriez quitté le Cameroun avec l’aide d’un prêtre en avion de l’aéroport de Douala le 9 septembre 2007. Vous ne sauriez cependant pas où vous auriez atterri. Puis, on vous aurait emmenée en voiture au Luxembourg. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 12 septembre 2007.

Vous ne présentez aucune pièce d’identité ! Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Cameroun à cause de votre père. En effet, depuis août 2007, vous sauriez avec certitude que votre père serait membre d'une secte, cependant vous ignorez laquelle. Vous dites, qu'un jour, vers la fin du mois d'août 2007, il vous aurait, sous un prétexte, emmenée avec lui. Il vous aurait conduit dans une maison, où vous auriez rencontré plusieurs hommes vêtus en pantalon et veste noirs et chemise rouge. Puis, l'un d'entre eux vous aurait guidée dans une salle décorée avec des rideaux noirs. Il vous aurait expliqué qu'il aurait l'intention de coucher avec vous et de pratiquer ensuite l'excision sur vous. En commençant à faire beaucoup de bruit et en criant, vous auriez pu vous échapper de cette maison et vous réfugier auprès d'une amie, qui aurait contacté votre tante maternelle. Après quelques jours, cette dernière serait venue vous chercher et vous aurait emmenée auprès d'un prêtre pour lui demander de vous aider. Elle vous aurait également promis de récupérer vos enfants, car vous auriez vécu tous ensemble avec votre père. Finalement, le prêtre vous aurait fait quitter le Cameroun.

Vous ajoutez que quelques années auparavant votre frère aîné serait mort dans des circonstances bizarres. Les plus âgés de votre famille se seraient renseignés auprès d'un guérisseur sur son décès. Il leur aurait révélé que votre père serait responsable de sa mort, cependant votre père aurait toujours clamé son innocence.

Vous expliquez qu'à tour de rôle chaque adepte d'une secte doit emmener un être cher pour des pratiques mystiques. Vous pensez que votre père n'aurait pas pu refuser d'y amener ses propres enfants, car sinon il aurait été considéré comme traître.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d'un parti politique.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

A défaut de pièces, un demandeur d'asile doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Force est cependant de constater que les invraisemblances dans votre récit laissent planer des doutes quant à l'intégralité de votre passé et au motif de fuite invoqué. Ainsi, il est difficilement concevable qu'une femme âgée de 33 ans avec deux enfants risquerait d'être excisée. Ainsi, vu les différents rapports, il convient de constater que l'excision est seulement pratiquée chez les fillettes, âgées de 3 à 12 ans ou après la naissance du premier enfant. En outre, selon les mêmes rapports, il est peu crédible que des hommes exerceraient des excisions. Selon les mêmes recherches, non seulement au niveau du Cameroun, mais au niveau de tous les pays, où cette pratique condamnable est pratiquée, uniquement des femmes, des sages-femmes, des « grand-mères expérimentées » ou une accoucheuse traditionnelle ont les connaissances nécessaires de procéder à l'excision. Ainsi, il demeure complètement invraisemblable qu'un homme vous préviendrait d'abord de vous violer et de pratiquer ensuite l'excision sur vous. Par la suite, force est de constater que, selon vos déclarations, vous êtes originaire de la province du Centre, plus précisément de Yaoundé. Or, il convient de souligner que selon les nombreuses recherches, citées ci-dessus, l'excision est pratiquée dans trois provinces camerounaises, à savoir, la province de l'est, la province du sud-ouest et la province de l'extrême nord du pays.

A part ces nombreuses contradictions sur vos déclarations de cette pratique condamnable, il convient de relever également qu'à la page 11 de l'entretien vous dites que, lors d'un retour au Cameroun, vous craindriez que votre père vous tuerait.

Force est de constater que vous ne mentionnez même plus que vous craindriez que vous seriez excisée.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que ces trop nombreuses incohérences et contradictions entachent la crédibilité de votre récit et ne nous permettent pas d'établir de façon probante que vous ayez été victime d'un acte de persécution ou d'une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s'ajoute qu'il n'existe aucune certitude quant à votre identité et origine, comme vous n'avez remis aux autorités luxembourgeoises aucune pièce d'identité.

En outre, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'audition que l'Etat, ou d'autres organisations non-étatiques présentes sur le territoire de votre pays, ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre de votre père ou des membres de la secte, non autrement identifiée. Vous n'avez par ailleurs pas requis la protection des autorités de votre pays et il n'est ainsi pas démontré que les autorités camerounaises seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection. De plus, vu le rapport « Enquête Démographique et de Santé Cameroun 2004 » :

« (…) Cependant, au Cameroun, un plan d'action national de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) a été adopté et validé en décembre 1998. Il prévoit des actions d'éducation, de sensibilisation des populations sur les effets négatifs de cette pratique, ainsi que des actions de plaidoyer à l'intention des leaders d'opinion. » Ainsi, force est de constater que le Gouvernement camerounais lutte contre les MGF et par conséquent, on peut assumer que les autorités auraient été capable de vous fournir une protection et ainsi vous aider.

Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier qu'il vous aurait été impossible de vous installer dans une autre région ou province du Cameroun, pour ainsi profiter d'une possibilité de fuite interne.

En tout état de cause, indépendamment de l'absence d'un quelconque élément de preuve de vos déclarations, les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En effet, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas non plus la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité. » Par requête déposée au greffe du Tribunal administratif le 17 mars 2008.

Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 4 mars 2008 lui refusant la protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision 1. Quant au recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale.

Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en reformation en ce qu’il est dirigé contre ce volet de la décision. Le recours est par ailleurs recevable pour avoir été formé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours la demanderesse relate que fin août 2007 son père, qui serait membre d’une secte, l’aurait emmenée dans une habitation où des hommes habillés en noir avec des chemises rouges l’attendaient. Un des ces hommes l’aurait conduite dans une pièce où il lui aurait dit qu’il allait la violer puis pratiquer son excision. Elle explique que les membres de la secte devaient offrir en offrande le corps sinon une partie du corps de leurs proches, et que ce serait dans des conditions suspectes que son frère serait mort il y a plusieurs années. Elle verse un certificat médical pour prouver qu’elle n’aurait pas subi à ce jour de mutilation génitale. Quant aux invraisemblances relevées par le ministre, la demanderesse fait valoir que les recherches sur la pratique des mutilations génitales effectuées par le ministre ne sauraient être transposées à son cas dans la mesure où il se situerait dans le contexte particulier des sectes. Elle estime qu’il serait très possible que son père aurait décidé de sa mort dès son opposition à ses projets funestes comme il semble avoir été le cas de son frère. En ce qui concerne la possibilité de demander la protection de l’Etat ou d’organisations internationales, elle renvoie à un rapport d’un dénommé Dr … pour en conclure que les autorités seraient incapables de régler le problème des mutilations génitales. Quant à la protection subsidiaire, elle fait valoir que l’excision devrait être reconnue comme traitement inhumain ou dégradant et qu’elle ne saurait échapper à ce traitement en cas de retour dans son pays.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte qu’elle serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 précisent également le contenu de la notion de réfugié.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est en effet de constater que la décision ministérielle litigieuse du 4 mars 2008 est basée principalement sur le manque de crédibilité du récit présenté par la demanderesse. Ces incohérences consistent principalement dans le constat qu’il est invraisemblable qu’une femme de 33 ans serait encore soumise à l’excision, d’autant plus que l’excision n’est pas pratiquée ni par des hommes, ni dans la région d’où la demanderesse allègue provenir. Force est de constater que la demanderesse n’a pas utilement expliqué ses déclarations moyennant des éclaircissements plus cohérents qu’elle aurait pu fournir le cas échéant dans le cadre d’un recours gracieux ou, au plus tard à l’appui de son recours contentieux. Au-delà de réexposer ce qu’elle a déclaré dans le cadre de son audition, elle a simplement affirmé que son cas ne serait pas comparable à la situation générale régnant au Cameroun dans la mesure où les violences qu’elle aurait subies se situeraient dans le cadre de pratiques d’une secte.

Pour étayer ses allégations elle verse un extrait d’une interview d’un enseignant à l’Université de Douala, le Dr …, qui explique la prolifération des sectes au Cameroun.

Force est cependant de constater que les propos du Dr … ne décrivent à aucun moment des pratiques similaires à celles décrites par la demanderesse, de sorte que cette pièce ne saurait constituer un élément de preuve utile pour étayer les allégations de Madame ….

Le tribunal est dès lors amené à constater que les déclarations et le récit de la demanderesse n’emportent pas sa conviction quant aux persécutions ou craintes de persécution alléguées, de sorte que le ministre a valablement pu retenir que la demanderesse n’a pas fait état de façon crédible de persécutions vécues ou de craintes au sens de la Convention de Genève susceptibles de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Outre ces incohérences, qui entachent la crédibilité du récit de la demanderesse, il y a par ailleurs lieu de constater, ainsi que l’ont souligné à bon droit tant le ministre que le délégué du Gouvernement, que la demanderesse reste en défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles elle n’aurait pas été en mesure de s’installer dans une autre partie du Cameroun où, compte tenu du fait qu’elle y aurait été inconnue, elle aurait pu échapper à ses persécuteurs. Force est en effet de constater que la demanderesse ne prend pas position par rapport à ce moyen.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder à demanderesse le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi précitée du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Selon l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, sont considérées comme atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Au vu du défaut de crédibilité du récit de la demanderesse retenu ci-avant par le tribunal, il échet de retenir que la demanderesse n’invoque aucun élément ou circonstance indiquant qu’il existe de sérieux motifs de croire qu’elle serait exposée, en cas de retour au Cameroun, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision litigieuse dans la mesure où celle-ci est motivée par un défaut de crédibilité et de cohérence au niveau du récit présenté par la requérante.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état de manière crédible d’une persécution ou d’une crainte de persécution ni au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef ni au sens de la protection subsidiaire aux termes de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Si la demanderesse sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, elle reste cependant en défaut de formuler utilement un quelconque moyen de légalité, voire seulement invoquer une quelconque base légale susceptible d’étayer ses prétentions, de sorte que le tribunal, au vu de la conclusion retenue ci-avant en ce qui concerne la demande de la requérante en obtention de la protection internationale, ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 4 mars 2008 portant refus d’un statut de protection internationale, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 4 mars 2008 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juillet 2008 par :

Marc Feyereisen, président, Marc Sünnen, juge, Claude Fellens, juge, en présence de Arny Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Feyereisen 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 24187
Date de la décision : 18/07/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-07-18;24187 ?

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