Tribunal administratif Numéro 24333 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 avril 2008 Audience publique du 16 juillet 2008 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consort, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24333 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2008 par Maître Jérôme BACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), et de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo), agissant en leur nom personnel et en nom et pour compte de leur enfant mineur, …, née le 4 mars 2008 à Luxembourg, tous de nationalité serbe et demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 31 mars 2008 portant rejet de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à la réformation, sinon à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yves TUMBA MWANA, en remplacement de Maître Jérôme BACH, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juin 2008.
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Le 24 août 2007, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».
Monsieur et Madame …-… furent entendus séparément en date des 5 octobre et 25 septembre 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
Par décision du 31 mars 2008, notifiée par lettre recommandée du même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur et Madame …-… de ce que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 24 août 2007.
En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 25 septembre 2007 et du 5 octobre 2007.
Il résulte de vos déclarations que le 22 août 2007 vous auriez quitté le Kosovo en camionnette. Un inconnu vous aurait conduit jusqu'au Luxembourg où vous seriez arrivé le 23 août 2007. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 24 août 2007. Le voyage aurait coûté 3000 euros. Vous présentez tous deux votre carte d'identité délivrée par l'UNMIK.
Etant issus de la minorité serbe orthodoxe du Kosovo, vous auriez quitté votre pays à cause d'une trop grande insécurité. Vous résideriez à …, commune de … , un village ethniquement pur serbe mais seriez en danger lors de vos déplacements hors de votre village.
Vous expliquez notamment que lorsque Madame était enceinte, vous auriez dû vous rendre régulièrement à Vranje en Serbie pour consulter un médecin. Vous vous seriez alors exposé aux provocations, insultes et menaces des albanais lorsque vous auriez traversé leurs villages et auriez une fois été bloqué par une barricade. Vous ajoutez qu'en 2004 les habitants de villages albanais voisins vous auraient insulté et vous auraient jeté des pierres alors que vous cultiviez vos champs. Vous dites être victime de tels agissements cause de votre origine ethnique serbe.
Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution ni mauvais traitement. Vous précisez être simple adhérant auprès du parti politique SPO sans avoir eu de problèmes liés à cette adhésion.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, en l'espèce, le fait d'être limité dans vos déplacements à cause de vos craintes d'être insulté et provoqué par des inconnus ne revêt pas un caractère de gravité suffisant pour être assimilé à une persécution au sens de dispositions précitées de la Convention de Genève. Vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d'insécurité et ne sont pas de nature à fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique.
En outre, les auteurs des agissements invoqués, à savoir des individus d'origine albanaise, ne peuvent être considérés comme acteurs de persécutions ou atteintes graves au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 que dans l'hypothèse où « il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b) (l'Etat ou des partis ou des organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves », ceci conformément aux dispositions de l'article 28, c) de ladite loi.
Or, dans le cas de l'espèce, malgré la description d'une situation générale d'insécurité, aucun élément concret n'établit l'incapacité actuelle des autorités compétentes à vous fournir une protection adéquate. Le seul fait que la police ait suggéré que vous attendiez le retour au calme plutôt que de vous escorter à travers la barricade n'est pas suffisant pour démontrer un défaut de protection de sa part puisque vous n'étiez à aucun moment confronté à un danger direct et réel.
Il convient en outre de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.
Or, une force armée internationale agissant sous l'égide des Nations Unies a été mise en place au Kosovo pour assurer la sécurité et la coexistence pacifique entre les différentes communautés. A … notamment, la police de l'UNMIK a transféré ses pouvoirs aux patrouilles ethniquement mixtes des Forces de Police du Kosovo en 2004 tout en continuant de superviser son travail. La KFOR assure également une présence militaire. Ceci a contribué à une amélioration constante de la situation sécuritaire des minorités ethniques du Kosovo. En effet, après les violences généralisées de mars 2004, « la situation en matière de sécurité est restée, dans l'ensemble, calme et stable » a indiqué Hédi Annabi, sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l'ONU le 5 août 2004. A présent, une persécution systématique de minorités ethniques est à exclure et de nombreux rapports n'ont eu de cesse de constater une diminution considérable des crimes susceptibles d'avoir été motivés par des considérations ethniques ainsi qu'une amélioration constante de la situation sécuritaire en général (voir notamment les rapports de l'OSCE relatifs aux profils municipaux).
La récente déclaration d'indépendance du Kosovo n'a pas apporté de changement à cette situation. Le « Policy Briefing n°47 » édité par l'International Crisis Group le 18 mars 2008 décrit en effet que les craintes exprimées quant à la situation sécuritaire suite à l'indépendance se sont avéré être totalement infondées. Le rapport décrit une attitude positive et constructive des nouvelles autorités à l'égard des minorités serbes qu'elles s'engagent à respecter et protéger. Les débordements qui ont eu lieu sont davantage à attribuer à des manifestants serbes ayant une attitude provocatrice.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.
La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.
Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.
Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure ».
Par requête déposée le 30 avril 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … et Madame … ont fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre la décision du ministre du 31 mars 2008.
1.
Quant au recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a partant pas lieu se de prononcer sur le recours en annulation introduit en ordre subsidaire.
Les demandeurs font valoir qu’en tant que Serbes vivant dans la commune de Glogovce au Kosovo ils seraient constamment persécutés par les Albanais du Kosovo, persécutions qui se traduiraient par des insultes, des jets de pierres et des demandes de quitter le Kosovo lorsqu’ils se déplaçaient d’un village à un autre. Ils estiment que le ministre ne saurait soutenir que les menaces et insultes qu’ils auraient subies ne sont pas d’une gravité suffisante pour établir l’existence d’une menace réelle pour leur vie. Ils ajoutent que contrairement aux affirmations du ministre, la situation des Serbes au Kosovo ne se serait pas améliorée et ils se réfèrent à ce titre à un rapport de l’UNHCR de juin 2006 ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 9 mars 2007 (n°22669 du rôle) qui aurait reconnu la protection internationale à des membres appartenant à la minorité serbe. En ce qui concerne la protection subsidiaire ils estiment qu’au vu des insultes, menaces de mort, intimidations et autres maltraitances par eux invoquées et au vu du prédit rapport de l’UNHCR, ils risqueraient de subir à nouveau des actes de torture ou des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Kosovo.
Le délégué du Gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs.
Ainsi, en ce qui concerne le fond du litige, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale lors de leurs auditions respectives, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
Il convient par ailleurs de relever que la reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
En l’espèce, les demandeurs font essentiellement état de leur crainte de faire l’objet d’actes de violence de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo en raison de leur origine serbe.
Or, s’il est vrai que d’après la dernière version actualisée de sa prise de position sur la protection et le rapatriement de personnes du Kosovo datant de juin 2006, l’UNHCR continue à considérer les membres de la minorité serbe du Kosovo comme constituant un groupe exposé à un risque sérieux de persécution, la situation n’est pas telle que tout membre de cette minorité serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006. En outre, il ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal que la situation au Kosovo se soit détériorée pour la minorité serbe du Kosovo après la déclaration d’indépendance. S’il est vrai que des violences ont pu être constatées, il s’agissait cependant d’incidents isolés et localisés, notamment dans le nord du Kosovo près de la frontière serbe et à Mitrovica. Dans la région de provenance des demandeurs, à savoir la municipalité de …, la situation semble être restée calme et non marquée par des événements majeurs.
En ce qui concerne la situation particulière des demandeurs, force est de constater qu’ils se réfèrent notamment aux insultes et jets de pierres auxquels ils se sont vu confrontés en faisant le trajet jusqu’à Vranje où ils ont dû se rendre pour consulter le médecin parce que Madame … a été enceinte. Quant aux problèmes rencontrés dans leur village, Monsieur … relate : « Notre village est séparé juste avec un ruisseau de deux villages albanais. Il y a eu souvent des tirs. Ils viennent jusqu’au fleuve et ils nous insultent et nous provoquent. Notre maison se trouve à l’extrémité du village, juste à côté ». Madame … fait état d’insultes de la part d’Albanais où elle fréquentait l’école en tant que jeune fille et de jets de pierre lorsqu’elle se rendait chez sa famille en passant par des villages albanais.
Quant aux menaces, insultes et intimidations dont font état les demandeurs, il convient de retenir que le récit des demandeurs ne fait pas ressortir que ces événements revêtent une gravité qui serait telle qu’il y aurait lieu de conclure que la vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine, mais caractérisent plutôt, certes tristement, le sort actuel des membres de la minorité serbe vivant au Kosovo face à une hostilité latente des Albanais à leur égard.
En outre, les auteurs présumés de ces agissements, à savoir des membres de la communauté albanaise, ne sont pas à considérer comme étant des agents étatiques, de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme acteurs de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006 que dans l’hypothèse où « il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b) [l’Etat ou des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci], y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves », ceci conformément aux dispositions de l’article 28 c) de la loi du 5 mai 2006.
Il ne ressort cependant pas des éléments du dossier que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place dans le pays d’origine des demandeurs ne soient ni disposées ni capables de leur assurer un niveau de protection suffisant, étant donné que les demandeurs n’ont pas fait état d’un quelconque élément concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. A cet égard la proposition faite par la police d’attendre que la situation se calme et que la route soit libérée au moment où Monsieur … a demandé une escorte pour accompagner sa femme à Vranje lors d’une barricade des routes le 6 août 2007 n’est en l’occurrence pas suffisante pour conclure à une absence d’une protection effective des autorités dans le cas des demandeurs. Il en est de même de la simple affirmation que la police ne serait pas à leur écoute en raison du fait que 90% des policiers au Kosovo seraient des Albanais. A cela s’ajoute qu’un rapport de l’OSCE relatif à … d’avril 2008 précise ce qui suit :
“Security Presence The Kosovo Police Service in Kamenicë/… municipality is comprised of 133 officers (101 Kosovo Albanian, 30 Kosovo Serb, one Kosovo Turk and one Roma; 111 are male and 22 female). The Captain/Station Commander is a Kosovo Serb. There are also six UNMIK police staff working in the station. The station was transferred from UNMIK to the Kosovo Police Service in December 2004 and UNMIK police has since been monitoring its work. In Kamenicë/… municipality, ethnically mixed Kosovo Police Service patrols have been operational.
US KFOR provides internal military presence.”1 S’il est dès lors certes exact que la police à … est majoritairement composée d’Albanais, il n’en reste pas moins qu’elle comporte également des membres faisant partie des minorités, que son commandant est un Serbe du Kosovo et que les patrouilles se composent de membres appartenant à différentes ethnies, de sorte qu’un défaut caractérisé de protection des autorités en place ne saurait être retenu.
Dans le jugement du tribunal administratif du 4 juin 2007 (n° 22669 du rôle) invoqué par les demandeurs, les intéressés provenaient de l’enclave serbe de Pasjane au Kosovo et faisaient état d’un incident grave et précis et d’une continuité d’insultes et d’harcèlements de la part de membres de la population albanaise du Kosovo. Etant donné dès lors que les faits à la base de la présente affaire diffèrent de ceux à la base du jugement du 4 juin 2007, Monsieur … et Madame … ne faisant pas état d’un événement grave et précis, la conclusion dégagée par ledit jugement ne saurait être appliquée par analogie à la présente affaire. A cela s’ajoute qu’il résulte encore du rapport de l’OSCE relatif à … d’avril 2008 que malgré les circonstances géographiques délicates et la diversité de la composition ethnique de ladite commune, la situation générale dans la commune est calme. En effet ledit rapport précise ce qui suit :
“1. Area and Population ● Kamenicë/… municipality is the most eastern municipality and borders with Serbia proper. The municipality covers an area of 523 square km and consists of 76 villages. The roads are generally in bad condition. Less than 25 per cent of the population is connected to the public water supply, namely in Kamenicë/… town and the surrounding villages.
1 http://www.osce.org/kosovo/13982.html ● The total population is estimated at 63,000, with approximately 82 per cent Kosovo Albanian, 17 per cent Kosovo Serbs and a small number of Kosovo Roma (approximately 500).
There are three Kosovo Serb areas in the municipality; the main area consists of eight villages to the south of Kamenicë/… town, bordering Serbia proper and is home to about 5,000 inhabitants.
The other two areas are around and to the north of Kamenicë/… town inhabited by some 6000 Kosovo Serb.
● According to UNHCR, since 2000, 397 Kosovo Serbs and 89 Kosovo Roma have returned to the municipality. However, many in the minority community appear to have departed the municipality due to economic hardship. [Source: UNHCR and Municipality Community Office] ● Sharing a border with Serbia proper has been a source of tension, with violence breaking out in the boundary region during the 2001 conflict in the Preševo Valley. Yet, despite the delicate geographical circumstances and the mixed ethnic composition, the overall situation in the municipality is calm.
● The municipality’s website is: www….-komuna.org”.2 Le tribunal est partant amené à conclure que les craintes éprouvées par les demandeurs en raison de leur origine ethnique et de la situation sécuritaire prévalant au Kosovo constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que les demandeurs aient établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays de provenance.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Selon l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, sont considérées comme atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Le tribunal constate qu’à l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs n’invoquent en substance pas d’autres motifs que ceux qui sont à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que les risques invoqués par les demandeurs de subir des 2 http://www.osce.org/kosovo/13982.html traitements inhumains ou dégradants de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo ne sont pas suffisamment sérieux et avérés pour justifier l’octroi d’un statut de protection subsidiaire, alors que leur récit ne fait que traduire un sentiment général d’insécurité. Il convient en outre de relever que la définition des atteintes graves donnée par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 précité implique une individualisation des atteintes graves, alors que « les risques auxquels la population d’un pays ou une partie de la population est généralement exposée ne constituent normalement pas en eux-mêmes des menaces individuelles à qualifier d’atteintes graves » (cf.
directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, considérant 26). En effet, la situation en matière de relations interethniques prévalant au Kosovo n’est pas, à elle seule, suffisante pour établir une impossibilité de retour à l’heure actuelle au Kosovo dans le chef des demandeurs.
Il s’ensuit que les demandeurs restent en défaut, au-delà de ces simples allégations et du sentiment d’insécurité partagé vraisemblablement par tous les membres de minorités ethniques au Kosovo, d’avancer un quelconque élément concret permettant au tribunal de retenir qu’ils risqueraient personnellement de subir des atteintes graves au sens du prédit article 37.
En outre, tel que cela a déjà été retenu ci-avant, les demandeurs n’ont soumis aucun indice concret dont il ressortirait une incapacité ou un refus actuels des autorités en place au Kosovo à leur fournir une protection adéquate.
De tout ce qui précède, c’est partant à juste titre que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, déclaré leur demande de protection internationale comme non fondée et que leur recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2.
Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 3 décembre 2007 a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le tribunal n’est dès lors pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de ce recours, les demandeurs font valoir qu’étant donné que la décision ministérielle encourrait réformation, sinon annulation, l’ordre de quitter devrait être réformé.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre prise dans le cadre de la procédure accélérée vaut ordre de quitter le territoire en conformité avec les dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers, 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.
Tel que développé ci-dessus, le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale, étant donné que les demandeurs n’ont pas fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, ni d'atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006. Il s’ensuit que le tribunal ne saurait, en principe, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Force est de constater que les demandeurs se contentent de solliciter l’annulation de la décision litigieuse sans avancer un quelconque moyen dirigé concrètement contre l’ordre de quitter le territoire y contenu. Le tribunal vient tel que développé ci-dessous, de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions pour prétendre à une protection internationale, de sorte qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire. Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’a y pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire ;
se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juillet 2008 par :
Paulette Lenert, vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Marc Sünnen, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
Schmit Lenert 10