Tribunal administratif N° 23657 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2007 Audience publique du 16 juillet 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23657 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2007 par Maître Alex Schmitt, avocat à la Cour, assisté de Maître Cédric Lorrain, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 14 août 2007 portant suspension de son permis de conduire un véhicule automoteur pour une durée de 12 mois ainsi que des permis de conduire internationaux ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 7 février au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en sa plaidoirie.
Par courrier du 10 août 2007 (référence : 493666/L02), le ministre des Transports, dénommé ci-après « le ministre », informa Monsieur … de ce qu’en raison d’une infraction aux règles du Code de la route commise en date du 21 juin 2006, telle que retenue par un jugement du tribunal de police de Luxembourg du 5 juin 2007, deux (2) points avaient été retirés du capital dont était doté son permis de conduire. Le ministre l’informa en outre qu’en raison de divers avertissements taxés antérieurs, respectivement d’une condamnation judiciaire en vertu d’un jugement de la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 12 janvier 2007, le capital de points dont était doté son permis de conduire avait déjà été réduit de dix (10) points, de sorte que le nombre de points restant était de zéro.
Par arrêté du 14 août 2007, le ministre, se basant sur les dispositions du paragraphe 3 de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, désignée ci-après comme « loi du 14 février 1955 », ordonna la suspension de la validité du permis de conduire de Monsieur … pour une durée de 12 mois, ladite suspension valant également à l’égard des permis de conduire internationaux lui délivrés sur le vu de son permis de conduire national.
Par requête déposée le 14 novembre 2007, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle du 14 août 2007 précitée.
Encore que le demandeur sollicite principalement l’annulation de l’arrêté du 14 février 2007 et seulement subsidiairement sa réformation, le tribunal est tenu d’examiner s’il existe un recours au fond en la matière, étant donné que la prévision par la loi d’une telle voie de recours aurait pour effet l’irrecevabilité du recours principal en annulation.
La loi du 14 février 1955 n’instaurant pas un recours au fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.
Le recours principal en annulation est par contre recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Monsieur … explique que par jugement du Tribunal de police de Luxembourg du 5 juin 2007, il aurait été condamné à une amende ainsi qu’à une interdiction de conduire pour deux mois avec sursis pour avoir conduit avec un taux d’alcool d’au moins 0,35 mg par litre d’air expiré en date du 21 juin 2006 à 23.50 heures à Luxembourg, rue de Hollerich. Suite à ce jugement, deux points auraient été retirés du capital dont était doté son permis de conduire et dont il ne restait que 6 points. Le demandeur explique que la même nuit il fut interpellé une deuxième fois et que suivant jugement de la treizième chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 12 janvier 2007, il aurait été condamné à une amende et à une peine d’interdiction de conduire de 12 mois avec sursis pour avoir conduit encore sous l’influence d’alcool en date du 22 juin 2006 à 1 heure du matin à Luxembourg, boulevard Royal. Suite à ce jugement, 4 points lui auraient été retirés du capital de points dont est doté son permis de conduire, capital qui se serait élevé à ce moment à précisément 4 points.
En droit, le demandeur fait valoir que l’article 2bis de la loi du 14 février 1955 prévoirait qu’en cas de concours idéal d’infractions, seule la réduction de points la plus élevée serait appliquée et qu’en cas de concours réel, la réduction de points se cumulerait dans la limite de 6 points lorsqu’il s’agirait exclusivement de contraventions et dans la limite de 8 points au cas où au moins un délit se trouverait parmi les infractions retenues. Dans la mesure où les deux infractions d’alcoolémie commises par lui, l’une en date du 21 juin 2006 à 23 heures 50 et l’autre en date du 22 juin 2006 à 1 heure du matin se trouveraient en concours idéal, une réduction unique de 4 points aurait dû être effectuée, au lieu de deux réductions distinctes, l’une de 2 points et l’autre de 4 points. Eu égard au fait que les délais pour faire appel des décisions émanant des juridictions pénales auraient expiré, l’intéressé demande que « la sanction du second jugement du 5 juin 2007 soit annulée et qu’il récupère deux points correspondant à la réduction la moins élevée ».
Le délégué du gouvernement rappelle que la réduction de points serait une sanction administrative qui interviendrait de plein droit, le ministre, qui ne disposerait d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière, étant dans l’obligation d’infliger le retrait de points chaque fois que les conditions d’application seraient réunies. En vertu du paragraphe 2 de l’article 2bis de la loi du 14 février 1955, la réduction à zéro du capital de points entraînerait automatiquement la suspension du droit de conduire pour une durée de 12 mois. Par ailleurs, la légalité de ces principes serait établie selon une jurisprudence constante des juridictions administratives.
Le délégué du gouvernement constate en outre que le recours en annulation introduit par le demandeur serait dirigé exclusivement contre l’arrêté ministériel du 14 août 2007 portant suspension de son droit de conduire pour la durée de 12 mois, arrêté qui comporterait, d’après le paragraphe 3 de l’article 2bis de la loi du 14 février 1955, uniquement le constat que la personne visée aurait perdu l’intégralité de son capital de points suite aux différentes décisions de retrait de points intervenus antérieurement. Il s’ensuivrait que les décisions sur lesquelles l’arrêté ministériel de suspension du permis de conduire serait basé, constitueraient des décisions de retrait antérieures qui n’auraient pas été contestées à l’époque et qui auraient dès lors acquis autorité de chose décidée. En effet, le moyen invoqué par le demandeur entendrait principalement énerver la validité de la décision de retrait de 2 points intervenue à la suite du jugement du Tribunal de police de Luxembourg du 5 juin 2007 et notifiée au demandeur par courrier ministériel du 10 août 2007. Cependant, étant donné, d’une part, que cette décision serait préalable et distincte par rapport à l’arrêté attaqué du 14 août 2007 et partant susceptible de faire l’objet d’un recours individuel et que, d’autre part, le demandeur n’aurait pas exercé les voies de recours lui ouvertes à l’encontre de la décision du 14 août 2007 jusqu’en date de ce jour, elle aurait acquis autorité de chose décidée et le ministre aurait valablement pu se fonder sur le fait que le dernier retrait de points aurait absorbé le capital de points du demandeur pour prononcer la suspension du droit de conduire.
A titre subsidiaire, le représentant étatique soulève qu’il y aurait « concours matériel ou réel d’infractions quand un individu a commis des infractions qui sont toutes encore à punir, c'est-à-dire lorsque, une première infraction n’étant pas encore définitivement jugée, le même individu en commet une ou plusieurs autres ; il est à ce sujet indifférent que les infractions soient liées entre elles par des circonstances de temps, de lieu ou de cause, ou qu’elles soient totalement indépendantes les unes des autres… ». Il ressortirait du dossier administratif que le demandeur aurait commis deux infractions de conduite sous influence d’alcool, l’une le 21 juin 2006 à 23 heures 50 et l’autre le 22 juin 2006 à 1 heure du matin, de sorte que les deux infractions se trouveraient incontestablement en concours réel, et non pas en concours idéal tel que le prétend le demandeur, ce dernier ayant commis la deuxième infraction à une époque où il n’aurait pas encore été condamné pour la première. Dans la mesure où le paragraphe 2 de l’article 2bis de la loi du 14 février 1955 prévoirait qu’en cas de concours réel d’infraction, la réduction de points se cumulerait dans la limite de 6 points lorsqu’il s’agirait exclusivement de contraventions et de 8 points lorsqu’au moins un délit se trouverait parmi les infractions retenues, le ministre aurait fait une correcte appréciation des dispositions légales en la matière.
Il convient de prime abord de relever que le recours introduit par le demandeur est, d’après le libellé du dispositif de la requête introductive d’instance, exclusivement dirigé contre l’arrêté ministériel précité du 14 août 2007 portant suspension du droit de conduire de 12 mois à l’encontre de Monsieur …, et non pas contre les décisions ministérielles antérieures ayant porté réduction de points à son égard.
Il convient également de relever que les moyens invoqués par le demandeur à l’appui de son recours entendent tous énerver la validité de la dernière réduction de 2 points opérée par le biais de la décision ministérielle antérieure du 10 août 2007. Cependant, le tribunal est amené à constater, à l’instar du délégué du gouvernement, que cette décision constitue une décision autonome, préalable et distincte par rapport à l’arrêté critiqué du 14 août 2007, lequel ne comporte, d’après l’article 2bis paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955, que le constat que la personne visée a perdu l’ensemble des 12 points dont son permis était affecté suite aux différentes décisions de réduction de points intervenues préalablement, et qu’elle est susceptible de faire l’objet de voies de recours propres.
Cependant, étant donné que le demandeur n’a pas exercé les voies de recours lui ouvertes à l’encontre de ces différentes décisions ministérielles pour contester les différents retraits de points y opérés, ces décisions ont acquis autorité de chose décidée et le ministre a valablement pu se fonder dans son arrêté critiqué sur le fait que lesdites réductions antérieures ont entièrement épuisé le capital de points dont le permis de conduire du demandeur était doté pour ordonner la suspension du droit de conduire du demandeur.
Les moyens du demandeur laissent partant d’être pertinents.
En l’absence d’autres moyens invoqués contre l’arrêté ministériel du 14 août 2007 critiqué, le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique du 16 juillet 2008 par le premier juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Schmit s. Gillardin 4