Tribunal administratif N° 23960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2008 Audience publique du 14 juillet 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de quotas laitiers
JUGEMENT
Vu la requête déposée le 18 janvier 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du 22 juin 2007 du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural et d’une décision confirmative prise par le même ministre le 17 octobre 2007 intervenue sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nathalie HENGEN, en remplacement de Maître Daniel BAULISCH et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juillet 2008.
Suivant contrat de location du 25 mars 1993, conclu entre Monsieur … agissant en sa qualité de bailleur, d’une part, et Monsieur … agissant en sa qualité de locataire, d’autre part, Monsieur … procéda au transfert du quota laitier disponible, à savoir 30.888 kg, sur son exploitation à destination de l’exploitation ….
Le 18 décembre 2006, la société civile … procéda à la résiliation dudit contrat de location.
Le 30 mars 2007, la société civile … introduisit auprès du service d’économie rurale du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural une demande afin de se voir allouer prioritairement la quantité de référence correspondant au contrat de location sur le fondement de l’article 13, paragraphe 1 du règlement grand-ducal modifié du 11 mars 2004 concernant l’application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement sur le lait, ci-après le règlement grand-ducal du 11 mars 2004 ; cette demande faisant par ailleurs mention du désaccord de Monsieur ….
1Le 11 avril 2007, le directeur du service d’économie rurale, ci-après dénommé « le directeur », fit parvenir à Monsieur … un courrier libellé comme suit :
« Betrifft : Milchquotenregelung; ministerielle Entscheidung vom 14. April 1993 betreffend die Uebertragung Ihrer Referenzmenge von 30.888 kg auf den Betrieb … aus… ;
Antrag von Herrn … auf Inanspruchnahme des Vorkaufrechtes auf die bislang von ihm zugepachtete Milchreferenzmenge gemäss den Bestimmungen von Artikel 13 Absatz (1) des grossherzoglichen Reglementes vom 11. März 2004.
Sehr geehrter Herr …, Hiermit möchte ich Sie darauf hinweisen, dass Herr … aus … einen Antrag auf Inanspruchnahme des Vorkaufrechtes für die bislang von Ihrem Betrieb zugepachtete Referenzmenge von 30.888 kg bei unserer Dienststelle eingereicht hat.
Ich entnehme diesem Antrag, dass Sie keine Einigung mit Ihrem bisherigen Pächter über die Verlängerung des geschlossenen Pachtvertrages beziehungsweise über die Inanspruchnahme des in Artikel 13 Absatz (1) des vorerwähnten Reglementes vorgesehenen Vorkaufsrechtes seitens Ihres Pächters hinsichtlich der bislang von Ihnen verpachteten Referenzmenge von 30.888 kg erreicht haben.
Infolgedessen sehe ich mich verpflichtet Sie darauf hinzuweisen, dass Sie, gemäß den Bestimmungen von Artikel 13 Absatz (4) des großherzoglichen Reglementes vom 11. März 2004, lediglich einen Teil von 50 Prozent der bislang an den Betrieb … aus … verpachteten Referenzmenge abzüglich eines Abschlags von 15 Prozent an einen anderen Produzenten definitiv übertragen können; die restlichen 50 Prozent der an den Betrieb … aus … verpachteten Referenzmenge werden unentgeltlich mit Wirkung vom 1. April 2007 der nationalen Reserve zugeführt.
Die vorliegende Mitteilung erfolgt in Anwendung des großherzoglichen Reglementes vom 8. Juni 1979 bezüglich der von den Staats- und Gemeindeverwaltungen einzuhaltenden Prozedur.
Demgemäß bitte ich Sie, zu der beabsichtigten Entscheidung Stellung zu nehmen. Sie haben die Möglichkeit innerhalb von 14 Tagen ab der Zustellung dieser Mitteilung lhre eventuellen Bemerkungen oder zusätzliche Elemente schriftlich oder mündlich dem Service d'Economie Rurale, Abteilung Milch und Milchprodukte, 115, rue de Hollerich, L — 1741 Luxemburg zu unterbreiten, damit im Rahmen der gesetzlichen Bestimmungen lhren eventuellen zusätzlichen Bemerkungen bei der definitiven Entscheidung Ihres Falles gebührend Rechnung getragen werden kann.
Falls Sie sich nicht innerhalb der obengenannten Frist bei uns gemeldet haben, so erklären Sie sich bereit, dass eine Entscheidung im vorgenannten Sinne getroffen wird ».
Le 23 avril 2007, le mandataire de Monsieur … fit parvenir au directeur les observations de son client relatives au courrier pré-mentionné, observations libellées comme suit :
2« Monsieur …, demeurant à L –…, me remet votre lettre datée du 11 avril 2007 et me prie de vous y répondre ce qui suit :
Le 18 décembre 2006 la s.c. … , établie et ayant son siège à L –…, a dénoncé le contrat de bail conclu en date du 25 mars 1993 entre Monsieur … et Monsieur … (annexe) relatif au quota laitier de 30.888 kg appartenant à Monsieur ….
Cette dénonciation n'a donc pas été faite par le locataire ….
Ce dernier, - ni d'ailleurs la s.c. A. … -, n'a pas non plus présenté à mon mandant une demande tendant à se voir allouer prioritairement la quantité de référence ci-avant (article 13 alinéa 2 et 1er du règlement grand-ducal du 11 mars 2004).
Le papier qui m'a été envoyé par fax par Monsieur …, sollicité par le SER, n'a pas de valeur légale et n'est pas opposable à Monsieur ….
Veuillez agréer, Monsieur le directeur, l'expression de mes sentiments distingués ».
Suite à une réunion entre le mandataire de Monsieur … et le service d’économie rurale n’ayant pas réussit à débloquer la situation entre les parties … et …, le directeur s’adressa au mandataire du demandeur en les termes suivants :
« Objet : régime des quotas laitiers ; dossier … de …/… de … – votre estimée du 23 avril 2007 ; notre entrevue du 14 mai 2007 – mon courrier du 11 avril 2007.
Maître, Me référant à votre courrier du 23 avril 2007 dans le dossier visé sous rubrique ainsi qu'à notre entrevue du 14 mai 2007, j'ai l'honneur de vous faire part des observations ci-
après :
Vous affirmez que le contrat de bail conclu en date du 25 mars 1993 entre votre mandant et Monsieur … de … n'a pas été dénoncé par le prénommé locataire mais par la s.c.
… de ….
J'en déduis que vous estimez que la dénonciation du contrat de bail n'a pas été faite dans la forme prévue par la loi.
Cette interprétation ne peut être partagée pour les raisons ci-après :
Monsieur … , agissant en sa qualité de chef d'exploitation de sa ferme sise à …, d'une part, et son fils …, agissant en sa qualité de successeur de l'exploitation paternelle, d'autre part, ont procédé en date du 20 octobre 2006 à la conclusion d'un contrat d'exploitation portant sur la gestion de la ferme familiale. Depuis lors, Monsieur … … participe non seulement activement en tant qu'assuré principal aux travaux sur ladite ferme mais est également co-responsable de la gestion de cette dernière puisqu'il détient 25 % des parts de l'exploitation paternelle. Depuis la signature dudit contrat d'association, Monsieur … ne peut dès lors plus agir seul au cas où il prend une décision engageant l'avenir de sa ferme, mais il est obligé de faire co-signer cette décision par son fils qui est appelé à lui succéder. Il résulte 3de ce qui précède que la dénonciation du contrat de bail précité par la s.c. … a été faite suivant les règles prévues.
Vous affirmez, par ailleurs, que Monsieur … , ni d'ailleurs la s.c. … , n'a présenté à votre mandant une demande tendant à se voir allouer prioritairement la quantité de référence de lait de 30.888 kg (quantité faisant l'objet du contrat de bail évoqué) dans le cadre des dispositions de l'article 13 paragraphe (1) 1er et 2e alinéas du règlement grand-ducal du 11 mars 2004 concernant l'application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement sur le lait.
Vous en concluez que la demande présentée en date du 30 mars 2007 par la s.c. … auprès du Service d'Economie Rurale en vue de se faire transférer prioritairement et définitivement la quantité de référence sus-indiquée moyennant le recours aux dispositions précitées, n'a pas de valeur légale et n'est par conséquent pas opposable à votre mandant.
Ce raisonnement n'est pas valide pour les raisons évoquées ci-après :
Avant de présenter ladite demande auprès du Service d'Economie Rurale, les sieurs … et … ont eu plusieurs contacts avec votre mandant en vue de trouver un terrain d'entente quant au sort définitif réservé à la quantité de référence ayant fait l'objet d'un transfert temporaire jusqu'au 31 mars 2007 dans le cadre du contrat de bail conclu. Lors d'une entrevue au début du mois de décembre 2006, les intéressés ont présenté une offre concrète à votre mandant en vue de faire appel au droit de préemption quant à la quantité de référence de lait de 30.888 kg, droit qui leur revient en application des dispositions réglementaires précitées. Or il s'est avéré que Monsieur … n'a pas réagi aux démarches répétées des sieurs … avant la fin de la période 2006/07.
Consécutivement à la résiliation du contrat de bail intervenue en date du 18 décembre 2006, les sieurs … ont dès lors été amenés à présenter en date du 30 mars 2007 auprès du Service d'Economie Rurale une demande au titre de l'article 13 paragraphe (1) 1 er et 2e alinéas du règlement précité, en mentionnant que ladite demande a été faite sans l'accord du bailleur.
Par ailleurs, je tiens à relever qu'il résulte d'un entretien téléphonique que vous avez eu avec M. … en date du 08 juin 2007 que Monsieur … n'entend plus entretenir de relations avec les sieurs … de ….
Au vu de ce qui précède, je ne puis que constater qu'il y a désaccord entre les parties concernées dans le dossier qui nous occupe de sorte que je me vois obligé de proposer à Monsieur le Ministre de prendre une décision dans ce dossier dans le sens indiqué dans mon courrier du 11 avril 2007.
Veuillez agréer, Maître, l'expression de mes sentiments distingués ».
Le 22 juin 2007, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, ci-après « le ministre », prit une décision libellée comme suit :
« Vu le règlement (CE) no 1788/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers ;
4 Vu le règlement (CE) no 595/2004 de la Commission du 30 mars 2004 portant modalités d'application du règlement (CE) no 1788/2003 du Conseil établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers ;
Vu le règlement grand-ducal modifié du 11 mars 2004 concernant l'application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement sur le lait et notamment son article 13 paragraphes (1), (2) et (4) ;
Vu la décision ministérielle du 14 avril 1993 portant sur le transfert d'une quantité de référence de lait de 30.888 kg en provenance de l'exploitation … de … à destination de l'exploitation … de … ;
Considérant que les producteurs … de … ont présenté une demande dans le cadre de l'article 13 paragraphe (1) du règlement grand-ducal prémentionné en vue de se faire allouer prioritairement la quantité de référence précitée, quantité initialement transférée dans le cadre d'un bail à ferme ;
Considérant qu'il résulte de la demande précitée que le bailleur, en l'occurrence Monsieur … de …, a refusé de donner son accord à l'exercice du droit réservé par l'article 13 paragraphe (1) du règlement grand-ducal prémentionné aux locataires sortants, en l'occurrence aux producteurs … de … ;
Considérant que le bailleur prénommé a été informé par courrier du 11 avril 2007 des suites que comporte pour lui le refus à l'exercice du droit de préemption réservé aux locataires sortants ;
Considérant que l'intéressé a réagi au courrier précité par l'intermédiaire de son conseiller, sans toutefois présenter d'éléments nouveaux au dossier ;
Considérant que le conseiller de Monsieur … a, par ailleurs, signalé que son mandant n'entendait plus entretenir de relations avec les producteurs … ;
Considérant qu'il y a dès lors lieu de constater qu'il y a désaccord entre parties quant au sort définitif réservé à la quantité de référence de lait précitée ;
Considérant que Monsieur … de … n'envisage plus de reprendre la production laitière sur son exploitation ;
Considérant que l'intéressé a été informé par courrier du 18 juin 2007, par l'intermédiaire de son conseiller, que le sort de la quantité de référence de lait précitée sera définitivement réglé dans le cadre des dispositions de l'article 13 paragraphe (4) du règlement grand-ducal prémentionné ;
Considérant qu'il s'en suit que Monsieur … de … ne se voit réallouer qu'une part égale à 50 % de la quantité de référence de 30.888 kg initialement transférée dans le cadre d'un bail à ferme sur l'exploitation … de … ;
5Considérant que la part restante de 50 % de cette dernière quantité est cédée sans compensation à la réserve nationale;
Considérant qu'il y a lieu de révoquer la décision ministérielle du 14 avril 1993 sus-
mentionnée ;
Décide:
Art. 1er En application de l'article 13 paragraphe (4) du règlement grand-ducal modifié du 11 mars 2004 concernant l'application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement sur le lait, Monsieur … de … (no d'expl. : 418 – 420) se voit réallouer, avec effet au 1et. avril 2007, une part de 50 %, soit 15.444 kg de la quantité de référence de lait initialement transférée sur l'exploitation … de … (no d'expl : 419 – 450) dans le cadre d'un bail à ferme.
Art. 2. La part non réallouée de la quantité de référence initialement transférée sur l'exploitation …, à savoir 15.444 kg est cédée sans indemnisation à la réserve nationale avec effet au 1er avril 2007(…) ».
Le 13 septembre 2007, le mandataire de Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle du 22 juin 2007 en insistant qu’aux termes de ladite décision une quantité de référence initialement transférée sur l’exploitation … a été cédée sans indemnisation à la réserve nationale. Il conteste par ailleurs qu’il ait été abordé par les locataires sortant quant au sort à réserver aux quotas laitiers. Il ajoute que « le contrat de bail conclu avec mon client a été résilié par une personne morale, en l’occurrence une dénommée société civile portant la dénomination « … SOCIETE CIVILE ». La lettre de résiliation ne saurait partant produire d’effets juridiques à l’encontre de mon client qui a signé un contrat de bail avec Monsieur … en nom personnel ».
Le 17 octobre 2007, le ministre fit parvenir au mandataire de Monsieur … une décision confirmative de sa décision initiale en la motivant comme suit :
« Objet : régime des quotas laitiers ; dossier … de …/… de … — recours gracieux présenté par M. … ; votre estimée du 13 septembre 2007.
6Maître, Par la présente j'ai l'honneur d'accuser réception de votre estimée du 13 septembre 2007 moyennant laquelle vous présentez, pour compte du sieur … de …, un recours gracieux contre ma décision du 22 juin 2007, décision prise en matière de quotas laitiers.
Les considérations que vous avancez dans votre estimée précitée appellent les observations suivantes de ma part :
Vous contestez en premier lieu une des affirmations qui sont à la base de ma décision du 22 juin 2007 à savoir celle que les producteurs … de … ont présenté une demande auprès du Ministère de l'Agriculture de laquelle il résulte que votre mandant a refusé de donner son accord à l'exercice du droit réservé aux locataires sortants par l'article 13 paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 11 mars 2004 concernant l'application, au Grand-Duché de Luxembourg, du régime de prélèvement sur le lait.
Cette contestation ne peut pas être prise en compte du fait que le Service d'Economie Rurale, agissant en sa qualité d'autorité compétente en matière d'application du régime des quotas laitiers au Luxembourg, dispose d'une demande émanant des producteurs … et présentée dans le cadre de l'article 13 paragraphe (1) du règlement précité, demande de laquelle il résulte clairement que cette dernière a été présentée sans l'accord de M. ….
Vous affirmez en second lieu que Monsieur … n'a, à aucun moment, été abordé par les locataires sortants quant au sort à réserver aux quotas laitiers.
Compte tenu des informations écrites dont le service compétent dispose dans ce dossier, les sieurs … et … ont eu plusieurs contacts avec votre mandant en vue de trouver un terrain d'entente quant au sort définitif réservé à la quantité de référence ayant fait l'objet d'un transfert temporaire jusqu'au 31 mars 2007 dans le cadre du contrat de bail conclu.
En effet, lors d'une entrevue au début du mois de décembre 2006, les intéressés ont présenté une offre concrète à votre mandant en vue de pouvoir faire appel au droit de préemption pour la quantité de référence de lait de 30.888 kg, droit qui leur revient en application des dispositions réglementaires précitées. Au cours du mois de mars 2007 M. … junior a pris de nouveau contact par téléphone avec M. … en vue d'obtenir sa réaction quant à l'offre qui lui a été faite. Or il s'est avéré que Monsieur … n'a pas réagi aux démarches répétées des sieurs … avant la fin de la période 2006/07 (31 mars 2007) ce qui a amené les intéressés à présenter la demande dont question ci-dessus.
Il résulte de ce qui précède que votre affirmation complémentaire visant à considérer les indications contenues dans la demande introduite par les sieurs … comme fausses et contraires à la réalité n'est pas valide.
Vous estimez par ailleurs que la dénonciation du contrat de bail conclu en date du 25 mars 1993 entre votre mandant et M. … est dénuée d'effets juridiques pour avoir été faite par la société civile « … ».
Je tiens à vous informer que je ne partage pas le raisonnement que vous menez à propos de cette dénonciation et ceci pour le motif ci-après :
7 Monsieur … , agissant en sa qualité de chef d'exploitation de sa ferme sise à …, d'une part, et son fils …, agissant en sa qualité de successeur de l'exploitation paternelle, d'autre part, ont procédé en date du 20 octobre 2006 à la conclusion d'un contrat d'exploitation portant sur la gestion de la ferme familiale. Depuis lors, Monsieur … … participe non seulement activement en tant qu'assuré principal aux travaux sur ladite ferme mais est également co-responsable de la gestion de cette dernière puisqu'il détient 25 % des parts de l'exploitation patemelle. Depuis la signature dudit contrat d'association, Monsieur … ne peut dès lors plus agir seul au cas où il prend une décision engageant l'avenir de sa ferme, mais il est bien obligé de faire co-signer cette décision par son fils qui est appelé à lui succéder. Il résulte de ce qui précède que la dénonciation du contrat de bail par la s.c. … est parfaitement valable.
Compte tenu des considérations qui précèdent, je suis au regret de vous informer que je me vois obligé de rejeter le recours gracieux que vous venez d'introduire pour compte de Monsieur … et de confirmer ma décision du 22 juin 2007 ».
Par requête déposée le 18 janvier 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 22 juin 2007 et celle confirmative du 17 octobre 2007.
Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le contrat de bail conclu portant sur les quotas laitiers aurait été résilié par la société civile … , de sorte que la lettre de résiliation ne saurait produire d’effets juridiques à son encontre parce qu’il aurait conclu le contrat de location avec Monsieur … en nom personnel. Il ajoute que le locataire aurait manqué à faire réviser son contrat signé en date du 25 mars 1999 de commun accord afin que les mêmes obligations contractuelles soient reprises par la société civile nouvellement créée. Il conclut dès lors à l’annulation des décisions litigieuses.
Le délégué du Gouvernement fait sien le raisonnement adopté aussi bien par le directeur que par le ministre.
Il est constant que le contrat de bail conclu le 25 mars 1993 entre Monsieur … et Monsieur … a été résilié le 18 décembre 2006 par la société civile … . En effet la lettre de résiliation du 18 décembre 2006 porte l’entête de « … Société civile », est rédigée au nom de ladite société « Wir, Unterzeichnete, … » et porte une double signature « … ».
Il est également constant que la société civile constitue une personne morale1 distincte des membres qui la composent.
Il s’en suit que dans la mesure où le contrat de bail conclu en date du 25 mars 1993 a été conclu par Monsieur … en son nom propre, la société civile … constituant une personne morale distincte des membres qui la composent et ne revêtant pour le surplus pas la qualité de 1 Cf. Cour 11 mars 1875, Pasicrisie 1, p. 63 et Cour 11 mars 1999, Pasicrisie 31, p. 124 in Code civil annotations sous l’article 1832 et suivants 8locataire, n’ayant la qualité de partie au contrat initial conclu, n’a pas pu valablement résilier le bail en question. La résiliation ainsi pratiquée est dès lors restée sans effet juridique à l’égard de la partie demanderesse.
Etant donné que la première condition déclenchant les procédures respectives telles que prévues à l’article 13 du règlement grand-ducal du 11 mars 2004 engendrant la prise des décisions ministérielles correspondantes constitue nécessairement la résiliation régulière du contrat de bail ayant pour objet la quantité de référence de quotas laitiers, il y a lieu de retenir, au vu de ce qui précède, que les décisions litigieuses encourent l’annulation pour violation de la loi.
La considération avancée par la partie étatique en ce que nonobstant le moyen soulevé le demandeur aurait procédé à la vente de la partie de la quantité de référence lui allouée à la suite et par l’effet de la résiliation du contrat de bail ne saurait porter à conséquence. En effet le demandeur a dès le début soulevé le moyen mettant en cause la validité de la résiliation ainsi effectuée. Le demandeur a encore soulevé le même moyen dans le cadre de son recours gracieux. Cependant le ministre, en adoptant une autre analyse juridique, n’a pas tenu compte de ce moyen et a considéré le contrat de bail comme valablement résilié pour mettre en œuvre la procédure telle que prévue à l’article 13 (4) du règlement grand-ducal du 11 mars 2004. A cela s’ajoute que la quantité de référence réallouée à Monsieur … ne lui a pas été réallouée par l’effet de la résiliation du contrat de bail, mais par la décision ministérielle litigieuse du 22 juin 2007 et notamment parce que le ministre a considéré, malgré les réserves émises à ce sujet par le demandeur, que le contrat de location a été résilié suivant les règles prévues.
Dans la mesure où les décisions litigieuses encourent l’annulation au vu de l’examen de ce seul moyen, l’examen des autres moyens et des développements y relatifs devient surabondant.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant annule les décisions des 22 juin et 17 octobre 2007 du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2008 par :
Paulette Lenert, vice-président, Catherine Thomé, premier juge, 9Claude Fellens, juge en présence de Arny Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 10