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09/07/2008 | LUXEMBOURG | N°23893

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2008, 23893


Tribunal administratif N° 23893 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 décembre 2007 Audience publique du 9 juillet 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23893 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 2007 par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Trans...

Tribunal administratif N° 23893 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 décembre 2007 Audience publique du 9 juillet 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23893 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 2007 par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Transports du 25 septembre 2007 portant retrait de son permis de conduire des catégories C et C + E, des sous-catégories C1 et C1 + E et de ses permis de conduire internationaux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2008 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 9 juin 2008.

Monsieur … s’est vu délivrer un permis de conduire de la catégorie B le 15 juillet 1966 et un permis de conduire des catégories C et C + E le 29 mai 1978. Afin d’obtenir ces permis de conduire, Monsieur … fit parvenir au ministère des Transports des certificats médicaux des Dr … respectivement Dr … qui ne firent état d’aucun problème de santé.

En vu des renouvellements du permis de conduire des catégories C et C + E, Monsieur … versa au ministère des Transports un certificat médical du Dr … du 29 juin 1989 qui ne fit état d’aucun problème de santé. En vu du renouvellement du permis de conduire des catégories B, C et C + E, Monsieur … versa au ministère des Transports un certificat médical du Dr … du 21 février 2000 qui ne fit pas non plus état d’aucun problème de santé.

Le 9 janvier 2001, Monsieur … s’adressa au ministère des Transports afin d’obtenir une carte de stationnement pour personnes handicapées en raison du fait qu’il a subi deux interventions neurochirurgicales, documentées par un certificat médical du Dr … et par un rapport du 15 décembre 2000 du Dr … de l’Hôpital de Hautepierre de Strasbourg.

Le 26 janvier 2001 le médecin délégué du Contrôle médical de la Sécurité sociale proposa de faire délivrer une carte de stationnement à Monsieur … pour une durée de six mois, de sorte que le ministre des Transports, s’étant rallié à cet avis, délivra une carte de stationnement pour personnes handicapées en date du 1er février 2001.

Monsieur … fit parvenir au ministre des Transports un certificat médical établi le 20 juin 2001 par le Dr … suite auquel il fut convoqué par courrier du 6 décembre 2001 devant la Commission médicale pour y être entendu le 23 janvier 2002.

Par avis du 23 janvier 2002 la Commission médicale émit un avis favorable pour le permis de conduire des catégories B, C et C + E et proposa le renouvellement de la carte de stationnement pour personnes handicapées auquel se rallie le ministre des Transports.

En vue du renouvellement de son permis de conduire des catégories C et C + E, Monsieur … fit parvenir au ministère des Transports un certificat médical du 17 mars 2005 du Dr … , qui ne fit état d’aucun problème médical majeur. Le 23 mars 2005 son permis de conduire des catégories C et C + E fut renouvelé.

Le 15 juin 2007 Monsieur … introduisit encore une demande en obtention d’une carte de stationnement pour personnes handicapées accompagnée d’un certificat médical du Dr … et/ou Dr … suite à laquelle Monsieur … fut convoqué devant la Commission médicale par lettre recommandée du 24 juillet 2007 pour le 29 août 2007.

Au vu des déclarations de Monsieur …, notamment qu’il ne conduit pas de camions, et de l’examen médical, la Commission médicale émit un avis favorable pour le permis de conduire de la catégorie B avec boîte automatique, proposa le retrait du permis de conduire des catégories C et C + E et proposa de délivrer une carte de stationnement pour personnes handicapées à titre permanent. Par arrêté du 25 septembre 2007, le ministre des Transports se rallia à cet avis. Cet arrêté est libellé comme suit :

« Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Considérant que pour la raison reprise sous 4) du paragraphe 1er de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée une mesure administrative s’impose à l’égard de Monsieur …, ne le … et demeurant à L-… ;

Considérant que l’intéressé a été entendu le 22 août 2007 dans ses explications par la Commission médicale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précitée ;

Vu l’avis du 29 août 2007 de la Commission médicale précitée ;

Considérant que Monsieur … souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ;

Arrête Art. 1er. - Le permis de conduire des catégories C et C + E ainsi que des sous-

catégories C1 et C1 + E délivré à Monsieur … préqualifié est retiré. Sont en outre retirés les permis de conduire internationaux délivrés à l’intéressé sur le vu du susdit permis national.

Le permis de conduire des catégories A, B et F portera la restriction suivant : « Uniquement valable pour la seule conduite de véhicules équipes d’un embrayage automatique et d’un changement de vitesse automatique ».

Art. 2. – Le présent arrêté sera expédié à l’intéressé qui est tenu de présenter ou de faire présenter dans la quinzaine son permis de conduire au Service des permis de conduire pour y faire inscrire la restriction précitée.

L’omission de faire effectuer l’inscription est susceptible de poursuites judiciaires et pourra être punie d’une amende de 63 euros à 1.250 euros. Le refus d’exécution la présente décision entraînera en outre des mesures administratives pouvant aller jusqu’au retrait administratif pur et simple du permis de conduire.

Art. 3. – Le présent arrêt est susceptible d’un recours gracieux à présenter par écrit au ministre des Transports. Il est en outre susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par ministère d’avocat inscrit endéans les trois mois à partir du jour de la notification du présent arrêté. » Par recours introduit en date du 28 décembre 2007, Monsieur … a sollicité l’annulation de l’arrêté ministériel du 25 septembre 2007.

Le délégué du Gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours pour tardiveté.

En vertu de l’article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant la juridiction administrative : « […] le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifié au requérant ou du jour ou le requérant a pu en prendre connaissance. » La charge de la preuve relativement au moyen d’irrecevabilité pour cause de tardivité soulevé incombe à la partie qui s’en prévaut.1 En l’espèce la partie étatique ne prouve pas que la décision qui date du 25 septembre 2007 ait été notifiée au demandeur avant le 28 septembre 2007, de sorte que le moyen de la tardivité du recours laisse d’être vérifié en espèce.

Partant, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que contrairement à l’avis de la Commission médicale il disposerait de toutes ses aptitudes et capacités de conduire et qu’il aurait besoin de son permis de conduire sans la moindre restriction, alors qu’il serait amené, dans le cadre de sa fonction, à conduire toutes sortes d’engins pour lesquels il aurait impérativement besoin d’un permis de conduire. Il relève qu’en vertu de l’article 1er de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies 1 TA 15 décembre 2004, n° 10784 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n°121, p. 682 publiques, ci-après « la loi du 14 février 1955 », le refus des permis de conduire, la restriction de leur emploi ou de leur validité, leur suspension et leur retrait sont justifiés uniquement par une des six conditions limitativement énumérées au paragraphe 2. En espèce, il s’agirait probablement du point 4 de l’article 2 précité, à savoir que l’intéressé souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire. En effet, on ne pourrait déduire de la décision attaquée de quelle infirmité voire trouble il serait atteint dans la mesure où l’avis de la Commission médicale n’aurait pas été annexé.

Le délégué du Gouvernement estime que la décision déférée aurait été prise dans le respect des formes légales. Quant à l’allégation du demandeur selon laquelle celui-ci disposerait de toutes ses aptitudes et capacités de conduire, le délégué du Gouvernement renvoie au certificat médical du 15 juin 2007 précité duquel il résulterait que le demandeur présente notamment une « Incapacité totale de soulever le pied gauche », ce qui obligerait l’intéressé à conduire un véhicule avec boîte automatique. En ce qui concerne l’affirmation du demandeur que dans le cadre de sa fonction il serait obligé de conduire toute sorte d’engins, le délégué du Gouvernement fait valoir que le demandeur aurait déclaré devant la Commission médicale ne plus conduire de camions, de sorte que s’il avait fait part à la Commission médicale qu’il voulait ou qu’il serait à même de conduire une voiture à embrayage manuel et qu’il conduit ou qu’il serait amené à conduire des camions, la Commission médicale aurait proposé de faire effectuer un test pratique par l’expert de la Commission médicale tel que prévu à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlementation de la circulation sur toutes les voies publiques, d’une part sur un véhicule avec embrayage manuel et d’autre part sur un camion ou un engin correspondant à la catégorie C.

Aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955, « Le ministre des Transports ou son délégué délivre les permis de conduire civils; il peut refuser leur octroi, restreindre leur emploi ou leur validité, les suspendre et les retirer, refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé:

1) présente des signes manifestes d’alcoolisme ou d’autres intoxications;

2) n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabileté ou de maladresse suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière;

3) est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule;

4) souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire;

5) refuse d’exécuter la décision du ministre des Transports l’invitant à produire un certificat médical récent ou à faire inscrire sur le permis de conduire la prolongation ou le renouvellement de la période de stage ou la restriction de son droit de conduire;

6) a fait une fausse déclaration ou usé de moyens frauduleux pour obtenir un permis de conduire, son renouvellement ou sa transcription. » En l’espèce force est de constater que si l’avis de la Commission médicale se base sur un certificat médical du Dr … du 4 juillet 2007 qui n’est pas versé en cause et sur les déclarations du demandeur, à savoir qu’il conduit une voiture à boîte automatique et qu’il ne conduit pas de camions, ces éléments ne sont cependant pas suffisants pour justifier la restriction que le permis de conduire de la catégorie B n’est uniquement valable que pour la seule conduite de véhicules équipés d’un embrayage automatique et d’un changement de vitesse automatique et le retrait du permis de conduire de la catégorie C et C + E ainsi que des sous-catégories C1 et C1 + E.

En effet, au vu des contestations du demandeur quant aux conclusions de la Commission spéciale, les pièces versées au dossier ne sont pas suffisantes pour permettre de prouver les infirmités ou les troubles susceptibles d’entraver les aptitudes ou capacités de conduire du demandeur. Ainsi les seules déclarations non contestées du demandeur qu’il conduirait un véhicule à boîte automatique et non des camions ne sauraient constituer une base suffisante pour conclure à une incapacité du demandeur de conduire un véhicule à boîte manuelle ou de conduire un camion.

Le tribunal ne se trouvant pas être outillé pour résoudre la question de fait d’ordre médical tenant à l’évaluation in concreto des infirmités ou des troubles susceptibles d’entraver les aptitudes ou capacités de Monsieur … de conduire un véhicule à boîte manuelle ou de conduire un camion, il y a lieu, avant tout autre progrès en cause, de recourir aux lumières d’un expert ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, avant tout autre progrès, nomme expert Monsieur Michel KRUGER, neurologue, demeurant à L-4011 Esch-sur-Alzette, 23-25, rue de l’Alzette, avec la mission d’évaluer si Monsieur … présente les capacités physiques suffisantes pour conduire d’une part un véhicule avec embrayage manuel et d’autre part un camion ;

invite l’expert à remettre son rapport pour le 31 octobre 2008 au plus tard et à solliciter un report de ce délai au cas où il n’arriverait pas à remettre son rapport dans le délai lui imparti ;

ordonne au demandeur de consigner la somme 1.000 € (mille euro) à titre d’avance sur les frais et honoraires de l’expert à la caisse des consignations et d’en justifier au tribunal ;

réserve les frais ;

fixe l’affaire au rôle général ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2008 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge, Claude Fellens, juge en présence de Arny. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23893
Date de la décision : 09/07/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-07-09;23893 ?

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