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16/06/2008 | LUXEMBOURG | N°23719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juin 2008, 23719


Tribunal administratif N° 23719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2007 Audience publique du 16 juin 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d’imposition Luxembourg IX en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 23719 du rôle et déposée le 28 novembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur

le revenu portant sur l’année 2005, émis le 21 mars 2007 par le bureau d’imposition IX de Lux...

Tribunal administratif N° 23719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2007 Audience publique du 16 juin 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d’imposition Luxembourg IX en matière d’impôt sur le revenu

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Vu la requête inscrite sous le numéro 23719 du rôle et déposée le 28 novembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu portant sur l’année 2005, émis le 21 mars 2007 par le bureau d’imposition IX de Luxembourg, de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2008 par Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin déféré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Monsieur … en ses explications et Monsieur le délégué du Gouvernement Claude LICK en ses plaidoiries à l’audience du 4 juin 2008.

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Le bureau d'imposition Luxembourg IX de l’administration des Contributions directes, section des personnes physiques, émit le 21 mars 2007 à l’attention de Monsieur … un bulletin de l’impôt sur le revenu portant sur l’année 2005.

Monsieur … formula une réclamation contre ce bulletin de l’impôt sur le revenu par lettre du 1er juin 2007. A travers cette réclamation il contesta le fait que le bureau d’imposition ait refusé la déductibilité au titre de charges extraordinaires d’un montant de 11.509,07.- euros relatif à l’insonorisation de sa maison.

A défaut de réaction lui parvenue endéans un délai de 6 mois de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur … a introduit le 28 novembre 2007 un recours en réformation à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 2005 émis le 21 mars 2007.

Aux termes des dispositions combinées des articles 8 (3) 1. et 3. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et du paragraphe 228 de la loi générale des impôts modifiée du 21 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », le tribunal administratif est compétent pour statuer comme juge du fond sur les recours contre des bulletins de l’impôt sur le revenu en cas de silence du directeur pendant plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

Le demandeur expose en substance à l’appui de son recours habiter à proximité immédiate de la cour de récréation de l’école centrale de Sandweiler qui serait utilisée par des jeunes en-dehors des heures d’école pour des activités diverses qui généreraient un bruit insupportable. Monsieur … aurait été obligé de remplacer les fenêtres de son habitation à cause de ces nuisances sonores par des fenêtres à isolation spéciale, les nuisances sonores ayant selon ses dires des répercussions sérieuses sur sa santé.

Il souligne en particulier que sa maison disposait d’ores et déjà de fenêtres à double vitrage, mais que cette isolation se serait avérée être insuffisante, de sorte qu’il aurait dû recourir à des mesures d’isolation spéciales fort onéreuses et qu’il serait indéniable que sa maladie serait en relation causale directe avec le bruit causé par les activités – souvent nocturnes – des jeunes. Enfin, il donne à considérer que les charges engendrées par les mesures d’isolation seraient inévitables, alors que, d’une part, il n’aurait pas pu envisager de déménager au vu de sa situation financière et familiale et que, d’autre part, la commune de Sandweiler n’aurait rien entrepris afin d’interdire l’accès à la cour de récréation en-dehors des heures de cours.

Il estime dès lors être en droit de bénéficier d’un abattement de revenu imposable du fait de ces frais d’isolation acoustique qui devraient être considérés comme charges extraordinaires au sens de l’article 127 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (ci-après « LIR »).

Le délégué du Gouvernement, pour sa part, donne à considérer qu’aux termes de l’article 127 LIR, l’abattement de revenu imposable ne serait accordé que si la charge remplit simultanément trois conditions, à s’avoir qu’elle doit être extraordinaire, qu’elle doit être inévitable et qu’elle doit réduire la faculté contributive du contribuable de façon considérable.

Or en l’espèce, la partie étatique estime que la charge litigieuse ne serait ni extraordinaire, alors qu’elle incomberait de la même manière à tous les contribuables qui remplacent des fenêtres simples par des fenêtres isolantes, ni inévitable, car la situation l’ayant engendrée n’aurait pas été provoquée par une contrainte ou nécessité extérieure, donc indépendante de la volonté du contribuable de façon qu’il n’a pu s’y soustraire. Au contraire, Monsieur … se serait imposé lui-même les frais d’isolation litigieux, qui résulteraient de son libre choix, de sorte à échapper aux dispositions de l’article 127 LIR.

La partie étatique souligne par ailleurs que les dépenses en cause, loin de constituer des frais de maladie, pourraient tout au plus être considérées comme frais d’obtention dans la catégorie des revenus provenant de la location de biens, mais ne seraient pas, comme tels, à prendre en considération comme charges extraordinaires.

L’article 127 LIR dispose en ses paragraphes 1 à 4 que : « (1) Sur demande le contribuable obtient un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires qui sont inévitables et qui réduisent d’une façon considérable sa faculté contributive.

(2) Le contribuable est censé avoir des charges extraordinaires lorsqu’il a des obligations qui n’incombent normalement pas à la majorité des contribuables se trouvant dans une situation analogue quant à la situation familiale et quant à l’importance des revenus et de la fortune. Ne sont toutefois pas à prendre en considération les charges et dépenses déductibles à titre de dépenses d’exploitation, de frais d’obtention ou de dépenses spéciales.

(3) Une charge extraordinaire est inévitable au sens du présent article, lorsque le contribuable ne peut s’y soustraire pour des raisons matérielles, juridiques ou morales.

(4) Les charges extraordinaires réduisent la faculté contributive d’une façon considérable dans la mesure où elles dépassent les pourcentages de revenu [désignés au tableau faisant partie intégrante du paragraphe en question] ».

Pour qu’un contribuable puisse bénéficier d’un abattement, l’article 127 précité pose trois conditions de fond qui doivent être remplies cumulativement, à savoir a) la charge doit être extraordinaire, b) elle doit être inévitable et c) elle doit réduire la faculté contributive du contribuable de façon considérable.

Il convient donc de vérifier si les différentes conditions de l’article 127 LIR, telles qu’énoncées ci-dessus, sont remplies dans le cas d’espèce.

Le caractère extraordinaire d’une charge se déduit du fait qu’elle n’incombe normalement pas à la majorité des contribuables se trouvant dans une situation analogue du point de vue de la situation familiale et quant à l’importance des revenus et de la fortune. Le demandeur indique à cet égard que les fenêtres installées seraient non pas des fenêtres à double vitrage standard, mais des fenêtres à isolation spéciale et renvoie à sa situation médicale.

Il résulte en l’espèce des explications du demandeur que le caractère extraordinaire des charges litigieuses ne résulte pas directement de la proximité de son habitation avec une place de jeu accueillant des activités incommodantes, mais du fait que les nuisances générées par ces activités auraient des répercussions graves sur sa santé, lesquelles exigeraient des mesures d’isolation spéciales.

Or il n’appert ni des écrits du demandeur ni des pièces versées en cause qu’une telle relation causale soit établie en l’espèce. En effet, si le demandeur affirme la nécessité médicale de ces mesures d’isolation, une telle nécessité n’est pas documentée par un quelconque certificat médical, le seul fait que le demandeur se soit vu autoriser en 2005 un traitement stationnaire à la « Tinitus-Klinik Arolsen » en Allemagne, en-dehors de toute explication quant la justification médicale précise d’un tel séjour, n’étant à cet égard pas suffisant.

Concernant le caractère inévitable des frais exposés par le demandeur, si celui-ci explique que sa situation familiale et sa situation financière l’auraient en quelque sorte contraint d’emménager dans la maison voisine, également sise à proximité immédiate de la place de jeu en question, ces explications laissent cependant en l’espèce de convaincre le tribunal. En effet, si le fait qu’il était plus facile pour le demandeur de déménager dans une maison « bi-familiale » qui lui appartenait déjà en partie et où il disposait d’un droit de préemption relatif à la seconde partie est certes plausible, tout comme d’ailleurs les explications fournies en cause relatives aux avantages fiscaux résultant du fait que le demandeur ait habité lui-même la maison dont il est propriétaire, il n’en reste pas moins que ces circonstances ne présentent pas le caractère d’inévitabilité au sens de l’article 127 LIR, étant donné qu’il ne résulte pas des explications du demandeur pourquoi ces circonstances présenteraient une contrainte à laquelle le demandeur ne pouvait pas se soustraire pour des raisons matérielles, juridiques ou morales et qui auraient contraint le demandeur, plutôt que de déménager ailleurs, de déménager dans la maison voisine de celle où il était prétendument exposé aux nuisances insupportables résultant des activités notamment nocturnes pratiquées sur l’aire de jeu.

Il n’appert par ailleurs pas non plus pourquoi le demandeur aurait été incapable de se soustraire pour des raisons matérielles, juridiques ou morales aux nuisances sonores, en-

dehors de l’option lui ouverte de déménager en un autre endroit, en agissant directement à l’encontre de ces mêmes nuisances, notamment en agissant à l’encontre du propriétaire de l’aire de jeu en question, à savoir l’administration communale de Sandweiler, sur base de la théorie des troubles de voisinage ou encore sur base de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques afin d’obtenir soit la cessation de ces troubles, soit des dommages et intérêts tenant respectivement compte de la dévalorisation de son immeuble, de sa perte de qualité de vie ou des frais d’isolation exposés.

Il appert au contraire d’un courrier adressé le 18 octobre 2004 par le demandeur au contrôle médical de la Sécurité sociale que s’il avait initialement envisagé d’introduire une action à l’encontre de l’administration communale de Sandweiler, il aurait cependant abandonné une telle idée pour des raisons de convenance personnelle (« Für einen Rechtstreit mit der Gemeinde fehlt mir der Mumm und auch die Unterstützung der Familie »).

Etant donné que deux des trois conditions de fond posées par l’article 127, alinéa 1er LIR laissent d’être vérifiées dans le chef des frais d’isolation litigieux, ceux-ci ne sauraient être déduits du revenu imposable en qualité de charges extraordinaires pour l’année 2005, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

le déclare cependant non fondé et en déboute ;

met les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juin 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23719
Date de la décision : 16/06/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-06-16;23719 ?

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