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09/06/2008 | LUXEMBOURG | N°23839

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2008, 23839


Tribunal administratif Numéro 23839 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 décembre 2007 Audience publique du 9 juin 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23839 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2007 par Maître Véli TORUN, avocat à la Cour assisté de Maître Faisal

QURAISHI, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif Numéro 23839 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 décembre 2007 Audience publique du 9 juin 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23839 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2007 par Maître Véli TORUN, avocat à la Cour assisté de Maître Faisal QURAISHI, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Novi Pazar (Serbie), de nationalité serbe, déclarant demeurer actuellement à L-…, tendant, d’une part, principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 novembre 2007 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nouassi MUSTAPHA, en remplacement de Maître Véli TORUN, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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Le 23 juillet 2007, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi relative au droit d’asile».

En date du 18 septembre 2007, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 19 novembre 2007, notifiée par lettre recommandée en date du 21 novembre 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa l’intéressé que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 23 juillet 2007.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 18 septembre 2007.

Il résulte de vos déclarations que vos parents seraient contre votre liaison avec une fille et vos projets de mariage avec elle. Le 8 juillet 2007 vous l'auriez amené chez vous, contre la volonté de vos parents. Trois jours plus tard, vos parents vous auraient mis tous deux à la porte et vous auriez vécu chez un ami à Novi Pazar. Votre famille ne vous aurait plus accepté et les frères de votre copine auraient commencé à vous menacer par téléphone parce que vous auriez souillé leur nom. Vous précisez ne les avoir jamais rencontrés. Vous admettez n'avoir subi aucune persécution ou mauvais traitement et ne seriez pas membre d'un parti politique. Enfin, vous n'auriez plus travaillé depuis votre licenciement en janvier 2007.

Vous auriez quitté la Serbie en date du 21 juillet 2007 dans la remorque d'un camion. On vous en aurait fait sortir le 23 juillet 2007 et vous auriez dû prendre un train pour le Luxembourg où vous seriez arrivé encore le même jour. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 23 juillet 2007. Vous présentez une carte d'identité serbe.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'il laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, force est de constater que vous ne faites pas état de persécutions et que les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, en l'espèce, vous admettez vous-même ne pas avoir subi de persécutions. Le fait que vous auriez été menacé par les frères de votre copine parce que vous auriez souillé le nom de leur famille ne saurait être considéré comme acte de persécution au sens de la Convention de Genève, mais comme délit de droit commun. A cela s'ajoute que ces derniers ne sauraient être considérés comme agents de persécution. En effet, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations gouvernementales présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection contre les agissements de ces individus.

Le fait que vous ne seriez plus accepté par votre famille ou des raisons économiques ne rentrent pas dans le cadre d'un des motifs de persécution prévus par la Convention de Genève de 1951 et ne sauraient davantage fonder une demande en obtention d'une protection internationale.

Vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Vous n'apportez en l'espèce également aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d'origine pour ainsi profiter d'une fuite interne Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la Serbie a aboli la peine capitale pour tous les délits en date du 26 février 2002. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. » Par requête déposée le 18 décembre 2007 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du 19 novembre 2007 par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à son encontre l’ordre de quitter le territoire.

1. Quant au recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi relative au droit d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours au double motif que, d’une part, Monsieur … ne prolongerait plus son attestation de demandeur de protection internationale depuis le 18 novembre 2007 et violerait de ce fait l’article 6, paragraphe 5 de la loi relative au droit d’asile et, d’autre part, la décision de refus déférée aurait été envoyée au domicile de Monsieur … mais serait revenue avec les mentions « parti » et « absent », de sorte que Monsieur … violerait l’article 6, paragraphe 9 de la loi relative au droit d’asile, obligeant tout demandeur à accepter toute communication du ministre à son domicile élu.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 5 de la loi relative au droit d’asile : « (…) Le demandeur a l’obligation de se présenter auprès du ministre en vue de la prolongation de l’attestation [attestant l’enregistrement de la demande de protection internationale] au plus tard au jour de l’expiration de sa durée de validité. » Aux termes de l’article 6, paragraphe 9 de la loi relative au droit d’asile « Le demandeur a l’obligation d’accepter toute communication du ministre à son domicile élu. Sans préjudice d’une notification à personne, toute notification est réputée valablement faite trois jours après l’envoi au domicile élu, sous pli recommandé à la poste. » Il ressort de ces articles que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement estime qu’il pèse sur tout demandeur de protection internationale une obligation de prolonger son attestation de demandeur de protection internationale et une obligation d’accepter à son domicile élu toute communication du ministre. Cependant, en l’absence de l’indication par lesdits articles d’une sanction en cas d’inexécution des obligations qu’ils imposent, le tribunal est amené à constater que de telles négligences n’entraînent aucune sanction. De plus, la sanction de l’inexécution desdites obligations ne pourrait en aucun cas consister en l’irrecevabilité du recours du demandeur, étant donné que cette sanction d’irrecevabilité équivaudrait à priver le demandeur de son droit de recours et donc de son accès à la justice. Le moyen tiré de l’irrecevabilité du recours est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est partant à déclarer irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être de nationalité serbe, reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une appréciation inexacte des faits invoqués et plus particulièrement de ne pas avoir tiré les conclusions qui s’imposaient des menaces dont il aurait été victime dans son pays d’origine. Il explique que sa famille se serait opposée au mariage avec sa copine qu’il aurait néanmoins ramenée chez ses parents pour y séjourner durant trois jours, avant que ses parents ne leur interdisent de vivre sous leur toit. Lorsque le demandeur aurait ramené sa copine chez sa famille, les frères de cette dernière auraient commencé à le menacer de l’assassiner pour se venger, étant donné que, à leurs yeux, il aurait sali l’honneur de la famille. Il explique que dans la société serbe, le code d’honneur aurait plus de valeur que les lois.

En droit, le demandeur soutient en premier lieu que la décision ministérielle déférée serait entachée d’irrégularité, alors qu’il n’aurait pas été informé du contenu de la procédure de protection internationale et de tous ses droits, tel que prévu à l’article 6, paragraphe 3 de la loi relative au droit d’asile. Il estime encore que le ministre n’aurait pas rapporté la preuve suffisante que le pays d’origine du demandeur serait sûr au sens de l’article 21 de la loi relative au droit d’asile. Il soutient que sa situation subjective justifierait à elle seule le bien fondé de sa demande. D’après lui, les faits à la base de sa demande ne constitueraient pas une criminalité de droit commun, mais des menaces graves et réelles. Il estime que les autorités de son pays d’origine ne pourraient pas assurer sa sécurité. Finalement, il fait valoir que d’après les articles 26, paragraphes 5 et 27 de la loi relative au droit d’asile, dont les conditions d’application seraient remplies en l’espèce, il ne serait pas obligé de rapporter des preuves documentaires ou autres pour pouvoir prétendre à un statut de protection internationale.

Quant au fond, le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Il souligne qu’à part des menaces téléphoniques, le demandeur ne ferait pas état de problèmes concrets en l’espèce. Il insiste sur le fait que lors du dépôt de sa demande de protection internationale le demandeur aurait reçu une brochure d’information en langue serbe, lui expliquant l’ensemble de la procédure ainsi que les droits et obligations des demandeurs de protection internationale. Il ajoute que le ministre aurait refusé de faire droit à la demande de Monsieur … en se basant exclusivement sur les éléments invoqués par ce dernier et ne relevant que de sa situation personnelle, il n’aurait pas invoqué l’article 21 de la loi relative au droit d’asile à la base de sa décision. Il fait ensuite valoir que le demandeur n’aurait subi aucune persécution et n’aurait pas invoqué de crainte raisonnable de persécution. Les menaces exprimées par les frères de la copine du demandeur, qui ne seraient pas des agents de persécution au sens de la Convention de Genève, seraient à considérer comme infractions de droit commun. Il estime encore que le demandeur n’aurait pas essayé d’obtenir une protection de la part des autorités dans son pays d’origine et il souligne finalement que des éventualités de persécutions futures ne justifieraient pas l’obtention d’un statut de protection internationale.

Quant au moyen tiré par le demandeur d’une absence d’information quant à la procédure en matière de protection internationale, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 6, paragraphe 3 de la loi relative au droit d’asile : « Le demandeur est informé par écrit et, dans la mesure du possible, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, du contenu de la procédure de protection internationale, de ses droits et obligations pendant cette procédure et des conséquences possibles en cas de non-respect de ses obligations et de non-coopération avec le ministre. » En premier lieu, il échet de constater que s’il pèse une obligation d’information sur le ministre en vertu de l’article précité, il n’en demeure pas moins que le défaut d’information n’est en tout état de cause pas de nature à justifier la reconnaissance d’un statut de protection international dans le chef d’un demandeur d’un tel statut.

Par ailleurs, il ressort du dossier administratif versé en cause et plus précisément d’un récépissé signé par le demandeur et daté au 23 juillet 2007, jour du dépôt de sa demande de protection internationale, qu’il a reçu en mains propres et pris connaissance de divers documents, dont notamment une « brochure d’informations pour demandeurs de protection internationale » et une fiche de dépôt, indiquant entre autres le droit du demandeur au recours à un interprète. Un demandeur, ainsi mis au courant de la procédure de demande de protection internationale et de son droit à un interprète et ayant de plus signé un récépissé en déclarant avoir reçu et pris connaissance des documents lui remis, n’est pas fondé à se prévaloir ultérieurement d’une absence d’informations, voire d’une absence d’informations dans une langue qu’il comprend.

Le moyen tiré d’un défaut d’informations sur la procédure est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au moyen tiré du fait que le ministre n’aurait pas rapporté la preuve suffisante que le pays d’origine du demandeur serait sûr au sens de l’article 21 de la loi relative au droit d’asile, il y a lieu de constater, en premier lieu, qu’aux termes dudit article :

« (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal. (…) » Il ressort de cet article qu’une demande de protection internationale peut être rejetée si le demandeur est originaire d’un pays qualifié, d’après certains critères, de sûr.

Une demande ne peut être rejetée au seul motif que le demandeur est ressortissant d'un pays figurant sur une liste de pays qualifiés comme sûr. En effet, la prise en compte du caractère sûr du pays d'origine n'exclut pas le principe de l'examen individuel de la demande de protection internationale.

En l’espèce, le tribunal est cependant amené à constater que la décision refusant de faire droit à la demande du demandeur se fonde expressément sur l’article 19 de la loi relative au droit d’asile. Ladite décision ne contient pas la moindre référence à l’article 20 de la loi relative au droit d’asile pour qualifier le pays d’origine du demandeur comme sûr et rejeter de ce fait la demande du demandeur. Le moyen tiré du fait que le ministre n’aurait pas rapporté la preuve suffisante que le pays d’origine du demandeur serait sûr au sens de l’article 21 de la loi relative au droit d’asile est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, si le demandeur fait valoir que d’après les articles 26, paragraphe 5 et 27 de la loi relative au droit d’asile, il ne serait pas obligé de rapporter des preuves documentaires ou autres pour pouvoir prétendre à un statut de protection internationale, il ne tire de cette affirmation pas le moindre moyen, de sorte que le tribunal reste dans l’impossibilité de prendre position par rapport à ce point.

Concernant la situation individuelle du demandeur, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi relative au droit d’asile, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…)».

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile.

De plus, une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions. Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

En effet, lors de son audition, le demandeur affirme avoir peur des frères de sa copine, qui auraient menacé de le tuer, puisqu’il aurait souillé l’honneur de la famille.

Tout en exposant ces considérations, le demandeur reste en défaut d’établir la crainte d’une persécution, il affirme même lors de son audition qu’il n’a jamais subi personnellement des persécutions et qu’il n’a jamais rencontré les personnes qui l’auraient menacé1.

Force est dès lors de constater d’une part que la crainte exprimée par le demandeur est provoquée par des considérations d’ordre purement privé et non pas du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile précité. Or, des considérations d’ordre privé ne constituent pas un motif d’obtention du statut de protection internationale. D’autre part, il y a lieu de considérer que le demandeur reste complètement en défaut d’établir une quelconque persécution, voire le moindre risque de persécution à son égard.

A cela s’ajoute que les craintes invoquées par le demandeur émanent de personnes privées, et partant de personnes étrangères aux autorités publiques. S’il est vrai qu’en vertu de l’article 28 de la loi relative au droit d’asile, des acteurs non étatiques peuvent être des agents de persécutions au sens des dispositions de ladite loi, il n’en serait ainsi que s’il peut être démontré que ni l’Etat, ni des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la notion de protection de la part des autorités étatiques ou même non-étatiques n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tous 1 Cf p. 4/8 du rapport d’audition du 18 septembre 2007 actes de violence et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel. Il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics dans son pays d’origine ne soient ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant face aux menaces des frères de sa copine et ceci d’autant plus qu’il résulte des propres déclarations du demandeur qu’il n’a pas déposé plainte auprès de la police, mais qu’il s’est limité à affirmer que les autorités ne seraient pas disposées à le protéger.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste clairement en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution dans son pays de provenance au sens de l’article 2 de la loi relative au droit d’asile et que la décision ministérielle est fondée sur des motifs valables à cet égard.

Les autres craintes invoquées par le demandeur, à savoir la situation d’insécurité générale au Kosovo, s’analysent en l’expression d’un sentiment général d’insécurité insuffisant pour fonder une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte fondée de persécution susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi relative au droit d’asile, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si il était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi relative au droit d’asile définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou 2) la torture ou les traitements inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; 3) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Le tribunal est amené à constater que le demandeur n’a pas attaqué ce volet de la décision relatif à la protection subsidiaire par des moyens spécifiques, mais qu’il se réfère aux faits et moyens soulevés à l’appui de sa demande en reconnaissance de statut de réfugié.

Or, le tribunal vient de retenir que le demandeur n’est pas fondé à se prévaloir du statut de réfugié étant donné notamment que la crainte qu’il exprime est provoquée par des considérations d’ordre purement privé.

Par ailleurs, le tribunal vient de relever que les autres craintes invoquées par le demandeur s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité. Il reste partant en défaut d’établir un quelconque motif sérieux et avéré laissant croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi relative au droit d’asile.

Au vu de cette conclusion et en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il encourrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi relative au droit d’asile et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi relative au droit d’asile.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a, au terme de l’analyse de la situation du demandeur, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée et que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi relative au droit d’asile prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle attaquée. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi relative au droit d’asile, une décision négative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité avec les dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Force est de constater que le demandeur se contente de solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans avancer un quelconque moyen à l’encontre de cet ordre.

Le tribunal vient cependant, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 19 novembre 2007 portant refus d’un statut de protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision ministérielle du 19 novembre 2007 portant refus d’un statut de protection internationale ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 19 novembre 2007 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte au demandeur qu’il déclare être bénéficiaire de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique du 9 juin 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

Legille Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 23839
Date de la décision : 09/06/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-06-09;23839 ?

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