Tribunal administratif Numéro 24436 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mai 2008 Audience publique du 5 juin 2008 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24436 du rôle et déposée le 29 mai 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans état connu, né le … (Bénin), de nationalité béninoise, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 mai 2008 prorogeant une seconde fois pour une durée d'un mois son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de cette décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2008 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 juin 2008 par Maître Barbara NAJDI au nom du demandeur ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yasmina MAADI, en remplacement de Maître Barbara NAJDI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 4 juin 2008.
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Par arrêté du 20 mars 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg à Monsieur …, au motif qu’il ne disposait pas de moyens d’existence personnels légalement acquis, qu’il se trouvait en séjour irrégulier au pays et qu’il était susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics.
Par arrêté du même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette décision de placement était fondée sur les considérations et motifs suivants :
« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;
- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;
- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;
Considérant qu’un laissez-passer sera demandé auprès des autorités béninoises dans les meilleurs délais ;
- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».
Cet arrêté fut notifié à Monsieur … le 25 mars 2008 et mis en exécution à partir de cette date.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 avril 2008, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement précitée du 20 mars 2008, recours dont il fut débouté par jugement du tribunal administratif du 10 avril 2008, n° 24244 du rôle.
Cet arrêté ministériel fut prorogé pour une nouvelle durée d’un mois par décision du ministre du 22 avril 2008, motivée comme suit :
« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu mon arrêté pris en date du 20 mars 2008 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;
Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités béninoises en date du 31 mars 2008 ;
-
qu’un rappel a été adressé à ces mêmes autorités béninoises en date du 17 avril 2008 ;
- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 mai 2008, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de prorogation précitée du 22 avril 2008, recours dont il fut débouté par jugement du tribunal administratif du 19 mai 2008, n° 24364 du rôle.
L’arrêté ministériel de placement fut prorogé une seconde fois pour une nouvelle durée d’un mois par décision du ministre du 20 mai 2008, motivée comme suit :
« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu mes arrêtés pris en date des 20 mars et 22 avril 2008 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;
Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités béninoises en date du 31 mars 2008 ;
-
que l’intéressé sera présenté aux autorités béninoises en date du 27 mai 2008 en vue de l’établissement d’un titre de voyage ;
- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 mai 2008, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la prédite décision ministérielle de prorogation.
Le délégué du Gouvernement soulève à titre liminaire la question de la recevabilité de la requête introductive d’instance qui serait signée par une personne inconnue, sans qu’il ne soit possible de vérifier si le signataire serait ou non avocat à la Cour.
Le tribunal est à ce sujet effectivement amené à constater que si la requête introductive d’instance mentionne être introduite par Maître Barbara NAJDI en sa qualité d’avocat à la Cour, la signature apportée sur cette requête est illisible si ce n’est qu’elle mentionne avoir été apposée « pour Maître Barbara NAJDI empêchée ».
Par la signature de l’acte introductif d’instance, un avocat de la liste I du tableau de l’ordre des avocats, seul habilité à signer un tel acte, manifeste par rapport à la juridiction saisie être le mandataire des parties en cause et accorde élection de domicile à ses mandants en son étude, de sorte que l’apposition de cette signature est une condition substantielle de recevabilité de la procédure contentieuse applicable1.
Aucune disposition légale ne prescrit que la signature d'un avocat doit avoir un aspect déterminé, la requête étant valablement introduite lorsqu'il ressort des pièces et informations que la requête a été signée par un avocat2, tandis qu’un avocat constitué pour une partie d’après les termes du corps d’un acte de procédure, peut en matière de contentieux administratif faire signer cet acte par un autre avocat, dont la personnalité s’éclipse derrière celle de l’avocat constitué lequel est censé avoir signé lui-même l’acte en question par l’effet de la représentation3.
Or en l’espèce, il résulte des explications afférentes du litismandataire de Monsieur … que le signataire de la requête introductive d’instance est Maître Yasmina MAADI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, de sorte que la requête a été valablement signée au regard des obligations afférentes prescrites par l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ailleurs, étant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.
l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre la décision litigieuse.
Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il n’y a dès lors pas lieu de se prononcer sur le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire.
A l’appui de son recours, le demandeur déclare être prêt à vouloir collaborer avec toutes les démarches entreprises.
Il conclut encore au caractère inapproprié du lieu de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et affirme qu’il y serait en fait détenu dans les conditions d’un régime d’emprisonnement, et ce parce qu’il ne bénéficierait pas de suffisamment de temps de promenade et de temps de sortie de sa cellule, ce qui serait inacceptable.
Le délégué du Gouvernement expose que le demandeur avait déposé une demande d’asile en date du 25 août 2003, laquelle fut rejetée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 22 janvier 2004. Il relève encore qu’un recours contentieux introduit auprès du tribunal administratif contre ladite décision ministérielle a été rejeté par un jugement dudit tribunal du 9 juin 2004, aucun appel n’ayant été interjeté contre ledit jugement.
Quant aux diligences effectuées par les autorités luxembourgeoises afin d’assurer le 1 Trib. adm. 14 juillet 2004, n° 17658, confirmé par arrêt du 11 novembre 2004, n° 18469C, Pas.adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 289.
2 Trib. adm. 26 mai 1997, n° 8936, Pas.adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 290.
3 Trib. adm. 7 mai 1997, n° 9322, Pas.adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 288.
rapatriement du demandeur vers son pays d’origine, le délégué du Gouvernement relève qu’une procédure en vue d’organiser le retour accompagné du demandeur au Bénin serait en cours, l’ambassade compétente ayant été contactée à maintes reprises depuis le 2 octobre 2006, le demandeur ayant plus particulièrement été présenté à l’ambassade le 27 mai 2008.
Le représentant étatique conclut encore au bien-fondé de la mesure critiquée, en soulignant que le demandeur, contrairement à ses affirmations, aurait fait preuve d’une absence totale de volonté de collaborer, le représentant étatique estimant que Monsieur … aurait tenté de saboter le processus d’identification entamé par les autorités luxembourgeoises.
Force est de constater que le demandeur limite ses moyens au caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, d’une part, au regard de sa prétendue volonté de collaborer et, d’autre part, au regard des conditions matérielles de sa détention. Or il appert à l’examen de ce moyen que le demandeur reformule à l’encontre de la seconde décision de prorogation de la mesure de placement litigieuse les mêmes critiques et moyens que ceux qu’il avait précédemment formulés à l’encontre de la première décision de prorogation du 22 avril 2008, et en partie les moyens formulés à l’encontre de la décision de placement initiale du 20 mars 2008.
Or, comme ces moyens visent non pas des vices qui sont propres à la décision de seconde prorogation de la mesure de placement de l’intéressé, mais des vices allégués en rapport avec la légalité de la décision initiale de placement, sans que le demandeur n’apporte un quelconque élément nouveau se rapportant spécifiquement à la décision de prorogation déférée, et que tant ladite décision de placement proprement dite que celle ordonnant une première prorogation ont fait l’objet de recours contenant d’ores et déjà ces moyens et que ces moyens ont déjà été toisés par les jugements précités du 10 avril 2008 et du 19 mai 2008, qui ont acquis autorité de chose jugée, le demandeur ne saurait plus les faire valoir dans le cadre de son recours sous analyse.
Il s’ensuit que ce moyen est à écarter des débats.
Aucun autre moyen n’ayant été soulevé en cause, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juin 2008 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 6