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29/05/2008 | LUXEMBOURG | N°24387

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mai 2008, 24387


Tribunal administratif Numéro 24387 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mai 2008 Audience publique du 29 mai 2008 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24387 du rôle et déposée le 20 mai 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Xavier BETTEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Luxembourg, de ...

Tribunal administratif Numéro 24387 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mai 2008 Audience publique du 29 mai 2008 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24387 du rôle et déposée le 20 mai 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Xavier BETTEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Luxembourg, de nationalité malienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 avril 2008, ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 mai 2008.

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Par arrêté du 17 avril 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », ordonna le placement de Monsieur …, né le 14 janvier 1971, de nationalité inconnue, alias Ramadou SANGARE, né le 23 novembre 1968, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de la décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Cet arrêté, notifié à l’intéressé le 8 mai 2008, est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu divers rapports de la police grand-ducale ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par courrier du 19 mai 2008, le ministre s’adressa à l’ambassade de la République du Mali à Bruxelles en vue de la délivrance d’un titre de voyage ou d’un laissez-passer permettant le rapatriement de Monsieur …, tout en soumettant aux autorités maliennes une copie du passeport expiré de l’intéressé.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2008, Monsieur … a fait introduire principalement un recours en réformation et subsidiairement un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de placement précitée du 17 avril 2008.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait entré au pays en 1995 et qu’il aurait toujours été en possession de documents d’identité valables. Il précise qu’il n’aurait pas été informé qu’une mesure d’éloignement aurait été prise à son encontre et que son mandataire ne disposerait pas non plus d’une telle décision. Il expose ensuite qu’il aurait travaillé comme intérimaire à de maintes reprises avant de décrocher un contrat de travail en date du 1er avril 2006. S’il admet que son salaire serait peu élevé, il faudrait toutefois y ajouter les pourboires qu’il gagnerait en tant que « portier » de boîte de nuit. C’est ainsi qu’il pourrait se payer le loyer de son appartement qu’il louerait depuis le 31 octobre 2005. Il continuerait d’ailleurs à travailler comme intérimaire pour augmenter ses revenus. Il ajoute qu’il vivrait en concubinage avec Madame Patricia DENY, qu’un enfant serait né le 5 mai 2003 de cette relation et que sa concubine occuperait un travail salarié et contribuerait également aux dépenses du couple.

En droit, le demandeur fait exposer qu’il ne se serait pas vu notifier une mesure d’éloignement alors qu’une telle mesure devrait être prise avant toute mesure de placement. Quant aux motifs à l’origine de la mesure de placement, et notamment le fait qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays et qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels, il fait valoir qu’il aurait été en attente d’une nouvelle carte de séjour lorsqu’il aurait été placé au Centre de séjour et qu’il aurait toujours payé son loyer et qu’il occuperait un emploi rémunéré. Il ajoute qu’il aurait fait sa vie et créé une nouvelle famille au Luxembourg.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait exposer qu’en 1998, le demandeur aurait obtenu une carte d’identité d’étranger sur base d’une prétendue nationalité française et qu’il se serait par la suite illustré au pays par un comportement particulièrement délictueux. Suite à une demande de renouvellement de sa carte de séjour en date du 5 novembre 2003, le ministère de la Justice aurait vainement réclamé à l’intéressé une carte d’identité ou un passeport. Une enquête du Centre de coopération policière et douanière aurait révélé que le demandeur ne serait pas de nationalité française. En outre, il ressortirait d’un rapport de la police grand-ducale du 19 mai 2008 que le passeport malien périmé du demandeur serait authentique alors qu’une note de l’agent en charge du dossier du 19 mai 2008 indiquerait que le demandeur serait également en possession d’un passeport malien en cours de validité et que l’intéressé refuserait de se faire relever les empreintes digitales.

En droit, le représentant étatique conteste l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait toujours été en possession de documents d’identité valables, alors que la carte d’identité d’étranger qui lui aurait été délivrée en 1998 l’aurait été sur base d’une fausse nationalité et que cette carte n’aurait pas été renouvelée depuis 2003, de sorte que le demandeur se trouverait en séjour irrégulier au pays.

Quant au reproche d’une prétendue absence d’une mesure d’éloignement à l’égard du demandeur, le délégué du gouvernement se prévaut d’une jurisprudence en vertu de laquelle une mesure d’éloignement serait censée être prise dès que les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement seraient réunies.

Il soutient encore que l’affirmation du demandeur, suivant laquelle celui-ci aurait « créé sa famille » au pays, ne serait pas prouvée et qu’elle serait sans pertinence dans le cadre d’un recours dirigé contre une mesure de placement. En guise de conclusion, le délégué du gouvernement insiste sur ce que le demandeur aurait séjourné au pays en situation irrégulière durant des années, que pendant ce temps il aurait affiché un comportement particulièrement délictueux, de sorte que la mesure de placement serait justifiée. Il donne finalement à considérer que toutes les diligences possibles auraient été entreprises par les autorités.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou d’éloignement en application des articles 9, 12, ou 14-1 de la même loi ou d’une demande de transit par voie aérienne est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou d’éloignement légalement prise dans le chef de la personne concernée, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison de circonstances de fait.

En l’espèce, le demandeur reproche en substance au ministre d’avoir pris une décision de placement qui ne reposerait pas sur une décision d’expulsion ou d’éloignement légalement prise.

Il est constant qu’en l’espèce, la décision litigieuse n’est pas basée sur une décision d’expulsion et que le dossier tel que soumis en cause ne renseigne pas non plus l’existence d’une décision explicite d’éloignement.

Il n’en demeure cependant pas moins qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine la forme d’une décision d’éloignement, de sorte que celle-ci est censée avoir été prise par le ministre à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 précitée sont remplies et où, par la suite, une décision de rétention administrative a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de rétention à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion (cf. trib. adm. 4 mars 1999, Pas. adm.

2006, V° Etrangers, n° 352 et les autres références y citées).

Le demandeur ne saurait partant contester l'existence même d'une décision de refoulement.

Concernant le caractère légal ou illégal de celle-ci, il y a lieu de relever qu'une décision d’expulsion ou d’éloignement à la base d’une mesure de rétention constitue une décision administrative distincte de la mesure de placement et sa légalité ne saurait être examinée dans le cadre d’un recours limité à l’analyse du bien-fondé de l’arrêté ministériel de placement (cf. trib. adm. 26 janvier 2006, numéro 20919 du rôle, non encore publié).

Il s’ensuit que comme la mesure de placement constitue une décision administrative distincte de la mesure d’éloignement, l’argumentation du demandeur consistant à contester le défaut de moyens d’existence personnels et le séjour irrégulier, bien que ces motifs soient également invoqués à l’appui de la mesure de placement, ne saurait être examinée dans le cadre du présent recours dont l’objet est confiné à l’analyse du seul arrêté de placement du 17 avril 2008, le contrôle de la légalité de la décision d’éloignement devant se faire dans le cadre d’une action dirigée spécialement à son encontre.

Pour la même raison que celle ci-avant retenue, les développements du demandeur en rapport avec sa vie familiale alléguée au Grand-Duché de Luxembourg ne sont pas pertinents, étant donné que ces considérations sont étrangères au cadre légal du présent recours visant exclusivement la décision de placement.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’absence de tout autre moyen susceptible d’énerver la régularité de la décision litigieuse, le recours en réformation laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique du 29 mai 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24387
Date de la décision : 29/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-05-29;24387 ?

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