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29/05/2008 | LUXEMBOURG | N°24180C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mai 2008, 24180C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 24180C Inscrit le 14 mars 2008

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Audience publique du 29 mai 2008 Appel formé par les époux … et … …-…, … contre un jugement du tribunal administratif du 10 mars 2008 (no 23642 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’ac

te d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 mars 2008 par Maître Nicky STOFFEL,...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 24180C Inscrit le 14 mars 2008

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Audience publique du 29 mai 2008 Appel formé par les époux … et … …-…, … contre un jugement du tribunal administratif du 10 mars 2008 (no 23642 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 mars 2008 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, au nom de Monsieur … …, né le …. à … (Bosnie-

Herzégovine), et de son épouse, Madame … …-…, née le …. à …, tous les deux de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L- …, contre un jugement rendu en matière de protection internationale par le tribunal administratif le 10 mars 2008, à la requête des actuels appelants tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 octobre 2007 portant rejet de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mars 2008 par Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER ;

Vu la lettre de Maître Nicky STOFFEL, communiquée par télécopie du 20 mai 2008, informant la Cour de son impossibilité de se présenter à l’audience fixée pour les plaidoiries et sollicitant la prise en délibéré de l’affaire ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 mai 2008.

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Par jugement rendu le 10 mars 2008, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, débouta Monsieur … … et son épouse, Madame … …-… de leur recours tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », du 12 octobre 2007 portant rejet de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision. Le tribunal estima que les demandeurs n’avaient pas fait état de raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ou d’un risque réel de subir des atteintes graves justifiant de les faire bénéficier d’une mesure de protection subsidiaire au sens de l’article 37 de ladite loi du 5 mai 2006.

A l’appui de leur demande de protection, les époux …-… avaient exposé avoir exploité « avec succès un commerce de voitures automobiles » dans leur pays d’origine, la Bosnie ; que depuis l’année 2002, Monsieur … aurait été régulièrement racketté par des groupes mafieux qui lui auraient extorqué des fonds sous la menace de violences ; que dans un premier temps, pour éviter d’être tué comme d’autres commerçants, il aurait payé les sommes réclamées et que dès lors qu’un policier, ami de la famille, leur aurait conseillé soit de continuer à payer soit de quitter la Bosnie, il serait établi que les autorités de leur pays d’origine seraient dans l’incapacité de les protéger. Les demandeurs avaient encore soutenu être victimes de persécutions du fait de leur appartenance à un certain groupe social, en l’occurrence celui « des exploitants de commerce », de sorte que ce serait à tort que le ministre leur aurait refusé la reconnaissance d’un statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement avait rétorqué que le 29 juillet 2004, les demandeurs auraient déjà demandé l’asile à Trêves en Allemagne, procédure qui se serait clôturée en novembre 2006 par une décision de refus et qu’ils seraient alors volontairement retournés en Bosnie. Il soulignait encore que le récit des demandeurs manquerait de crédibilité dans la mesure où des incohérences existeraient entre les récits des deux époux.

Le tribunal constata que même abstraction faite des incohérences et contradictions relevées par le ministre dans la décision litigieuse, les demandeurs n’auraient pas fait état à suffisance de droit d’un état de persécution ou d’une crainte de persécution correspondant aux critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il estima que la crainte de subir des actes de violence et de racket de la part de membres de groupes mafieux ne serait pas directement rattachable aux critères de fond visés par ladite disposition, mais relèverait d’une criminalité de droit commun et qu’elle ne saurait partant être considérée comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la loi précitée du 5 mai 2006. Les premiers juges ajoutèrent que cette conclusion ne saurait être ébranlée par l’affirmation générale des demandeurs selon laquelle ils seraient persécutés en raison de leur appartenance au groupe social des « exploitants de commerce », au motif qu’il ne s’agissait pas d’un ensemble de personnes circonscrit et suffisamment identifiable pour constituer un groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il fut encore précisé que les auteurs présumés de ces faits de racket ne constitueraient pas des agents étatiques, de sorte qu’ils ne pourraient pas être considérés comme acteurs de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi précitée du 5 mai 2006, faute de preuve concrète de ce que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place dans le pays d’origine des demandeurs ne soient ni disposées ni capables de leur assurer un niveau de protection suffisant. Selon les premiers juges, la simple affirmation de ce qu’un ami policier leur aurait conseillé de continuer à payer les sommes réclamées, sinon de quitter la Bosnie ne permettrait pas d’infirmer cette analyse en l’absence de démarches concrètes entreprises par les demandeurs en vue de déposer une plainte.

Enfin, le tribunal estima que les craintes de subir des sanctions de la part de leurs autorités nationales du fait de ne pas avoir réglé les impôts et assurances échus en relation avec leur commerce pendant leur séjour à l’étranger ne se rapporterait à un quelconque acte de persécution au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

En ce qui concerne le refus ministériel d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire, le tribunal constata que les demandeurs auraient omis de prendre position par rapport au cadre spécifique de la protection subsidiaire, de sorte que ni la légalité ni le bien-

fondé de la décision y afférente ne sauraient être mis en cause.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 14 mars 2008 par Maître Nicky STOFFEL, les époux …-… ont interjeté appel contre le susdit jugement. Les appelants sollicitent, à titre principal, son annulation et, à titre subsidiaire, sa réformation dans le sens de voir dire que les premiers juges auraient dû réformer la décision prise par le ministre le 12 octobre 2007.

A l’appui de leur appel, ils réitèrent les motifs de persécution mis en avant par eux pour justifier la reconnaissance du statut de protection internationale, sinon l’octroi d’une mesure de protection subsidiaire et ils critiquent les premiers juges en ce qu’ils n’ont pas fait droit à leurs conclusions.

Ils estiment que le tribunal a fait une appréciation erronée des circonstances de fait à la base de leur dossier et ils soutiennent qu’une juste appréciation de leur vécu devrait aboutir à ce qu’ils se voient reconnaître une mesure de protection internationale.

Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mars 2008, le délégué du gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris pour les motifs y contenus et par référence à son mémoire de première instance.

L’appel est recevable dans la mesure où il tend à l’annulation du jugement dont appel conformément aux dispositions de l’article 19(4) de la loi précitée du 5 mai 2006.

Dans la mesure cependant où l’appel tend à la réformation dudit jugement, il est irrecevable en raison des mêmes dispositions légales prévoyant que la Cour est appelée dans le cas précis de l’espèce, à statuer comme juge de l’annulation.

Au fond, la Cour constate que le tribunal a rencontré de manière circonstanciée et exhaustive les demandes et moyens soulevés par les époux …-…, demandeurs initiaux, tant en ce qui concerne leur admission au statut de protection internationale que l’octroi d’une mesure de protection subsidiaire, d’une part, et que les époux …-…, appelants actuels, s’ils demandent certes l’annulation du jugement du tribunal administratif du 10 mars 2008, ne soulèvent cependant aucune critique relativement à la régularité externe du jugement, leur argumentaire n’étant ni plus ni moins qu’une remise en cause de l’appréciation en fait et en droit des premiers juges, d’autre part.

Or, l’appréciation, en fait et en droit des éléments de la cause, par les premiers juges appert comme se mouvant dans le cadre juridiquement correct par eux fixé, en l’occurrence les articles 2 et 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, et l’argumentaire des appelants n’est pas de nature à énerver les conclusions des premiers juges dans le sens d’une erreur manifeste d’appréciation.

Il suit de ce qui précède que l’appel laisse d’être fondé dans son ordre principal, seul recevable, et le jugement dont appel est partant à confirmer dans toute sa teneur.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties, déclare l’appel irrecevable en ce qu’il tend à la réformation du jugement dont appel, le déclare recevable en ce qu’il tend à l’annulation dudit jugement, au fond, le déclare non fondé et en déboute, partant confirme le premier jugement, condamne les appelants aux frais.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, premier conseiller, Serge SCHROEDER, conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

s. MAY s. CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24180C
Date de la décision : 29/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-05-29;24180c ?

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