Tribunal administratif Numéro 23875 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 décembre 2007 Audience publique du 29 mai 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art.19 L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23875 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2007 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo), déclarant être de nationalité serbe, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 novembre 2007 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alban COLSON, en remplacement de Maître Adrian SEDLO, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.
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Le 12 décembre 2006, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».
Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur son itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg .
Monsieur … fut entendu les 16, 21 et 26 mars et 20 juin 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 21 novembre 2007, notifiée par lettre recommandée du 26 novembre 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », informa l’intéressé que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 12 décembre 2006.
En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire de la même date et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 16 mars 2007 et 20 juin 2007.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté Mitrovica en date du 10 décembre 2006 et que vous seriez arrivé au Luxembourg le 12 décembre 2006. Vous avez déposé votre demande de protection internationale le même jour. Pendant la durée du trajet vous auriez été caché dans le coffre d'une voiture. Vous déclarez que vous auriez payé la somme de 2.500 € pour le voyage. Selon vos dires, votre passeport se trouverait auprès des autorités municipales de Mitrovica. Vous présentez votre carte d'identité de l'UNMIK. Vous déclarez en outre à la Police Judiciaire qu'en août 2005 vous auriez quitté le Kosovo, sans pour autant être sûr de la date, en direction de la Suède. A Como/ltalie vous auriez été arrêté, mais vous auriez pu continuer votre voyage. En octobre 2005 vous auriez déposé une demande en obtention d'une protection internationale à Gôteborg/Suède mais les autorités suédoises auraient voulu vous reconduire en Italie. Vous auriez alors préféré prendre le bus pour retourner au Kosovo vers la fin avril 2006. A la frontière allemande vous auriez été arrêté et vous auriez été détenu pendant 46 jours. Les autorités allemandes vous auraient ensuite transféré en Italie. A partir de Rome vous seriez immédiatement retourné au Kosovo, où vous seriez arrivé le 13 juillet 2006.
Il résulte de vos déclarations qu'en 1998 vous auriez reçu une convocation pour vous engager dans l'armée serbe, mais vous n'y auriez pas répondu. Vous auriez alors décidé de quitter le Kosovo et entre 1998 et septembre 1999 vous auriez été en Suisse en tant que demandeur d'asile. Vous seriez retourné volontairement au Kosovo le 13, le 14 ou le 20 septembre 1999. Selon vos dires, votre maison parentale aurait été brûlée pendant votre absence en raison de votre refus de vous engager dans l'armée. Cependant, la maison aurait été reconstruite et elle serait à nouveau habitable. Vous ajoutez que votre famille serait en possession de trois maisons en tout et une maison se trouverait du côté sud de Mitrovica, où vous auriez vécu de temps en temps lors de vos retours au Kosovo.
Depuis votre retour au Kosovo, vous auriez connu des problèmes. En effet, vous auriez toujours vécu du côté nord de Mitrovica, partie de la ville habitée majoritairement par des serbes. Mais dès votre retour la KFOR, un groupe d'albanais et deux représentants du quartier vous auraient interdit de pénétrer dans la partie nord de la ville. Selon vos dires ces représentants seraient Neno MARIC, un serbe qui recevrait ses ordres de Belgrade et Zegir RUSHITI, un albanais mais qui collaborerait avec les serbes. Ces derniers vous soupçonneraient d'avoir été l'un des fondateurs des volontaires pour la jeunesse de l'UCK et auraient déclaré à la KFOR que vous seriez un terroriste ayant combattu avec l'UCK. Cependant, selon vous, ceci serait impossible car vous auriez séjourné en Suisse au moment du recrutement pour l'UCK.
Vous prétendez alors que Neno MARIC aurait fait une telle déposition à cause de votre refus de combattre auprès des serbes durant la guerre. Vous seriez en tout état de cause en danger dans le nord de la ville, d'autant plus que la KFOR ne vous accorde plus sa protection.
Ignorant l'interdiction et les dangers, vous vous seriez tout de même rendu à plusieurs reprises dans le nord de Mitrovica et auriez survécu à plusieurs incidents. En avril 2000 un prénommé Radislav, un ex-policer yougoslave, aurait tiré sur vous et le 24 septembre 2000 vous auriez été sévèrement battu par une bande de serbes. A nouveau ce Radislav aurait été impliqué.
La KFOR vous aurait alors emmené à l'hôpital. Vous auriez porté plainte contre Radislav et l'instruction serait encore en cours.
Entre février 2003 et janvier 2004, vous seriez allé vous réfugier en Bosnie et en Croatie où vous auriez travaillé et vécu illégalement sans y connaître de problèmes.
A votre retour au Kosovo en janvier 2004, ce serait avec un groupe de terroristes albanais que vous auriez eu des problèmes car celui-ci vous accuserait d'avoir appartenu à l'armée serbe et de ne pas avoir combattu auprès de l'UCK durant la guerre. Ainsi, le 20 mars 2004, vous auriez été enlevé et retenu pendant 4 jours par un certain Agron Sylejman, un des chefs dudit groupe. Vous auriez dû lui promettre de commettre des actes terroristes au nord de Mitrovica afin d'être relâché. Vous auriez porté plainte et entre le 20 et le 24 mars 2004, Agron Sylejmani aurait été éliminé par la police. Son groupe, proche de l'AKSH, continuerait pourtant de vous harceler afin que vous les emmeniez au nord de Mitrovica. Vous auriez à chaque fois refusé et contacté la police. Vous dites plus particulièrement craindre un certain Florim EJUPI qui aurait récemment été libéré de prison. Selon vos dires, ce Florim EJUPI aurait commis 13 ou 14 meurtres en Europe et 57 ou 58 meurtres au Kosovo. Vous ajoutez que vous seriez sûr et certain qu'il appartiendrait aussi à la CIA et que vous auriez récemment appris qu'il viendrait de subir trois interventions de chirurgie esthétique afin de modifier son visage pour qu'on ne le reconnaisse plus.
Ensuite, entre juin et juillet 2004 vous auriez séjourné en Albanie, sans y connaître de problèmes. Vous ajoutez que vous n'auriez pas été déclaré en Albanie et que vous y auriez travaillé illégalement.
Lors d'un séjour au sud de la ville de Mitrovica le 24 ou le 25 décembre 2004 ou 2005, un homme qui vous aurait été inconnu vous aurait poursuivi en voiture et vous aurait agressé avec un tube en fer lorsque vous vous seriez arrêté. Vous auriez eu les deux bras cassés. Vous soupçonnez le groupe d'Agron Sylejman avoir instigué cette attaque. Vous auriez été admis à l'hôpital de Mitrovica puis à l'hôpital de Pristina. Vous n'y seriez pas resté par crainte du groupe d'Agron Sylejman.
A la suite de cela, vous déclarez avoir fui en Italie le 3 juillet ou le 3 août 2005, puis avoir rejoint la Suède où vous auriez déposé une demande d'asile en octobre 2005. Vous y seriez resté jusqu'au 26 mai 2006. Vous ajoutez que pendant cette période, votre mère aurait été frappée par le groupe d'Agron Sylejmani.
Le jour-même de votre retour au Kosovo, le 13 juillet 2006, vous auriez été agressé alors que vous auriez souhaité retourner chez vous au nord de Mitrovica. La police vous aurait alors emmené à l'hôpital. Depuis, vous auriez évité de sortir trop souvent. Le 10 décembre 2006 vous auriez à nouveau quitté votre pays d'origine pour vous rendre au Luxembourg.
Vous ajoutez à vos déclarations que vous n'auriez pas travaillé au Kosovo puisque vos parents auraient assez de revenus et vos oncles vous auraient donné de l'argent. En outre, votre père vous aurait payé le voyage au Luxembourg.
Vous précisez qu'à cause du stress, vous auriez déjà fait trois crises cardiaques. En outre, selon vos déclarations, deux individus de la région de Llapashtice seraient au Luxembourg pour l'instant. Vous dites que vous auriez peur de ces individus puisqu'ils connaîtraient votre nom et sauraient que vous seriez albanais. Ils vous auraient demandé de leur payer un café, ce que vous auriez fait. Vous dites que vous seriez sûr que ces deux individus, dont vous ignorez l'identité, appartiendraient au groupe Florim EJUPI. Cependant, ces individus ne vous auraient pas menacé.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.
En effet, en l'espèce, force est d'abord de constater que vos déclarations, bien qu'extrêmement détaillées, sont très confuses et manquent souvent de cohérence. Vous avez du mal à établir une chronologie tangible dans les faits que vous évoquez lors des différents entretiens avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration, vous hésitez souvent sur les dates des faits évoqués et vous vous contredisez à plusieurs reprises. Nous retiendrons notamment que vous datez à deux reprises une agression vous ayant cassé les deux bras au 23 ou 24 décembre 2005 alors que vous auriez été en Suède à ce moment là. Lors de votre deuxième audition, vous dites en revanche avoir agressé en décembre 2004.
En ce qui concerne le fond de votre récit, il apparaît peu cohérent que vous soyez à la fois persécuté par les serbes pour votre action inexistante auprès de l'UCK et votre refus d'engagement dans l'armée serbe, et par les albanais au contraire pour n'avoir pas combattu auprès de l'UCK mais auprès des serbes. Puisque vous dites avoir tant d'éléments prouvant votre absence de collaboration auprès des deux camps, plus précisément parce que vous auriez été en Suisse au moment où les faits vous seraient reprochés, les véritables raisons pour lesquelles vous seriez poursuivis par les serbes du Nord de Mitrovica d'une part, et le groupe terroriste albanais d'autre part, nous échappent et nous paraissent peu crédibles. Dans ce contexte, notons que des e-mails ou lettres n'ont pas suffisamment de force probante pour être admises comme preuves.
En tout état de cause, notons que vos craintes éventuelles à l'encontre des serbes du Nord de Mitrovica ne peuvent être considérées comme des craintes fondées d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, en tant qu'Albanais, vous appartenez à l'ethnie majoritaire au Kosovo et n'avez aucun problème pour vous installer dans une autre partie du Kosovo ou ailleurs en République de Serbie. Même à supposer que les menaces à votre encontre au nord de Mitrovica étaient avérées, il n'existe en règle générale aucun risque de persécutions à l'encontre des Albanais dans le reste du Kosovo. Or, vous n'apportez en l'espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de profiter d'une fuite interne, d'autant plus que vous dites posséder une maison à Mitrovica sud.
Il convient d'ajouter à cela qu'une fuite interne ne peut en l'occurrence être empêchée par votre crainte du groupe terroriste qui vous reprocherait de ne pas avoir combattu auprès de l'UCK. En ce qui concerne cette partie de vos allégations, il ressort clairement de votre récit que les autorités de votre pays vous assureraient une protection à l'encontre de vos soi-disant agresseurs. En effet, l'instigateur Agron Sylejmani aurait été éliminé par la police, tel que le confirme un rapport de l'UNMIK du 25 mars 2007. Florim EJUPI aurait quant à lui été incarcéré. Même s'il était à ce jour libéré, le rapport d'audition ne permet pas d'établir la réalité de vos craintes à l'encontre de ce dernier. De même, en ce qui concerne les autres agressions, le fait qu'elles aient été commanditées par le même groupe n'est que de vagues suppositions puisque vous-même affirmez ne pas connaître vos agresseurs. Vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la prédite Convention. En tout état de cause, la police locale et la KFOR n'étant pas déficientes dans tous les cas décrits, ces faits devraient être considérés comme des infractions de droit commun du ressort des autorités de votre pays et non comme actes de persécution au sens de la Convention de Genève.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, pour les raisons ci-dessus décrites, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.(…)» Par requête déposée le 21 décembre 2007 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du 21 novembre 2007 par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à son encontre l’ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche tout d’abord au ministre d’avoir méconnu son obligation de fournir une information succincte au demandeur en serbo-croate sur le contenu de la décision litigieuse du 21 novembre 2007, et d’avoir ainsi violé l’article 7 (3) de la loi du 5 mai 2006, les articles 6 et 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des Communes, dénommé ci-après « PANC », ainsi que le droit à un procès équitable visé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Selon le demandeur, le ministre, bien qu’ayant fourni une traduction en serbo-croate du résultat de sa décision, à savoir le refus de l’octroi d’une protection internationale, aurait cependant omis de l’informer en serbo-croate sur le contenu, à savoir la motivation de ladite décision, information pourtant exigée par le législateur. De même, le ministre aurait omis de fournir une traduction de l’information concernant la nécessité de mandater un avocat à la Cour pour former le recours contentieux prévu, de même que de l’information concernant le principe de la non-suspension des délais en cas de recours gracieux et la distinction entre le recours en réformation à diriger contre la décision de rejet de demande de protection internationale et le recours en annulation à diriger contre l’ordre de quitter le territoire, de sorte que le ministre aurait ainsi violé ses droits de la défense.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement expose que l’article 7 (3) de la loi du 5 mai 2006 n’imposerait pas une traduction in extenso de la motivation de la décision notifiée au demandeur, mais exigerait uniquement l’information quant au sens de la décision et quant aux possibilités et aux délais de recours dans une langue que le demandeur est susceptible de comprendre, ce qui aurait été fait en l’espèce. La preuve en serait que toutes les démarches nécessaires pour introduire un recours contentieux auraient été effectuées par le demandeur. Le délégué du gouvernement soutient encore que dans le cas d’espèce, le ministre n’aurait pas eu l’obligation de fournir une traduction de toutes ces informations, alors que le demandeur aurait bénéficié de l’assistance d’un avocat, même si ce dernier n’aurait pas été présent lors de la notification de la décision critiquée. Finalement, le délégué du gouvernement fait référence à la brochure d’information qui aurait été remise au demandeur en langue albanaise au moment de son arrivée et qui expliquerait en détail les droits et obligations des demandeurs du statut de réfugié, dont notamment la nécessité de faire appel à un avocat à la Cour pour intenter les recours contentieux éventuels. Selon le délégué du gouvernement, il appartiendrait au conseil juridique du demandeur de lui expliquer les détails concernant les procédures gracieuse et contentieuse à respecter.
Concernant tout d’abord la prétendue violation de l’article 7 (3) de la loi du 5 mai 2006, en vertu duquel « le demandeur doit être informé du contenu de la décision prise par le ministre dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend lorsqu’il n’est pas assisté ni représenté par un avocat » et « les informations communiquées indiquent les possibilités de recours contre une décision négative », il y a lieu de constater que, même si ladite disposition exigerait une traduction de la motivation entière soustendant la décision prise par le ministre, il échet de relever que cette exigence s’impose uniquement dans le cas d’un demandeur d’asile qui n’est pas assisté par un avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg. Le but des formalités imposées par la disposition en cause est incontestablement celui de fournir au demandeur d’une protection internationale toutes les informations nécessaires pour le mettre en mesure d’exercer utilement les recours possibles contre une décision ministérielle négative. Or, en l’espèce, le demandeur n’a pas bénéficié de l’assistance et des conseils d’un avocat à la Cour, ni lors de la notification de la décision, ni pendant la période précédant cette notification, de sorte qu’effectivement, le tribunal est amené à constater une violation des dispositions de l’article 7 (3) de la loi du 5 mai 2006 en ce que le demandeur aurait dû recevoir une information concernant le contenu de la décision ministérielle dans une langue compréhensible pour lui. Cependant, en considérant que l’absence d’information sur la motivation d’une décision ministérielle dans une langue compréhensible pour l’intéressé équivaut à une absence de motivation de ladite décision, il y a lieu d’appliquer à cette méconnaissance de la loi la sanction applicable à une décision administrative non-motivée. Or, il est de principe que la sanction d’un défaut de motivation d’une décision administrative ne consiste pas en l’annulation de ladite décision, mais en la suspension des délais de recours. Le moyen afférent est partant à rejeter. Pour le surplus, il y a lieu d’ajouter qu’en l’espèce, les recours en annulation et en réformation ont été introduits dans les formes et délai de la loi à l’encontre de la décision ministérielle sous examen, de sorte que le demandeur n’a subi aucun préjudice en raison d’un éventuel manque d’informations, ou bien d’une traduction éventuellement lacunaire de la décision le concernant.
En ce qui concerne ensuite le non-respect allégué des dispositions de la PANC, à savoir tout d’abord l’article 6 en vertu duquel :
« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l'énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu'elle:
- refuse de faire droit à la demande de l'intéressé;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l'intéressé et qu'elle y fait droit;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;
- intervient après procédure consultative, lorsqu'elle diffère de l'avis émis par l'organisme consultatif ou lorsqu'elle accorde une dérogation à une règle générale.
Dans les cas où la motivation expresse n'est pas imposée, l'administré concerné par la décision a le droit d'exiger la communication des motifs. L'obligation de motiver n'est pas imposée lorsque des raisons de sécurité extérieure ou intérieure de l'Etat s'y opposent ou lorsque l'indication des motifs risque de compromettre le respect de l'intimité de la vie privée d'autres personnes. », le tribunal est amené à constater que si l'existence de motifs est une des conditions essentielles de la validité d'un acte administratif, il n’en demeure pas moins que le but de cette obligation est de mettre le juge administratif en mesure de contrôler la légalité de l'acte querellé.
En l’espèce, le fait que la motivation de la décision ministérielle, qui est fournie in extenso en langue française et s’étend sur quatre pages, n’est pas traduite intégralement dans une langue que l’intéressé peut raisonnablement comprendre, ne saurait cependant mettre en question son existence. Partant le juge administratif a parfaitement la possibilité de contrôler la légalité de la décision, qui ne saurait par conséquent encourir l’annulation sur cette base. De toute manière, la sanction de l'obligation de motiver une décision administrative n’est pas son annulation, mais consiste en la suspension des délais de recours, de sorte que le moyen afférent du demandeur est à rejeter comme non-fondé.
En ce qui concerne la prétendue violation de l’article 14 de la PANC qui dispose que :
Article 6 « Les décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d'office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l'autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté. », les constatations suivantes s’imposent.
Si, en l’occurrence, le demandeur reste en défaut d’établir une violation de la disposition citée ci-avant, il y a lieu de souligner qu’en tout état de cause, une inobservation de l'article 14 de la PANC est sanctionnée, non pas par l’annulation de la décision, mais là encore par la suspension des délais de recours. Par conséquent, le moyen afférent du demandeur est également à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, il échet de constater que cette disposition ne s’applique qu’aux contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale. Or, en dehors du fait que les litiges relatifs à l’admission et au séjour des étrangers, et notamment à l’octroi ou au retrait du statut de réfugié, ne rentrent dans aucune de ces deux catégories, il faut souligner en plus qu’en l’espèce, le reproche du non respect du droit à un procès équitable est dirigé à l’encontre d’un élément de la procédure de demande d’une protection internationale, à savoir l’obligation d’informer l’intéressé du contenu de la décision ministérielle dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, obligation qui se situe incontestablement à un stade de la procédure administrative et partant en dehors de toute procédure contentieuse, de sorte que l’article 6 de ladite Convention ne saurait y être applicable.
En deuxième lieu, le demandeur reproche au ministre un manque d’impartialité et d’objectivité nécessaires à la prise de décision prévue par l’article 18 de la loi du 5 mai 2006 dans le cadre d’une demande de protection internationale. Ladite disposition exigerait en effet que des informations précises et actualisées devraient être obtenues auprès des différentes sources, telles que les rapports UNHCR et que le ministre serait obligé d’en faire un usage de manière individuelle, objective et impartiale. Le demandeur soutient qu’en l’espèce, vu le résultat peu favorable de l’instruction de la demande de protection internationale du demandeur, le ministre aurait manqué de tenir compte de toutes les informations à sa disposition, notamment du rapport UNHCR de juin 2006, dont il ne serait pas fait mention dans la décision sous examen, ni des rapports d’audition de Monsieur …, de sorte que la décision ministérielle n’aurait pas été prise de manière ni individuelle, ni objective, ni impartiale et devrait par conséquent encourir l’annulation pour violation de la loi.
Le délégué du gouvernement souligne que le ministre, tout en ayant une parfaite connaissance de la situation au Kosovo, prendrait bien entendu en compte cette situation lors de l’examen d’un dossier, sans qu’il serait pourtant obligé de la mentionner dans le dossier ni d’établir l’origine de ses informations. En tout état de cause, il serait de jurisprudence qu’une crainte avec raison d’être persécuté impliquerait à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui devraient tous les deux être pris en considération. La situation générale du pays d’origine ne justifierait partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié. Le représentant étatique en tire la conclusion qu’en l’espèce, les éléments basés sur la situation personnelle du demandeur seraient suffisants à motiver une décision de rejet.
L’article 18 de la loi du 5 mai 2006 dispose que : « Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale sont prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que :
a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ;
b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le HCR, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations. » En l’espèce, le tribunal est amené au constat que le demandeur, en se bornant à invoquer le résultat négatif de l’instruction de sa demande de protection internationale, reste en défaut d’établir à suffisance de droit l’absence des caractères d’individualité, d’impartialité et d’objectivité dans la décision ministérielle critiquée. Force est de constater que le dossier administratif versé en cause par le représentant étatique contient, en dehors des rapports d’audience des 16, 21 et 26 mars et 20 juin 2007 et du procès verbal du service de police des Etrangers et des Jeux établi en date du 12 décembre 2006, également une « Operational Guidance Note » du 30 juin 2006 sur la République de Serbie et du Kosovo établie par le UK HOME OFFICE, la « UNHCR’s Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo » de juin 2006, un « Municipal Profile » établi par l’OSCE sur la ville de Mitrovica, un « Regional Update » sur la région de Gniljane publié par l’UNMIK en octobre 2005, ainsi que divers sites internet contenant des articles de presse et d’encyclopédie sur la situation au Kosovo. Au vu du libellé de la décision ministérielle, qui prend position de manière détaillée par rapport aux déclarations du demandeur telles qu’actées dans les rapports d’auditions, le tribunal constate que sa demande a été examinée individuellement, objectivement et impartialement. Il s’y ajoute que l’article 18 précité n’impose pas au ministre, tel qu’il a été soutenu par le délégué du gouvernement, de faire référence dans le texte de la décision, aux sources qui l’ont conduit dans la prise de décision. Au vu de ces circonstances et à défaut pour le demandeur de fournir des éléments concrets et précis démontrant un manque d’objectivité, d’impartialité et de prise en considération individuelle de sa situation, il est malvenu de reprocher une violation de l’article 18 de la loi du 5 mai 2006 au ministre. Le moyen afférent est partant à rejeter comme étant non fondé.
Le demandeur reproche ensuite au ministre d’avoir fait une appréciation inexacte des faits invoqués et de ne pas lui avoir accordé une protection internationale. A cet effet, il explique avoir fait l’objet à plusieurs reprises de raclées de la part de membres de la communauté serbe pour avoir été un des membres fondateurs de la jeunesse de l’UCK, ainsi que pour avoir refusé de servir dans l’armée serbe lors de la guerre. De même, il expose qu’en 2000, un certain dénommé RADISLAV aurait tiré sur lui, parce que, malgré l’interdiction, il aurait tenté de se rendre au côté nord de la ville de Mitrovica et il se serait tiré de l’affaire seulement à cause d’un gilet pare-balle que lui aurait prêté un policier. D’un autre côté, il aurait dû subir des persécutions de la part des albanais, qui lui reprocheraient d’avoir appartenu à l’armée serbe et d’avoir vécu avec les serbes au nord de la ville de Mitrovica avant son premier départ pour la Suisse en 1998. En février de l’année 2004, le demandeur aurait été kidnappé et séquestré par un certain Agron SYLEJMANI, l’un des chefs d’un groupe terroriste albanais dénommé « ligue albanaise » et n’aurait été relâché que 4 jours plus tard, après avoir dû promettre d’accomplir des actes terroristes au nord de Mitrovica. Après que ledit Agron SYLEJMANI aurait été abattu par la police en mars 2004, suite à la plainte déposée par le demandeur, un certain dénommé Florim EJUPI, criminel connu pour avoir été l’auteur de 14 meurtres en Europe et de 58 meurtres au Kosovo, qui aurait réussi de s’évader de trois prisons et qui aurait fait l’objet de trois interventions de chirurgie esthétique afin de faire modifier son visage, aurait aussitôt repris la tête dudit groupe terroriste. Il résulterait d’un article paru sur le site « BalkanWeb.com » du 19 octobre 2007 que ledit EJUPI aurait été arrêté puis incarcéré suite à un attentat commis dans un bus à Merdare au mois de février 2001 qui aurait coûté la vie à dix serbes. Les trois complices de Florim EJUPI, et notamment Lirim JAKUPI, qui auraient participé au kidnapping du demandeur, auraient été remis en liberté pour manque de preuve. Il s’y ajouterait qu’en décembre 2004, lorsqu’il aurait circulé dans sa voiture au sud de Mitrovica il aurait été suivi par un véhicule dont le conducteur l’aurait roué de coups à l’aide d’une barre de fer et lui aurait cassé les deux bras. Le demandeur ajoute qu’en cas de retour au Kosovo, ses jours seraient comptés, étant donné que les complices de Florim EJUPI le connaîtraient et ne manqueraient pas de le retrouver pour le faire disparaître.
Le demandeur fait valoir en outre qu’en tant qu’albanais en situation minoritaire au Kosovo et particulièrement dans la ville de Mitrovica, il appartiendrait aux « groups at risk », tels que décrits dans le rapport de l’UNHCR précité de juin 2006, qui seraient toujours exposés à des obstacles pour accéder aux services essentiels dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la justice et de l’administration publique. Il reproche au ministre de ne pas avoir pris en considération la situation particulière des albanais en situation minoritaire à Mitrovica.
En ce qui concerne les prétendues contradictions soulignées dans la décision ministérielle, malgré le fait que le ministre reconnaîtrait le caractère « extrêmement détaillé de son récit », le demandeur explique que mis à part le fait que l’erreur serait humaine, il aurait fait l’objet de trois interrogatoires au mois de mars et de juin 2007 au cours desquels il aurait dû répondre à une quantité énorme de questions auxquelles il aurait su parfaitement répondre, de sorte que des erreurs mineures ne sauraient mettre en doute ni l’authenticité ni la réalité de son récit.
En dernier lieu, le demandeur fait valoir que le paragraphe 11 du rapport de l’UNHCR précité ferait état du fait que l’application de la loi en cas de crime ayant une dimension ethnique serait considérée par beaucoup d’observateurs comme insuffisante, de sorte que ce serait à tort que le ministre aurait soutenu dans la décision critiquée que les forces onusiennes seraient en mesure de protéger le demandeur de manière adéquate.
A titre subsidiaire, il sollicite le bénéfice de la protection subsidiaire sur base des mêmes faits que ceux exposés en vue de se voir reconnaître une protection internationale.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour la personne En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale lors de ses auditions, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 1er, section A, §2 de la Convention Genève et de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
En effet, le demandeur fonde ses craintes sur un certain nombre d’évènements dont le récit se caractérise par des incohérences et un manque de crédibilité importants. En effet, le demandeur affirme avoir été victime, d’une part, de raclées de la part des membres de la minorité serbe en raison de ses prétendues activités au sein de l’UCK, groupe démantelé le 20 septembre 1999, donc à un moment où il était âgé de 18 ans seulement, et en plus à une époque où il se trouvait en Suisse selon ses propres dires. D’autre part, il aurait dû subir des séquestrations, menaces et des attaques avec des armes à feu de la part de terroristes albanais justement pour ne pas avoir intégré l’UCK pendant la guerre mais pour avoir appartenu à l’armée serbe. Il s’y ajoute qu’au moment des conflits, le demandeur était mineur et n’aurait pas été admis à intégrer l’armée nationale. Il s’ensuit que le tribunal ne saurait accorder une protection internationale au demandeur sur base d’un récit incongru à tel point. Cette conclusion ne saurait être énervée par l’allégation d’un mauvais état de santé du demandeur, surtout au vu du fait que deux des certificats médicaux versés par ce dernier sont rédigés dans un langue incompréhensible pour le tribunal, et que le dernier certificat, établi par un médecin luxembourgeois, à part de constater « des douleurs hémicorporelles dans le cadre d’un syndrome de surmenage » et une « dépression réactive secondaire » ne fait pas état de problèmes cardiologiques, contrairement à ce que prétend le demandeur.
A supposer les affirmations du demandeur néanmoins établies, le tribunal est amené à se prononcer sur le fait que celui-ci estime en outre appartenir à un groupe social au sens des dispositions de l’article 2 c) précité de la loi du 5 mai 2006, en tant que ressortissant albanais du Kosovo, et plus particulièrement de la ville de Mitrovica. Or, à cet égard, il échet de relever que bien que la ville de Mitrovica soit divisée en deux avec une population majoritairement serbe établie au nord, il n’en demeure pas moins que selon les divers rapports et documents versés par le représentant étatique, le sud de la ville est majoritairement peuplée d’albanais. Il faut constater que demandeur, qui lors de ses auditions affirme que sa famille, particulièrement aisée, est propriétaire d’une maison précisément au sud de Mitrovica parmi ses compatriotes albanais, a la possibilité de s’y installer et il reste en défaut d’établir pour quelle raison il serait obligé de se rendre au nord de la ville. Partant, il ne saurait ainsi être qualifié de membre d’une minorité albanaise à risque au Kosovo. En plus, il échet de noter que selon les alinéas 3.8.7 et 3.8.8 de l’ « Operational Guidance Notice » établie par l’UK Home Office en juin 2006: « there is in general sufficiency of protection available from UNMIK/KPS/KFOR for all ethnic Albanians even in areas where they constitute a minority. UNMIK/KPS/KFOR are able and willing to provide protection for those that fear persecution and ensure that there is a legal mechanism for the detection, prosecution and punishment of persecutory acts. (…) Despite the restrictions faced by some ethnic Albanians in majority serb enclaves there is in general freedom of movement for ethnic Albanians in Kosovo and it will not be unduly harsh for an ethnic Albanian to internally relocate within Kosovo, to an area where they will not be in the minority.” Il s’ensuit que les possibilités d’une fuite interne au Kosovo sont données en l’espèce.
En ce qui concerne plus particulièrement le prétendu défaut de protection de la part des forces onusiennes, il échet de rappeler qu’il résulte encore de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 que la protection internationale est destinée à se substituer à celle de l’Etat uniquement si cette dernière fait défaut, lorsque les autorités étatiques ne veulent ou ne peuvent pas offrir une protection suffisante. Dans ce contexte, il y a lieu d’ajouter que la notion de protection de la part des autorités étatiques ou même non étatiques n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tous actes de violence et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel. Il n’en saurait être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur.
En l’espèce, le demandeur a reconnu que la police lui est venu à l’aide lors d’un de ses essais de se rendre au nord de la ville (audition du 16 mars 2007, page 12), que la police tant serbe qu’albanaise a été prête à enregistrer sa plainte contre ledit RADISLAV (audition du 16 mars 2007, page 12), que ses agresseurs, dont notamment Florim EJUPI, ont été poursuivis et que Agron SYLEIMAI a même été descendu par la police (audition du 16 mars 2007, page 23). Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut d’établir un défaut de protection d’une gravité telle que l’octroi d’une protection internationale se justifierait.
De surplus, il ne ressort pas des éléments du dossier que les événements relatés, à les considérer établis, aussi condamnables soient-ils, soient de nature à fonder une crainte justifiée de persécution dans le chef du demandeur, faute notamment par celui-ci d’avoir rapporté en cause un quelconque élément tangible permettant de conclure à la persistance d’un risque individualisé de persécution à son égard dans le contexte politique dans son pays d’origine.
Il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent que les craintes de persécution mises en avant par le demandeur ont trait avant tout à la situation générale dans son pays d’origine, mais qu’il ne fait pas pour autant état d’une crainte actuelle de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance d’une protection internationale dans son chef.
Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état à suffisance de droit d’un état de persécution ou d’une crainte de persécution correspondant aux critères de fond définis par l’article 2 a) et c) de la loi du 5 mai 2006.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Selon l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, sont considérées comme atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur n’invoque pas d’autres motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié et qu’il ne fait valoir aucune argumentation précise par rapport au cadre spécifique de la protection subsidiaire. Force est dès lors de retenir que le demandeur n’a apporté aucun élément susceptible d’établir sur la base des mêmes événements qu’il existerait de sérieux motifs de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. En conséquence, il n’y a pas lieu d’accorder au demandeur la protection subsidiaire.
Il se dégage des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation du demandeur, déclaré sa demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée et que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise.
Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 19 (1) de ladite loi, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.
Force est de constater que le demandeur se contente de solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans avancer un quelconque moyen à l’encontre de cet ordre.
Le tribunal vient cependant de retenir, tel que développé ci-dessus, que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. Le tribunal ne saurait partant, en l’état actuel du dossier, suivre le demandeur en son argumentation, étant donné que le simple fait d’obliger le demandeur à quitter le territoire luxembourgeois, n’a pas en tant que tel pour conséquence de mettre sa vie en danger en Kosovo, en l’absence de plus amples informations fournies par le demandeur à cet égard.
Aucun autre moyen ou argument n’ayant été invoqué par le demandeur à l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, ce recours est également à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 21 novembre 2007 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
déclare irrecevable le recours en annulation introduit contre la décision précitée du 21 novembre 2007 ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 21 novembre 2007 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique du 29 mai 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
Legille Schockweiler 15