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28/05/2008 | LUXEMBOURG | N°22906

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 mai 2008, 22906


Tribunal administratif N° 22906 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2007 Audience publique du 28 mai 2008

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Conseil de Presse en matière de presse

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 22906 du rôle, déposée le 3 mai 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant

à L-…, tendant à la réformation d’une décision du Conseil de Presse du 6 février 2007 lui refusant l’o...

Tribunal administratif N° 22906 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2007 Audience publique du 28 mai 2008

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Conseil de Presse en matière de presse

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 22906 du rôle, déposée le 3 mai 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du Conseil de Presse du 6 février 2007 lui refusant l’octroi d’une carte de journaliste ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2007 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la Commission des Cartes, sinon subsidiairement pour compte du Conseil de Presse ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2007 par Maître Pol URBANY pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2007 par Maître Nicolas DECKER pour compte de la Commission des Cartes, sinon subsidiairement pour compte du Conseil de Presse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pol URBANY et Maître Arnaldina FERREIRA DA SILVA, en remplacement de Maître Nicolas DECKER, en leurs plaidoiries respectives.

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Employé par la société anonyme CLT-UFA S.A. depuis le 22 mars 1988 et en tant que « Responsable de la Présentation » depuis le 11 mai 2001, Monsieur … introduisit le 25 janvier 2006 auprès du Conseil de Presse une demande relative à l’octroi d’une carte de journaliste.

Par courrier du 3 mars 2006, la Commission des Cartes du Conseil de Presse s’adressa au directeur de RTL, Monsieur …, pour lui soumettre plusieurs dossiers pour avis concernant le statut de différents collaborateurs de RTL ayant introduit une demande relative à l’octroi d’une carte de journaliste afin d’obtenir des renseignements sur le statut des membres du personnel dans l’organigramme de l’entreprise, sur le genre d’activités rédactionnelles et journalistiques ainsi que sur l’étendue de celles-ci en comparaison à d’autres activités éventuelles.

Dans son courrier du 6 mars 2006 à l’adresse du Conseil de Presse, le directeur de RTL émit l’avis que Monsieur … exerce « une activité pour le compte de RTL qui consiste dans le traitement rédactionnel d’informations (collecte, analyse, rédactionnel etc.) ».

Par une lettre du 27 juin 2006, la Commission des Cartes sollicita encore de la part de Monsieur … des renseignements supplémentaires sur ses activités en matière de publicité.

Le 18 juillet 2006, Monsieur … écrivit au Conseil de Presse dans les termes suivants :

« Par la présente, je tiens à vous informer du fait que mes « activités éventuelles en matière de publicité » se limitent à quelques rares voyages de presse, donc à une activité plutôt journalistique que publicitaire.

Toute autre forme d’activité en matière de publicité sur notre antenne est entièrement gérée par les collaborateurs de notre partenaire IP Luxembourg.

Si vous désirez des renseignements encore plus précis et détaillés, je vous prie de bien vouloir me faire parvenir les questions correspondantes à ce sujet. (…) » Par lettre recommandée du 6 février 2007, le Conseil de Presse informa Monsieur … de ce que la Commission des Cartes de presse, instituée au sein du Conseil de Presse, avait décidé, à l’unanimité, de lui refuser l’octroi d’une carte de journaliste au motif qu’il ne remplit pas les définitions et conditions énoncées dans les articles 3.6 et 31 de la loi du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias, modifiée par une loi du 27 juillet 2007, ci-après désignée par « la loi de 2004 », « notamment en ce qui concerne le travail proprement rédactionnel dans le domaine des informations et l’exercice d’activités en relation avec la publicité ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mai 2007, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision du Conseil de Presse, telle que matérialisée par le courrier précité du 6 février 2007.

Avant d’aborder les éventuelles questions de compétence, de recevabilité et de fond du litige, il y a d’abord lieu de toiser le moyen soulevé par les parties défenderesses dans leur mémoire en réponse, tendant à voir déclarer le recours caduc à leur égard, au motif qu’au mépris des dispositions légales applicables, notamment l’article 4 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la requête afférente ne leur aurait pas été signifiée dans le mois du dépôt du recours.

A cet égard, elles font soutenir que le Conseil de Presse ayant dans ses attributions la Commission des Cartes, créé par la loi du 20 décembre 1979 relative à la reconnaissance et la protection du titre professionnel de journaliste, aurait été réinstitué par la loi de 2004 avec des pouvoirs propres, sans possibilité d’immixtion de l’Etat, et qu’il constituerait partant un organisme indépendant, garant du respect de la liberté d’expression et de la presse, qui ne serait pas soumis à la tutelle hiérarchique d’un ministre ou d’une autre administration. Par voie de conséquence, le Conseil de Presse relèverait d’un statut particulier et devrait se voir doter de la personnalité juridique propre dans le cadre de l’exercice de ses attributions, et donc par extension également la Commission des Cartes, pour assurer seul sa défense devant les juridictions administratives. A l’appui de leur argumentation, elles se réfèrent à un jugement du tribunal administratif du 13 juin 2007 (n° 21870 du rôle) ayant retenu la capacité du Conseil de la Concurrence à se défendre en justice au vu de son statut d’autorité administrative indépendante, malgré l’absence de personnalité juridique dans son chef, et soutiennent que cette solution serait transposable à la présente affaire, d’autant plus que le Conseil de Presse serait un organe totalement indépendant de l’Etat contrairement au Conseil de la Concurrence qui serait un organe étatique.

Les parties défenderesses invoquent ensuite l’article 29 de la loi de 2004, qui prévoit la possibilité d’introduire un recours en réformation contre les décisions de la Commission des Cartes pour soutenir que le Conseil de Presse devrait avoir la possibilité de se défendre en justice. Elles font valoir qu’en vertu de l’article 4 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999, la requête introductive d’instance aurait dû être signifiée au Président du Conseil de Presse avant le 4 juin 2007 et non pas par la voie du greffe au ministère d’Etat qui n’aurait pas qualité pour recevoir la requête.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conclut à l’irrecevabilité du mémoire en réponse dans la mesure où la constitution d’avocat du mandataire des parties défenderesses ne serait pas valable, le mandataire ayant déclaré se constituer pour la Commission des Cartes et subsidiairement pour le Conseil de Presse.

Il soutient ensuite que ni le Conseil de Presse ni la Commission des Cartes ne bénéficieraient de la personnalité juridique et qu’ils ne constitueraient qu’un organe de l’Etat, dès lors que tous leurs membres sont nommés par voie d’arrêté grand-ducal et tous les frais sont payés par l’Etat. Il fait plaider que la personnalité juridique constituerait la condition sine qua non de la capacité d’ester en justice. Or, à défaut de texte prévoyant que le Conseil de Presse ou la Commission des Cartes disposent de la personnalité juridique, ces deux organes ne pourraient ni agir ni se défendre en justice. Il conclut encore à l’irrecevabilité du mémoire en réponse des parties défenderesses faute par celles-ci de disposer de la capacité d’ester en justice en l’absence d’une personnalité juridique propre.

Le demandeur estime par ailleurs qu’il n’y avait pas lieu de signifier le recours aux parties défenderesses, étant donné que celles-ci seraient dépourvues de la personnalité juridique. Il souligne qu’il serait évident que « le Conseil de presse/Commission des Cartes est un organe de l’Etat, sans disposer de la qualité d’une collectivité publique ou d’un établissement public ». Ainsi, en l’occurrence, le dépôt de la requête introductive d’instance au greffe vaudrait signification à l’organe concerné, dès lors que le dépôt au greffe vaut signification à l’Etat. Il relève encore qu’en l’espèce, le recours aurait effectivement été continué au Conseil de Presse respectivement à la Commission des Cartes par le ministère d’Etat qui l’avait reçu par la voie du greffe. Il précise en outre que l’Etat aurait la possibilité de se faire défendre tant par un délégué du gouvernement que par un avocat à la Cour, tel que cela serait le cas en l’espèce.

Le demandeur ajoute que faute de personnalité juridique, le Conseil de Presse ne pourrait pas disposer d’un domicile légal, de sorte qu’une signification à personne aurait été impossible, d’autant plus que la loi de 2004 ne renseignerait pas qui engage et qui représente le Conseil de Presse respectivement la Commission des Cartes.

Quant à la jurisprudence citée par les parties défenderesses, le demandeur estime que cette décision ne serait pas transposable au Conseil de Presse au motif que la loi relative au Conseil de la Concurrence, bien qu’elle ait été adoptée concurremment avec la loi de 2004, prévoirait expressément que le Conseil de la Concurrence est une autorité administrative indépendante, ce qui ne serait pas le cas pour le Conseil de Presse, d’une part, et que la mission du Conseil de Presse serait beaucoup plus restreinte que celle du Conseil de la Concurrence. Contrairement à ce qui serait soutenu par les parties défenderesses, la volonté du législateur d’instituer le Conseil de Presse en tant qu’autorité administrative indépendante ne pourrait être déduite ni des articles 1er et 2 de la loi de 2004 ni de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que l’objet de ces dispositions serait uniquement celui d’éviter la censure des autorités.

Il donne encore à considérer qu’au moment d’introduire son recours, il ne pouvait pas s’attendre à ce que le Conseil de Presse, organe de l’Etat, puisse se voir accorder le droit de se défendre en justice sur la base d’une décision de justice prise après l’introduction de son recours. Il estime finalement que pour le cas où le Conseil de Presse se verrait accorder le droit de se défendre en justice, cela ne reviendrait pas à lui conférer une personnalité juridique propre, entraînant que le recours devrait lui être signifié en vertu de l’article 4 de la loi précitée du 21 juin 1999. En conclusion, il estime que le recours n’a dû être signifié qu’à l’Etat et que le dépôt de la requête au greffe valait signification à l’Etat, de sorte que son recours ne serait pas caduc.

Dans leur mémoire en duplique, les parties défenderesses font soutenir que la constitution d’avocat de Maître DECKER serait valable au regard des dispositions de l’article 171 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile. Le fait que la constitution d’avocat soit faite avec un ordre de subsidiarité n’enlèverait rien à sa validité, d’autant plus que selon une jurisprudence des juridictions civiles, la constitution d’avocat ne serait soumise à aucune forme sacramentelle. Elles se rapportent finalement à la sagesse du tribunal quant à la question de savoir si la Commission des Cartes peut se présenter seule ou par l’intermédiaire du Conseil de Presse.

Elles insistent ensuite sur ce que le Conseil de Presse ne constituerait pas un organe de l’Etat, en relevant que l’Etat n’aurait d’ailleurs pas voulu intervenir dans le présent litige, étant donné que le recours aurait été continué par le délégué du gouvernement au Conseil de Presse. Elles considèrent que le fait que les frais du Conseil de Presse seraient payés par l’Etat n’emporterait pas per se la qualification d’organe de l’Etat. Elles soulignent encore que le Conseil de Presse relèverait manifestement d’un statut particulier et devrait pouvoir se défendre en justice. Pour justifier cette affirmation, elles se réfèrent à un arrêt de la Cour d’appel du 21 mai 1996 pour soutenir que si le Conseil de Presse et la Commission des Cartes ne disposeraient pas de la personnalité juridique active, ils bénéficieraient toutefois de la capacité passive. Admettre le contraire reviendrait à méconnaître les droits de la défense et le principe du procès équitable.

Concernant l’absence de signification du recours au Conseil de Presse, les parties défenderesses font valoir que la signification aurait très bien pu avoir lieu à domicile et qu’à cet égard, il aurait suffi de consulter l’annuaire téléphonique pour connaître le siège du Conseil de Presse respectivement de la Commission des Cartes.

Aux termes de l’article 4 de la loi précitée du 21 juin 1999, « (1) Sous réserve du paragraphe 2, le requérant fait signifier la requête à la partie défenderesse et aux tiers intéressés, à personne ou à domicile, par exploit d’huissier, dont l’original ou la copie certifiée conforme est déposé sans délai au greffe du tribunal. L’affaire n’est portée au rôle qu’après ce dépôt.

(2) Faute par le requérant d’avoir procédé à la signification de son recours à la partie défenderesse dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc.

(3) Le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat. Il en est de même pour le dépôt des mémoires subséquents. (…) » Il s’en dégage que la sanction de la caducité prévue par l’article 4 (2) n’est encourue, d’après le libellé même du texte légal en question, que dans le chef du recours non signifié à la partie défenderesse dans le mois de son dépôt, à moins que la partie défenderesse ne soit l’Etat, puisque le simple dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif vaut signification à l’Etat.

En l’espèce, il est constant que la requête introductive d’instance, déposée le 3 mai 2007 au greffe du tribunal administratif, a été signifiée par la voie du greffe à l’Etat, et qu’elle n’a pas été signifiée au Conseil de Presse ou à la Commission des Cartes.

Il importe dès lors de savoir quelle entité juridique est à considérer comme partie défenderesse en l’espèce, cette question étant directement liée à la question de la capacité pour agir en justice du Conseil de Presse respectivement de la Commission des Cartes, celle-ci conditionnant de surcroît la recevabilité du mémoire en réponse présenté pour compte des parties défenderesses.

Aux termes de l’article 23 (1) de la loi de 2004 « il est institué un Conseil de Presse compétent en matière d’octroi et de retrait de la carte de journaliste visée à l’article 31 », tandis que l’article 27 prévoit que « il est créé au sein du Conseil de Presse une Commission des Cartes de presse, chargée d’exécuter la mission spécifiée à l’article 23 de la présente loi ».

L’article 29 de la loi de 2004 dispose encore que « les décisions de la Commission des Cartes de presse sont susceptibles d’un recours en réformation devant le tribunal administratif ».

Si, à première vue, il semble certes se dégager de la lecture combinée des dispositions légales précitées une certaine confusion au niveau des compétences en ce que la loi de 2004 rend tant le Conseil de Presse que la Commission des Cartes compétents en matière d’octroi et de retrait de la carte de journaliste, le tribunal est amené à retenir, étant donné que les textes légaux doivent être interprétés de préférence de façon à en dégager un sens concordant, en conciliant les termes de leurs dispositions plutôt que d’en voir dégager des significations contradictoires, que si le Conseil de Presse reste compétent en la matière, comme cela fut déjà le cas sous l’empire de l’ancienne loi du 20 décembre 1979, précitée, qu’il existe au sein du Conseil de Presse une commission, dénommée « Commission des Cartes de presse », qui assure en pratique la tâche confiée au Conseil de Presse en vertu de l’article 23 (1) précité.

Il s’ensuit que le fait que le recours ait été introduit par le demandeur contre une décision du Conseil de Presse et non pas contre une décision de la Commission des Cartes ne porte pas à conséquence, étant donné que si la décision de refus litigieuse a en fait été prise par la Commission des Cartes, celle-ci est un organe interne du Conseil de Presse.

Quant à la question de savoir si le Conseil de Presse respectivement la Commission des Cartes ont la capacité pour agir en justice, il convient tout d’abord d’examiner quelle est la nature juridique du Conseil de Presse, étant relevé que la loi de 2004 reste muette sur ce point.

La mission du Conseil de Presse est définie à l’article 23 de la loi de 2004. Outre la mission d’octroi et de retrait de la carte de journaliste, le Conseil de Presse est encore investi, en vertu de l’article 23 (2), de la mission d’élaborer un code de déontologie, de mettre en place une Commission des Plaintes chargée de recevoir et de traiter les plaintes de particuliers concernant une information contenue dans une publication, ainsi que d’étudier toutes les questions relatives à la liberté d’expression dans les médias dont il sera saisi par le gouvernement ou dont il jugera utile de se saisir lui-même. L’article 23 (3) précise en outre que le Conseil de Presse peut émettre des recommandations et des directives pour le travail des journalistes et des éditeurs et organiser des cours de formation professionnelle pour les journalistes et éditeurs.

Les membres du Conseil de Presse, qui représentent par moitié des éditeurs et par moitié des journalistes, sont nommés, conformément aux termes de l’article 25 de la loi de 2004, par voie d’arrêté grand-ducal sur proposition des milieux professionnels respectifs. Le Conseil de Presse est également tenu en vertu de l’article 26 alinéa 3 de la loi de 2004 de se doter d’un règlement d’ordre intérieur. Il n’est en outre pas contesté que les frais de fonctionnement du Conseil de Presse sont assumés par l’Etat.

En vertu de l’article 30 de la loi de 2004, les modalités relatives à l’établissement des documents et insignes d’identification délivrés par le Conseil de presse sont déterminées par règlement grand-ducal.

Au vu de ces éléments et en l’absence d’une disposition expresse de la loi de 2004 érigeant le Conseil de presse en une autorité indépendante, le tribunal est amené à constater que dans la mesure où la mission du Conseil de Presse s’analyse en une activité de caractère administratif et partant en une mission de service public, le Conseil de Presse est à considérer comme un organe de l’Etat. Cette conclusion n’est pas énervée par les développements des parties défenderesses consistant à soutenir que la volonté du législateur aurait été celle de soustraire le Conseil de Presse à toute ingérence de la part de l’Etat, étant donné que si la loi de 2004 vise bien à assurer la liberté d’expression dans le domaine des médias, il s’agit avant tout d’éviter les ingérences dans la liberté d’expression.

Il convient encore de relever que la loi de 2004 n’a pas conféré au Conseil de Presse et à la Commission des Cartes une personnalité juridique propre.

Or, la Cour administrative a rappelé, par un arrêt du 28 janvier 2008 (n° 23178C du rôle) qui a statué sur l’appel introduit contre le jugement du tribunal administratif du 13 juin 2007 au sujet du Conseil de la Concurrence, cité par les parties défenderesses, la règle suivant laquelle la capacité active d’ester en justice ne peut être reconnue qu’à des personnes disposant de la personnalité juridique pour en déduire que le Conseil de la Concurrence n’ayant pas été doté de la personnalité juridique, ne saurait être admis à agir en justice en son nom personnel et pour son propre compte, fût-ce comme partie défenderesse dans le cadre d’un contentieux administratif en vue de la défense d’une décision qu’il a été amené à prendre.

Il s’ensuit que le Conseil de Presse et la Commission des Cartes, étant tous les deux dépourvus de personnalité juridique, ne sauraient être admis à agir en justice en leur nom personnel et pour leur propre compte, même si c’était comme partie défenderesse dans le cadre d’un contentieux administratif en vue de la défense d’une de leurs décisions.

Il s’ensuit encore qu’au vu du constat que le Conseil de Presse, dont la Commission des Cartes fait partie, est un organe de l’Etat, il y a lieu de passer outre le fait qu’en l’espèce, la Commission des Cartes et, subsidiairement le Conseil de Presse, se sont constitués et de retenir qu’en l’occurrence, la partie défenderesse n’est autre que l’Etat agissant par le truchement des actes de procédure déposés en nom et pour compte de son organe qu’est le Conseil de Presse en vue de la défense de la décision litigieuse qui émane en fait de la Commission des Cartes. Il s’ensuit encore que le moyen tiré d’une prétendue irrégularité de la constitution d’avocat n’est pas fondé et que le mémoire en réponse n’est pas à écarter des débats.

Il suit de ce qui précède que le recours n’est pas caduc, étant donné que le dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif valait, conformément aux termes de l’article 4 (3) de la loi précitée du 21 juin 1999, signification à l’Etat.

Comme l’article 29 précité de la loi de 2004 instaure un recours au fond en matière de décisions de la Commission des Cartes, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il travaillerait depuis 1998 pour la société CLT-UFA et depuis le 11 mai 2001 en tant que responsable de la présentation. Il explique qu’il présenterait des émissions sur RTL Radio Lëtzebuerg et que son travail consisterait « dans la mise en œuvre de la préparation, de la rédaction et de la présentation de tranches d’émissions » et notamment l’émission « RTL Wecker » radiodiffusée tous les matins de 6.00 à 9.00 heures dans laquelle il présenterait de nombreuses informations concernant des faits divers et des événements culturels, sportifs et politiques. Il précise encore que son emploi consisterait notamment à assurer la rédaction musicale et/ou la promo « On Air », et au remplacement le cas échéant du chef de programme, dans la réalisation et la présentation d’émissions de radio, dans la participation aux enregistrements, aux montages et à l’élaboration de concepts, dans la réalisation de sujets de reportage, dans la participation à la conception, la rédaction et l’enregistrement de textes, promos et features, ainsi que dans la participation à des conférences de rédaction. En tant que responsable de la présentation, il assisterait également d’autres présentateurs dans la rédaction et la préparation de leurs tranches d’émissions. Il ajoute qu’il serait soumis à la « Charte des Journalistes de RTL à Luxembourg » qui constituerait une sorte de code de déontologie pour les journalistes de la société CLT-UFA.

En droit, le demandeur invoque une insuffisance de motivation de la décision de refus litigieuse en ce que le Conseil de Presse se serait borné à énoncer qu’il ne remplirait pas les définitions et conditions des articles 3.6 et 31 de la loi de 2004 sans préciser en quoi il n’aurait pas satisfait à ces conditions, mettant ainsi le tribunal dans l’impossibilité de contrôler la légalité du refus.

La Commission des Cartes rétorque qu’il appartiendrait au postulant d’une carte de journaliste d’apporter les éléments permettant d’apprécier s’il répond aux conditions légales et que cette appréciation se ferait en considération de la situation de fait et de droit au jour à laquelle la décision est prise. Elle soutient que la décision déférée serait motivée à suffisance de droit et que le demandeur n’aurait pas pu se méprendre sur la motivation, dans la mesure où celui-ci, en tant qu’employé de RTL depuis 1988, n’aurait pas pu ignorer ce qu’il faut entendre par la notion de « traitement rédactionnel ». En ce qui concerne le motif de refus lié aux activités en matière de publicité, elle précise que le demandeur, interrogé sur ses activités éventuelles en matière de publicité, avait fourni sa réponse sans demander des éclaircissements au sujet de cette demande de précisions. En ordre subsidiaire, elle fait encore valoir que la violation de l’obligation de motivation n’entraînerait pas l’annulation de la décision, mais consisterait uniquement dans la suspension des délais de recours jusqu’à la communication des motifs.

Ce moyen d’annulation laisse cependant d’être fondé, étant donné que, même en admettant que le reproche soit justifié, le défaut d’indication des motifs ne constitue pas une cause d’annulation de la décision litigieuse, pareille omission d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a prise entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. En effet, au vœu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, la motivation expresse d’une décision administrative peut se limiter à un énoncé sommaire de son contenu et il suffit, pour qu’un acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment de la prise de décision, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant, au cours de la procédure contentieuse, ce qui a été le cas en l’espèce, étant donné que les motifs énoncés dans la décision de la Commission des Cartes, ensemble les compléments apportés par le litismandataire au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause ont permis au demandeur d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause, c’est-

à-dire sans qu’il ait pu se méprendre sur la portée de la décision de refus.

Le moyen tiré d’une absence ou d’une insuffisance de motivation est partant à abjuger.

Le demandeur conteste ensuite le bien-fondé des motifs de refus invoqués à l’appui de la décision sous analyse. Il soutient que le Conseil de Presse aurait commis une erreur de fait en ce qui concerne le motif de refus fondé sur l’exercice d’activités en relation avec la publicité. Il conteste ainsi s’adonner d’une quelconque manière à de telles activités.

Il soutient ensuite que le Conseil de Presse aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en lui refusant la reconnaissance de la qualité de journaliste au sens de l’article 3.6 de la loi de 2004. Au reproche du Conseil de Presse qu’il ne se livre pas à un travail rédactionnel dans le domaine des informations, il répond que le traitement d’informations en vue de leur diffusion dans le public constituerait justement l’un des piliers principaux de son activité. A cet égard, il donne une description détaillée de son travail journalier consistant notamment dans l’étude des informations mises à sa disposition, dans la sélection des informations qu’il veut présenter et dans leur traitement, c’est-à-dire dans leur mise sous une forme adéquate pour les rendre accessibles au public.

Il ajoute que selon la job-description figurant dans son contrat de travail, il devrait accomplir des tâches de nature rédactionnelle notamment en participant à des conférences de rédaction. Il soutient que son travail comporterait un travail rédactionnel non négligeable dans la mesure où il présenterait régulièrement des émissions de trois heures d’affilée ce qui exigerait une préparation sans faille.

Dans ce contexte, le demandeur fait encore valoir qu’une personne revêt la qualité de journaliste dès qu’elle exerce l’activité de journaliste, la carte de presse n’ayant qu’un effet déclaratif et non constitutif des droits. D’ailleurs aux yeux de son employeur, il aurait déjà la qualité de journaliste puisqu’il serait soumis depuis le mois de février 2004 à la Charte des Journalistes de RTL à Luxembourg.

Quant au prétendu exercice d’une activité ayant pour objet la publicité, interdite en vertu de l’article 31 de la loi de 2004, le demandeur affirme qu’il n’exercerait aucune autre activité, rémunérée ou non, à côté de son emploi à plein temps pour la société CLT-

UFA et que dans le cadre de son emploi, il n’exercerait pas non plus une activité ayant pour objet principal ou accessoire la publicité. Son contrat de travail ne prévoirait pas sa participation de quelque manière que ce soit à des campagnes ou spots publicitaires et la Charte des Journalistes de RTL lui interdirait formellement de participer à de telles activités promotionnelles.

Enfin, le demandeur donne encore à considérer que le refus d’octroi de la carte de journaliste rendrait plus difficile, voire impossible l’exercice de la profession de journaliste dans la mesure où une telle carte donne accès aux lieux réservés à la presse et à défaut de disposer d’une telle carte, il se verrait régulièrement refuser l’accès à des manifestations et à des conférences de presse. Il s’étonne dans ce contexte de ce que des cartes de presse seraient régulièrement accordées par le Conseil de Presse à des photographes et cameramen.

La Commission des Cartes rétorque que le demandeur exercerait des activités en relation avec la publicité alors qu’en sa qualité d’animateur sur RTL Radio Lëtzebuerg, il aurait pour fonction également d’assurer directement et indirectement la promotion de produits dans son émission dans laquelle la publicité, l’animation et la fonction de speaker seraient mélangées, ainsi que cela se dégagerait par ailleurs de la description de l’emploi produite par le demandeur. Or, la promotion de produits serait incompatible avec la profession de journaliste.

Elle soutient ensuite que le demandeur n’aurait pas établi qu’il aurait la qualité de journaliste, qu’il ne verserait aucune pièce attestant son rôle effectivement tenu au sein de la radio, tout en soulignant qu’il présenterait au début de son émission les personnes travaillant à la rédaction, à la régie technique et au micro de RTL Radio Lëtzebuerg. Elle estime ainsi que la définition de la mission du demandeur au sein de la société CLT-UFA ne serait pas pertinente, de même que le fait que les employés de CLT-UFA soient soumis à la Charte des journalistes de RTL à Luxembourg ne serait pas pertinent, seul le Code de déontologie des Journalistes tel qu’arrêté par le Conseil de Presse présentant une valeur juridique pour tous les journalistes.

La Commission des Cartes estime qu’elle aurait une grande marge d’appréciation dans la délivrance de la carte de journaliste et qu’il lui appartiendrait au vu des informations soumises par les postulants de décider de l’octroi de la carte de journaliste.

Elle fait exposer que les auteurs de la loi de 2004 auraient voulu mettre l’accent sur le côté intellectuel de l’activité de journaliste et que la qualité de journaliste devrait partant être refusée à des personnes qui ne semblent pas avoir à prendre des initiatives et à faire preuve d’une certaine liberté d’appréciation ou à fournir un travail réellement personnel ou un travail de rédaction. Seules les personnes chargées « de la collecte, la sélection, la mise en forme, la présentation, l’analyse, et le commentaire de nouvelles, événements ou faits d’actualité » se verraient attribuer la qualité de journaliste. Elle relève qu’afin de se faire une idée précise des fonctions du demandeur, le Conseil de Presse aurait écrit au Managing director de RTL qui se serait contenté de répondre en des termes vagues et sans pertinence. Elle en conclut que le demandeur n’aurait pas établi le bien-fondé de sa demande, de sorte qu’elle aurait valablement pu lui refuser la carte de journaliste. Elle se réfère encore à la jurisprudence française en la matière, laquelle serait transposable en droit luxembourgeois, pour soutenir que traditionnellement la carte de journaliste ne serait pas attribuée aux personnes qui ont essentiellement des tâches d’animateur, de présentateur et de technicien. De plus, la loi de 2004 poserait comme principe que l’activité journalistique doit être principale et qu’il ne suffirait pas de présenter quelques reportages sporadiques pour prétendre à la qualité de journaliste.

Quant à l’exercice d’une activité ayant pour objet la publicité, la Commission des Cartes souligne qu’une telle activité serait incompatible avec l’exercice de la profession de journaliste et la liberté de la presse. Il faudrait ainsi éviter toute confusion entre le métier de journaliste et celui de publicitaire, étant donné qu’un journaliste n’est censé accepter aucune consigne, directe ou indirecte des annonceurs. Ainsi le journalisme devrait être clairement distingué d’activités dites de communication promotionnelles et publicitaires. Or, le fait de promouvoir des livres ou des Compact Discs lors d’émissions radiodiffusées présenterait un aspect majoritairement promotionnel et publicitaire, de sorte que ce serait à bon droit que la carte de journaliste aurait été refusée au demandeur.

Par ailleurs, la Commission des Cartes estime que le fait d’octroyer une carte de journaliste à des photographes et des cameramen ne serait pas illogique, puisque ceux-ci, à condition de ne pas exercer une activité ayant pour objet la publicité, répondraient à la définition de journaliste, puisque la collecte d’informations ne serait pas strictement limitée à l’écriture.

En guise de conclusion, la Commission des Cartes fait valoir que le demandeur relèverait plus d’un « speaker » chargé de présenter différentes émissions et d’animateur de jeux radiophoniques. Or, dans l’esprit des auteurs de la loi de 2004, le traitement rédactionnel occuperait une place importante. Décider autrement reviendrait à retirer toute utilité au Conseil de Presse dans sa mission d’attribution de la carte de journaliste, qui serait alors réduite à une simple formalité alors que le but serait de garantir la crédibilité et l’intégrité de la profession de journaliste. Elle déduit encore du fait que le demandeur a sollicité la délivrance d’une carte après vingt ans de métier qu’il n’en a pas réellement besoin pour l’exercice de sa profession.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur le fait qu’il s’adonnerait à un travail rédactionnel qu’il définit comme le traitement d’informations en vue de leur diffusion au public, celui-ci pouvant se faire aussi bien de manière écrite qu’orale. Il reproche en outre au Conseil de Presse de retenir une interprétation trop restrictive de la notion d’information et soutient que la notion d’information ne serait pas « limitée à des faits ou des données d’une certaine nature mais viserait toute information généralement quelconque, quelle soit liée ou non à l’actualité, qu’elle soit ou non économique ou politique ». Il se réfère à un compte-rendu de la réunion tenue le 26 mars 2006 à la Maison de la Presse avec le rapporteur parlementaire de la loi de 2004 selon lequel la notion d’information se rapporterait à toute sorte d’information transmise au public, y compris les reportages dans le domaine commercial. Il estime toutefois que la présentation de nouvelles apparitions sur le marché de la musique, de nouveaux films et bandes dessinées ne constituerait pas des reportages dans le domaine commercial et même si tel était le cas, il ne s’agirait pas d’informations tombant dans le champ d’application de la loi de 2004.

Contrairement à ce qui est soutenu par le Conseil de Presse, le demandeur affirme qu’il ne serait pas seulement un speaker exerçant une activité dépourvue de tout caractère intellectuel et indépendant, mais qu’il effectuerait une vraie activité de journaliste ainsi que cela se dégagerait clairement de son contrat de travail et des autres pièces versées en cause. Il précise ainsi qu’il choisirait lui-même les sujets de ses reportages, les informations qu’il entendrait diffuser, qu’il collecterait les informations et qu’il ferait des interviews en direct dans ses émissions, qui devraient être préparés. Il devrait en outre « proposer de mettre en œuvre la conception, la rédaction et l’enregistrement de textes » et de reportages et qu’il devrait participer à des conférences de rédaction, à l’élaboration et à la rédaction de textes et de concepts ainsi qu’assurer la rédaction musicale et la production. Il estime dès lors qu’il ferait bel et bien un travail intellectuel et rédactionnel et ce de manière indépendante, de sorte que ce serait à tort que le Conseil de Presse lui aurait refusé la reconnaissance de la qualité de journaliste, qualité qui lui aurait d’ailleurs été reconnue par le Managing director de RTL dans son courrier du 6 mars 2006. Il ajoute encore qu’il serait connu de la grande majorité des habitants du Grand-Duché de Luxembourg et qu’il serait de notoriété publique qu’il serait journaliste.

Quant au prétendu exercice d’une activité ayant pour objet la publicité, le demandeur affirme de nouveau qu’il n’exercerait ni une activité en relation avec la publicité ni une activité qui aurait pour objet principal la publicité. Il conteste par ailleurs l’analyse du Conseil de Presse selon laquelle le fait de jouer des chansons et de donner des informations au sujet d’un chanteur ou d’un groupe de musique constituerait de la publicité respectivement de la promotion de discs ou de chanteurs.

Dans son mémoire en duplique, la Commission des Cartes souligne que le demandeur n’aurait pas établi qu’il aurait la qualité de journaliste, les pièces produites par le demandeur à l’appui de sa demande ne permettant pas d’établir la qualité de journaliste dans son chef. Contrairement aux allégations du demandeur, celui-ci ne serait pas connu du public comme journaliste mais comme « modérateur et présentateur de jeux-

concours », faisant la promotion de concerts et autres manifestations, sa mission essentielle se résumant à « l’amusement du public par des commentaires à caractère publicitaire ». Elle dénie par ailleurs toute valeur probante au compte-rendu de la réunion du 26 mars 2006 avec le rapporteur de la loi de 2004 en soutenant qu’il s’agirait d’un document purement interne et non pas d’une prise de position officielle.

Etant donné que le tribunal est saisi d’un recours en réformation en la présente matière, il est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d'y substituer sa propre décision impliquant que cette analyse s'opère au moment où il est appelé à statuer. Il s’ensuit que, et contrairement à ce qui est soutenu par la Commission des Cartes dans son mémoire en réponse, l’appréciation de la légalité de la décision déférée ne se fera pas en considération de la situation de fait et de droit au jour où elle a été prise. En effet, s’il est vrai que la Commission des Cartes, en refusant l’octroi de la carte de journaliste, ne pouvait statuer que sur les éléments de fait et de droit acquis au moment où elle a pris sa décision, il n’en reste pas moins qu’eu égard à la cristallisation dans le temps de l’analyse du tribunal, saisi d’un recours de pleine juridiction, force est à la juridiction administrative, dans le cadre du recours en réformation reçu, de statuer suivant les éléments de fait et de droit présentement acquis (cf. trib. adm. du 8 juillet 2002, n° 13600 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Recours en réformation n° 16).

Les conditions d’attribution de la carte de journaliste sont fixées à l’article 31 de la loi de 2004 qui prévoit que « l’octroi d’une carte de journaliste constitue une attestation de l’exercice du métier de journaliste et est subordonné aux conditions suivantes :

1) avoir la qualité de journaliste au sens de la loi, 2) avoir l’âge de la majorité, 3) ne pas être déchu, au Grand-Duché de Luxembourg, en tout ou en partie, des droits civils énumérés à l’article 11 du Code pénal et n’avoir encouru à l’étranger une condamnation qui, si elle avait été prononcée au Grand-Duché de Luxembourg, aurait entraîné la déchéance de tout ou partie de ces droits, 4) n’exercer aucun commerce ni activité ayant pour objet principal la publicité. » La définition du journaliste est donnée à l’article 3.6 de la loi de 2004 qui indique que le journaliste est « toute personne qui exerce à titre principal une activité rémunérée ou qui exerce à titre régulier une activité générant des revenus substantiels, que ce soit en tant que salarié ou en tant qu’indépendant, auprès ou pour le compte d’un éditeur et qui consiste dans la collecte, l’analyse, le commentaire et le traitement rédactionnel d’informations ;

Est assimilé au journaliste l’éditeur, personne physique, qui participe personnellement et de manière régulière à la collecte, l’analyse, le commentaire et au traitement rédactionnel d’informations ».

Il convient en outre de relever que si la loi de 2004 en son article 3.4 définit la notion d’information comme étant « tout exposé de faits, toute opinion ou idée exprimés sous quelque forme que ce soit », elle ne donne en revanche aucune définition de ce qu’il faut entendre par l’expression « traitement rédactionnel d’informations ».

En l’espèce, il se dégage des termes de la décision de refus litigieuse que pour refuser d’accorder à Monsieur … l’octroi d’une carte de journaliste, la Commission des Cartes s’est fondée sur le fait que celui-ci ne remplissait pas les définitions et conditions énoncées dans les articles 3.6 et 31 de la loi de 2004. Elle s’est fondée à cet égard sur ce que le demandeur n’effectuerait pas « un travail proprement rédactionnel dans le domaine des informations » et qu’il exercerait des « activités en relation avec la publicité ».

Il ressort des éléments et pièces du dossier et notamment d’un avenant du 11 mai 2001 au contrat d’emploi de Monsieur … que celui-ci est employé auprès de RTL Radio Lëtzebuerg en tant que « Responsable de la Présentation », dont la mission consiste à mettre en œuvre « la préparation, la rédaction et la présentation de tranches d’émissions » et notamment l’émission diffusée par la radio « RTL Wecker ».

Force est au tribunal de retenir, à partir des éléments d’appréciation soumis au tribunal et notamment de la description détaillée de l’emploi de Monsieur …, telle qu’elle ressort de l’avenant précité au contrat d’emploi, et au vu de l’absence d’une définition légale de la notion de traitement rédactionnel des informations au sens de la loi de 2004, que le demandeur a établi à suffisance de droit qu’il exerce une activité qui consiste dans la collecte, l’analyse, le commentaire et le traitement rédactionnel d’informations. En effet, contrairement à ce qui est soutenu par la Commission des Cartes, l’activité du demandeur ne consiste pas simplement à présenter une émission de radio, mais il est également directement impliqué dans la conception, la préparation et la réalisation de l’émission, par le choix des sujets et des informations qui seront diffusées et qu’il apporte donc une contribution intellectuelle à cette émission. C’est partant à tort que la Commission des Cartes a estimé que le demandeur n’effectuait pas un travail proprement rédactionnel dans le domaine des informations et qu’il y a partant lieu de lui reconnaître la qualité de journaliste au sens de la loi de 2004.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de la Commission des Cartes consistant à soutenir que l’émission présentée par le demandeur ne constituerait qu’une émission d’animation, étant donné que la loi de 2004 ne distingue pas dans la définition de la notion d’information, telle qu’énoncée à l’article 3.4 précité, quant à la nature de l’information diffusée dans le public.

Il convient encore de vérifier le bien-fondé du deuxième motif de refus sur lequel la Commission des Cartes s’est fondée pour refuser la carte de journaliste au demandeur et qui a trait à l’exercice d’activités en relation avec la publicité.

D’après le point 4 de l’article 31 précité de la loi de 2004, l’octroi de la carte de journaliste est encore subordonné à la condition de n’exercer aucun commerce ni activité ayant pour objet principal la publicité.

Il se dégage de cette disposition, comme l’a relevé à juste titre le demandeur, que la loi de 2004 n’interdit pas tout commerce ou activité liés à la publicité, mais seulement le commerce ou l’activité ayant pour objet principal la publicité.

S’il est certes vrai que la promotion fait partie du descriptif de l’emploi du demandeur, tel qu’il ressort de l’avenant du 21 mai 2001 au contrat de travail, il n’en demeure pas moins que cette activité ne constitue, d’après ce même descriptif, qu’une fraction des activités du demandeur et ne saurait dès lors être regardée comme constituant l’objet principal des activités de ce dernier. Il s’y ajoute que comme la notion d’information au sens de la loi de 2004 n’est pas limitée à des faits ou données d’une certaine nature, comme cela a déjà été retenu ci-avant, le fait pour le demandeur de fournir des informations au sujet de nouveaux produits ou services et notamment en matière de musique ou de cinéma, ne constitue que la diffusion d’informations au public, le côté promotionnel lié à ce genre d’information n’étant qu’accessoire.

Il s’ensuit que c’est à tort que la Commission des Cartes a retenu que le demandeur ne satisfaisait pas aux conditions des articles 3.6 et 31 de la loi de 2004 en ce qui concerne le traitement rédactionnel de l’information et l’activité en matière de publicité et qu’elle a refusé de lui accorder une carte de journaliste.

Il y a partant lieu à réformation de la décision déférée de la Commission des Cartes du 6 février 2007 en ce sens que la carte de journaliste doit être accordée à Monsieur ….

En ce qui concerne enfin la demande formulée par le demandeur au dispositif de sa requête tendant à enjoindre au Conseil de Presse de lui délivrer une carte de journaliste dans le délai de huitaine à partir de la notification du jugement à intervenir, il échet de relever qu’il n’appartient pas aux juridictions administratives de donner des injonctions à une administration, une telle compétence ne lui ayant pas été reconnue par les lois qui lui sont applicables. Le tribunal est partant incompétent pour connaître d’une telle demande.

Dans son mémoire en réponse, la Commission des Cartes a sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 € sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, sinon sur base de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999. Au vu de l’issue du litige, cette demande est à rejeter pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision déférée de la Commission des Cartes du 6 février 2007, accorde à Monsieur … la carte de journaliste ;

renvoie le dossier au Premier Ministre, Ministre d’Etat, en prosécution de cause ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande de Monsieur … tendant à enjoindre au Conseil de Presse de lui délivrer une carte de journaliste dans le délai de huitaine à partir de la notification du jugement à intervenir ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Lexie Breuskin, juge, et lu à l’audience publique du 28 mai 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

s. Legille s. Schockweiler 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22906
Date de la décision : 28/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-05-28;22906 ?

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