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26/05/2008 | LUXEMBOURG | N°23573

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mai 2008, 23573


Tribunal administratif N° 23573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2007 Audience publique du 26mai 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié (art. 11, Loi du 3 avril 1996)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23573 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2007 par Maître Joëlle CHOUCROUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le

… (Angola), de nationalité angolaise, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annula...

Tribunal administratif N° 23573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2007 Audience publique du 26mai 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié (art. 11, Loi du 3 avril 1996)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23573 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2007 par Maître Joëlle CHOUCROUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Angola), de nationalité angolaise, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 septembre 2007 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2007 par Maître Joëlle CHOUCROUN ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le mars 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Soledad PASCUAL, en remplacement de Maître Joëlle CHOUCROUN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 avril 2008.

Le 2 février 2005, Monsieur … introduisit oralement une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 11 octobre 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … par décision du 28 septembre 2007, notifiée le 4 octobre 2007, de ce qu’il ne saurait bénéficier de la protection prévue par la Convention de Genève ni de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2007, Monsieur … a fait déposer un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision prévisée du 28 septembre 2007. Cette décision est motivée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 2 février 2005.

En mains les rapports du Service de Police Judiciaire du 1er et 2 février 2005 et le rapport d'audition de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 11 octobre 2005.

Il ressort des rapports du Service de Police Judiciaire que lors des conflits en Angola et plus particulièrement à Cabinda en novembre 2002, vous auriez fui votre pays pour vous réfugier dans un camp de réfugiés tenu par la Croix Rouge allemande à Mfouta, au Congo Brazzaville. Vous n'auriez plus eu de nouvelles de vos parents depuis. Vous y auriez rencontré Monsieur …, un médecin allemand travaillant pour la Croix-Rouge, avec qui vous auriez eu des relations sexuelles. Ce Monsieur vous aurait convaincu de vous emmener en Allemagne à condition que vous restiez avec lui. Il aurait également mentionné la possibilité de vous faire adopter par une famille allemande.

Monsieur … vous aurait procuré un passeport muni d'un visa et le 29 janvier 2005, vous auriez pris ensemble un avion pour Bruxelles en Belgique. A votre arrivée, vous vous seriez rendus dans un hôtel à Namur. Monsieur … aurait à nouveau tenté d'avoir des relations sexuelles avec vous. Vous auriez alors profité du moment où il aurait pris sa douche pour vous enfuir. Vous auriez ensuite rejoint le Luxembourg en train et y seriez arrivé le 31 janvier 2005. Le dépôt de votre demande d'asile date du 2 février 2005. Vous présentez un acte de naissance.

Il résulte de vos déclarations auprès du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration qu'à l'âge de 2 ou 3 ans votre mère serait décédée d'une maladie. Depuis, vous auriez été élevé par la fiancée de votre père car ce dernier aurait souvent été absent pour le travail. Vous expliquez qu'il serait membre du FLEC-FAC et responsable de la région de Belize au Cabinda. En novembre 2002 il y aurait eu des combats dans votre région donc vous vous seriez enfui au Congo Brazzaville. Vous auriez vécu dans un camp de réfugié à Mfouta et y auriez rencontré Monsieur …, un médecin allemand travaillant pour la Croix-Rouge. En 2003 vous auriez été arrêté à Pointe Noire et emprisonné pendant 2 mois pour vol. Monsieur … vous aurait alors proposé de vous emmener en Allemagne afin de vous adopter et aurait, en janvier 2005, organisé votre départ de Brazzaville en direction de la Belgique.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d'un parti politique.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Force est cependant de constater qu'à défaut de pièces, un demandeur d'asile doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Or, il convient de relever les contradictions et invraisemblances dans les faits relatés. En premier lieu, il est peu probable que vous ayez voyagé en avion du Congo Brazzaville à Bruxelles, puisque d'après les recherches de la police judiciaire mentionnées dans le rapport du 1er février 2005, aucun vol ne relie Brazzaville à Bruxelles. Vos récits auprès de la police et lors de l'audition se contredisent également en ce qui concerne les détails de votre fuite. Vous révélez auprès de la police que vous auriez échappé à la vigilance de Monsieur … lorsqu'il aurait pris sa douche dans l'hôtel à Namur. Vous vous seriez alors enfui et auriez pris le premier train au départ de la gare de Namur, qui aurait été un train en direction du Luxembourg. Pourtant, lors de l'audition vous racontez que vous auriez profité du fait que Monsieur … serait sorti de l'hôtel pour récupérer quelque chose dans sa voiture pour vous échapper. Arrivé à la gare trois personnes d'origine portugaise vous auraient recommandé d'aller au Luxembourg et vous auraient acheté un billet de train pour vous y rendre. Enfin, le rapport d'audition révèle que Monsieur … aurait eu l'intention de vous adopter. Or, auprès de la police judiciaire vous révélez que ce dernier vous aurait dit que vous seriez adopté par une famille en Allemagne.

Aussi dans un autre contexte, il convient de relever que vous ne vous êtes pas rendu au Ministère de la Famille conformément à une convocation par lettre recommandée afin de subir un examen physique médical prévu en date du 13 mai 2005 dans le but d'évaluer votre âge probable. Un tel comportement est contraire à l'article 12 §3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

De toute façon, même à supposer les faits que vous alléguez établis, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, bien que votre père ait été un responsable du FLEC, vous n'alléguez aucune persécution ni problème découlant de son appartenance à ce mouvement.

Vous n'auriez en tout état de cause pas été personnellement impliqué dans les activités de cette organisation et n'auriez pas été membre étant mineur. Vous auriez ainsi quitté votre pays à cause de la situation conflictuelle générale qui régnait dans votre région en 2002. Vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution.

Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la prédite Convention.

En tout état de cause, la situation au Cabinda a évolué depuis votre départ en novembre 2002. Une attaque violente menée par les forces gouvernementales a laminé le FLEC qui a par la suite changé de stratégie pour privilégier la négociation avec le gouvernement. En outre, le 1 er août 2006, un « mémorandum d'accord pour la paix et la réconciliation » a été signé entre le gouvernement angolais et le Forum Cabindais pour le dialogue qui comprend le FLEC. Ainsi, les combats ont cessé ainsi que les violations des Forces Armées Angolaises à l'encontre des civils.

Vous n'apportez en l'espèce pas non plus de raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d'origine pour ainsi profiter d'une fuite interne. En effet, le reste de l'Angola est parfaitement calme depuis la cessation des hostilités opposant l'UNITA au gouvernement le 4 avril 2002. Vous auriez par ailleurs trouvé refuge au Congo-Brazzaville où vous auriez résidé durant un an et demi. Vos allégations de relations sexuelles avec un membre de la Croix Rouge allemande ne peuvent en outre pas intervenir dans la considération de votre demande d'asile puisque, entre autres, elles n'auraient pas été la cause de votre départ. De plus, les imprécisions et incohérences dans votre récit ne permettent pas à la police judiciaire d'établir la réalité des actes pénalement répréhensibles qu'aurait, d'après vos dires, perpétré Monsieur Sander.

Ainsi, vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, conformément au raisonnement élaboré au sujet de votre demande d'asile, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, d'autant moins que la peine de mort a été abolie en Angola le 26 août 1992 ; b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international puisque, tel que décrit précédemment, la situation en Angola ne peut plus être qualifiée de conflit armé.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, le tribunal est investi en la présente matière de la mission de connaître du fond de l’affaire. A défaut de circonstances particulières mises en avant par le demandeur pour justifier l’introduction à titre principal d’un recours en annulation dans une matière où la loi prévoit un recours en réformation, sa demande principale est partant à déclarer irrecevable étant entendu que les moyens de légalité invoqués peuvent également être analysés dans le cadre d’un recours en réformation. Le recours subsidiaire en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur se réfère à la situation générale en Angola et plus particulièrement dans la région du Cabinda pour soutenir qu’elle ne serait pas encore stabilisée et partant dangereuse pour les Angolais. Ainsi l’enclave du Cabinda serait régulièrement le théâtre d’incidents entre les forces militaires et l’UNITA (Mouvement d’union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola), incidents dans lesquels des civils seraient régulièrement impliqués. Il signale en outre que des millions de mines non explosées, résidus de la guerre civile, poseraient toujours un énorme problème de sécurité pour le pays, pour soutenir que son retour à son ancien domicile serait impossible pour des raisons de sécurité évidente. Il s’y ajouterait qu’il n’aurait ni travail ni logement dans son pays d’origine et qu’il n’aurait pas non plus la possibilité d’avoir recours à un réseau social étant donné qu’il n’aurait pas de famille dans son pays d’origine.

Le demandeur conclut en outre à l’existence de différentes causes d’illégalité externe de la décision déférée qui s’analyseraient en des violations des formes destinées à protéger les intérêts privés. Ainsi, il n’y aurait, dans tout le dossier, aucun indice qu’il aurait été informé du droit de se faire assister à tire gratuit d’un interprète, alors que cette information se serait imposée en raison du fait qu’au moment du dépôt de sa demande en obtention du statut de réfugié en date du 2 février 2005, il n’aurait pas parlé la langue française. Par ailleurs, la décision ferait référence à la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection tout en se rapportant pourtant à des faits qui se seraient passés avant l’entrée en vigueur de cette loi. Finalement, en sa qualité de demandeur d’asile mineur non accompagné, il estime qu’il aurait dû se voir désigner un tuteur chargé de l’assister dans le cadre de l’examen de sa demande tel que prévu par l’article 12 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006.

Quand au fond, le demandeur estime que le ministre aurait interprété ses déclarations lors de son audition par un agent du ministère dans un sens qui ne correspondrait pas à la réalité, de sorte à avoir ignoré la crainte justifiée qu’il éprouverait d’être persécuté en Angola et qui constituerait le motif principal de sa demande en obtention du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il se dégage du libellé de la décision déférée que le ministre a refusé de faire droit à la demande de Monsieur … par application notamment des critères définis directement par la Convention de Genève, le ministre ayant retenu que les faits invoqués, même à les supposer établis « ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques, ainsi que le prévoit l’article 1er section 1 paragraphe 2 de la Convention de Genève ». Si le ministre a fait référence à cet égard tant aux articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006, qu’à l’article 11 de la loi du 3 avril 1996, cette double référence se justifie par le fait que la loi de 1996 n’a pas été dérogée purement et simplement, mais sous réserve des dispositions transitoires figurant à l’article 74 de la loi de 2006. Force est encore de constater qu’en substance la motivation de la décision litigieuse n’est point ambiguë, ceci d’autant plus que les critères de base pour se voir accorder le statut de réfugié tels qu’explicités par la loi de 2006 découlent de la Convention de Genève elle-même et que le demandeur a utilement pu préparer sa défense en ce sens, de sorte qu’aucune lésion de ses intérêts n’est décelable.

La décision étant pour le surplus motivée à suffisance de droit et de fait, le premier moyen du demandeur laisse d’être fondé.

Concernant ensuite le vice de procédure allégué en rapport avec la minorité d’âge de l’intéressé au moment de son audition, alors qu’il restait trois mois avant qu’il n’atteigne l’âge de 18 ans, le demandeur se prévaut des dispositions de l’article 12 (1) de la loi du 5 mai 2006 précitée qui dispose que « un demandeur mineur non accompagné se voit désigner, dès que possible, un tuteur qui l’assiste dans le cadre de l’examen de sa demande », pour soutenir que faute de s’être vu désigner un tuteur pour l’accompagner lors de son audition, celle-ci serait viciée au point de justifier son annulation.

Force est de constater à cet égard que l’âge de l’intéressé n’est pas établi à l’exclusion de tout doute, étant donné qu’il dispose uniquement d’un acte de naissance dont l’authenticité n’a pas pu être établie, le service de police judiciaire ayant retenu dans son rapport du 2 février 2006 à ce sujet que « ob dieses echt oder falsch ist, kann nicht angegeben werden ». Il est encore constant que le ministre a relevé dans sa décision litigieuse le fait que l’intéressé ne s’est pas rendu au ministère de la Famille conformément à une convocation par lettre recommandée lui adressée afin de subir un examen physique médical qui était prévu en date du 13 mai 2005 dans le but d’évaluer son âge probable, étant entendu que ce constat n’a pas été utilement contesté en cause.

S’il est certes vrai que conformément aux dispositions du paragraphe (3) du même article 12 le demandeur devra consentir à un examen médical de ce type et que la décision de rejet de la demande de protection internationale d’un mineur non accompagné qui a refusé de se soumettre à cet examen médical ne sera pas exclusivement fondé sur ce refus, il n’en demeure pas moins que conformément au paragraphe (4) du même article, le fait qu’un mineur non accompagné ait refusé de se soumettre à cet examen médical n’empêche pas pour autant le ministre de se prononcer sur la demande de protection internationale.

En l’espèce, c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement prend appui sur le rapport d’audition ainsi que sur les renseignements qui y figurent pour soutenir que l’intéressé était assisté d’un avocat lors de son audition et que ni son mandataire, ni lui-même n’ont formulé la moindre réserve au moment de la signature du rapport d’audition, Monsieur … ayant au contraire marqué de sa propre main qu’il avait lu et approuvé la déclaration finale, qui d’après l’information manuscrite de l’agent d’audition lui a été traduite et suivant laquelle il n’y avait pas de problèmes de compréhension entre les différents agents et lui-même.

Il s’y ajoute que l’âge présumé de l’intéressé laisse supposer un degré de discernement suffisant pour saisir la porte des questions qui lui ont été adressées, ceci d’autant plus qu’il a bénéficié de l’assistance d’un mandataire professionnel.

Dans la mesure où les démarches que le ministre s’est proposé d’entreprendre en vue d’établir d’une manière plus précise l’âge de l’intéressé ont été rendues vaines par le comportement de ce dernier et que par ailleurs aucune lésion concrète des droits de la défense de Monsieur … n’a pu être établie, il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen afférent du demandeur laisse d’être fondé.

La même conclusion s’impose relativement au moyen du demandeur consistant à soutenir qu’il n’aurait pas maîtrisé à suffisance la langue française lors de son audition. A ce sujet, il se dégage encore du rapport d’audition que l’intéressé lui-même s’est déclaré satisfait de la communication ayant eu lieu en langue portugaise entre lui-même et l’agent d’audition, le tout toujours en présence de son mandataire qui, ici encore, n’a pas formulé la moindre réserve en signant le rapport d’audition.

Quant au fond, il y a lieu de relever d’abord qu’après avoir quitté l’Angola à la suite de combats ayant eu lieu dans sa région en novembre 2002, Monsieur … a vécu pendant plusieurs années et jusqu’à son départ en janvier 2005 pour l’Europe au Congo. Le ministre ayant sérieusement mis en doute les déclarations du demandeur au sujet du trajet emprunté pour se rendre au Luxembourg, force est de constater que si le demandeur a certes apporté des précisions dans le cadre de son mémoire en réplique par rapport à la situation politique en Angola pour illustrer les problèmes auxquels il serait confronté en raison du militantisme de son père au sein du FLEC (Front de libération de l’Etat du Cabinda), il reste cependant en défaut d’apporter des précisons par rapport aux doutes concrètement émis par le ministre au sujet de son récit en rapport avec son voyage au départ de Brazzaville vers Bruxelles et ensuite vers Luxembourg. En effet, outre de critiquer le déroulement de son audition, le demandeur n’a pas apporté en cours d’instance contentieuse de précisions de nature à dissiper les contradictions et incohérences relevées par le ministre pour conclure à l’incrédibilité de son récit. Il se dégage encore du récit du demandeur, non contesté sur ce point, qu’il a pu trouver refuge au Congo pour y avoir vécu dans un camp de réfugiés pendant près de trois années sans que l’intéressé ne fasse état de problèmes particuliers de nature à rendre cette protection dont il a bénéficié inappropriée ou insuffisante.

Le tribunal arrive partant à la conclusion que le demandeur, en se dirigeant vers la Belgique et ensuite vers le Luxembourg, fut guidé non pas par une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine qui est l’Angola, mais par le désir de quitter, avec l’aide d’une personne avec laquelle il entretenait à l’époque des relations étroites, le lieu de refuge qu’il avait pu rejoindre en 2002 dans l’espoir de trouver ailleurs des conditions d’accueil plus favorables qu’au Congo.

Le tribunal peut encore rejoindre le ministre dans son raisonnement consistant à retenir que l’intéressé n’a pas fait état de raisons valables justifiant une impossibilité dans son chef de s’installer dans une autre région de son pays d’origine, alors que les problèmes auxquels il fait référence étaient centrés sur sa région d’origine et ne sont pas de nature à établir un risque individualisé de persécution dans son chef par rapport à son pays d’origine considéré dans son ensemble.

Il suit de tout ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de l’article 1er, A de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses littéra a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate à ce sujet que le demandeur reste en défaut d’expliquer pour quels motifs sérieux et avérés il serait permis de croire qu’il courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 s’il était renvoyé en Angola, de sorte qu’en l’état actuel du dossier le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant refus d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mai 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, premier juge, M. Fellens, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23573
Date de la décision : 26/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-05-26;23573 ?

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