Tribunal administratif N° 23302 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2007 Audience publique du 21 mai 2008
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Recours formé par Madame …, … (France) contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’aides au logement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23302 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2007 par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …., demeurant à F-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision prise en date du 9 mai 2007 par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ayant accordé une dispense partielle du remboursement des aides touchés et l’ayant invité au remboursement partiel des aides au logement touchées à hauteur de 1.275,62 euros ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Natacha STELLA, en remplacement de Maître Pascal PEUVREL, ainsi que Monsieur le délégué de Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2008.
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Le 28 avril 1992, Madame … et Monsieur …, encore mariés à l’époque, se virent accordées des aides au logement pour leur logement sis à … , «sous la condition de ne pas vendre ledit logement avant le délai de 10 ans respectivement d'y habiter pendant ce délai. » Le 26 octobre 1994, le Service compétent pour les aides au logement fit parvenir à Madame et Monsieur …-… un courrier dans lequel il les informa qu' « en date du 28/04/92 vous avez reçu des aides au logement de la part du Ministère du Logement pour votre logement sis à … , sous la condition de ne pas vendre ledit logement avant le délai de 10 ans respectivement d’y habiter pendant ce délai.
Au cas où ces conditions ne sont plus remplies, les aides reçues sont à rembourser au trésor […]. » En date du 18 mars 1996, Madame et Monsieur …-… firent introduire par leur mandataire une demande de dispense de remboursement des aides au logement. Cette lettre est libellée comme suit :
« Je suis le mandataire de Monsieur … et de Madame … qui me versent la correspondance dans l’affaire sous rubrique.
Mes mandants s’excusent d’avoir quelque peu perdu de vue ce dossier.
Par la présente, mes mandants font appel à votre bienveillante compréhension et demandent la dispense du remboursement dont s’agit, sinon une sensible diminution du remboursement.
Lors de la séparation des biens, le solde récupéré lors de la vente de l’immeuble a tout juste suffi pour apurer les dettes de la communauté.
Les deux époux ont dû se reloger et se réinstaller.
Ce redémarrage à zéro, sans qu’aucun des époux n’ait recueilli de quelconques fonds lors de la liquidation de la communauté, a constitué et constitue une charge considérable pour mes mandants.
Voici la situation actuelle des deux époux :
Madame … Monsieur … salaire 96.000.-
salaire 58.000.-
loyer 26.000.-
loyer 26.000.-
prêts 5.500.-
prêts 10.900.-
Il est à noter par ailleurs que les époux ont dû régler les frais et honoraires du divorce s’étant élevés en tout à 109.106.- francs.
Au vu de ce qui précède, je vous prie de bien vouloir donner une suite favorable à la requête de mes mandants. […] » Le 6 août 1996, le ministre du Logement fit parvenir à Madame … un courrier libellé comme suit :
« Faisant suite à la lettre de Maître Pol URBANY du 18 mars 1996 concernant le remboursement des aides au logement vous accordées par le Ministre du Logement en faveur de votre logement sis à … , j’ai l’honneur de vous informer que vous avez reçu jusqu’à ce jour la somme de 84 635.- francs (votre part), savoir :
- la prime de construction/acquisition :
65 000.- francs (votre part) - les intérêts (7,5 % / an) :
19 635.- francs (votre part) Il va sans dire que ces montants, qui d’ailleurs changeront en fonction de la durée d’occupation de votre logement, ne sont remboursables qu’à la date de la vente effective de votre logement.
Etant donné qu’à l’heure actuelle, d’après nos renseignements, l’acte de vente n’est pas encore dressé, je ne saurais prendre de décision définitive. Néanmoins afin de vous permettre d’établir un plan de financement, j’ai l’honneur de vous signaler, qu’en me fondant sur les faits personnels invoqués dans la prédite lettre, sur avis de la Commission compétente et les dispositions de l’article 9 alinéa 5 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983, je serais disposé à vous accorder une dispense de remboursement d’un montant de 84 635.-
francs (votre part).
Cependant, je vous rappelle que la présente mesure ne confère pas de droit juridiquement opposable et qu’elle est sujette à révision. […] » Par courriers des 18 janvier 2005, 20 octobre et 15 décembre 2006, le ministre du Logement demanda à Madame … une copie des documents manquant, à savoir l’acte de vente de l’immeuble pour lequel Madame … a bénéficié des aides au logement, le contrat de bail, respectivement de l’achat de son logement actuel et une lettre indiquant les recettes et les dépenses mensuelles de son ménage, accompagnée des pièces justificatives.
En date du 21 décembre 2006, la commission en matière d'aides au logement prit une décision de remboursement des aides au logement, en précisant le montant à rembourser par Madame … d’un total de 1924,77 euros, se composant d’un montant de 1.611,31 euros à titre de la prime d'acquisition/construction et d’un montant de 313,46 euros à titre d'intérêts.
Suite à l’introduction d’un recours gracieux du 31 janvier 2007 par le nouvel avocat de Madame …, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement prit en date du 9 mai 2007 une décision libellée comme suit :
« Faisant suite à la lettre de Maître Pascal PEUVREL reçue en date du 31 janvier 2007 concernant le remboursement des aides au logement vous accordées par l’Etat en faveur de votre logement sis … , j’ai l’honneur de vous informer qu’en me fondant sur les faits personnels invoqués dans la lettre précitée, sur l’avis favorable pris à l’unanimité des voix par la Commission compétente, composée de MM. … , et sur les dispositions de l’article 9 alinéa 5 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983, je vous accorde dispense partielle du remboursement des aides en question au montant total de 649,15 euros, à savoir :
Intervenant : … - Prime d’acquisition/construction 335,69 euros - Les intérêts au taux légal 313,46 euros Compte tenu de cette dispense partielle de remboursement, il vous reste à rembourser au Trésor le montant total de 1.275,62 euros, à savoir :
Intervenant : … - Prime d’acquisition/construction (le restant) 1.275,62 euros Je vous prie de bien vouloir virer le solde au montant de 1.275,62 euros sur le compte de la Trésorerie de l’Etat du Service des Aides au Logement numéro IBAN LU33 0019 1023 1106 2000 auprès de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2007, Madame … sollicite la réformation sinon l’annulation de la décision précitée du 9 mai 2007.
Le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en réformation étant donné qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours en pleine juridiction en matière d’aides au logement.
La demanderesse ne prend pas position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité.
Force est en effet de constater qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours au fond en matière d’aides au logement, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.
Le délégué du Gouvernement soulève l'irrecevabilité du recours en annulation pour tardiveté dans la mesure où la décision fixant le remboursement des aides au logement antérieurement accordées serait datée du 21 décembre 2006. Cette décision informerait la dame … sur le principe et les modalités du remboursement qu'elle doit effectuer et contiendrait des informations sur les voies de recours judiciaire. Sur recours gracieux introduit par la demanderesse le 31 janvier 2007, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement aurait pris une décision confirmative le 9 mai 2007 qui maintiendrait le principe du remboursement des aides au logement reçues tout en accordant un remboursement partiel.
Le recours contentieux serait introduit plus de 6 mois après l'introduction du recours gracieux et plus de 7 mois après la décision fixant le remboursement des aides au logement.
Par ailleurs le présent recours ne serait introduit que contre la décision confirmative du 9 mai 2007, et non contre la première décision du 21 décembre 2006 qui serait à la base de la demande de remboursement des aides au logement formulée à l'encontre de Madame ….
La demanderesse ne prend pas position par rapport à ces moyens d’irrecevabilité.
En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation ratione temporis, l’article 13 alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que, « sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».
Si en l’espèce, le recours en annulation tel que dirigé contre la décision déférée du 9 mai 2007 a été déposé a priori en temps utile au greffe du tribunal administratif, la partie défenderesse soulève cependant son irrecevabilité pour avoir été dirigé plus de 6 mois après l’introduction du recours gracieux et plus de 7 mois après la décision fixant le remboursement des aides au logement.
Or, une nouvelle décision prise sur base d’une demande réitérée contre une décision antérieure n’est pas distincte de cette dernière et n’ouvre ainsi pas de nouveau délai de recours, dès lors que la nouvelle décision confirme purement et simplement la décision antérieure, à moins que la décision confirmative est basée au moins partiellement sur des éléments nouveaux à l’égard desquels l’administration prend position ou encore si l’administration procède au réexamen du dossier notamment moyennant des mesures d’instruction supplémentaires ou enfin si la décision est intervenue à la suite d’une demande faisant état de circonstances nouvelles.1 Force est de constater au vu des pièces versées en cause que la décision litigieuse du 9 mai 2007 fixe le montant à rembourser à la somme totale de 1.924,77 euros tout en accordant dispense partielle du remboursement d’un montant total de 649,15 euros en se fondant sur les faits personnels invoqués dans le courrier du 31 janvier 2007 du litismandataire de la demanderesse. Il s’en suit que la décision déférée du 9 mai 2007 n’est pas purement confirmative mais contient des éléments décisionnels nouveaux résultant du réexamen de la situation individuelle de la demanderesse, de sorte que le moyen de l’irrecevabilité ratione temporis laisse d’être fondé.
Il en est de même du moyen tendant à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où ce dernier ne serait dirigé que contre la décision confirmative du 9 mai 2007. En effet, la décision déférée n’est pas purement confirmative mais contient des éléments décisionnels nouveaux, et constitue dès lors une décision autonome susceptible de faire l’objet d’un recours.
Le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en annulation alors que la requérante resterait en défaut d'invoquer un quelconque moyen de droit pouvant le cas échéant justifier une annulation de la décision déférée, telle que l’exigerait l'article 2 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après « la loi du 7 novembre 1996 ». La requérante se bornerait à dire en une seule phrase qu'elle conteste formellement la décision confirmative du 9 mai 2007.
S’il est certes exact que la demanderesse ne se base pas expressément sur un cas d’ouverture d’un recours contentieux tel que cité à l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996, il y a cependant lieu de retenir que la question de savoir si les circonstances de fait invoqués par la demanderesse pour soutenir sa cause est à analyser dans le cadre du bien fondé de son recours et non dans le cadre de la recevabilité de la requête introductive d’instance, de sorte que le moyen d’irrecevabilité invoqué par le délégué du Gouvernement à l’encontre du recours en annulation contre la décision du 6 août 2007, laisse d’être fondé.
A l’appui de son recours la demanderesse fait valoir que par courrier du 6 août 1996, le ministre du Logement lui aurait accordé une dispense totale de remboursement des aides au logement la concernant et que d’autre part le remboursement éventuel du solde des aides au logement litigieuses ne concernerait pas elle-même mais son ex-époux, à savoir Monsieur ….
Force est de constater que le courrier du ministre du Logement du 6 août 1996 ne constitue pas une décision individuelle qui crée des droits. En effet, aux termes du courrier du 6 août 1996 précité, le ministre précise qu’il « serait disposé » à accorder une dispense de remboursement d’un montant de 84.635 euros, de sorte que le courrier ne contient aucun 1 TA 7 mai 1997, n° 9322, Pas. adm. 2006, p. 686, n° 138, v° Procédure contentieuse et les références y citées élément décisionnel. Il en résulte que la demanderesse ne saurait se prévaloir en l’espèce d’un droit acquis, faute d’existence d’une décision antérieure ayant créé un quelconque droit dans son chef.
Concernant le moyen que le solde des aides au logement à rembourser concernerait l’ex-époux de la demanderesse, force et de constater que la décision du 9 mai 2007 précise expressément qu’il s’agit de l’ « Intervenant : … », de sorte à admettre que le restant à payer, à savoir 1.275.- euros, correspond à la part à rembourser par la demanderesse, de sorte qu’à défaut d’autres éléments et à l’état actuel de l’instruction du dossier, le moyen laisse d’être fondé.
Il s’ensuit que le recours de la demanderesse n’est fondé en aucun de ses moyens et qu’il est partant à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, déclare le recours subsidiaire en annulation recevable en la forme, au fond, le déclare non fondé et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2008 par :
Mme Thomé, premier juge, M. Sünnen, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Thomé 6