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07/05/2008 | LUXEMBOURG | N°23665

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mai 2008, 23665


Tribunal administratif N° 23665 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2007 Audience publique du 7 mai 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23665 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2007 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Togo), de nationalité togola

ise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des ...

Tribunal administratif N° 23665 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2007 Audience publique du 7 mai 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23665 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2007 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Togo), de nationalité togolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 août 2007 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 12 octobre 2007 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2008 par Maître Louis TINTI ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2008 ;

Entendu le juge rapport en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2008.

Le 26 août 2005, Monsieur … introduisit oralement une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur… fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-

Duché de Luxembourg.

Il fut entendu le 8 septembre 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur… par décision du 8 août 2007, lui envoyée par courrier recommandé expédié en date du 21 août 2007, de ce qu’il ne saurait bénéficier ni de la protection prévue par la Convention de Genève ni de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à la demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 26 août 2005.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 28 août 2005 et le rapport d'audition de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 8 septembre 2005.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté le Togo vers juin 2005 pour vous rendre au Ghana où vous auriez vécu chez une connaissance près d'Accra. Vous y seriez resté un mois avant de prendre un bateau dans le port de Tema. Vous ignorez où vous auriez accosté le 25 août 2005. Une personne vous y aurait attendu et emmené en voiture au Luxembourg où vous seriez arrivé le 26 août 2005, date du dépôt de votre demande d'asile. Vous dites ne rien avoir payé pour votre voyage. Vous présentez une carte d'identité togolaise établie le 5 février 2002 à Lomé.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez membre du parti politique d'opposition UFC depuis 2001. Vous dites avoir sensibilisé les gens, les avoir informés de meeting et avoir participé à des marches. Lors des élections présidentielles du 26 avril 2005 I'UFC aurait organisé des groupes à l'extérieur des différents bureaux de vote. Vous auriez fait partie d'un de ces groupes.

Le soir des élections, lors du dépouillement, la coordinatrice du bureau de vote que vous auriez surveillé et membre du RPT aurait refusé de signer un procès-verbal qu'elle devait mettre au représentant de la coalition de partis politiques d'opposition menée par I'UFC. Une dispute aurait éclaté et vous dites l'avoir « giflée doucement » sur le dos afin qu'elle signe, ce qu'elle aurait finalement fait. Vous dites avoir pris cette gifle à la « rigolade », mais pas la coordinatrice. Le soir, vous seriez rentré chez vous. Un ami vous aurait reporté que cette coordinatrice voudrait vous envoyer des militaires. Vous seriez encore resté 5 à 6 jours à Lomé, puis vous seriez allé à Vogan chez une tante. Vous dites ne pas avoir aperçu de militaires ou avoir revu la coordinatrice. Vous ne faites également pas état de problèmes concrets ou d'autres problèmes que vous auriez eu au Togo. Plus tard, vous dites que votre ami vous aurait dit que des militaires seraient passés à votre domicile.

Vous auriez peur de vous faire arrêter en cas de retour au Togo. Vous ne vous seriez pas senti en sécurité au Ghana, sans pour autant y faire état de problèmes quelconques.

Par courrier de votre avocat du 14 janvier 2007 vous présentez deux lettres datées du 7 et 26 décembre 2006 de votre cousin, respectivement de votre frère. Il ressort de ces lettres que votre père aurait été arrêté le 15 juillet 2005 par des militaires qui seraient à votre recherche. Il aurait été libéré le 16 août 2005, mais serait décédé le 19 août 2005 à cause de mauvais traitements qu'il aurait subis en détention. Votre frère y indique également que votre famille serait harcelée par des militaires. Le courrier de votre avocat contient également votre carte de membre du parti politique UFC établie le 6 août 2001.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, il ne résulte pas de vos allégations, qui ne sont d'ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d'être persécuté dans votre pays d'origine pour un des motifs énumérés par l'article 1er`, A., §2 de la Convention de Genève.

En effet, le fait que vous auriez « doucement giflé » le dos de la coordinatrice d'un bureau de vote, même en tant que « rigolade » et que cette dernière l'aurait mal pris ne saurait être considéré comme un acte de persécution et n'est pas d'une gravité telle pour fonder à lui seul une demande en obtention du statut de réfugié. Dans ce contexte, il y a également lieu de soulever que cet incident se serait produit lors des élections présidentielles d'avril 2005, période très tendue et mouvementée du Togo. Le fait que des militaires seraient à votre recherche est certes exagéré, mais force est de constater que vous ne faites pas véritablement état de problèmes. Vous déclarez seulement qu'un ami vous aurait reporté que des militaires seraient passés à votre domicile. Or, vous n'êtes pas en mesure de le prouver que ces militaires seraient à votre recherche et qu'ils le seraient parce que vous auriez donné cette gifle à la coordinatrice du bureau de vote.

Il ressort de lettres de membres de votre famille que votre père aurait été arrêté et emprisonné parce que les militaires vous rechercheraient et qu'il serait décédé à la suite de mauvais traitements. Or, ces lettres ne sauraient suffire pour établir la réalité de ces faits.

Vous présentez certes un acte de décès, mais vous n'êtes pas en mesure de prouver que votre père serait décédé pour les raisons que vous invoquez.

Vous auriez peur de vous faire arrêter. Cette peur traduit plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention. De même il y a lieu de soulever que le chef du gouvernement togolais de l'époque, Monsieur Edem Kodjo a dans une lettre circulaire du 15 mars 2006 adressée aux responsables des forces de sécurité et aux autorités judiciaires donné des instructions pour l'arrêt de toutes poursuites judiciaires à l'encontre de toute personne présumée auteur d'infractions ou de délits étroitement liés à l'élection présidentielle d'avril 2005. Monsieur Kodjo a expliqué sa décision par un « souci d'apaisement total et de réconciliation nationale, afin de favoriser le retour des réfugiés et des personnes déplacées suite aux événements survenus avant, pendant et après l'élection ».

Ainsi, selon le Country Report on Human Rights Practices, Togo du 6 mars 2007 du US Department of State « 77 persons imprisoned on their involvement in election violence were released in 2005 ». Votre crainte n'a donc plus lieu d'être.

Enfin, la simple appartenance à un parti politique même d'opposition n'est pas suffisante pour bénéficier de la reconnaissance du statut de réfugié dès lors que vous n'exerciez aucune activité politique particulièrement exposé. D'ailleurs, il ressort de vos déclarations que vous n'auriez pas eu de problèmes à cause de votre adhésion à I'UFC.

Par conséquent, vous n'alléguez aucune crainte fondée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Enfin, soulignons que la situation politique a nettement changé au Togo depuis votre départ en 2005. Ainsi, il faut souligner qu'il résulte d'un rapport de I'UNHCR du 2 août 2005 intitulé « Position du HCR sur le traitement des demandeurs d'asile du Togo » que « le régime de Faure Gnassingbé s'efforce grandement de montrer sa disponibilité à la réconciliation, appelle au retour des réfugiés togolais, et fait preuve de beaucoup d'autres initiatives positives. Parmi les efforts entrepris par les autorités togolaises actuelles vers la réconciliation, il faut mentionner le Décret présidentiel du 25 mai 2005, qui crée une Commission indépendante d'enquête nationale spéciale pour enquêter sur "les actes de violence et de vandalisme" qui ont troublé la période électorale ». Dans ce même contexte, le chef du gouvernement togolais, Monsieur Edem Kodjo a dans une lettre circulaire du 15 mars 2005 adressée aux responsables des forces de sécurité et aux autorités judiciaires donné des instructions pour l'arrêt de toutes poursuites judiciaires à l'encontre de toute personne présumée auteur d'infractions ou de délits étroitement liés à l'élection présidentielle d'avril 2005. Monsieur Kodjo a expliqué sa décision par un « souci d'apaisement total et de réconciliation nationale, afin de favoriser le retour des réfugiés et des personnes déplacées suite aux événements survenus avant, pendant et après l'élection ». Le rapport continue en disant que « la création d'une Haute Commission pour le Rapatriement et la Réinsertion (HCRR) est un autre signe de cette atmosphère positive ; cette dernière a pour mission de préparer le rapatriement et la réintégration des réfugiés togolais et de s'occuper des autres questions humanitaires correspondantes. La HCRR a déjà pris contact avec le HCR afin d'instaurer des relations de travail harmonieuses ». Selon des sources UNCHR plus de 5 000 réfugiés togolais installés au Bénin ou au Ghana seraient retournés au Togo.

De même le prédit rapport indique que « les efforts des nouvelles autorités togolaises répondent aux attentes de la majorité des personnes concernées, y compris les réfugiés à l'étranger, de même que les quelques initiatives prises, notamment dans le contexte africain en vue de normaliser la situation au Togo. A cet égard, il convient de souligner que le 25 avril 2005, en vue de contrecarrer d'éventuelles manifestations violentes après la publication des résultats du scrutin, le Président Olusegun Obasanjo a, en sa qualité de Président de l'UA, négocié un accord entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio (leader du parti politique d'opposition UFC), afin de former un Gouvernement d'unité nationale, indépendamment des résultats de scrutin ». Par ailleurs, les restrictions de voyage prononcées contre le leader Gilchrist Olympio ont été levées et quelques 500 détenus, dont des détenus politiques ont été libérés.

Le 19 mai 2005, à l'invitation d'Olusegun Obasanjo, un mini-sommet a été organisé à Abuja pour discuter du processus devant mener à la réconciliation nationale et à la démocratie populaire au Togo. Outre les protagonistes de la crise togolaise, le Représentant spécial du Secrétaire général (SRSG) de l'ONU pour l'Afrique occidentale, le Président de la CEDEAO, le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO, les chefs d'Etat de la CEDEAO concernés ainsi que le Président du Gabon ont assisté au mini-sommet. Le 21 juillet 2005 une rencontre entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio a eu lieu à Rome. D'après Radio France Internationale (RF/), les deux hommes ont appelé à la fin de la violence au Togo, au retour des 30.000 réfugiés et ont accepté de se revoir ultérieurement. Le 21 avril 2006 les représentants du parti politique au pouvoir et ceux des principaux partis politiques d'opposition togolais ainsi que des délégués de la société civile ont repris à Lomé le chemin du dialogue pour trouver une solution à la crise politique. L'ordre du jour et les objectifs du dialogue concernent essentiellement les engagements pris par le Togo envers l'Union européenne en avril 2004 pour la reprise de la coopération entre les deux parties, interrompues en 1993 après les violences électorales. Un gouvernement d'union nationale a été formé le 21 septembre au Togo. Ce gouvernement est composé de membres de l'opposition et de la mouvance présidentielle. Yawovi Agboyibo, leader du parti politique d'opposition Comité d'Action pour le Renouveau (CAR) a été nommé Premier Ministre. La formation de ce nouveau gouvernement fait partie des points essentiels de l'accord politique signé le mois dernier à l'issue du dialogue entre les différents protagonistes de la crise politique au Togo.

Des élections législatives anticipées sont prévues pour septembre 2007 et des élections présidentielles pour 2010.

Enfin, il ressort d'un autre rapport de l'UNCHR du 7 août 2006 que « In the 12 months since the position was issued the situation in Togo has stabilized and in a number of ways improved. Leaders of the opposition who previously would have feared for their lives now feel sufficiently comfortable to live in the economic capital, Lome. Others have actually been included in the government of national unity ». Le rapport indique également que « there have been positive developments in Togo. According to all observers, including the UN Country Team and the principal independent human rights organization in Togo, the 3,000 member Togolese League for Human Rights (Ligue Togolaise des Droits de l'Homme – LTDH), the security situation has improved ». Finalement, le rapport conclut que « UNHCR is of the view that while serious problems persist which warrant careful consideration of asylum daims submitted by Togolese nationals seeking international protection, serious and indiscriminate threats to life, physical integrity or freedom resulting from generalized violence or events seriously disturbing public order, no longer occur. UNHCR is therefore amending its position of 2 August 2005 in respect of international protection needs of Togolese asylum-seekers as follows:…4) For individuals found not to be in need of international protection following determination of their daims in fair and efficient procedures including a right of appeal, UNHCR does not object to their return to Togo on refugee protection grounds. Host States' non-refoulement obligations under applicable international human rights law remain unaffected. Compelling humanitarian reasons should also be given due consideration ».

En outre, vous n'invoquez pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. Les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort, ni de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour au Togo.

Par ailleurs, vous ne faites pas état de risques émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé.

La présente décision est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.» Le 7 septembre 2007, Monsieur… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision du 8 août 2007. Par une décision du 12 août 2007 le ministre confirma sa décision de refus antérieure.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2007, Monsieur… a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles de refus des 8 août et 12 octobre 2007.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur… fait valoir que les décisions litigieuses devraient être réformées pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits. Il reproche à l’autorité administrative de ne pas avoir tiré les conséquences qui s’imposaient du fait de la persécution dont il aurait été victime ou pourrait être victime en cas de retour dans son pays du fait notamment de son activisme politique au sein de l’UFC. Il se réfère plus spécialement à divers documents et notamment un certificat de décès de son père, à des cartes de remerciement de la famille du défunt, à deux courriers respectivement datés des 7 décembre 2006 et 26 décembre 2006, à trois photos concernant l’enterrement de son père et son propre activisme politique et à une carte de membre de l’UFC établi à son nom. Il fait également référence à une convocation pour le 21 mai 2007 lui adressée par les militaires et à un extrait de l’hebdomadaire « Clin d’œil » relatant la cause de la mort de son père agressé par les militaires suite à sa disparition. Il estime que ces documents viendraient corroborer de façon probante la version des faits par lui soutenue à la base de sa demande d’asile. Il fait valoir qu’il serait actuellement recherché par les militaires togolais en raison de son comportement à l’occasion des élections présidentielles en 2005. Il estime que sa crainte serait d’autant plus fondée au motif que les autorités n’auraient pas hésité à emprisonner son père, lequel aurait succombé quelques jours après sa libération aux violences commises sur sa personne. Enfin, il conclut que la situation subie sur le terrain par les opposants au régime en place serait toujours dramatique, de sorte qu’il lui serait impossible de rentrer dans son pays.

Enfin il plaide que ce serait également à tort que le ministre lui a refusé la protection subsidiaire étant donné que sa probable incarcération en cas de retour dans son pays d’origine devrait être considérée comme un traitement ou une sanction inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur. En ce qui concerne la convocation établie le 18 mai 2007 et celle du 6 juillet 2007 présentées par le mandataire du demandeur, il fait souligner qu’il serait peu probable que de telles pièces apparaissent à ce stade de la procédure et que des convocations seraient émises en mai et juillet 2007 pour un fait ayant eu lieu en 2005. Ces convocations seraient d’autant plus improbables si on les mettait en relation avec la volonté manifeste des autorités en place d’arrêter toute poursuite judiciaire à l’encontre de toute personne présumée auteur d’infractions ou de délits étroitement liés à l’élection présidentielle d’avril 2005, de sorte que l’authenticité de ces pièces devrait ainsi être mise en doute.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le demandeur fait essentiellement état de sa crainte d’être victime de répression en raison de ses activités en faveur d’un parti d’opposition togolais, l’Union des Forces de Changement (UFC), en cas de retour dans son pays.

S’il est vrai que les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, il n’empêche qu’en l’espèce, les faits soumis par le demandeur remontent à l’année 2005 et s’insèrent dans le contexte politique général de la présidence de Gnassingbé EYADEMA, de manière qu’ils ne paraissent plus de nature à fonder à l’heure actuelle une crainte justifiée de persécution dans son chef, faute notamment par le demandeur d’avoir rapporté des éléments suffisants permettant de conclure à la persistance d’un risque individualisé de persécution à son égard dans le contexte politique actuel dans son pays d’origine, au vu de l’évolution de la situation politique au Togo après le décès en 2005 du président Gnassingbé EYADEMA et du processus de réconciliation nationale amorcé par la signature de l’Accord Politique Global au mois d’août 2006.

A cela s’ajoute que même pour l’incident de 2005 le demandeur ne fait pas état d’une persécution mais seulement d’une crainte de persécution. En effet, il répond à la question :

« Mais avez-vous personnellement subi des persécutions au Togo ? » « Les soldats me cherchaient. » et ensuite « Selon votre opinion quelles pourraient être les conséquences concrètes à un retour au Togo ? » « Je ne sais pas. » et encore « Les militaires, quelle raison auraient-ils de vous rechercher ? » « C’est à cause de ce que j’ai fait à la dame. » « Mais qu’avez-vous exactement fait à cette dame ? » « Je l’ai giflée sur le dos et je lui ai dit de signer. Ils peuvent m’arrêter, je ne sais pas. » « Mais avez-vous déjà eu des problèmes avec les autorités ou avec les militaires togolais ? » « Non, c’est la première fois. C’est la dame qui est à la base de tout. » « Comment pouvez-vous dire que c’est la première fois si vous n’avez jamais vu ces militaires ? » « C’est mon ami qui m’a tout raconté. » En ce qui concerne la mort de son père force est de constater qu’il n’est pas établi que son père serait décédé à la suite des mauvais traitements qu’il aurait subis lors d’une détention et que sa mort serait liée à la disparition de son fils. En ce qui concerne les deux convocations datées des 18 mai et 5 juillet 2007 et l’avis de recherche daté du 27 septembre 2007, force est de constater qu’il est peu probable que ces convocations et avis de recherche aient été émis seulement en juillet 2007 pour un fait ayant eu lieu en 2005. L’authenticité des ces pièces est d’autant plus douteuse si on les met en relation avec la volonté manifeste des autorités en place d’arrêter toute poursuite judiciaire à l’encontre de toute personne présumée auteur d’infractions ou de délits étroitement liés à l’élection présidentielle d’avril 2005. Le tribunal partage dès lors avec la partie publique les doutes émis quant à l’authenticité des pièces versées.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de l’article 1er, A de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Concernant le volet de la décision portant refus dans le chef du demandeur du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006, il convient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a estimé que le demandeur ne court pas en cas de retour éventuel au Togo un risque réel de se voir infliger la peine de mort ou de se faire exécuter ou encore de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, respectivement de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet Monsieur… invoque le risque de subir le même traitement inhumain ou dégradant subi par son père, risque ci-avant écarté comme n’étant pas établi à suffisance, de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’il n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés qui permettent de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, au regard du contexte prévalant à l’heure actuelle au Togo, il court un risque réel d’être emprisonné et de subir de traitements inhumains tels que prévus à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 et qu’il n’est partant pas fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

Au vu de ce qui précède, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mai 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23665
Date de la décision : 07/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-05-07;23665 ?

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