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07/05/2008 | LUXEMBOURG | N°23581

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mai 2008, 23581


Tribunal administratif N° 23581 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2007 Audience publique du 7 mai 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23581 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kinshasa/Républiqu

e Démocratique du Congo), de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant ...

Tribunal administratif N° 23581 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 octobre 2007 Audience publique du 7 mai 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23581 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 octobre 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kinshasa/République Démocratique du Congo), de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 août 2007 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2.

d’un régime de protection temporaire et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 1er octobre 2007 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2008 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 avril 2008.

Monsieur … introduisit en date du 19 août 2005 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 1er septembre 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … par décision du 8 août 2007 lui envoyée par courrier recommandé expédié le 17 août 2007, de ce qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève et qu’il ne saurait pas non plus bénéficier de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Le 20 septembre 2007, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 1er octobre 2007.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2007, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 8 août et 1er octobre 2007.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire que l’article 19 paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … reproche à l’autorité administrative de ne pas avoir tiré les conséquences qui s’imposaient du fait de la persécution dont il aurait été victime ou pourrait être victime en cas de retour dans son pays d’origine, du fait notamment de ses problèmes liés à son activisme politique notamment au sein d’organisations non-

gouvernementales en faveur des droits de l’enfant dénonçant des actes de pédophilie dans lesquels des personnes de la présidence seraient impliquées. Il se prévaut également d’actes de persécutions subies dans le cadre de son travail en raison de la rédaction d’un rapport dénonçant les actes de barbaries exercés par le pouvoir en place. Il ajoute qu’il aurait également subi des actes de persécutions raciales en raison de sa morphologie rwandaise et qu’il aurait porté plainte auprès du tribunal de Grande Instance de Matete le 5 juin 2004 quant à ces actes xénophobes. Il insiste également sur le caractère cohérent de ses déclarations lors de son audition et estime que la situation politique au Congo ne serait pas normalisée.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Dans la décision ministérielle du 8 août 2007, les faits sous-jacents à la demande d’asile sont résumés de la façon suivante :

« Il résulte de vos déclarations que le 1er juin 2004 des rwandais auraient été massacrés lors d’un mouvement général. Etant donné que vous auriez une morphologie rwandaise vous auriez été agressé par des xénophobes dans la rue. Vous vous seriez réfugié pendant 48 heures dans l’ambassade du Ghana à Kinshasa. La situation se serait calmée et vous dites avoir porté plainte auprès du tribunal de Grande Instance de Matete/Kinshasa le 4 juin 2004 contre « les xénophobes, les inciviques ». Il n’y aurait pas eu de suite à votre plainte. Vous dites que quelques voisins auraient continué de vous traiter de rwandais.

Le 11 avril 2005, journée dite « ville morte », vous auriez participé à une manifestation politique « concernant l’organisation des élections dans la transition et le non au blocage électoral ». Vous dites avoir participé à cette manifestation en tant que activiste des droits de l’enfant. Il y aurait eu des accrochages avec les forces de l’ordre quand les manifestants auraient essayé d’accéder au Palais du Peuple. Vous auriez été arrêté avec plusieurs autres personnes et retenu pendant 2 jours. Vous faites état de mauvais traitements.

Vous auriez été interrogé sur votre adhésion dans un parti politique, mais vous auriez nié être membre d’un parti politique.

Vous dites que la nouvelle de votre arrestation serait arrivée « au niveau de votre service » et par peur de représailles de la part du Rwanda on vous aurait fait libérer. En effet, vous dites avoir travaillé comme rédacteur au sein du secrétariat du Ministère de la Défense.

Vous auriez été fonctionnaire et auriez fait partie du personnel civil.

Le 11 juillet 2005, vous auriez écrit un rapport demandé par votre chef hiérarchique et qui aurait été mal perçu. Vous dites dans un premier temps avoir écrit un petit rapport (3 à 4 pages) sur des cachots souterrains de là où vous auriez été retenu. Puis, vous dites avoir fait un rapport sur les « problèmes de l’élection » et « à propos de l’insécurité ». Vous ne pouvez pas donner de titre quant à ce rapport. Plus tard encore vous dites avoir écrit un long rapport sur des actes de barbaries exercés par le pouvoir en place, c’est-à-dire du « phénomène du Kata-Kata » visant à éliminer les gens de l’opposition.

Enfin, vous ajoutez avoir été actif pour des organisations non gouvernementales exerçant dans la protection des droits de l’enfant. Vous faites état d’actes de pédophilie dans lequel des personnes de la présidence seraient impliquées sans pour autant donner de nom.

Vous auriez peur de vous faire tuer en cas de retour en RDC. Vous ne faites pas état d’autres problèmes et vous admettez ne pas être membre d’un parti politique ».

En effet, force est de constater à l’étude du récit du demandeur tel qu’acté dans le procès-verbal d’audition afférent que les persécutions subies par celui-ci ainsi que le risque d’un retour dans son pays d’origine trouvent leur origine dans la participation du demandeur à une manifestation le 11 avril 2005 au cours de laquelle il a été arrêté et mis pendant deux jours en prison. Force est de constater que cet événement est trop éloigné dans le temps et n’avait pas un caractère de gravité suffisant afin de pouvoir valoir come motif de persécution au sens de la Convention de Genève. En ce qui concerne l’événement du 1er juin 2004, lors duquel il aurait été agressé par des xénophobes au motif qu’il a une morphologie rwandaise force est également de retenir que cet événement est trop éloigné dans le temps d’autant plus que le demandeur reste en défaut de faire état d’éléments permettant au tribunal de retenir une crainte actuelle de persécutions dans son chef.

En ce qui concerne les craintes invoquées de Monsieur … en raison de ses activités politiques et plus spécialement pour avoir rédigé un rapport sur les abus des membres de l’autorité en place, force est de constater que ces craintes ont un caractère purement hypothétique.

En ce qui concerne la situation générale tant politique que sécuritaire en République Démocratique du Congo, force est de constater que la seule invocation d’une telle situation et des risques qu’elle représente pour tout individu vivant en ce pays ne saurait cependant suffire pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié, alors que la situation générale du pays d’origine ne justifie pas à elle seule la reconnaissance du statut des réfugiés.

Le seul fait d’être susceptible de devenir une victime d’une telle situation politique instable n’est dès lors pas de nature à faire craindre au demandeur des persécutions répondant aux critères de la Convention de Genève. Dès lors à partir des éléments ci-avant relatés, le tribunal est amené à conclure que Monsieur … n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier actuellement la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Quant au refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 , il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est de constater que le demandeur invoque exactement les mêmes motifs à la base de sa demande de protection subsidiaire que ceux soulevés dans le cadre de sa demande en obtention du statut de réfugié.

Il convient partant de retenir, au vu notamment de la conclusion ci-avant dégagée et en l’absence d’éléments supplémentaires invoqués, que c’est à juste titre que le ministre a estimé que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire que, s’il était renvoyé en République démocratique du Congo, il encourait un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité, et il n’est partant pas fondée à se prévaloir de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mai 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, premier juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23581
Date de la décision : 07/05/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-05-07;23581 ?

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