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30/04/2008 | LUXEMBOURG | N°22882,23384

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 avril 2008, 22882,23384


Tribunal administratif N° 22882 et 23384 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits respectivement les 27 avril 2007 et 6 juillet 2007 Audience publique du 30 avril 2008 Recours formé par la société anonyme … s.a., …, contre des décisions du Conseil de la concurrence en matière de concurrence

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 22882 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2007 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établ...

Tribunal administratif N° 22882 et 23384 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits respectivement les 27 avril 2007 et 6 juillet 2007 Audience publique du 30 avril 2008 Recours formé par la société anonyme … s.a., …, contre des décisions du Conseil de la concurrence en matière de concurrence

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 22882 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2007 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie à L-…, représentée par son Conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du Conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure où celle-ci a prononcé à son encontre une amende d’un montant de 3.000 euros, et à l’annulation de la même décision dans la mesure où elle a prononcé à son encontre une astreinte journalière d’un taux de 40 euros à partir du 16 janvier 2007 jusqu’au jour où la demanderesse « répond de façon exacte, complète et non dénaturée au questionnaire qui lui a été adressé par l’Inspection de la concurrence dans la décision de cette dernière du 4 décembre 2006 à l’exclusion des volets portant sur les raisons des activités de collaboration abordées dans les questions n° 5 et 6, lorsque ces raisons sont de nature à impliquer une violation du droit de la concurrence, ainsi que de celles portant sur l’objet des réunions mentionnées au point a) de la question n° 18 » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 30 avril 2007 portant signification de ce recours au Conseil de la concurrence établi à L-2449 Luxembourg, 6, boulevard Royal, représenté par son président actuellement en fonction ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2007 par Maître Claude SCHMARTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte du Conseil de la concurrence et signifié à la demanderesse par l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 17 juillet 2007 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 août 2007 par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2007 par Maître Henri FRANK pour compte de la société anonyme … s.a., notifié le 26 septembre 2007 au mandataire du Conseil de la concurrence ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2007 par Maître Claude SCHMARTZ pour compte du Conseil de la concurrence, signifié à la demanderesse par l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL du 25 octobre 2007;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 23384 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2007 par Maître Henri FRANK au nom de la société anonyme … s.a.

tendant à titre principal à la réformation d’une décision du Conseil de la concurrence du 6 juillet 2007 dans la mesure où cellei-ci a refusé de procéder à l’annulation ou au retrait de l’amende prononcée à l’encontre de la demanderesse, et à l’annulation de la même décision dans la mesure où elle a refusé de procéder à l’annulation ou au retrait de l’astreinte journalière prononcée à l’encontre de la demanderesse ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 17 septembre 2007 portant signification de ce recours au Conseil de la concurrence établi à L-

2449 Luxembourg, 6, boulevard Royal, représenté par son président actuellement en fonction ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2007 par Maître Claude SCHMARTZ pour compte du Conseil de la concurrence et notifié le même jour à la demanderesse ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 janvier 2008 par Maître Henri FRANK pour compte de la société anonyme … s.a., notifié le même jour au mandataire du Conseil de la concurrence ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er février 2008 par Maître Claude SCHMARTZ pour compte du Conseil de la concurrence, et notifié le même jour à la demanderesse ;

I + II.

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 27 février 2008 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2008 par Maître Henri FRANK pour compte de la société anonyme … s.a., notifié le 14 mars 2008 au mandataire du Conseil de la concurrence ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2008 par Maître Claude SCHMARTZ pour compte du Conseil de la concurrence, notifié au mandataire de la demanderesse en date du même jour ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2008 par le délégué du Gouvernement ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Henri FRANK, Maître Claude SCHMARTZ et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 avril 2008.

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A la suite de la dénonciation par le maître de l’ouvrage d’une entente entre divers corps de métiers dans le cadre de diverses prestations de travaux de carrelages pour la nouvelle Cité Judiciaire, une instruction pénale fut ouverte dans ce contexte et, parallèlement à cette instruction pénale, l'Inspection de la concurrence diligenta une enquête administrative sur base de la loi du 27 mai 2004 relative à la concurrence. Elle adressa en date du 26 septembre 2006 dans ce cadre à la société anonyme … s.a., ci-après « la société … », une demande officielle de renseignements au sens de l’article 13 (2) de la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence.

Suite à un échange de correspondance avec le mandataire de la société …, l’Inspection de la concurrence, à défaut de réponse à sa demande de renseignement, prit en date du 4 décembre 2006 une décision fondée sur l’article 13 (3) de la loi du 17 mai 2004 à travers laquelle elle ordonna à la société … de lui fournir les renseignements définis dans la même décision dans un délai de six semaines à compter de la date de notification.

Par requête déposée le 10 janvier 2007 au greffe du tribunal administratif, la société … fit introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de cette décision de l’Inspection de la concurrence du 4 décembre 2006, qui se solda par un jugement du 15 novembre 2007, numéro 22405 du rôle, qui débouta la demanderesse, ce jugement ayant été confirmé en appel par arrêt de la Cour administrative du 20 mars 2008, numéro 23772C du rôle.

Une requête en sursis à exécution, déposée le 26 février 2007 et dirigée contre la même décision du 4 décembre 2006, fut rejetée comme non fondée par une ordonnance du président du tribunal administratif du 5 mars 2007, numéro 22599 du rôle.

Les 13 et 14 février 2007, le président du Conseil de la concurrence transmit au mandataire de la société … une demande de l'Inspection de la concurrence du 8 février 2007 par laquelle demande l'Inspection requérait la condamnation de la société … à une amende et à une astreinte et, à défaut de prise de position de la société …, le Conseil de la concurrence prit en date du 30 mars 2007 la décision de prononcer à l’encontre de cette société une amende d’un montant de 3.000 euros et une astreinte journalière d’un taux de 40 euros à partir du 16 janvier 2007 jusqu’à ce qu’elle se conforme à la demande de renseignements émanant de l’Inspection de la concurrence.

En date du 27 avril 2007 la société … a fait déposer un recours contentieux à l’encontre de cette décision, enrôlé sous le numéro 22882.

Par courrier du 23 mai 2007 la société … fit transmettre au Conseil de la concurrence les réponses aux questions posées par l'Inspection de la concurrence dans sa décision du 4 décembre 2006, réponses qui furent continuées par le Conseil de la concurrence à l'Inspection de la concurrence par courrier du même jour.

Dans le courrier accompagnant ces réponses, le mandataire de la demanderesse sollicita la rétractation de sa condamnation à l’amende et à l’astreinte.

Par décision du 6 juillet 2007, le Conseil de la concurrence refusa de faire droit à cette demande, à savoir de procéder à l’annulation ou au retrait de l’amende et de l’astreinte prononcées à l’encontre de la demanderesse, tout en décidant de faire cesser l’astreinte à partir du 24 mai 2007, de sorte que la société … a encore fait déposer le 30 août 2007 un recours contentieux, enrôlé sous le numéro 23384 du rôle, contre cette décision.

Quant à la jonction Les deux recours déférés au tribunal ont pour objet, soit directement, soit indirectement, la même décision du Conseil de la concurrence imposant à la demanderesse le paiement d’une amende et d’une astreinte, et reposent en substance sur la même argumentation, de sorte qu’il y a lieu de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

Quant à la recevabilité Au vœu des dispositions de l’article 26 de la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence, « (1) un recours en annulation devant le tribunal administratif est ouvert contre les décisions du Conseil. (2) Toutefois, un recours en réformation devant le tribunal administratif est ouvert contre les décisions du Conseil prises en vertu des articles 18 et 19. Il doit être intenté dans un délai de deux mois », l’article 18 visant les décisions du Conseil de la concurrence imposant des amendes et l’article 19 visant les cas d’immunité et de réduction des amendes.

Il s’ensuit que le tribunal administratif est appelé, au vœu de ces dispositions, à statuer en tant que juge de la réformation à l’égard des décisions du Conseil de la concurrence prises en matière d’amende, et en tant que juge de l’annulation à l’égard de toutes les autres dispositions prises par le même Conseil, dont les décisions portant sur des astreintes.

Le tribunal est à cet égard valablement saisi par le recours déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2007 et enrôlé sous le numéro 22882 du rôle, ce recours tendant à la réformation de la décision du Conseil de la concurrence du 30 mars 2007 dans la mesure où celle-ci a prononcé à son encontre une amende d’un montant de 3.000 euros et à l’annulation de la même décision dans la mesure où elle a prononcé à son encontre une astreinte journalière.

Ce recours, pris en ses deux volets, est encore recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

En ce qui concerne la requête inscrite sous le numéro 23384 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2007, le tribunal est également valablement saisi par celui-ci qui tend à la réformation de la décision du Conseil de la concurrence du 6 juillet 2007 dans la mesure où celle-ci a refusé de procéder à l’annulation ou au retrait de l’amende et à l’annulation de la même décision, dans la mesure où celle-ci a refusé de procéder à l’annulation ou au retrait de l’astreinte.

En ce qui concerne la recevabilité ratione temporis de ce recours, le Conseil de la concurrence soulève son irrecevabilité pour cause de tardiveté en ce qui concerne le volet ayant trait à l’amende, en se basant sur la signification du recours en date du 17 septembre 2007 au Conseil de la concurrence, et ce alors que la décision critiquée a été notifiée à la demanderesse le 13 juillet 2007 et à son mandataire le 16 juillet 2007, de sorte que la signification serait intervenue en-dehors du délai de 2 mois prévu à l’article 26, alinéa 2 de la loi du 17 mai 2004.

Il convient cependant de relever à ce sujet qu’en application de l’article 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un recours contentieux n'existe légalement qu'à partir de son dépôt au greffe du tribunal, de sorte que c'est la date de ce dépôt qui doit être prise en considération afin de calculer si un recours a été introduit dans le délai légal, à l'exclusion de toute autre formalité, en particulier la signification du recours aux tiers intéressés.

Or comme indiqué ci-avant, la requête inscrite sous le numéro 23384 du rôle a été déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2007, c’est-à-dire endéans le délai de 2 mois prévu par la loi du 17 mai 2004 pour les recours portés contre les décisions du Conseil de la concurrence relatives à une amende.

En ce qui concerne la question de la signification, il convient de prime abord de revenir sur la question de la capacité pour agir en justice du Conseil de la concurrence, question faisant entre autres points l’objet de son avis du 27 février 2008.

Il résulte à ce sujet d’un arrêt de la Cour administrative du 24 janvier 20081 qu’étant donné que la capacité active d’ester en justice ne peut être reconnue qu’à des personnes disposant de la personnalité juridique, « le Conseil de la concurrence, créé par la loi précitée du 17 mai 2004, n’a pas été doté de la personnalité juridique, [de sorte qu’] il ne saurait être admis à agir en justice en son nom personnel et pour son propre compte, fût-ce comme partie défenderesse dans le cadre d’un contentieux administratif en vue de la défense d’une décision qu’il a été amenée à prendre », la Cour administrative retenant encore que cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que la loi du 17 mai 2004 reconnaît une large indépendance audit Conseil, étant donné qu’il reste un simple organe de l’Etat qui n’a pas d’existence personnelle propre.

Il s’ensuit qu’en l’espèce le Conseil de la concurrence, à défaut de personnalité juridique, ne saurait être admis à présenter sa propre défense de le présent litige, de sorte que tous les actes de procédure déposés en son nom doivent être rejetés.

Cet état des choses n’est cependant pas de nature à porter autrement à conséquence dans le cas d’espèce en ce qui concerne la défense des décisions prises par ledit Conseil de la concurrence, étant donné que l’Etat, dont le Conseil de la concurrence est un organe, est intervenu par le biais du délégué du Gouvernement, est intervenu pour déclarer que dans la mesure où le Conseil de la concurrence ne serait pas admis à se défendre qualitate qua, « le Gouvernement se rallie aux arguments développés par le mandataire du Conseil de la Concurrence dans le mémoire qu’il a déposé dans le cadre du présent recours, ces arguments sont censés faire partie intégrante de la présente prise de position », et, dans son mémoire supplémentaire, de déclarer encore se rallier « aux développements présentés par son organe, le Conseil de la concurrence ».

Il y a dès lors lieu de retenir que l’Etat a valablement agi en vu de la défense des décisions déférées du Conseil de la concurrence par le truchement des actes de procédure déposés en nom et pour compte de son organe qu’est le Conseil de la concurrence, actes auxquels il s’est formellement rallié.

1 Cour adm., 24 janvier 2008, n° 23178C, www.ja.etat.lu.

Il s’en suit également que les actes de procédure de la demanderesse ne devaient pas être signifiés au Conseil de la concurrence, mais seulement à l’Etat.

Or, conformément à l’article 4, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat.

Il s’ensuit que le dépôt étant intervenu le 30 août 2007, la signification à l’Etat a été valablement faite dans les délais.

Ce recours, pris en ses deux volets, est dès lors encore recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond Quant au recours enrôlé sous le numéro 22882 1.

La société …, partant du constat d’une contradiction apparente entre, d’une part, le fait que la loi du 17 mai 2004 ait adopté « une vision juridictionnelle des procédures suivies » et le fait que le Conseil de la concurrence soit présidé par un haut magistrat et, d’autre part, le fait que le Conseil de la concurrence soit tenu d’appuyer l’Inspection de la concurrence, estime que soit le Conseil de la concurrence est une autorité administrative indépendante, de sorte que sa composition « semble » irrégulière en raison de la présence d'un magistrat en son sein, soit il est un organe juridictionnel, de sorte qu’il devrait jouir de toute son indépendance à l'égard de quiconque « y compris à l'égard de l'Inspection de la concurrence ».

Dans ce contexte, la demanderesse rappelle les articles 95 bis et 86 de la Constitution pour conclure que le Conseil de la concurrence « ressemble étrangement à une commission respectivement un tribunal extraordinaire sans être institué de façon formelle en tant que tel par la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence ».

A admettre que la demanderesse, à travers ce constat, tendrait à soulever une violation des articles 86 et 95bis de la Constitution, au motif que le Conseil de la concurrence constituerait un organe juridictionnel illégal, le tribunal entend procéder à l’analyse du statut juridique du Conseil de la concurrence.

Force est à ce sujet au tribunal de constater à titre liminaire qu’il résulte de l’arrêt précité de la Cour administrative qu’il « est incontestable et incontesté que l’acte litigieux [en l’espèce une décision refusant de faire droit à une demande d’attribution du bénéfice de la clémence] posé par le Conseil de la concurrence, tel que ce Conseil est organisé par la loi précitée du 17 mai 2004, émane d’un organisme de droit public légalement habilité à mettre en œuvre un pouvoir administratif et à prendre des décisions unilatérales obligatoires, c'est-

à-dire qu’il émane d’une autorité administrative ».

Au vu des conclusions de cet arrêt, a priori directement transposable au présent litige, encore que les décisions actuellement déférées au tribunal, de portée pécuniaire, sont différentes de celle soumise dans le cadre du prédit arrêt à la Cour administrative, il y a lieu de retenir que bien que le Conseil de la concurrence présente certains traits d'un organisme juridictionnel - la présidence par un magistrat, la présence de personnes étrangères à l’administration, l'indépendance dont il dispose -, le Conseil de la concurrence ne peut être qualifié de juridiction administrative, mais il constitue une autorité administrative indépendante.

Cette conclusion est encore corroborée par une convergence d'indices, ne fut-ce qu’au vu du libellé explicite de l’article 6, paragraphe 1er de la loi du 17 mai 2004 qui définit formellement le Conseil de la concurrence en tant qu’autorité administrative indépendante. Il convient par ailleurs de relever que le Conseil de la concurrence n’est ni amené à rendre des décisions juridictionnelles revêtues de l’autorité de chose jugée, ni à statuer au sujet d’un conflit ou litige entre plusieurs parties, mais soit à infliger le cas échéant une sanction administrative cherchant à sanctionner les atteintes portées à la règlementation dont il assure la bonne application, soit à imposer par le biais d’une astreinte l’exécution d’une obligation préexistante dans le chef de l’administré - en l’espèce obtenir la collaboration de l’administré -, les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence constituant ainsi l’une des modalités de l’action administrative.

Il convient encore, à titre tout à fait superfétatoire, de souligner que la pertinence de l’argumentation de la demanderesse, qui argue d’une violation des articles 86 et 95bis de la Constitution, échappe au tribunal, ces deux dispositions prévoyant en effet, d’une part, que nul tribunal ou juridiction contentieuse ne peuvent établies qu’en vertu d’une loi, et d’autre part, que la loi peut créer, en sus du tribunal administratif et de la Cour administrative, encore d’autres juridictions administratives. Or la partie demanderesse faisant plaider que le Conseil de la concurrence constituerait une juridiction, il n’appert pas, à suivre ce raisonnement, où résiderait la violation alléguée de la Constitution, le Conseil de la concurrence ayant bien été créé par une loi, en l’occurrence de la loi du 17 mai 2004.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse s’interroge encore, à supposer que le Conseil de la concurrence constitue une autorité administrative, si un magistrat de l'ordre judiciaire peut figurer comme membre effectif dans cet organe, alors qu’elle estime qu’il y irait « de la séparation des pouvoirs en ce qu'il ne se conçoit pas qu'un membre d'un organe judiciaire fasse partie d'une autorité administrative ».

A ce sujet, en ce qui concerne le fait que le Conseil de la concurrence soit présidé par un magistrat - qui d’ailleurs n’exerce pas actuellement ces fonctions à côté de la présidence du Conseil -, ce fait n’est ni de nature à lui seul à attribuer au Conseil de la concurrence la qualité d’organe juridictionnel ni de nature à violer le principe de la séparation des pouvoirs, le président en question n’étant pas appelé à siéger au sein du Conseil en qualité de magistrat en exercice, mais ayant été appelé à ces fonctions au vu des avantages présentés par le fait qu’il ait revêtu auparavant les fonctions de juge, étant de la sorte familiarisé avec les procédures de recours et aguerri à la manipulation et à l’interprétation des textes juridiques, alors que sa pratique professionnelle antérieure l’a confronté, en tant que magistrat, régulièrement à la rédaction de décisions motivées, qui rencontrent les arguments développés par les parties2.

La présidence d'un magistrat dans le Conseil de la concurrence garantit, par conséquent, outre un gage d’indépendance, une certaine professionnalisation de cette instance.

2 Voir au sujet de l’indépendance organisationnelle et de la présence d’un magistrat présidant un organe administratif : D. Renders, B. Gors et C. Thiebaut, « La procédure d’accès aux documents administratifs », in :

L’accès aux documents administratifs, Bruylant, 2008, p.493, n° 93.

Aussi, si la présence, au sein d’un organe administratif, d’une personne y appelée au vu de sa qualité de magistrat peut éventuellement soulever dans certaines situations la question de l’impartialité objective dudit magistrat lorsqu’il sera amené à réintégrer sa fonction de magistrat3, elle n’est cependant pas de nature à compromettre le principe de la séparation des pouvoirs, la personne en question n’y étant pas appelée à siéger en tant que magistrat en exercice.

La demanderesse s’interroge encore, dans la mesure où le Conseil de la concurrence serait à qualifier d'autorité administrative indépendante, si cette indépendance totale est conforme aux prérogatives du Grand-Duc telles qu'elles sont prévues aux articles 35 et 36 de la Constitution. La société … considère à ce sujet que le législateur semblerait avoir dépassé ses prérogatives en instituant une autorité qu'il a soustraite complètement à tout contrôle soit grand-ducal soit ministériel, de sorte qu’il y aurait à lieu de saisir la Cour constitutionnelle de la question de la conformité du Conseil de la concurrence en tant qu’autorité administrative indépendante par rapport aux articles 35 et 36 de la Constitution.

L’article 35 de la Constitution traitant de la prérogative du Grand-Duc de nommer aux emplois civils et militaires et l’article 36 de la Constitution de l’exercice du pouvoir règlementaire, tandis qu’en l’espèce, ni le pouvoir de nomination du Grand-Duc ni l’exercice de son pouvoir règlementaire n’étant manifestement en cause, le tribunal, à défaut de toute précision apportée par le litismandataire de la demanderesse quant à la pertinence des dispositions constitutionnelles par lui invoquées, n’est pas en mesure de mettre en cause ni la légalité ni la régularité de la décision déférée en ce point.

Ce moyen est dès lors à rejeter en son ensemble, en ce compris les différentes questions préjudicielles envisagées.

2.

La société … soulève ensuite « l’illégalité » de l’article 18 de la loi du 17 mai 2004.

En effet, prenant appui sur l'article 6 de la même loi qui qualifie le Conseil de la concurrence d’autorité administrative indépendante, elle estime que cette disposition ne permettrait pas au Conseil de la concurrence « de se faire l'auxiliaire de l'Inspection de la Concurrence pour infliger des amendes à des entreprises récalcitrantes dans le cadre de la mission d'investigation dont est investi l'Inspection de la concurrence » pour en conclure qu’ « il y a dès lors lieu de dire que l'article 18 de la loi incriminée n'a pas de fondement légal et que dès lors l'amende prononcée est à qualifier d'illégale ».

3 Voir S. Van Drooghenbroeck, La Convention européenne des droits de l’Homme, trois années de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme 2002-2004, Volume 1, articles 1 à 6, Bruxelles, Larcier, 2006, p.137.

L’article 18 de la loi du 17 mai 2004 est libellé comme suit :

« (1) Le Conseil peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes, lorsque, intentionnellement ou non, 1) elles fournissent un renseignement inexact ou dénaturé en réponse à une demande faite en application de l'article 13, paragraphe 2 ; 2) en réponse à une demande faite par voie de décision prise en application de l'article 13, paragraphe 3, elles fournissent un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai prescrit ; 3) elles commettent une infraction aux dispositions des articles 3 à 5 de la présente loi ou aux articles 81 ou 82 du Traité.

(2) Les amendes prévues au paragraphe précédent sont proportionnées à la gravité et à la durée des faits retenus, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par la présente loi.

Les amendes sont déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque amende.

Le montant maximum de l'amende prononcé sur base des paragraphes précédents est de 10 pour cent du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ».

Il résulte de cette disposition que le Conseil de la concurrence est habilité à infliger des amendes notamment lorsqu’une entreprise fournit suite à une demande formulée sur base de l'article 13, paragraphe 3 de la loi « un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai prescrit », ce qui précisément est reproché en l’espèce à la demanderesse.

Force est dès lors de constater à la lecture de ce texte explicite que tant le principe des amendes infligées par le Conseil de la concurrence que les modalités pratiques de leur fixation disposent d’une base légale.

Le moyen tendant au défaut de base légale de l’article 18 de la loi du 17 mai 2004, formulation qui renferme d’ailleurs déjà intrinsèquement une contradiction, respectivment de l’amende, est dès lors à rejeter.

3.

La société … poursuit ensuite son recours en retenant que « les mêmes considérations valent pour [l’article 20] de telle sorte qu'il y a lieu également de dire que l'astreinte prononcée par le Conseil de la concurrence est illégale ».

Or, aux termes de l’article 20 de la loi du 17 mai 2004, « (1) Le Conseil peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des astreintes jusqu'à concurrence de 5 pour cent du chiffre d'affaires journalier moyen réalisé au cours de l'exercice social précédent par jour de retard à compter de la date qu'elle fixe dans sa décision, pour les contraindre :

1) à mettre fin à une infraction aux dispositions des articles 3 à 5 ou des articles 81 ou 82 du Traité conformément à une décision prise en application de l'article 10 ;

2) à respecter une décision ordonnant des mesures conservatoires prises en application de l’article 11 ou une décision relative à des engagements prise en application de l’article 12 ;

3) à fournir de manière complète et exacte un renseignement qu'elle a demandé par voie de décision prise en application de l'article 13, paragraphe 3.

(2) Lorsque les entreprises ou les associations d'entreprises ont satisfait à l'obligation pour l'exécution de laquelle l'astreinte a été infligée, le Conseil peut fixer le montant définitif de celle-ci à un chiffre inférieur à celui qui résulte de la décision initiale.

(3) Le recouvrement de l'astreinte est confié à l'Administration de l'Enregistrement et des Domaines. » Force est de constater à la lecture de ce texte explicite que tant le principe des astreintes infligées par le Conseil de la concurrence que les modalités pratiques de leur fixation disposent d’une base légale.

Le moyen tendant au défaut de base légale de l’article 20 de la loi du 17 mai 2004, respectivement de l’astreinte, est dès lors à rejeter.

La demanderesse relève par ailleurs qu’il n’y aurait pas de condamnation au principal à sa charge, de sorte qu’il ne saurait y avoir astreinte alors que l'astreinte ne pourrait avoir comme finalité de briser la résistance d'une partie récalcitrante ayant fait l'objet d'une condamnation au principal. Elle précise son moyen sur ce point en soulignant que comme il n'y aurait pas eu de condamnation au principal en l'espèce, il ne saurait y avoir lieu à astreinte « et ceci conformément aux dispositions des articles 2059 et suivant du Code Civil telles que ces dispositions ont été introduites par la loi du 21 juillet 1976 ».

Elle critique ensuite que l'astreinte telle qu'imposée par le Conseil de la concurrence aurait un effet rétroactif et soutient que la loi du 17 mai 2004 ne saurait s’appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur conformément au principe de non-rétroactivité de la loi. Elle ajoute qu’il résulterait de l’article 33 de la loi du 17 mai 2004 que le Conseil de la concurrence ne serait compétent pour décider sur des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2004 que si l’affaire était déjà pendante devant la Commission des pratiques commerciales restrictives, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. Elle en conclut que le Conseil de la concurrence n'aurait donc pas compétence pour se prononcer sur son dossier en l'absence d'une telle instance pendante.

Le tribunal constate à titre liminaire une confusion dans le moyen de la demanderesse entre deux principes, à savoir, d’une part, le principe de non-rétroactivité de l’astreinte, éventuellement doublé du principe de non-rétroactivité des actes administratifs individuels, et, d’autre part, le principe de non-rétroactivité dans l’application des lois.

En ce qui concerne le premier principe mis en avant par la demanderesse, le tribunal interprète le moyen de la demanderesse comme tendant à critiquer sa condamnation à une astreinte au motif que les dispositions des articles 2059 et suivants du Code civil interdiraient au Conseil de la concurrence de fixer des astreintes dont les effets seraient rétroactifs.

L’article 2059 du Code civil, tel que modifié par l’article 1er de la loi du 21 juillet 1976 portant approbation de la Convention Benelux portant loi uniforme relative à l´astreinte, signée à La Haye, le 26 novembre 1973, prévoit que « Le juge peut, à la demande d'une partie, condamner l'autre partie, pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale, au paiement d'une somme d'argent, dénommée astreinte, le tout sans préjudice des dommages-intérêts, s'il y a lieu », tandis que l’article 2060, modifié par le même article 1er précise que « (…) L´astreinte ne peut être encourue avant la signification du jugement qui l´a prononcée », de sorte à prohiber les astreintes qui rétroagissent, seules les astreintes dues à partir du prononcé du jugement étant admissibles.

Il s’avère cependant à l’étude de ces dispositions que sont seules visées les astreintes prononcées par un juge afin de condamner une partie à satisfaire à une condamnation principale.

Or la mesure actuellement déférée au tribunal s’analyse comme un acte administratif pris, comme retenu ci-avant, par une autorité administrative, et non comme une condamnation accessoire prononcée par un juge, destiné à assurer le respect par un administré d’obligations légales - en l’espèce l’obligation de collaboration à charge de la demanderesse sur base de l’article 13, alinéa 3 de la loi du 17 mai 2004 - et non d’assurer le respect d’une condamnation principale, de sorte à ne pas correspondre à la notion d’astreinte telle que prévue par le Code civil et la loi uniforme Benelux.

Cette analyse est corroborée par un arrêt de la Cour de justice Benelux4 aux termes duquel « (…) il résulte de l'article 1er de la loi uniforme relative à l'astreinte que le juge ne peut prononcer une condamnation à une astreinte que dans la mesure où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale, ce qui implique que l'astreinte constitue un moyen de coercition imposé par le juge à la partie condamnée pour l' inciter à exécuter cette condamnation ; que de ladite nature de l'astreinte ainsi que de l'exposé des motifs commun de la Loi uniforme, caractérisant l'astreinte comme un procédé indirect permettant de contraindre à la prestation due, il doit être déduit que la condamnation dite principale est une condition nécessaire pour prononcer une astreinte ; (…) il s'ensuit que cette disposition vise des décisions portant une condamnation, c'est-à-dire des décisions par lesquelles le juge enjoint à "l'autre partie" visée dans la même disposition, de faire, de ne pas faire ou de donner (…) ».

Dès lors, la mesure sous analyse, encore qu’elle porte condamnation de la demanderesse à une astreinte, ne tombe pas sous le champ d’application de la loi uniforme Benelux, étant donné qu’elle ne vise pas à obtenir l’exécution par la demanderesse d’une condamnation principale judiciaire.

Il convient par ailleurs de relever que la Cour de justice Benelux a à plusieurs reprises limité la portée de la loi uniforme Benelux au droit civil : « dans l’esprit des auteurs, le régime ne s'appliquerait d’évidence que dans le domaine du droit civil, c'est-à-dire dans les cas où l'astreinte vise à sanctionner l'exécution d'obligations découlant du droit civil »5.

Ne s’agissant cependant en l’espèce pas d’une astreinte visant à sanctionner 4 Cour de justice Benelux, 1er juillet 1988, A 87/1.

5 Voir notamment Cour de justice Benelux, 11 mai 1982, A 81/3/8 ainsi que Cour de justice Benelux, 19 décembre 1997, A 96/4/8.

l’exécution d’obligation découlant du droit civil, mais d’une astreinte destinée à assurer le respect d’une obligation légale de droit public, la loi uniforme Benelux et a fortiori les dispositions du Code civil transposant directement la loi uniforme Benelux en droit luxembourgeois, dont la prohibition édictée par l’article 2060 du Code civil des astreintes rétroagissant, ne sont pas à appliquer à l’astreinte telle que prononcée par le Conseil de la concurrence.

Cette même conclusion énerve encore le moyen de la demanderesse relatif au fait qu’à défaut de condamnation principale, une astreinte ne pourrait pas être prononcée à son encontre, ce moyen se basant sur le libellé de l’article 2059 du code civil, qui, comme retenu ci-avant, n’est pas applicable à l’astreinte administrative prononcée par le Conseil de la concurrence.

A supposer que la demanderesse ait encore entendu se prévaloir du principe général selon lequel les actes administratifs ne sauraient rétroagir, s’il est exact que la rétroactivité porte atteinte à la sécurité juridique, puisqu’elle fait produire à un acte des effets sur une situation qui n’y était pas soumise au moment où elle s’est réalisée, ledit principe comporte cependant certaines exceptions, notamment lorsque la rétroactivité découle d’un acte antérieur à l’acte critiqué, si ce dernier apparait comme la conséquence nécessaire de l’acte initial : dans ce cas l’administré ne pouvait ignorer que, postérieurement, interviendrait un acte qui, conséquence nécessaire de cet acte initial, entrerait en application à la même date que lui67.

En l’espèce, il appert que si la décision déférée condamne la demanderesse à une astreinte journalière d’un taux de 40 euros à partir du 16 janvier 2007, cette décision repose sur la décision antérieure prise par l’Inspection de la concurrence en date du 4 décembre 2006 sur base de l’article 13, paragraphe 3 de la loi du 17 mai 2004 impartissant à la société … un délai de 6 semaines pour répondre à une demande de renseignement, la demanderesse ayant été avertie de la possibilité de se voir infliger une astreinte par le Conseil de la concurrence en cas de défaut de réponse complète et exacte endéans ce délai.

Il convient par ailleurs de rappeler que l’astreinte prononcée, outre de constituer principalement une mesure coercitive, entend encore sanctionner un comportement qui se situe nécessairement à une date antérieure. Dans ces conditions, sans nier l’existence même d’une rétroactivité, il ne convient cependant pas de censurer une telle sanction dont l’effet se reporte à une date où la demanderesse avait été dûment avertie des griefs retenus contre elle8.

Il résulte dès lors de ce qui précède que les moyens de la demanderesse relatifs à l’illégalité de l’astreinte du fait de sa rétroactivité sont à rejeter.

6 Voir : J. Carbajo, L’application dans le temps des décisions administratives exécutoires, Bibliothèque de droit public, Paris, 1980, pp. 87 et suivantes.

7 Voir également : P. Lewalle, Contributions à l’étude de l’application des actes administratifs unilatéraux dans le temps, 1975, pp.309 et suivantes.

8 En ce sens, voir P. Lewalle, op.cit., p.312.

En ce qui concerne le moyen de la demanderesse basé sur le principe de la non-

rétroactivité des lois et tiré de l’inapplicabilité de la loi précitée du 17 mai 2004 lorsque les faits incriminés se situent antérieurement à son entrée en vigueur, force est de constater que ce moyen avait déjà été soumis par la demanderesse au tribunal administratif dans le cadre de son recours contentieux tendant à l’annulation de la décision de l’Inspection de la concurrence du 4 décembre 2006, recours, comme indiqué ci-avant, qui se solda par un jugement du 15 novembre 2007, numéro 22405 du rôle, ayant débouté la demanderesse, ce jugement étant confirmé en appel par arrêt de la Cour administrative du 20 mars 2008, numéro 23772C du rôle.

Il convient à cet égard de souligner que la Cour a retenu dans le cadre du prédit arrêt que « la société […] se méprend en situant la problématique dans le contexte d’une prétendue rétroactivité de la loi précitée du 17 mai 2004, le raisonnement afférent tablant sur la prémisse de base erronée de ce que ce serait la loi de 2004 qui incriminerait des faits qui se sont déroulés avant son entrée en vigueur. En effet, il ne saurait être question d’incrimination par la loi de 2004 de faits survenus antérieurement à son entrée en vigueur, alors qu’en substance et sous ce rapport, la loi de 2004 ne confère que compétence aux autorités en matière de concurrence nouvellement créées pour traiter des faits qui se sont réalisés avant leur mise en place, étant constaté que ces faits ont déjà été incriminés à l’époque de leur survenance.

Dans ce contexte, le tribunal a pu souligner à bon escient qu’il se dégage de la juxtaposition de la loi précitée du 17 juin 1970 et de la loi précitée du 17 mai 2004 et, plus particulièrement, de la comparaison de l’article 1er point 1. de la loi de 1970 avec l’article 3 de la loi de 2004, que l’une et l’autre incriminent en substance les mêmes agissements et qu’en l’espèce, les faits sur lesquels portait l’enquête entamée par l’Inspection de la concurrence se trouvaient incriminés de manière largement parallèle par la loi précitée du 17 juin 1970.

Sur ce, il a pu être décidé à bon droit par les premiers juges que la loi précitée du 17 mai 2004 permettait au Conseil de la concurrence, l’autorité compétente nouvellement créée par elle et investie du pouvoir de sanctionner des agissements anticoncurrentiels, à sanctionner également des faits survenus antérieurement à son entrée en vigueur, d’une part, et que ladite loi de 2004 permettrait corrélativement à l’Inspection de la concurrence d’user de ses prérogatives pour effectuer des enquêtes relativement à de tels agissements ».

Il résulte des conclusions de cet arrêt, dont le tribunal administratif ne voudrait pas se départir, qu’aucune disposition de la loi du 17 mai 2004 n’empêche le Conseil de la concurrence, en tant que seule autorité compétente à partir de l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2004, de sanctionner des agissements anticoncurrentiels antérieurs à sa création et incriminés par l’article 1er de la loi prévisée du 17 juin 1970.

Il s’ensuit que le moyen afférent de la société demanderesse est à rejeter.

4.

La demanderesse entend ensuite se prévaloir du droit de ne pas s’incriminer soi-même, étant donné qu’elle estime que l’obligation lui faite de fournir elle-même la preuve d’infractions qu’elle serait susceptible d’avoir commis violerait l’article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans le même ordre d’idées, la demanderesse fait encore valoir qu’un organe ne saurait infliger des amendes et astreintes pour obtenir des renseignements dans le cadre d'une instruction d'une affaire relevant des articles 3 et 5 de la loi relative à la concurrence sans violer le principe de la loyauté de l'administration des preuves.

Toujours dans le même ordre d’idées, la société demanderesse relève que son directeur aurait été convoqué devant le juge d’instruction du chef des mêmes faits que ceux faisant l’objet de la décision formelle attaquée du 4 décembre 2006, de manière qu’une autorité administrative ne saurait demander des renseignements sous peine de sanction lorsque les mêmes faits font l’objet d’une enquête pénale sans violer les règles du procès pénal, à savoir les droits de la défense, le secret de l’instruction et le procès équitable. Elle s’empare dans ce cadre également de l’article 27 (3) de la loi du 17 mai 2004 pour considérer qu’une procédure pénale en cours ferait obstacle à une demande de renseignements de la part de l’Inspection de la concurrence.

La société … fait encore valoir que, même si la procédure pénale est diligentée contre les dirigeants de la société et non pas contre la société elle-même en raison du principe de l’irresponsabilité pénale des personnes morales, tandis que l’enquête serait dirigée contre la société directement, ce seraient néanmoins les mêmes personnes qui seraient visées dans les deux procédures et les mêmes faits qui seraient soumis à l’appréciation des différents organes, de manière que le secret de l’instruction se verrait remis en cause par des procédures d’investigation parallèles entamées par l’Inspection de la concurrence en plus de celle du juge d’instruction, tout comme la défense au pénal deviendrait impossible si la personne visée était obligée de rapporter des faits susceptibles de l’incriminer. La société demanderesse se prévaut encore d’un risque de contrariété de décisions au pénal et au niveau administratif dans la mesure où l’autorité de chose jugée dont une décision d’acquittement au pénal est revêtue s’imposerait à l’autorité administrative et où l’ordonnance du juge d’instruction du 7 mars 2007 portant nomination d’un expert dont la mission serait en rapport direct avec l’enquête de l’Inspection de la concurrence.

Le tribunal constate de prime abord que les griefs mis en avant par la demanderesse s’adressent soit directement soit indirectement au questionnaire établi par l’Inspection de la concurrence et formellement adressé à la demanderesse par la décision de l’Inspection de la concurrence du 4 décembre 2006 prise sur base de l’article 13, paragraphe 3 de la loi du 17 mai 2004. Si cette décision a fait l’objet d’un recours contentieux, celui-ci s’est soldé tant devant le tribunal administratif que devant la Cour administrative par des décisions déboutant la société …, de sorte que cette décision et son annexe - à savoir le questionnaire litigieux -

doivent être considérés comme revêtus de l’autorité de chose décidée.

Il résulte de ce constat qu’il n’appartient dès lors ni au Conseil de la concurrence, appelé uniquement dans ces circonstances à vérifier si l’entreprise sollicitée a fourni ou non « un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé » ou si elle a ou non fourni le renseignement dans le délai prescrit9, ni au juge administratif, saisi en l’espèce uniquement de la décisions prononçant une amende et une astreinte, de remettre en cause l’opportunité et la légalité des questions soumises à la demanderesse, notamment au vu de la violation alléguée du principe de non auto-incrimination.

Il s’ensuit que les moyens afférents de la demanderesse sont à écarter.

A titre superfétatoire, le tribunal administratif se rallie aux développements à ce sujet de la Cour administrative qui, dans son arrêt précité du 15 novembre 2007, a retenu que « l’action menée par les autorités compétentes en matière de concurrence sur base de la loi du 17 mai 2004 est de nature administrative et que la procédure menée par l’Inspection de la concurrence est plus particulièrement une enquête administrative préalable au sens de la loi du 17 mai 2004 se situant avant toute communication des griefs à une entreprise déterminée et qui est destinée à recueillir des informations sans porter des accusations contre une entreprise précise, d’une part, et que l’instruction pénale en cours est dirigée contre une personne physique, à savoir le directeur de la société …, tandis que l’enquête de l’Inspection de la concurrence vise la société … elle-même, tout comme les bases légales de l’instruction pénale et de l’enquête de l’Inspection de la concurrence ainsi que les incriminations – l’instruction pénale étant basée sur les infractions de faux, d’usage de faux, principalement escroquerie, subsidiairement tentative d’escroquerie et d’infraction à l’article 311 du Code pénal et l’enquête de l’Inspection de la concurrence sur les articles 1 et 2 de la loi prévisée du 17 juin 1970, les articles 3 à 5 de la loi du 17 mai 2004, sinon sur les articles 81 et 82 du Traité sur l’Union européenne – sont différentes, d’autre part.

Or, la distinction entre la procédure pénale et la procédure administrative ci-avant décrites n’appert point être une distinction artificielle […]. En effet, la distinction repose sur le constat que l’enquête administrative vise la société, alors que la procédure pénale est dirigée contre Monsieur …, c’est-à-dire que les destinataires de ces deux procédures sont différents. D’ailleurs, comme dégagé ci-avant, les incriminations sont également différentes.

Il en est de même des sanctions.

Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à l’Inspection de la concurrence d’avoir porté atteinte au principe de droit pénal de l’interdiction d’obliger une personne à s’incriminer elle-même.

Cette conclusion ne saurait être affectée par le fait d’une proximité indiscutable entre la société …, destinataire de l’affaire administrative, et Monsieur …, alors que pareille proximité n’enlève rien au constat qu’il s’agit néanmoins de deux personnes juridiques distinctes ».

Comme il résulte de cet arrêt que l’enquête poursuivie par l’Inspection de la concurrence sous peine d’amende et d’astreinte à charge de la demanderesse ne viole pas le droit de non-incrimination, la décision déférée du Conseil de la concurrence, qui, partant du 9 Article 18, paragraphe 3 de la loi du 17 mai 2004.

constat d’un défaut de collaboration de la demanderesse, a prononcé à l’encontre de la société … une amende et une astreinte, n’est de même, a fortiori, pas critiquable sous cet aspect.

Cette conclusion est encore à appliquer au moyen de la demanderesse relatif à une violation alléguée du principe de la loyauté des preuves, étant à titre superfétatoire souligné que la seule référence non autrement circonstanciée à un principe général de droit, à défaut de toute précision apportée par la demanderesse à son moyen, n’est en tout état de cause pas de nature à énerver la légalité et la régularité de la décision déférée.

5.

La société …, se prévalant du principe de proportionnalité, qui signifierait « qu'en toute matière il doit y avoir un juste équilibre entre les obligations d'un côté et leur sanction en cas de non respect de celles-ci », estime que le Conseil de la concurrence ne saurait « extorquer des renseignements en imposant une astreinte disproportionnée tant quant à son montant que surtout quant au temps ».

Il résulte de ce moyen que la demanderesse ne met en cause que la proportionnalité de l’astreinte, l’amende imposée n’étant pas critiquée sous cet aspect.

Il ressort de l’article 20 de la loi du 17 mai 2004, cité ci-avant, que le Conseil de la concurrence est habilité à infliger une astreinte, notamment afin de contraindre une entreprise à fournir de manière complète et exacte un renseignement demandé par voie de décision prise en application de l'article 13, paragraphe 3, la disposition en question limitant l’astreinte à un maximum de 5 pour cent du chiffre d'affaires journalier moyen réalisé au cours de l'exercice social précédent par jour de retard à compter de la date que le Conseil de la concurrence fixe dans sa décision.

Force est encore de constater le Conseil de la concurrence motive l’astreinte imposée in concreto comme suit :

« Le maximum de l'astreinte journalière est à fixer à 5% du chiffre d'affaires journalier moyen, partant à (851.413,89: 365 x 5% =) 116,63 €.

Dans ces limites, le Conseil estime approprié de fixer l'astreinte journalière à 40 €.

Compte tenu des délais qui avaient été accordés à la S.A … depuis la première demande de renseignements du 28 septembre 2006, il semble approprié de faire courir l'astreinte à partir de l'expiration du dernier délai accordé pour répondre, partant à partir du 16 janvier 2007 ».

Outre qu’une disproportion manifeste n’apparait pas en l’état actuel du dossier au vu du fait que le Conseil de la concurrence n’a décidé d’imposer à la société … qu’une astreinte réduite au tiers du maximum qu’il aurait été en droit de fixer, il y a lieu de souligner que comme la demanderesse a omis de prendre position par rapport à la fixation in concreto de l’astreinte, le tribunal, en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance et du mémoire en réplique et en l’absence d’arguments concrets tenant à la situation spécifique de la demanderesse, ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni la proportionnalité de la décision déférée en ce point.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen sous examen laisse d’être fondé pour défaut de précision suffisante.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours inscrit sous le numéro 22882 n’est fondé en aucun de ses moyens.

Quant au recours enrôlé sous le numéro 23384 1.

La demanderesse reprend dans ce recours, dirigé contre la décision du Conseil de la concurrence du 6 juillet 2007 qui lui a refusé l’annulation ou le retrait de l’amende et de l’astreinte journalière prononcées à son encontre de la demanderesse, « tous les moyens à la base du recours du 30 avril 2007 contre la décision du même Conseil du 30 mars 2007 », de sorte que le tribunal renvoie également à ses développements afférents exposés ci-dessus dans le cadre du rôle n° 22882.

2.

En complément de cette argumentation, la demanderesse fait encore en substance plaider que le Conseil de la concurrence avait « l’impérieuse obligation » avant de prendre une décision négative de l’inviter à développer plus amplement sa double demande de rétractation de la condamnation tant à l'amende qu'à l'astreinte. Elle estime dès lors qu’en prenant des décisions sans lui avoir donné la possibilité de développer ses moyens, le Conseil de la concurrence aurait violé tant l'article 65 du Nouveau Code de procédure civile qu'également l'article 30 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, sinon, de manière générale, ses droits de défense, alors qu'il ne lui aurait jamais été donné la possibilité faire valoir utilement ses droits, moyens et arguments devant le Conseil de concurrence avant d’être condamnée à une amende et à une astreinte.

La société … entend encore se prévaloir de la doctrine, qui admettrait, selon elle, « qu'en cas de silence de la loi sur la procédure administrative, c'est le nouveau code de procédure civile qui a une vocation supplétive et que parfois, la référence faite aux normes de procédures civile n'est pas qu'un constat mais une véritable invitation à s'inspirer desdites règles ».

Il convient à titre liminaire de rappeler que comme retenu ci-avant dans le cadre du recours enrôlé sous le numéro 22882 que le Conseil de la concurrence n’est pas une autorité juridictionnelle, mais un organe administratif.

Il découle de ce constat que les règles de la procédure administrative contentieuse, telles que prévues par la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et surtout par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, qui toutes les deux ne trouvent à s’appliquer que devant les seules juridictions administratives que sont la Cour administrative et le tribunal administratif10, ne sont pas d’application devant le Conseil de la concurrence.

Cette même conclusion doit encore être étendue à l’article 65 du Nouveau code de procédure civile, qui consacre l’obligation du juge de respecter le principe du contradictoire, les règles du Nouveau code de procédure civile en général et celles de son article 65 en particulier ne trouvant à s’appliquer que devant les tribunaux, l’article 65 figurant ainsi explicitement dans la première partie du Nouveau code de procédure civile, intitulée « Procédure devant les tribunaux », sous le titre II, « Les principes directeurs du procès ».

Cette conclusion n’est pas énervée par la référence faite par la demanderesse à la doctrine11, l’argumentation de la demanderesse s’appuyant en ce point en effet sur une lecture tronquée ou erronée de l’ouvrage en question, consacré à la procédure administrative contentieuse, les auteurs prenant soin de situer l’applicabilité subsidiaire des règles du droit judiciaire privé dans le cadre de la procédure contentieuse12.

Le tribunal doit encore souligner que contrairement à la présentation des faits par la demanderesse, la société … a été répétitivement mise en situation de présenter ses observations, possibilité dont elle a par ailleurs fait usage.

Ainsi, pour rappel, l'Inspection de la concurrence, après une première demande officielle de renseignements au sens de l’article 13 (2) de la loi du 17 mai 2004 en date du 26 septembre 2006, demande par rapport à laquelle le mandataire de la demanderesse prit position, l’Inspection de la concurrence, à défaut de communication des renseignements sollicités, prit en date du 4 décembre 2006 une décision fondée sur l’article 13 (3) de la loi du 17 mai 2004 à travers laquelle elle ordonna à la société … de lui fournir les renseignements définis dans la même décision dans un délai de six semaines à compter de la date de notification, cette seconde décision soulignant qu’à défaut de réponse complète et exacte fournie dans les délais impartis, le Conseil de la concurrence serait en droit d’imposer une amende et une astreinte.

La société … déposa à l’encontre de cette demande tant un recours contentieux au fond qu’un recours contentieux tendant à l’obtention du sursis à exécution, au cours desquels elle put présenter ses moyens de défense et notamment expliquer le pourquoi de son refus initial de fournir les explications sollicitées, explications qu’elle affirme actuellement ne pas avoir pu valablement présenter.

Les 13 et 14 février 2007, le président du Conseil de la concurrence transmit au mandataire de la société … une demande de l'Inspection de la concurrence du 8 février 2007 par laquelle demande l'Inspection requérait la condamnation de la société … à une amende et à une astreinte, sans que la société … ne prenne cependant position y relativement, de sorte que le Conseil de la concurrence prit en date du 30 mars 2007 la décision de prononcer à l’encontre de cette société une amende d’un montant de 3.000 euros et une astreinte journalière d’un taux de 40 euros à partir du 16 janvier 2007 jusqu’à ce qu’elle se conforme à 10 Article 95bis de la Constitution : « Le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative ».

11 M. Feyereisen, J Guillot, S. Salvador, Procédure administrative contentieuse, Promoculture, 2006, pp.116 et suivantes.

12 Op.cit., p.116, n° 154.

la demande de renseignements émanant de l’Inspection de la concurrence.

Par courrier du 23 mai 2007 la société … fit transmettre au Conseil de la concurrence les réponses aux questions posées par l'Inspection de la concurrence dans sa décision du 4 décembre 2006, réponses qui furent continuées par le Conseil de la concurrence à l'Inspection de la concurrence par courrier du même jour et dans le courrier accompagnant ces réponses, le mandataire de la demanderesse sollicita la rétractation de sa condamnation à l’amende et à l’astreinte, ce qui lui fut refusé par la décision du 6 juillet 2007 du Conseil de la concurrence, actuellement déférée au tribunal.

Il résulte de ces faits que la procédure diligentée dans un premier temps par l’Inspection de la concurrence et dans un second temps par le Conseil de la concurrence, loin de violer les droits de la défense, est au contraire à considérer comme ayant respecté le principe du contradictoire.

Si la demanderesse estime plus particulièrement que le Conseil de la concurrence aurait dû, avant de rejeter sa demande en annulation ou retrait des amende et astreinte, lui permettre d’amplifier ses moyens au-delà de ce qui était contenu dans sa demande afférente, force est de constater que non seulement la demanderesse omet de préciser quelle règle de procédure administrative non contentieuse imposerait une telle obligation à une autorité administrative, mais encore qu’aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoit de telle obligation, ni la loi du 17 mai 2004, ni la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse ou le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes n’imposant pareille obligation.

Il s’ensuit que le moyen de la demanderesse tiré d’une violation de ses droits de la défense n’est fondé ni en droit, ni en fait, de sorte qu’il est à rejeter.

En ce qui concerne la question du refus du Conseil de la concurrence d’annuler ou de retirer l’amende et l’astreinte, force est en l’espèce de constater que si la demanderesse, dans le cadre du présent recours contentieux, critique l’argumentation afférente du Conseil de la concurrence, en estimant que ce serait à tort que le Conseil de la concurrence aurait affirmé ne pas être à même de retirer ou annuler sa décision, elle ne prend cependant pas position quant au fond de la question, c’est-à-dire qu’elle n’avance aucun argument, outre les moyens d’ores et déjà rejetés ci-avant, qui puisse justifier un retrait ou une réduction de l’amende, respectivement qui motiverait l'octroi du bénéfice d'une réduction de l’astreinte à son profit ou de la cessation de celle-ci à une date autre que celle retenue par le Conseil de la concurrence.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours inscrit sous le numéro 23384 n’est fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

joint les recours introduits sous les numéros 22882 et 23384 du rôle ;

les reçoit en la forme ;

quant au fond, les déclare non fondés et en déboute ;

condamne la société demanderesse aux frais de l’instance, exceptés ceux découlant des actes de procédure posés par le Conseil de la concurrence.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 avril 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, M. Sünnen, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30.4.2008 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22882,23384
Date de la décision : 30/04/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-04-30;22882.23384 ?

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