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28/04/2008 | LUXEMBOURG | N°24297

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2008, 24297


Tribunal administratif Numéro 24297 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 avril 2008 Audience publique du 28 avril 2008 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24297 du rôle et déposée le 18 avril 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernando DIAS SOBRAL, avocat à la Cour, assisté de Maît

re Roby SCHONS, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

Tribunal administratif Numéro 24297 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 avril 2008 Audience publique du 28 avril 2008 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24297 du rôle et déposée le 18 avril 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernando DIAS SOBRAL, avocat à la Cour, assisté de Maître Roby SCHONS, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation, d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 avril 2008, prorogeant pour une nouvelle durée d’un mois son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière initialement ordonné par décision du 13 mars 2008 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fernando DIAS SOBRAL et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2008.

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Après avoir séjourné au Grand-Duché de Luxembourg depuis 2002 sous le couvert d’une autorisation de séjour provisoire pour étudiants, Monsieur … fut condamné le 7 novembre 2007 par la Cour d’appel de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, à une peine d’emprisonnement de 30 mois dont 10 mois avec sursis et à une amende de 1.500 euros du chef de vols, de faux et d’escroquerie.

Par arrêté du 14 janvier 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », refusa à Monsieur … l’entrée et le séjour au Luxembourg au vu de ses antécédents judiciaires et au motif qu’il ne disposait pas de moyens d’existence personnels légalement acquis, qu’il se trouvait en séjour irrégulier au pays et qu’il était susceptible de compromettre l’ordre et la sécurité publics.

Suite à un recours gracieux introduit par Monsieur …, par courrier de son mandataire du 18 février 2008, à l’encontre de l’arrêté ministériel précité du 14 janvier 2008, le ministre prit le 21 février 2008 une décision confirmative et invita l’intéressé à quitter le pays dès la fin de sa peine.

Par arrêté du 13 mars 2008, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de la décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois. Cet arrêté, notifié à l’intéressé le 17 mars 2008, est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 14 janvier 2008 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé auprès des autorités tunisiennes ;

-

qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par courrier du 13 mars 2008, le ministre s’adressa aux autorités consulaires de la République de Tunisie à Bruxelles en vue de la délivrance d’un titre de voyage ou d’un laissez-passer permettant le rapatriement de Monsieur …, tout en leur soumettant une copie du passeport expiré de l’intéressé.

Par courrier du 19 mars 2008, les autorités consulaires tunisiennes réclamèrent un exemplaire original des empreintes digitales et des photos d’identité de Monsieur … ainsi que des précisions sur les causes de son refoulement afin de pouvoir entamer les procédures d’identification courantes en la matière. Par courrier du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 27 mars 2008, ces informations furent transmises aux autorités tunisiennes.

Suite à un rappel adressé le 10 avril 2008 par le ministre aux autorités consulaires de la République de Tunisie à Bruxelles, celles-ci confirmèrent, par courrier du 12 avril 2008, que leurs services avaient entamé les démarches nécessaires auprès des autorités tunisiennes afin de déterminer l’identité exacte de Monsieur … et que la réponse leur serait communiquée à une date ultérieure.

Par une décision du ministre du 14 avril 2008, la mesure de placement fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification sur base des motifs et considérations suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 13 mars 2008 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités tunisiennes ;

-

qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2008, Monsieur … a fait introduire principalement un recours en réformation et subsidiairement un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de placement précitée du 13 mars 2008.

Par jugement du 21 avril 2008, le tribunal administratif a rejeté ce recours comme étant non fondé.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2008, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision de prorogation ci-

avant énoncée du 14 avril 2008.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Concernant les rétroactes de l’affaire, le demandeur se réfère à son recours inscrit sous le numéro 24263 du rôle toisé par jugement du tribunal administratif du 21 avril 2008 dans le cadre duquel il avait exposé qu’il aurait été sommé de quitter le territoire luxembourgeois deux mois avant la fin de la peine d’emprisonnement de 20 mois, soit le 17 mars 2008, et que le 13 mars 2008, il aurait été placé en rétention administrative. Il avait précisé que son mandataire aurait demandé au ministre de reconsidérer sa position afin de lui permettre de terminer ses études en informatique au pays et d’obtenir un diplôme pour qu’il puisse faire sa vie sans avoir à pâtir des conséquences de ses « erreurs de jeunesse », mais que le ministre aurait refusé de ce faire malgré les assurances de son mandataire qu’il quitterait le pays dès l’obtention de son diplôme.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que la condition d’une nécessité absolue requise par la loi pour reconduire une décision de placement ne serait pas vérifiée en l’espèce étant donné que le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait été informé dès le 27 juillet 2006 de sa mise en détention préventive et qu’il aurait été au courant du fait que son titre de séjour allait expirer avant sa libération de prison, mais que le ministre n’aurait commencé à s’activer que deux mois avant sa libération définitive et qu’il aurait pris un arrêté ordonnant son placement trois jours avant la fin de sa peine, entraînant son maintien au Centre pénitentiaire de Luxembourg, institution prévue pour purger des condamnations pénales et non pas pour l’exécution des mesures de rétention. Il estime ainsi que le ministre aurait eu largement le temps pendant les vingt mois de son incarcération d’accomplir les démarches nécessaires auprès des autorités tunisiennes en vue de la délivrance d’un laissez-passer, de sorte qu’il ne pourrait plus à l’heure actuelle se prévaloir de circonstances de fait empêchant son éloignement.

Le demandeur fait valoir ensuite que son lieu de placement, en l’occurrence le Centre pénitentiaire de Luxembourg, ne constituerait pas un établissement approprié au regard de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 qui prévoirait que la rétention d’un étranger en situation irrégulière devrait s’opérer dans un établissement approprié. Il affirme à cet égard qu’il serait soumis à un régime de détention au sens pénal du terme dans la mesure où il serait privé de son droit à la liberté de mouvement au sein du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, en relevant qu’il serait enfermé dans une cellule individuelle entre 21.00 heures et 12.00 heures et qu’il serait en contact avec les détenus de droit commun.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement fait exposer que le demandeur aurait bénéficié depuis le mois d’août 2002 d’une autorisation de séjour pour étudiant et qu’il aurait été condamné le 7 novembre 2007 par un arrêt de la Cour d’appel à une peine d’emprisonnement de 30 mois dont 10 mois avec sursis du chef de vols, faux et escroquerie. Le 14 janvier 2008, le ministre aurait pris un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre du demandeur, arrêté qui aurait été confirmé par une décision du ministre du 21 février 2008 invitant le demandeur à quitter le territoire luxembourgeois dès la fin de sa peine. Il précise que dès le 4 mars 2008, le ministre aurait été en contact avec le mandataire du demandeur qui était en possession du passeport périmé de Monsieur …, mais que faute de prolongation du passeport par les soins du mandataire, un laissez-passer aurait dû être sollicité le 13 mars 2008 de la part des autorités tunisiennes et un arrêté ordonnant le placement du demandeur aurait été pris le même jour. Le lendemain de la notification de l’arrêté de placement, le 18 mars 2008, les empreintes digitales et des photographies du demandeur auraient été sollicitées auprès de la police technique, le 19 mars 2008, les autorités tunisiennes auraient répondu à la demande d’un laissez-passer et le 27 mars 2008, les autorités tunisiennes auraient de nouveau été contactées à propos du laissez-passer. Le représentant étatique précise encore qu’en date du 10 avril 2008, le mandataire du demandeur aurait été relancé au sujet du passeport et qu’un rappel aurait été adressé aux autorités tunisiennes, qui auraient confirmé en date du 12 avril 2008 qu’une enquête était en cours. Il relève qu’entretemps le mandataire de Monsieur … semblerait avoir remis le passeport de son client aux autorités tunisiennes.

Quant aux arguments avancés à l’appui du recours, le représentant étatique rétorque qu’il tomberait sous le sens que ce n’est pas quand une action pénale est pendante, mais à l’expiration de la peine que le rapatriement d’un condamné doit être engagé, tout en donnant à considérer que le requérant lui-même aurait par contre pu, pendant cette même période, entreprendre par l’intermédiaire de son mandataire des démarches nécessaires pour prolonger son passeport. Il relève dans ce contexte que ce n’est qu’en avril 2008 que ce passeport fut remis aux autorités algériennes et ceci sur insistance ministérielle. Il conteste en outre toute assertion du demandeur concernant une prétendue « attitude de tolérance », et relève que le ministre aurait accompli toutes les diligences nécessaires pour procéder au rapatriement de l’intéressé. Quant au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le délégué du Gouvernement se réfère à une jurisprudence constante des juridictions administratives retenant ledit établissement comme étant approprié au sens de la loi.

Le recours sous examen ayant pour objet non pas une première décision de placement mais une décision de reconduction d’une décision de placement, il y a lieu de se référer à l’article 15 (2) de la loi précitée du 28 mars 1972 qui dispose que « la décision de placement visée au paragraphe qui précède peut, en cas de nécessité absolue être reconduite par le ministre ayant l’immigration et l’asile dans ses attributions à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

S’agissant de la reconduction d’une décision initiale, les conditions de placement ainsi que le caractère approprié du lieu retenu pour ce placement ne sauraient plus être utilement abordés dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de reconduction d’une mesure de placement, étant entendu que les seules conditions énoncées par la loi dans ce cadre tiennent à l’existence d’une décision de placement initiale telle que visée au paragraphe (1) du même article 15, ainsi qu’à la nécessité absolue de procéder à cette reconduction.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les moyens du demandeur en rapport avec le caractère approprié de l’établissement retenu par le ministre pour son placement, à défaut d’éléments nouveaux par rapport au lieu de placement initialement retenu par décision du 13 mars 2008, ne saurait plus être utilement abordés en l’espèce, ceci d’autant plus que le moyen en question fut déjà toisé par jugement du tribunal administratif du 21 avril 2008 dans l’affaire inscrite sous le numéro 24263 du rôle.

La même conclusion s’impose encore par rapport aux développements du demandeur consistant à soutenir que des démarches appropriées en vue de son éloignement auraient pu être entamées par le ministre auprès des autorités tunisiennes avant la prise de l’arrêté ministériel initial du 13 mars 2008, à savoir pendant la période durant laquelle il purgeait sa peine d’emprisonnement au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, étant donné que ce moyen fut également toisé par le jugement ci-avant visé du 21 avril 2008 et que partant il n’y a plus lieu d’examiner ce moyen afin de vérifier si le ministre a valablement pu invoquer une nécessité absolue à l’appui de la décision actuellement litigieuse.

Pour le surplus il se dégage des explications fournies en cause ainsi que des pièces versées au dossier que faute de disposer du passeport de l’intéressé, le ministre a dû solliciter le 13 mars 2008 un laissez-passer de la part des autorités tunisiennes ce qui a déclenché l’ouverture d’une instruction administrative impliquant d’abord une enquête en vue de l’identification de l’intéressé. Dans la mesure où il aurait appartenu au demandeur de remettre lui-même son passeport aux autorités compétentes afin d’accélérer la procédure, plutôt que d’attendre la prise de la décision actuellement déférée pour produire enfin ce document, il ne saurait se plaindre utilement du cours que les démarches en vue de son rapatriement ont pris.

Les autorités luxembourgeoises ne sauraient en effet se voir reprocher en l’état actuel du dossier un manque de diligences suffisantes en vue de procéder dans les meilleurs délais à l’éloignement du demandeur, de sorte que confronté à des délais d’attente de la part des autorités tunisiennes, le ministre a valablement pu invoquer une nécessité absolue pour reconduire la décision de placement initiale.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la considération du demandeur qu’il pourrait aussi bien attendre en liberté la délivrance des différents documents requis, étant donné que le principe même de son placement fut retenu dans le cadre de la décision de placement initiale et que partant le demandeur n’est plus recevable à l’heure actuelle de remettre en question ce principe dans le cadre d’un recours dirigé contre la seule décision de reconduction de la mesure de placement initiale, étant entendu que la motivation à la base de sa rétention est restée inchangée, en l’occurrence l’attente et la préparation de son éloignement.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 avril 2008 par :

Mme Lenert, vice-président Mme Thomé, premier juge M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 24297
Date de la décision : 28/04/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-04-28;24297 ?

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