Tribunal administratif Numéro 23864 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 décembre 2007 Audience publique du 21 avril 2008 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 5 mai 2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23864 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2007 par Maître Mourad SEBKI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 novembre 2007 portant rejet de sa demande en obtention de la protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mourad SEBKI et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 février 2008.
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En date du 5 novembre 2007, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale su sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».
Le 7 novembre 2007, Madame … fut entendue par un agent de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur son identité et sur son itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Le 13 novembre 2007, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et les motifs à la base de sa demande en obtention de la protection internationale.
Par décision du 21 novembre 2007, envoyée par lettre recommandée le 26 novembre 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Madame … que sa demande en obtention de la protection internationale avait été rejetée comme non fondée.
Cette décision est libellée comme suit :
« En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 novembre 2007 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 13 novembre 2007.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté votre pays en avion au moyen d'un visa pour arriver au Luxembourg en date du 21 août 2007. Vous exposez vivre chez votre tante ici au Luxembourg. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 5 novembre 2007. Vous présentez votre passeport albanais.
Il résulte de vos déclarations que vous auriez travaillé auprès de l'agence de presse Agence Télégraphique Albanaise en tant que traductrice. Vous déclarez avoir traduit les dépêches albanaises en français pour les agences étrangères. Vous indiquez que depuis 2005 le parti démocratique aurait pris le pouvoir et comme vous seriez sympathisante pour le Parti Socialiste Albanais, vous auriez préféré traduire des dépêches de l'opposition. Des inconnus vous auraient alors menacé dans la rue de ne plus traduire ce genre de dépêches. Vous précisez, qu'aussi vos responsables vous auraient averti à ce sujet, car cela ne se ferait pas.
Vous supposez que ces inconnus auraient été envoyés par les responsables de l'agence de presse. Vous expliquez que grâce à votre expérience professionnelle vous auriez dû avancer en grade, ce qui ne se serait pas produit. Le 20 juillet 2006 vous auriez été licenciée à cause de la réforme. Vous prétendez pourtant qu'on vous aurait licenciée à cause de vos convictions politiques.
Vous exposez ne plus avoir trouvé un autre emploi dans le secteur public. Il ressort de vos déclarations que depuis votre licenciement vous n'auriez plus été menacé.
Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution ni mauvais traitement.
Vous seriez venue au Luxembourg chez votre tante pour changer d'air. En date du 25 septembre 2007 vous avez déposé une candidature de traductrice auprès du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration. Ne sachant plus quoi faire vous auriez contacté un avocat qui vous aurait conseillé de déposer une demande de protection internationale.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, en l'espèce, le fait que des inconnus vous auraient menacée dans la rue pour vous interdire de traduire des dépêches du parti socialiste, ne saurait constituer un motif visé par la Convention de Genève. D'autant plus que ce fait constitue un délit de droit commun, commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays, et punissable en vertu de la législation albanaise. A cela s'ajoute que vous déclarez que vous seriez simple sympathisante du parti socialiste et que vous ne seriez pas membre de ce dernier. Dans ce même contexte, en application de l'article 28 de la Loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre de ces inconnus qui vous auraient menacée dans la rue.
En ce qui concerne les faits que vous ne seriez pas avancé en grade et que plus tard, vous auriez été licenciée ne sauraient non plus constituer un motif visé par la prédite Convention, alors que le lien avec vos convictions politiques n'est nullement établi. Il en est de même en ce qui concerne le fait de ne plus avoir trouvé un autre emploi dans le secteur public et que dans le secteur privé, on aurait pas besoin d'interprètes. Force est de constater que selon vos propres déclarations vous n'auriez plus été menacé depuis votre licenciement.
Par conséquent, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.
Pour le surplus, vous ne déposez votre demande de protection internationale seulement un jour après l'écoulement de votre visa. Ainsi, il est établi que vous n'avez déposé votre demande de protection internationale que dans le seul but de prolonger votre séjour au Luxembourg. Selon vos propres déclarations, vous seriez venue au Luxembourg « pour changer d'air » et ne sachant plus quoi faire vous auriez contacté un avocat qui vous aurait conseillé de déposer une demande de protection internationale Toutefois, même à supposer avérés les faits que vous déclarez, ils ne pourront être considérés comme actes ou craintes de persécution au sens de la Convention de Genève.
Finalement, vous n'apportez en l'espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de l'Albanie, pour ainsi profiter d'une fuite interne et trouver un emploi, soit dans le secteur public, soit dans le secteur privé.
Vos motifs traduisent plutôt de simples craintes hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable qu'une crainte de persécution. Par conséquent, ces craintes ne sauraient constituer des motifs visés par la Convention de Genève.
Par ailleurs, il convient de relever que pendant les dernières années, l'Albanie a fait des progrès importants sur la voie d'une démocratie pluraliste effective et d'un Etat gouverné par la prééminence du droit et le respect des Droits de l'Homme. L'Albanie a adhéré au Conseil de l'Europe le 29 juin 1995 et a ratifié la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (CEDH) le 2 octobre 1996. L'Albanie a ratifié la Convention de Genève de 1951 en 1992, la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 en 1994 et a adhéré au Pacte international des droits civils et politiques en date du 4 octobre 1991.
De plus, l'Albanie est considérée comme pays d'origine sûr par la France, le Royaume-Uni et la Suisse.
Au vu de ce qui précède, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas non plus la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.
La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.
Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.
Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure. » Par requête déposée le 21 décembre 2007 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 21 novembre 2007 lui refusant la protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
1. Quant au recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Il s’ensuit que le recours en réformation introduit à titre principal est recevable dans la mesure où il est dirigé contre ce volet de la décision déférée pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par loi.
Il n’y a partant pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation en ce qu’il est dirigé contre le volet de la protection internationale de la décision déférée.
A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer qu’elle aurait quitté son pays par avion au moyen d’un visa pour le Luxembourg en date du 21 août 2007, où elle a déposé une demande de protection internationale le 5 novembre 2007. Elle conteste l’affirmation du ministre selon laquelle elle n’aurait déposé sa demande de protection internationale qu’un jour après l’écoulement de son visa ce qui prouverait qu’elle aurait déposé sa demande dans le seul but de prolonger son séjour au Luxembourg. Elle explique qu’elle se serait rendue sur recommandation de son avocat à plusieurs reprises auprès du ministère où on lui aurait indiqué qu’elle devait se présenter seulement lorsque son visa aura expiré.
Quant au statut de réfugié, elle fait valoir qu’elle serait une activiste du Parti Socialiste Albanais, principal parti politique de l’opposition, qu’elle aurait participé à des réunions de ce parti et qu’elle aurait distribué des affiches pour ce parti. Elle verse une attestation d’un membre de la section du parti socialiste de Skhodra selon laquelle elle aurait fait l’objet d’une exclusion de « l’Agence Télégraphique Albanaise » sous le prétexte de la réforme en raison de ses sympathies affichées pour le parti socialiste. En effet, après l’accession au pouvoir de la droite, le porte-parole du Parti Démocratique aurait été nommé directeur de « l’Agence Télégraphique Albanais » et des sympathisants du parti socialiste, dont la demanderesse, auraient été licenciés. L’attestation précitée indiquerait qu’après son licenciement de « l’Agence Télégraphique Albanaise », la requérante aurait participé à un concours pour un poste de pédagogue dans l’enseignement public, mais que la sélection du lauréat du poste se serait faite sur base des convictions politiques et que le fait pour la demanderesse d’avoir un oncle qui serait un membre très connu du Parti Socialiste serait un facteur aggravant pour sa situation. Elle en conclut qu’elle aurait établi une crainte fondée d’être persécutée, respectivement d’être discriminée dans son pays d’origine en raison de ses convictions politiques.
Quant à la protection subsidiaire, elle fait valoir que les acteurs des atteintes graves seraient respectivement l’Etat lui-même, des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat et des acteurs non étatiques. Elle estime que l’affirmation selon laquelle elle n’aurait pas recherché la protection de l’Etat ou d’autres organisations étatiques serait un véritable non-
sens, alors que ce serait l’Etat lui-même qui serait à l’origine des persécutions et menaces subies.
Elle considère par ailleurs que les avis émis par la France et le Royaume-Uni sur le caractère démocratique et sûr de l’Albanie, occulteraient les avis circonstanciés émis par le Département d’Etat Américain et un rapport d’Amnesty International.
Le délégué du Gouvernement estime que les problèmes rencontrés par la demanderesse ne sauraient suffire pour bénéficier du statut de réfugié. En effet, le ministre a relevé à juste titre que les menaces dont fait état la demanderesse ne seraient pas d’une gravité justifiant l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Il souligne en outre que la demanderesse n’aurait jamais été membre du Parti Socialiste Albanais, et qu’il serait invraisemblable qu’elle aurait eu des problèmes en raison de l’adhésion de son oncle paternel.
Quant à la déclaration du mandataire de la demanderesse qu’elle n’aurait pas pu demander une protection auprès des autorités albanaises, le délégué du Gouvernement fait valoir que la demanderesse n’aurait pas identifié les auteurs des menaces, de sorte qu’il s’agirait d’une simple supposition en ce que l’Etat serait l’auteur responsable des menaces.
Ainsi, dans la mesure où la demanderesse n’aurait pas porté plainte auprès des autorités, il ne serait pas établi que celles-ci ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace.
Le délégué de Gouvernement fait encore remarquer que la demanderesse est originaire d’une ville dont le bourgmestre est engagé dans le Parti Socialiste Albanais.
Il conclut que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi précitée du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande de protection internationale lors de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
En effet, les trois faits sur lesquels la demanderesse base sa demande de protection internationale, à savoir en premier lieu les menaces d’inconnus par avoir traduit des dépêches de l’opposition, son licenciement en raison de ses opinons politiques et finalement son impossibilité de trouver du travail dans le secteur publique en raison de ses opinions politiques, ne sauraient en l’espèce être qualifié de persécution au sens de la Convention de Genève et en vertu des critères fixés par l’article 31 de la loi du 5 mai 2006.
En ce qui concerne en premier lieux les menaces d’individus inconnus, le ministre a relevé à juste titre qu’en l’état actuel de l’instruction du dossier il n’est ni prouvé, ni même plausible que les investigateurs des menaces seraient à assimiler à l’Etat de sorte que des individus dont l’identité n’est pas connue ne saurait être qualifiés comme acteur de persécution au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2008.
Concernant le licenciement de la demanderesse force est de constater qu’il n’est pas contesté que le nouveau Directeur de « l’Agence Télégraphique Albanaise » est le porte-
parole du Parti Démocratique, donc le parti du premier ministre albanais. Néanmoins, le tribunal considère que les faits avancés ne remplissent pas la condition de gravité au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006. En effet, même si la perte d’un travail est une circonstance qui peut avoir des effets directs bouleversants pour la personne concernée, elle ne constitue néanmoins pas une violation d’un droit d’une gravité telle de tomber sous l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, lorsque de surcroit la demanderesse n’allègue même pas qu’elle ait été dans l’impossibilité de faire contrôler la régularité du licenciement par des instances judiciaires.
En ce qui concerne la discrimination à l’embauche dans le secteur public, la demanderesse ne fait état que d’un seul cas de sorte que ce fait isolé ne saurait suffire pour être qualifié de suffisamment grave pour constituer un acte de persécution au sens de la Convention de Genève.
Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens des dispositions de la Convention de Genève ou de la loi du 5 mai 2006 susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder à demanderesse le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi précitée du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Selon l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, sont considérées comme atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Au vu des développements qui précèdent, il échet de retenir que la demanderesse n’invoque aucun élément ou circonstance indiquant qu’il existe de sérieux motifs de croire qu’elle serait exposée, en cas de retour en Albanie, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, la demanderesse n’est pas fondée à prétendre ni à la qualité de réfugié, ni au bénéfice de la protection subsidiaire, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 13 juin 2007 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.
Le tribunal vient cependant, tel que développé ci-dessus, de retenir que la demanderesse ne remplit pas les conditions pour prétendre à la protection internationale, de sorte qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 avril 2008 par :
Mme Thomé, premier juge, M. Sünnen, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Thomé 8