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16/04/2008 | LUXEMBOURG | N°23215

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 avril 2008, 23215


Tribunal administratif N° 23215 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juillet 2007 Audience publique du 16 avril 2008 Recours formé par la société à responsabilité limitée … S à r.l., …, la société anonyme … S.A., … et la société anonyme … S.A., … contre des décisions 1) de l’administration des Ponts et Chaussées, et 2) de la commission des soumissions en présence de l’association sans but lucratif …, Schifflange en matière de marchés publics

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23215 du rôle et déposée au greffe du

tribunal administratif le 17 juillet 2007 par Maître René DIEDERICH, avocat à la Cour, inscrit au ta...

Tribunal administratif N° 23215 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juillet 2007 Audience publique du 16 avril 2008 Recours formé par la société à responsabilité limitée … S à r.l., …, la société anonyme … S.A., … et la société anonyme … S.A., … contre des décisions 1) de l’administration des Ponts et Chaussées, et 2) de la commission des soumissions en présence de l’association sans but lucratif …, Schifflange en matière de marchés publics

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23215 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2007 par Maître René DIEDERICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société à responsabilité limitée … S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-

…, représentée par son gérant actuellement en fonctions ;

2) la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

3) la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, agissant en leur qualité d’associés de l’association momentanée « … S.A./… S.à r.l./… S.A. », tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) d’une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées portant refus de prendre en considération l’offre par elle présentée dans le cadre d’une procédure de soumission publique relative aux « travaux pour la réalisation des mesures d’accompagnement sur les chantiers de la grande voirie dans le cadre du développement durable et de la réinsertion sociale » et 2), pour autant que de besoin, d’un avis de la commission des soumissions du 27 mars 2007 relatif à sa séance tenue le 22 mars 2007, leur adressé à la suite d’une réclamation présentée le 9 mars 2007;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves TAPELLA, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 23 juillet 2007 portant signification de ce recours à l’association sans but lucratif …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2007 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’association sans but lucratif … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2007 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2008 par Maître René DIEDERICH pour compte de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., de la société anonyme … S.A. et la société anonyme … S.A., Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er février 2008 par Maître Patrick KINSCH pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er février 2008 par Maître Albert RODESCH pour compte de l’association sans but lucratif … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Edouard DELOSCH, en remplacement de Maître René DIEDERICH, Patrick KINSCH et Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 mars 2008.

_____________________________________________________________________

A la suite de la publication d’un avis d’adjudication de travaux pour la réalisation des mesures d’accompagnement sur les chantiers de la grande voirie dans le cadre du développement durable et de la réinsertion sociale, l’association momentanée … S.A./… S.à r.l./… S.A., ci-après « l’association momentanée … », soumit en date du 6 mars 2007 une offre à l’administration des Ponts et Chaussées. L’ouverture de la soumission eut lieu le 7 mars 2007 et l’offre de l’association momentanée … fut classée deuxième avec un montant de 137.499,50 €, après l’offre classée première de l’association sans but lucratif …, ci-après « … », de l’ordre de 102.902,80 €.

Par courrier du 9 mars 2007, l’association momentanée … s’adressa au ministre des Travaux publics pour lui soumettre quelques questions concernant la soumission ci-avant visée, libellées comme suit :

« Pourriez-vous nous informer si l’institution … privilégiée par l’Etat a le droit en tant que « Association Sans But Lucratif » de participer aux soumissions citées ci-dessus.

De plus, au vu des montants des offres remis par l’association …, nous pensons que même si nous ne prenions aucune marge, nous n’arriverions pas à concurrencer leurs prix qui selon nous sont inférieurs au prix de revient.

Si nous avions su qu’une société sans but lucratif participerait à ces marchés, nous n’aurions pas consacré autant de temps pour calculer au plus juste ces offres.

Compte tenu des éléments précédents, nous vous demandons de bien vouloir vérifier le droit de participation de l’institution … pour ces soumissions ».

Ces questions furent avisées le 27 mars 2007 par la commission des soumissions auprès du ministère des Travaux publics dans les termes suivants :

« Retourné à la s.à r.l. … et à la s.a. …, et transmis à Monsieur le Ministre des Travaux Publics, avec l'avis ci-après pris à l'unanimité des membres présents :

La Commission des Soumissions a été saisie d'une réclamation de la part de la s. à r.l.

… par courrier du 13 mars 2007 et de la part de la s.a. …, mandataire de l'association momentanée …, … s.à r.l. et …s.a. par courrier du 9 mars 2007 en ce qui concerne les dossiers sous rubrique.

La Commission des Soumissions se permet de donner son avis quant au marché sous rubrique avant qu'une décision d'adjudication n'ait été prise, tout en ayant pris connaissance des conditions d'appel d'offre.

La Commission des Soumissions rappelle que les travaux sous rubrique n'ont par le passé pas été mis en soumission publique et approuve la décision du Ministre des Travaux Publics d'avoir mis lesdits travaux en concurrence.

Les conditions d'appel d'offre relatives à cette soumission ont précisé qu'il s'agissait de travaux d'entretien du réseau routier dans le cadre du développement durable et de la réinsertion sociale, et ont fixé divers critères à connotation sociale, notamment du point de vue des capacités techniques, de sorte que les soumissionnaires étaient tous au courant que le facteur de la réinsertion sociale était un élément déterminant pour les marchés sous rubrique.

Ainsi il était prévu que les travaux soient exécutés par des ouvriers sous contrat auxiliaire temporaire, et qu'ils soient encadrés professionnellement. En effet, de par leur nature, les travaux d'entretien du réseau autoroutier et routier, de même que les travaux pour la réalisation des mesures d'accompagnement sur les chantiers de la grande voirie constituent des travaux qui peuvent être exécutés par du personnel non particulièrement qualifié, tel que le constituent maints ouvriers sous contrat auxiliaire temporaire.

Vu qu'il s'agit de travaux ne requérant pas de qualifications spécifiques, l'on ne saurait arguer que les entités qui ont exécuté par le passé ces travaux aient pu bénéficier d'une situation privilégiée.

Il appert que des soumissionnaires ayant la qualité d'association sans but lucratif aient remis des offres.

Les a.s.b.l n'ont pas le droit de poursuivre un but lucratif, c'est-à-dire d'exercer leur activité dans l'unique but de procéder à un partage de bénéfice, Cela ne veut pas dire qu'une a.s.b.l. n'a pas le droit d'exercer des activités lucratives ou de toucher de l'argent lors de ces activités, mais cet argent éventuellement réalisé ne doit pas être distribué directement aux membres. (c.f. Vinandy/Piscitelli, Fêtes et Manifestations, éditions Promoculture).

A titre d'exemple l'a.s.b.l. …, dont les statuts ont été communiqués par une partie réclamante à la Commission des Soumissions, a comme objet social la création, le développement et la promotion d'une nouvelle approche socio-économique en vue de réaliser et de maintenir le plein emploi au Luxembourg. Ainsi selon ces mêmes statuts, elle se propose de collaborer étroitement avec les différents organismes publics ou privés, actifs en matière d'emploi et de formation, afin de créer un cadre propice aux objectifs poursuivis.

En pratique, on doit avouer que les demandeurs d'emploi engagés par une a.s.b.l.

comme l'… doivent bien recevoir la possibilité d'entrer en contact avec la vie active et par la même de se rendre utile, de sorte qu'il est évident que les a.s.b.l. exécutent des travaux pour le compte d'autres entités.

Vu leur objet, il est évident que de telles a.s.b.l. ont participé aux soumissions sous rubrique, car celles-ci mettaient en concurrence des travaux à connotation sociale que de telles initiatives ont exécuté par le passé.

Dans la mesure qu'une a.s.b.l. est légalement établie, elle peut donc à priori exercer des activités.

Cependant, selon les informations dont dispose la Commission des Soumissions, les a.s.b.l. ne sont pas soumises à la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, de sorte qu'aucune autorisation d'établissement ne leur est délivrée conformément à cette loi.

La Commission des Soumissions regrette qu'aucune clarification sur ce point n'existe, alors qu'il est établi que ces a.s.b.l. prestent des services et exécutent des travaux auprès de personnes publiques et privées, sous quelque forme de collaboration que ce soit.

A défaut d'une autorisation d'établissement, personne ne saurait définir en détail les champs d'activités desdites a.s.b.l. Or une définition claire des champs d'activités de ces a.s.b.l. pourrait contribuer à apaiser diverses tensions actuelles reprochant aux acteurs de l'économie solidaire de faire de la concurrence déloyale aux entreprises de droit commercial.

En ce qui concerne les « subventions publiques » dont il est fait état dans les courriers de réclamation, la Commission des Soumissions précise que toute entreprise recrutant des ouvriers sous contrat auxiliaire temporaire bénéficie d'indemnités versées par le fonds pour l'emploi, de sorte que les soumissionnaires n'ayant actuellement pas de tels ouvriers sous contrats sont cependant évidemment en mesure d'en bénéficier dans l'hypothèse qu'ils recrutent de tels ouvriers, ce qui au demeurant est exigé en vue de l'exécution des marchés sous rubrique.

Comme les offres remises par l’a.s.b.l. … sont substantiellement inférieures aux autres offres remises, une analyse des prix, à demander par le pouvoir adjudicateur, s’impose.

Se pose par ailleurs la question si tous les soumissionnaires ont tenu compte des remboursements qu'ils peuvent escompter dans l'hypothèse que le marché leur soit attribué.

De même il appartiendra au pouvoir adjudicateur de vérifier si les offres remises remplissent les conditions exigées du point de vue de l'emploi des demandeurs d'emploi et de leur encadrement.

Comme la loi du 22 décembre 2006 promouvant le maintien dans l'emploi et définissant des mesures spéciales en matière de sécurité sociale et de politique de l'environnement, entrant en vigueur à partir du 1er juillet 2007 ne parle plus d’ouvriers sous contrat auxiliaire, mais fait la distinction entre le contrat d'appui-emploi et le contrat d'initiation d'emploi, avec des modes de remboursement différents, tout comme par ailleurs la législation actuellement en vigueur (Loi du 31 juillet 2006 portant introduction d'un Code du Travail) la Commission des Soumissions est d'avis qu'il conviendra qu'à l'avenir les pouvoirs adjudicateurs fassent en sorte que dans le cadre de la mise en concurrence, l'égalité de traitement entre les soumissionnaires soit garantie lorsqu'ils exigent l'emploi de demandeurs d'emploi ».

Aucune décision expresse prise à la suite de l’avis de la commission des soumissions ci-avant relaté du 27 mars 2007 n’ayant été adressée à l’association momentanée …, elle a pris des renseignements auprès de l’administration des Ponts et Chaussées et elle fut informée oralement que le marché a été adjugé au meilleurs disant, à savoir à l’association sans but lucratif ….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2007, les sociétés composant l’association momentanée … ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision implicite du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées portant refus de prendre en considération l’offre par elle présentée dans le cadre d’une procédure de soumission publique relative aux « travaux pour la réalisation des mesures d’accompagnement sur les chantiers de la grande voirie dans le cadre du développement durable et de la réinsertion sociale » ainsi que, pour autant que de besoin, de l’avis de la commission des soumissions ci-avant relaté du 27 mars 2007.

Lors des plaidoiries à l’audience publique du 10 mars 2008, le tribunal, après avoir soulevé d’office la question de la recevabilité du mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2008 par Maître René DIEDERICH pour compte des sociétés composant l’association momentanée … au regard des dispositions de l’article 5 (5) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est amené à constater que ledit mémoire s’analyse en un troisième mémoire, intervenu à la suite du dépôt d’un mémoire en duplique, de sorte à ne pas être admissible au regard de la limitation à deux mémoires par partie prévue par la loi. Le mémoire du 7 mars 2008 n’ayant pas non plus été produit à la demande du tribunal par application de l’article 7, 3ème alinéa de la même loi de 1999, il y a partant lieu de l’écarter des débats pour avoir été fourni en dehors des prévisions légales.

La loi ne conférant pas compétence au tribunal pour statuer en tant que juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale tendant à la réformation des différents actes déférés.

Quant au recours subsidiaire en annulation, l’Etat conclut à son irrecevabilité pour autant qu’il est dirigé contre une décision implicite du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées et contre l’avis de la commission des soumissions du 27 avril 2007 au motif que ces actes seraient dépourvus d’élément décisionnel propre. L’Etat signale dans ce contexte que c’est par arrêté du 18 avril 2007 que le ministre a pris la décision d’adjuger le marché public litigieux à … et qu’en l’absence de toute attribution de compétence décisionnelle au directeur de l’administration des Ponts et Chaussées, celui-ci n’aurait partant pas pu prendre une décision, quelle soit expresse ou implicite, relative à l’attribution définitive du marché public.

Les sociétés demanderesses relèvent dans leur mémoire en réplique qu’elles n’ont eu connaissance de l’arrêté ministériel du 18 avril 2007 que dans le cadre de la présente instance moyennant inspection des pièces produites par l’Etat à l’appui de son mémoire en réponse, de sorte qu’elles auraient valablement pu diriger dans un premier temps leur recours contre une décision implicite de l’Administration des Ponts et Chaussées qui était leur interlocuteur.

Tant la décision d’adjudication du marché public que celle corrélative de ne pas adjuger le marché aux autres soumissionnaires relève de la compétence du ministre qui en l’espèce a exercé cette compétence moyennant arrêté du 18 avril 2007.

Dans la mesure où les pièces versées en cause ne permettent pas de dégager que l’arrêté ministériel du 18 avril 2007 fut porté à la connaissance des sociétés demanderesses, celles-ci ont valablement pu se référer dans leur requête introductive d’instance à une décision implicite afférente émanant de l’administration des Ponts et Chaussées qui, d’après leurs affirmations non autrement contestées en fait, fut leur seul interlocuteur pour les besoins de notification orale de la décision de ne pas retenir leur offre. Au vu des développements contenus dans la requête introductive d’instance ainsi que des explications fournies dans le cadre du mémoire en réplique, les parties au litige n’ont en effet pas raisonnablement pu se méprendre sur la décision que les sociétés demanderesses entendent concrètement critiquer, en l’occurrence celle prise par le ministre en date du 18 avril 2007 portant attribution du marché à … et refus d’attribution du même marché à l’association momentanée …. Il se dégage dès lors des considérations qui précèdent que c’est l’arrêté ministériel du 18 avril 2007 qui est à considérer comme faisant l’objet du litige.

Le recours dirigé contre la décision ministérielle du 18 avril 2007 portée oralement à la connaissance des sociétés demanderesses par l’administration des Ponts et Chaussées est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au recours exercé pour autant que de besoin contre l’avis de la commission des soumissions du 27 mars 2007, c’est à juste titre que l’Etat fait valoir qu’il ne revêt pas de caractère décisionnel propre et n’affecte pas per se la situation juridique et personnelle des sociétés demanderesses, de sorte que le recours dirigé contre cet avis est irrecevable.

Quant au fond A l’appui de leur recours les sociétés demanderesses concluent à titre principal à l’annulation du marché litigieux pour avoir été attribué à un soumissionnaire qui en raison de sa forme juridique d’association sans but lucratif (a.s.b.l.) n’aurait pas dû être autorisé à postuler pour un marché public de travaux.

A ce titre elles se prévalent de l’article 3, point 1) de la loi du 30 juin 2003 précitée qui définit les marchés publics comme étant « des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d’une part, un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de services et, d’autre part, un pouvoir adjudicateur et ayant comme objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation d’un service », ainsi l’article 3, point 8) qui, par voie d’analogie, définit le soumissionnaire comme étant « le fournisseur, l’entrepreneur ou le prestataire de services qui présente une offre ».

Elles déduisent de ces dispositions que la loi de 2003 ne permettrait pas à un pouvoir adjudicateur de passer un marché public de travaux avec un organisme public ou une entité n’exerçant pas une activité entrepreneuriale, qui se définirait comme étant une activité de type commerciale ou artisanale.

A l’appui du même moyen, les sociétés demanderesses se prévalent de l’article 2, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 qui dispose que « les travaux, fournitures et services ne peuvent être adjugés qu’aux personnes qui, au jour de l’ouverture de la soumission, remplissent les conditions légales pour s’occuper professionnellement de l’exécution des travaux, de la livraison des fournitures ou de la prestation des services qui font l’objet du contrat », pour soutenir qu’une a.s.b.l., en raison de sa nature juridique, ne serait pas habilitée à s’occuper professionnellement de l’exécution de travaux et de prestations de services du type de ceux faisant l’objet du marché public litigieux.

Dans le même ordre d’idées elles se réfèrent à l’article 85 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 qui fait référence à la probité commerciale du soumissionnaire au titre de garantie d’une bonne exécution des prestations dans les délais prévus, pour soutenir que dans la mesure où une a.s.b.l. ne pourrait pas se livrer à des opérations commerciales et partant ne pas s’occuper à des fins professionnelles de l’exécution des travaux litigieux, ce type d’entité n’aurait pas été habilité à participer au marché public litigieux.

L’Etat soutient de son côté que s’agissant de la législation sur les marchés publics, la qualité d’entreprise reviendrait incontestablement aux a.s.b.l. du type d’…, même si pour les besoins d’autres législations cette association, ne poursuivant pas de but lucratif, ne constituait ni un commerçant ni un industriel. La partie défenderesse fait valoir en outre que la loi du 30 juin 2003, prise dans ses dispositions invoquées par les parties demanderesses, ne requiert pas que le soumissionnaire soit une entité commerciale. Pour ce qui est des articles du règlement d’exécution du 7 juin 2003 également invoqués dans la requête introductive d’instance, la partie défenderesse estime qu’ils ne feraient pas non plus obstacle à la participation d’une a.s.b.l. à un marché public, étant donné que, d’une part, un texte réglementaire ne pourrait pas restreindre une possibilité qui résulte d’un texte législatif comme la loi de 2003 et que, d’autre part, l’objet des textes réglementaires cités ne serait pas d’exclure par leur forme les a.s.b.l. dès lors qu’elles rempliraient les conditions légales pour exécuter le marché public ce qui serait bien le cas en l’espèce. Quant à la référence à la probité commerciale et à l’absence de mise en faillite dans les textes réglementaires cités, la partie étatique estime que cette référence ne tendrait pas non plus à n’admettre que des sociétés commerciales à la participation aux marchés publics, étant donné que s’il en allait ainsi, les marchés publics en matière par exemple d’architecture ne pourraient pas être attribués à un architecte exerçant une profession essentiellement civile.

… prend position en expliquant d’abord la notion de développement durable qu’elle qualifie de centrale au présent dossier et relève notamment que cette notion est à mettre en parallèle, sinon de concert avec celle d’économie sociale et solidaire dont les composantes essentielles seraient au nombre de trois, à savoir les mutuelles, les coopératives et les associations. Elle signale que même s’il n’existe pas de définition européenne commune de l’économique sociale et solidaire qui soit institutionnellement acceptée, elle serait néanmoins régie par un principe commun qui met en question les fondements de l’économie de marché pure et dure, à savoir sa conception très restrictive voire rétrograde, cantonnée au seul aspect financier, c’est-à-dire au seul but de lucre immédiat. Au niveau de l’évolution politique et législative en matière de marchés publics, les notions de développement durable et d’entreprise sociale et solidaire auraient désormais trouvé leur place et ce plus particulièrement au niveau de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 qui serait basée sur la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes relative notamment aux critères d’attribution en matière de marchés publics et qui reprenant la notion d’offre « économiquement la plus avantageuse », permettrait désormais des ouvertures importantes sur base d’un programme de développement durable. … relève dans ce contexte que par le marché public litigieux ayant pour objet « les travaux d’entretien du réseau routier dans le cadre du développement durable et de la réinsertion sociale », l’administration des Ponts et Chaussées aurait bien pris en considération les opportunités de choix offertes par la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, étant donné que cette loi recommanderait au pouvoir adjudicateur de favoriser toutes les démarches qui vont dans le sens du développement durable et d’établir des appels d’offres économiquement les plus avantageuses non pas uniquement sur base du prix.

A l’instar de la partie étatique … fait valoir ensuite que les a.s.b.l. ne seraient pas expressément exclues du champ d’application de la loi du 30 juin 2003 et se réfère à cet égard aux dispositions de l’article 3, point 10 de ladite loi qui définit le prestataire de services comme étant « toute personne physique ou morale, y compris un organisme public, qui offre des services », pour soutenir qu’une a.s.b.l. correspondrait parfaitement à cette définition.

Quant à la référence faite par les sociétés demanderesses aux dispositions des articles 2 et 85 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 pour soutenir que les a.s.b.l. seraient exclues du champ d’application de la réglementation des marchés publics, … estime que ces dispositions auraient pour but de vérifier que le soumissionnaire soit à même d’exécuter le marché public et que ce serait en termes de qualité de travail que l’expression utilisée de « s’occuper professionnellement de l’exécution de travaux » ainsi que celle de « probité commerciale » seraient à entendre, mais qu’il ne s’agirait pas de conditions impératives quant à la forme de l’opérateur économique.

Concernant la notion d’entreprise, … fait valoir que ce terme ne serait pas utilisé au sens strict dans sa signification commerciale, mais dans le sens de viser l’ensemble des moyens humains et matériels concourant sous une même direction économique à la réalisation d’un objectif économique et plus précisément en l’espèce à la réalisation d’un but d’économie sociale et solidaire.

Ainsi l’absence de but lucratif, voire le caractère bénévole et social des activités d’une association, ne seraient pas de nature à exclure toute activité économique dans le chef d’une a.s.b.l.. … se réfère à cet égard à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (arrêt du 29 novembre 2007, Commission c/ Italie, C-119/06) ayant retenu que des associations comme la Croix Rouge italienne exercent une activité économique et constituent des entreprises économiques au sens des dispositions du traité relatives à la concurrence et par conséquent aussi des directives communautaires en matière de marchés publics, pour en déduire qu’il n’y aurait rien d’anormal à ce que le marché public litigieux ait fait l’objet d’une soumission publique et qu’il n’y aurait rien d’anormal non plus à ce qu’une a.s.b.l. soit admise à soumissionner.

Pour définir la notion d’entreprise … se réfère en outre à l’article 2 du règlement grand-ducal du 16 mars 2005 portant adaptation de la définition des micros, petites et moyennes entreprises et retenant qu’« est considérée comme entreprise toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique. Sont notamment considérées comme telles les entités exerçant une activité artisanale ou d’autres activités à titre individuel ou familial et les sociétés de personnes ou de capitaux ou les associations qui exercent régulièrement une activité économique », ainsi qu’au traité CE pris en ses articles 81 à 97, qui définit la notion d’entreprise comme comprenant toute entité exerçant une activité, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement.

Quant à sa propre forme juridique, elle expose que le choix de l’a.s.b.l. aurait été orienté par rapport au but final d’économie sociale et solidaire poursuivi par l’association, son objectif social étant la création, le développement et la promotion d’une nouvelle approche socio-économique en vue de réaliser et de maintenir le plein emploi à Luxembourg. Dans la mesure où le marché public litigieux contiendrait précisément un facteur de réinsertion sociale déterminant, sa présence à cette soumission serait dès lors légitime.

Quant à la notion de profit réalisé, … expose qu’il y aurait lieu d’envisager cette question sous un angle particulier alors que les a.s.b.l n’ont pas le droit d’exercer une activité lucrative ou de toucher de l’argent lors de leurs activités, mais que l’argent éventuellement réalisé, s’il ne pouvait certes pas être distribué directement aux membres, pourrait néanmoins être réinvesti légalement en vue d’atteindre l’objet social de l’a.s.b.l.

En tant qu’entreprise de l’économie sociale et solidaire, … estime ainsi avoir prouvé l’ensemble des éléments qualitatifs sollicités pour être soumissionnaire, tout en relevant que le professionnalisme de son travail serait amplement et efficacement démontré par le fait qu’elle aurait déjà pu faire ses preuves dans le domaine du nettoyage des abords d’autoroutes lors de l’exécution de conventions antérieures ayant eu le même objet.

L’article 3 de la loi du 30 juin 2003, en visant d’une manière générale tant les entrepreneurs que les fournisseurs ou prestataires de services, ne permet pas de dégager une interdiction pure et simple pour une a.s.b.l. de participer à un marché public en raison de sa forme juridique. Les définitions invoquées par les parties demanderesses sont en effet rédigées de manière suffisamment large pour ne pas exclure par elles-mêmes les a.s.b.l., étant donné que les dispositions en question ne comportent pas d’exigence précise concernant la forme juridique que doit revêtir un soumissionnaire.

Il s’y ajoute que la notion d’entrepreneur retenue dans le cadre de la législation sur les marchés publics ne saurait être restreinte dans son acception aux seuls commerçants et industriels au sens du droit commercial tel que préconisé par les parties demanderesses. La notion de commerçant connaît en effet une définition légale précise et spécifique consacrée à l’article 1er du Code de commerce qui dispose que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce, et en font leur profession habituelle », qui est assise de manière indépendante par rapport à la notion d’entrepreneur à portée plus étendue et non conditionnée par une forme juridique spécifique tel que cela est par ailleurs dégageable à partir de la définition invoquée par … et issue du règlement grand-ducal du 16 mars 2005 précité.

Si le tribunal peut ainsi s’accorder avec les parties défenderesse et tierce intéressée pour constater que les articles invoquées de la loi du 30 juin 2003 n’exigent pas expressément que le soumissionnaire soit une entité commerciale, ce constat ne permet cependant pas pour autant d’affirmer qu’à l’inverse la loi accorderait expressément et en toutes hypothèses qualité aux a.s.b.l. pour participer à des marchés publics, la loi étant au contraire muette au sujet de la forme juridique que les entités susceptibles de soumissionner peuvent revêtir.

Conformément à l’article 11 de la loi du 30 juin 2003 précitée relatif aux mode d’attribution des marchés publics, seul le concurrent ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse parmi les trois offres « régulières » accusant les prix acceptables les plus bas, peut se voir attribuer un marché à conclure par soumission publique, de sorte que tout entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services, indépendamment de sa forme juridique, qui entend remettre une offre dans le cadre d’un marché public, est tenu de justifier de la régularité de son offre et partant du respect des conditions légales ou réglementaires qui lui sont applicables.

Il s’ensuit que l’exigence inscrite à l’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 suivant laquelle les travaux, fournitures et services ne peuvent être adjugés qu’aux personnes qui au jour de l’ouverture de la soumission « remplissent les conditions légales pour s’occuper professionnellement de l’exécution des travaux, de la livraison des fournitures ou de la prestation des services qui font l’objet du contrat », trouve son fondement dans l’article 11 de la loi cadre du 30 juin 2003 qui, en posant le principe de la régularité des offres susceptibles d’être retenues, ne fait par ailleurs que consacrer les principes généraux du droit administratif de légalité et de bonne administration qui imposent à toute administration d’agir dans le respect de la loi et dans l’intérêt public de la collectivité.

Le principe général de bonne administration, consacré formellement à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, impose notamment un devoir de vigilance à l’administration qui a pour finalité première de permettre à l’administration d’adopter un résultat correct ou de viser la rectitude de ses décisions1.

Si le pouvoir public peut ainsi certes conférer, moyennant soumission publique, l’exécution de travaux publics à une autre entité, il n’en reste pas moins que les principes généraux ci-avant évoqués lui font obligation de s’assurer à la fois du professionnalisme du soumissionnaire et du caractère légal de l’exercice des activités proposées.

L’exigence inscrite à l’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 ne saurait partant être considérée, tel que soutenu par l’Etat, comme opérant une restriction prohibée à la loi, étant donné que le pouvoir adjudicateur, en tant qu’entité publique, est tenu d’une manière générale d’agir dans la légalité ce qui implique, par voie d’analogie, qu’il est également tenu de veiller à ce que les marchés exécutés pour son compte soient à leur tour légalement exercés.

Pour vérifier si … remplit les conditions légales pour s’occuper professionnellement de l’exécution du marché litigieux, il y a lieu de se référer à l’article 1er de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif définissant l’association sans but lucratif comme étant « celle qui ne se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales, ou qui ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel ».

La loi définit les associations sans but lucratif d’une manière négative, en en excluant celles qui se livrent à des opérations commerciales ou industrielles ou qui cherchent à procurer à leurs membres un gain matériel. Ces trois hypothèses d’exclusion, par l’emploi de la conjonction « ou », n’étant pas obligatoirement cumulatives, la vérification d’une seule de 1 cf. J.-B. Auby et J. Dutheil de la Rochère, Le principe de bonne administration, in Droit administratif européen, Bruylant 2007 ces hypothèses est suffisante pour exclure l’activité concernée du champ des activités potentielles d’une a.s.b.l.

Conformément au descriptif figurant au cahier des charges du marché litigieux, les travaux pour la réalisation des mesures d’accompagnement sur les chantiers de la grande voirie dans le cadre du développement durable et de la réinsertion sociale impliquent entre autres les travaux suivants :

- fauchage des accotements et talus - entretien de la végétation dans les ronds-points - nettoyage des ouvrages hydrauliques linéaires (rigoles, caniveaux, fossés, …) - nettoyage des avaloirs - curage des cours d’eaux - curage des bassins d’orage - élagage des végétaux envahissants - débroussaillage - évacuation des déchets de coupe - piquetage, collecte et enlèvement des déchets le long des voiries - entretien des pistes cyclables - élimination de mousses et végétaux sur les ouvrages en béton - travaux de plantation et de remplacement de plants endommagés - arrosage - réfection de tuteurs et de cordes en coco - tri des déchets ramassés le long de la voirie - établissement d’un rapport quantitatif sur les différentes natures de déchets - réalisation de clôtures et de maçonnerie sèche - construction d’escaliers de passage et de ponts sur pilotis - différents travaux d’aménagements paysagistes (plans d’eaux, talus et bernes) ».

L’entretien de la voirie de l’Etat rentre directement dans les attributions du ministère des Travaux publics telles que retenues par arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des Ministères. Les travaux ci-avant visés, en raison de leur objet, de leur envergure et de leur nature, s’analysent ainsi principalement en des travaux publics, impliquant accessoirement la fourniture du matériel nécessaire à leur exécution, de sorte à rentrer en principe dans les prévisions de l’article 2 du Code de commerce libellé comme suit : « La loi répute acte de commerce : (…) Toute entreprise de travaux publics ou privés,(…)».

La notion de travaux publics désignant d’une manière générale les travaux qui sont exécutés pour compte des pouvoirs publics, en l’espèce l’Etat, et leur objet pouvant être « la construction de maisons, d’édifices publics, de routes, de ponts, de canaux, de chemins de fer, de ports, de travaux de terrassement, de nivellement, de drainage, de défrichement, de déboisement, etc. »2, cette notion couvre clairement différents aspects majeurs des travaux litigieux.

L’activité d’entreprise de travaux publics est à ranger, par application de l’article 2 du Code de commerce, dans les actes de commerce objectifs que le législateur a déclaré être 2 ibidem, p. 86 commerciaux par nature, indépendamment de la qualité de celui qui les fait, ces actes étant supposés exercés dans le but de réaliser un bénéfice3.

Pour être commerciaux ces actes doivent notamment présenter le caractère d’« entreprises », non litigieux en fait dans la présente espèce, étant donné que les parties s’accordent pour affirmer que les activités d’… revêtent un caractère entrepreneurial.

Le tribunal est amené à constater à son tour que les activités qu’… se propose d’exercer dans le cadre du marché public litigieux supposent la répétition d’opérations s’exerçant professionnellement dans le cadre d’une entreprise, ce qui suppose une organisation, une continuité dans l’activité envisagée4. Il y a lieu de constater en outre qu’…, à l’instar d’une entreprise commerciale, procède moyennant l’exécution du marché public litigieux à la réalisation d’une plus-value qu’elle se propose de vendre à l’Etat et qu’elle cherche à réaliser un gain sur la main d’œuvre et sur les matériaux éventuels à fournir, ceci indépendamment de l’affectation éventuelle réservée par la suite à ce gain et indépendamment du fait qu’il ne s’agit pas forcément du seul but qu’elle poursuit.

Cette conclusion est corroborée par les explications mêmes d’… qui affirme que son travail « dans le domaine de l’économie solidaire peut se comparer par rapport à la compétence, l’expérience, au travail professionnel des sociétés commerciales » et que l’argent qu’elle entend tirer de l’exécution de ce marché est destiné à être entièrement réinvesti en vue d’atteindre son objet social.

Dans la mesure où les activités litigieuses sont réputées être des actes de commerce par l’effet de la loi et qu’… reste en défaut de renverser utilement cette présomption de commercialité par la preuve de l’absence de toute recherche de gain, il y a partant lieu de constater que cette association, indépendamment de la question de l’absence de recherche d’un gain matériel dans le chef de ses membres, s’est proposée d’effectuer des opérations commerciales ce qui ne rentre dès lors pas dans la définition telle que retenue à l’article 1er de la loi modifiée du 21 avril 1928 précitée.

Force est encore de constater que si une a.s.b.l. est admise sous certaines conditions à se livrer accessoirement à des opérations commerciales, cette hypothèse n’est pas pour autant vérifiée en l’espèce, étant donné que compte tenu de l’envergure du marché public litigieux ainsi que du caractère professionnel requis dans l’exécution des travaux en faisant l’objet, il ne saurait être raisonnablement soutenu que c’est à titre accessoire seulement qu’… se propose d’exercer ces activités. L’exécution des travaux litigieux nécessitera en effet la mise en place d’une main-d’œuvre structurée et spécifique répondant à des impératifs de professionnalisme évidents, cette conclusion se trouvant d’ailleurs corroborée largement par les développements mêmes d’… qui insiste sur le caractère entrepreneurial de ses activités, ainsi que sur le professionnalisme du travail qu’elle a pour habitude d’effectuer dans ce cadre en sa qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire.

Il se dégage des considérations qui précèdent que l’article 1er de la loi du 21 avril 1928 précitée fait obstacle à ce qu’une a.s.b.l. se livre à des opérations du type de celles requises pour l’exécution du marché public litigieux en ce que cette exécution requiert l’exercice répété d’opérations commerciales à titre professionnel, de sorte qu’en l’état actuel de la 3 Cf, L. Frédéricq, in Traité de droit commercial belge, tome 1er, n° 19, p. 55, Rombaut-Fecheyr, Gand, 1946 4 Cf. ibidem, p. 84 et ss législation sur les a.s.b.l., … n’est pas légalement habilitée pour s’occuper professionnellement de l’exécution de ces travaux.

La conclusion ci-avant dégagée ne saurait être énervée par les développements de l’Etat et d’… prenant appui sur une prise de position du ministre des Classes moyennes du 29 septembre 2005 en rapport avec l’activité a priori commerciale d’un magasin d’articles d’occasion qu’… se proposait d’exploiter et qui, de l’avis dudit ministre, n’avait pas besoin d’autorisation de sa part au regard de la législation sur les établissements, étant donné que l’exploitation d’un « Okasiounsbuttek » n’est raisonnablement comparable ni quant à sa nature ni surtout quant à l’envergure des activités concernées et au degré de professionnalisme requis, à un marché public de travaux en rapport avec l’entretien du réseau de grande voirie.

Or, dans la mesure où conformément aux dispositions de l’article 2 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 précité, les travaux, fournitures et services ne peuvent être adjugés qu’aux personnes qui au jour de l’ouverture de la soumission, remplissent les conditions légales pour s’occuper professionnellement de l’exécution des travaux, de la livraison des fournitures ou de la prestation des services qui font l’objet du contrat, c’est partant à juste titre que les parties demanderesses soutiennent que le ministre n’a pas valablement pu adjuger le marché litigieux à ….

Cette conclusion ne saurait être énervée ni par les développements d’… en rapport avec les principes en matière d’économie sociale et solidaire ni par sa référence à la jurisprudence communautaire en matière de critères d’attribution de marchés publics, étant donné que l’impossibilité dégagée en l’espèce dans le chef d’… de participer au marché public litigieux découle directement de son statut juridique tel que réglementé par la loi du 21 avril 1928 précitée et non pas des critères d’attribution du marché litigieux qui paraissent d’ailleurs largement inspirés par les différents principes évoqués par ….

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent le recours introduit par les sociétés demanderesses est fondé, de sorte qu’il y a lieu de prononcer l’annulation de l’arrêté ministériel du 18 avril 2007 ayant approuvé l’adjudication du marché public litigieux à … et emporté corrélativement le refus d’adjudication du même marché à l’association momentanée ….

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation dirigé contre l’avis de la commission des soumissions du 27 mars 2007 irrecevable ;

reçoit le recours en annulation pour le surplus en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule l’arrêté ministériel du 18 avril 2007 ayant approuvé l’adjudication du marché public litigieux à … et emporté corrélativement le refus d’adjudication du même marché à l’association momentanée … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 avril 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, premier juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23215
Date de la décision : 16/04/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-04-16;23215 ?

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