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07/04/2008 | LUXEMBOURG | N°23238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 avril 2008, 23238


Tribunal administratif N° 23238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2007 Audience publique du 7 avril 2008 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2007 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le … /République Démocratique du Congo, de nat...

Tribunal administratif N° 23238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2007 Audience publique du 7 avril 2008 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2007 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le … /République Démocratique du Congo, de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L-

…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 juin 2007 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2007 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Nicolas DECKER déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2007 au nom de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nicolas DECKER et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 janvier 2007.

Monsieur … introduisit en date du 11 mars 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommés « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu les 8 juin et 2 juillet 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … par décision du 29 juin 2007, lui envoyée par courrier recommandé le 3 juillet 2007, de ce qu’il ne saurait bénéficier ni de la protection accordée par la Convention de Genève ni de la protection subsidiaire prévue par la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ». Cette décision est libellée comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire de la même date et le rapport d'audition de l'agent du Ministère de la Justice du 8 juin 2004.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté Kinshasa pour vous rendre à Pointe Noire au Congo Brazzaville en date du 28 janvier 2004. Vous y seriez arrivé le 2 février 2004. Encore le même jour, deux amis vous auraient aidé à vous infiltrer à bord d'un bateau en direction de Moscou. La traversée maritime aurait duré 1 mois et 6 jours. Par la suite, vous auriez été emmené en camion au Luxembourg où vous seriez arrivé le 11 mars 2004. Le dépôt de votre demande d'asile date du même jour. Vous auriez payé 300 USD pour votre voyage. Vous ne présentez aucune pièce d'identité.

Il résulte de vos déclarations que depuis 2001 vous seriez instituteur et que vous auriez donné des cours de civisme aux élèves des classes de 5ième et 6ième années à l'école primaire « Petit Bois » dans la commune de Masina à Kinshasa. Vous n'auriez pas été d'accord avec le contenu du programme scolaire prévu pour cette matière. Selon vous la logique du cours serait négligée et le culte de la personne serait trop présent. Les élèves apprendraient des choses sur le président et les ministres, mais certains sujets, comme par exemple le respect du bien d'autrui ou les institutions du pays ne seraient pas enseignés aux élèves. Vous auriez alors décidé de modifier le programme et de parler également du non respect des droits de l'Homme, de la mauvaise situation économique du pays et de certains partis politiques ne participant pas au Dialogue intercongolais. Certains de vos collègues auraient mépris votre façon de voir les choses et ils vous auraient écrit des lettres de menaces. Vous dites avoir été discriminé par vos collègues de travail. En juin 2003 le directeur de l'école vous aurait également fait comprendre son mécontentement et vous aurait accusé d'insubordination.

Le 10 juin 2003 deux agents en civil vous auraient interpellé à la sortie de l'école.

Vous pensez que vos collègues de travail seraient en collaboration avec eux. Ils vous auraient emmené en voiture d'Etat dans un endroit qui vous est inconnu. Ils vous auraient accusé d'adhérer aux rebelles rwandais et d'être un opposant au gouvernement. Après deux jours vous auriez été transféré à la prison Makala. Vous y auriez été détenu avec 5 autres personnes dans une cellule. Vous n'auriez pas été interrogé ou jugé. Vous auriez été violé en prison et vous auriez subi des mauvais traitements.

Le 28 janvier 2004 un gardien vous aurait guidé vers une porte menant à la cour de la prison. A l'extérieur deux amis vous auraient attendu avec leur voiture. Vous pensez que vos amis auraient corrompu des militaires pour organiser votre évasion. Ils vous auraient emmené à la commune de Maluku où vous auriez pris une pirogue afin de traverser le fleuve pour vous rendre à Brazzaville en République du Congo. Le lendemain vous auriez pris un train pour Pointe Noire. Ensuite, vos amis vous auraient infiltré à bord d'un bateau en direction de l'Europe de l'Est. Après plus d'un mois vous auriez accosté à Moscou et vous auriez continué en camion jusqu'au Luxembourg.

Enfin, vous ne faites pas état d'autres problèmes et ne seriez pas membre d'un parti politique.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Force est cependant de constater qu'un demandeur d'asile doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Or, il convient de relever que vos déclarations sont souvent vagues et confuses. En effet, vous oubliez de révéler certaines adresses dans l'énumération chronologique de vos différents lieux de résidences, ce qui entraîne des confusions. Puis, le nom de votre père que vous indiquez sur la fiche des données personnelles n'est pas le même que celui que vous donnez lors de l'audition. Confronté à cette contradiction vous expliquez tout d'abord que vous auriez été pris sous le froid le jour de votre arrivée et que vous vous seriez trompé de nom. Puis, en fin d'audition vous dites que cette information serait liée directement à votre vie et que vous craignez pour la sécurité de votre père, raison pour laquelle vous auriez écrit le nom de son frère sur cette fiche.

En ce qui concerne le récit que vous faites concernant votre voyage vers l'Europe de l'Est il y a lieu de relever que vous dites d'abord qu'à votre arrivée l'équipage du bateau vous aurait annoncé que vous seriez à Moscou. Plus tard vous expliquez qu'en voyant un restaurant appelé « Moscou » vous auriez conclu être dans cette ville et vous niez même avoir dit que des membres de l'équipage vous auraient informé que vous seriez à Moscou. Pourtant, il ressort très clairement de l'audition que vous avez fait de telles déclarations, fait attesté par l'avocat présent lors de l'audition. Soulignons qu'auprès de la police judiciaire vous affirmez avoir accosté à Moscou. Dans un autre contexte, vous n'êtes pas en mesure de préciser dans quel pavillon vous auriez été emprisonné au Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa-CPRK (ex-Makala) alors que cette prison est divisée en pavillon et que vous dites y être resté de juin 2003 à janvier 2004. Vous restez également très vague et lacunaire lorsque vous décrivez votre évasion de la prison.

Concernant les pièces versées, il convient de préciser que celles-ci remettent en cause la crédibilité de votre récit. Tout d'abord selon un extrait du journal « La Référence Plus » parle de pressions exercées par des éléments des services spéciaux sur votre personne en date du 21 décembre 2003 ainsi qu'en début de janvier 2004. Il évoque également votre disparition depuis cette période. Or, lors de l'audition vous ne mentionnez pas ces pressions. De plus, à ces dates précises vous auriez déjà été incarcéré au CPRK. En effet, selon vous dites vous y auriez été transféré en juin 2003. Notons également que des articles de complaisances écrits par des journalistes corrompus sont choses fréquentes en RDC.

Il est également peu crédible que vous ayez reçu une convocation de la police nationale le 1er janvier 2004 pour vous présenter le lendemain au commissariat de Righini et que la police nationale congolaise émette le 20 janvier 2004 un mandat d'arrêt alors que vous vous seriez déjà trouvé en prison à ces dates précises. Par ailleurs, il y a lieu de relever que les mandats d'arrêt sont des documents internes à usage exclusivement administratif et ne sont pas adressés aux personnes concernées. Il est donc étonnant que vous puissiez être en possession d'un tel document qui serait de surplus la pièce originale à supposer l'authenticité établie. En outre, il convient de souligner que l'adresse indiquée sur la convocation et le mandat ne correspond pas à celle que vous donnez lors de l'audition.

Notons également que vous êtes en mesure de présenter lesdites pièces, mais que vous n'avez pas fourni de document d'identité pour prouver votre identité.

De toute façon, et même à supposer votre emprisonnement comme établi, il ne saurait, en lui-seul, constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'il ne peut, à lui seul, établir une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1ef, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. Vous dites avoir été arrêté et emprisonné parce qu'on vous aurait accusé de rebelle rwandais et d'être un opposant au gouvernement. Dans ce contexte il y a lieu de souligner qu'un changement politique important est intervenu en RDC depuis votre départ.

En effet, on assiste à un réel effort de la part du pouvoir en place de rétablir la paix et de former un gouvernement démocratique à représentation géographique et ethnique. Ainsi, le 16 décembre 2002 un Accord Global sur le partage du pouvoir fut signé afin de créer un gouvernement d'unité nationale au terme duquel le président Joseph Kabila demeurera à son poste et ce, jusqu'à la tenue des premières élections libres et démocratiques. Durant la transition M. Kabila a été assisté par quatre vice-présidents, représentant respectivement le gouvernement, le Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma (RDC-Goma), le Mouvement de libération du Congo (MLC) et l'opposition politique non armée. Nombreux progrès ont été réalisés durant la transition. Ainsi, une nouvelle Constitution adoptée par référendum ayant eu lieu en décembre 2005 a été promulguée le 17 février 2006 et une loi électorale en date du 9 mars 2006. Au terme d'élections présidentielles ayant eu lieu les 30 juillet 2006 et 29 octobre 2006 dans un environnement généralement calme, marquées seulement par quelques incidents isolés, Joseph Kabila fût élu président.

Par ailleurs, le sentiment anti rwandais ou anti tutsi a largement diminué à Kinshasa.

Ainsi, vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte fondée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour en RDC ou de risques émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2007, Monsieur … a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus du 29 juin 2007 et sollicitant que le statut de réfugié conformément aux dispositions de la Convention de Genève lui soit accordé.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir qu’il craindrait avec raison d’être persécuté pour ses opinions politiques. En effet, en tant qu’enseignant dans une école primaire dans la commune de Masina à Kinshasa, il aurait marqué son désaccord avec le programme scolaire ayant trait aux cours de civisme et aurait été accusé, d’abord par ses collègues de travail, puis par le pouvoir en place au Congo, de faire partie de la rébellion rwandaise et d’être un opposant du gouvernement Kabila. Il aurait été interpellé le 10 juin 2003 pour être ensuite transféré à la prison de Makala alors qu’il n’aurait jamais été jugé. Avec la complicité de deux amis qui auraient soudoyé les militaires corrompus du régime Kabila, il aurait réussi à s’évader de la prison. Il soutient que le fait qu’il aurait cru débarquer à Moscou n’enlèverait rien à la crédibilité de son récit alors que la géographie ne serait pas nécessairement le fort de chacun. Il en serait de même du fait qu’il n’a pas su indiquer le pavillon dans lequel il a été emprisonné à Maskala. Il estime que son récit serait corroboré par les pièces versés en cause et qu’il n’aurait pas pu mentionner ces pièces lors de son audition par l’agent du ministère de la Justice alors qu’il ne les aurait pas encore connues à ce moment. Concernant le mandat d’arrêt et la convocation de la police versés, il fait valoir qu’ils auraient été sans doute établis ex post pour légitimer son arrestation. Pour contester les dires du ministre que les élections présidentielles se seraient déroulées dans un environnement généralement calme, marqué seulement par quelques incidents isolés, il expose que des combats auraient eu lieu au Congo pendant la campagne électorale et surtout à Kinshasa lors de la proclamation des résultats.

Finalement il estime que les adversaires au régime de Kabila continueraient à être persécutés.

Le délégué du Gouvernement estime que le contenu du récit du requérant serait souvent vague et confus. Le demandeur indiquerait un nom différent de son père devant l'agent du Ministère lors de l'audition que celui figurant sur sa fiche de données personnelles.

En outre les affirmations du requérant concernant son voyage ne seraient également pas très claires et les circonstances de son évasion de prison manqueraient également de transparence.

Le contenu des pièces versées différerait également des affirmations du requérant lors de l'audition. Le récit de Monsieur … serait donc peu crédible et manquerait incontestablement de cohérence. Il serait également très surprenant que le requérant soit en possession de pièces (mandats d'arrêt) qui ne seraient en pratique jamais directement délivrées à la personne faisant l'objet de la recherche. Il ne ressortirait pas clairement du dossier comment ces pièces auraient été obtenues par le requérant. La source exacte de ces documents ne serait donc pas clairement établie et l'authenticité de ces pièces serait fort douteuse.

Le délégué du Gouvernement souligne que l'emprisonnement du requérant, pourvu qu'il soit établi, ne saurait constituer un motif justifiant l'octroi du statut de réfugié. Le requérant affirmerait qu'on l'aurait accusé d'être un opposant politique. Dans cet ordre d'idées il s'agirait de mentionner le changement politique important intervenu en RDC qui se traduirait notamment par un effort considérable du pouvoir en place de rétablir la paix et de former un gouvernement démocratique. En effet, la situation politique en RDC se serait normalisée suite à des élections. Une nouvelle constitution aurait été adoptée par référendum ayant eu lieu en décembre 2005 et aurait été promulguée le 17 février 2006 et une loi électorale en date du 9 mars 2006. Des élections présidentielles auraient eu lieu les 30 juillet 2006 et 29 octobre 2006 dans un environnement généralement calme.

En conclusion le délégué de Gouvernement estime que le demandeur éprouve plutôt un sentiment général d'insécurité et non une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’il résulterait de ce qui précède que le Ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du requérant Dans son mémoire en réplique le demandeur estime qu'il aurait démontré à suffisance de droit qu'il craint avec raison d'être persécuté dans son pays d'origine. En effet, l'élément subjectif de cette notion de crainte se trouverait démontré par les pièces versées en cause qui prouveraient que dans le passé il aurait subi des brimades et arrestations. Quant à l'élément objectif, à savoir la situation générale du pays d'origine, il fait valoir que l'affirmation du délégué du Gouvernement que la situation politique en République Démocratique du Congo se serait normalisée suite à des élections, serait contredite par tous les observateurs de la situation politique congolaise. A ce sujet il se réfère à 3 extraits des journaux « Luxemburger Wort » et « Le Soir » qui démontreraient qu'on serait loin d'une solution pacifique au Congo et que la confrontation entre rebelles et groupes ethniques n'aurait pas cessé. Il estime que si le régime Kabila était si démocratique, comme le laisserait entendre le délégué du Gouvernement, se poserait la question pourquoi certains adversaires politiques de Kabila se seraient réfugiés après les élections dans une ambassade étrangère à Kinshasa (Le pasteur Théodore N'Goyi à l'Ambassade d'Afrique du Sud) ou auraient été emprisonnés (Mme Wiwine Landu, détenue au centre pénitencier de Makala) Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé de la décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions en date du 8 juin 2004, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Même si le tribunal ne sait suivre le délégué du Gouvernement en ce qui concerne ses doutes quant à la véracité du contenu de l’article de presse que le demandeur aurait transmis au ministère, étant donné que cet article n’a pas été versé en cause, et que le tribunal estime que les imprécisions relevées par le ministre ne sauraient mettre en doute la crédibilité de l’ensemble du récit du demandeur, les faits relatés ne sauraient pas pour autant justifier dans le chef du demandeur une crainte actuelle justifiée de persécution. En effet, la situation actuelle en RDC a évolué positivement depuis le départ du demandeur. Une nouvelle constitution a été adoptée par référendum de décembre 2005 et a été promulguée le 17 février 2006. Des élections présidentielles ont eu lieu les 30 juillet et 29 octobre 2006 dans un environnement généralement calme. Ainsi, même si les faits relatés étaient a priori à considérer comme des actes de persécution en raison des opinions politiques du demandeur par des représentants des autorités étatiques, toujours est-il que le demandeur a fait ses déclarations avant que les élections présidentielles ont eu lieu et avant qu’un gouvernement de conciliation a été mis en place, de sorte qu’à l’heure actuelle les craintes de persécution sont à considérer comme étant devenues purement hypothétiques. Or, de simples éventualités de persécutions futures ne sont pas suffisantes pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié.

Finalement, le demandeur n’explique pas dans quelle mesure il serait personnellement touché par les évènements relatés dans les articles de presse versés. En effet, il ne résulte pas de son récit qu’il se serait engagé politiquement en dehors du cadre de son école. Ces pièces traduisent plutôt un sentiment général d’insécurité et non une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance et que la décision ministérielle est fondée sur des motifs valables à cet égard.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le demandeur n’est pas fondé à prétendre à la qualité de réfugié, ni au bénéfice de la protection subsidiaire, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 avril 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, M. Sünnen, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23238
Date de la décision : 07/04/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-04-07;23238 ?

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