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19/03/2008 | LUXEMBOURG | N°23555

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2008, 23555


Tribunal administratif N° 23555 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2007 Audience publique du 19 mars 2008 Recours formé par les époux … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23555 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2007 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Prilep (Kosovo), et...

Tribunal administratif N° 23555 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2007 Audience publique du 19 mars 2008 Recours formé par les époux … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23555 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2007 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Prilep (Kosovo), et de son épouse, Madame …, née le … à Kosarevici, commune de Foca (Bosnie-Herzégovine), agissant en leur nom ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs deux enfants mineurs … …, né le …, à Düsseldorf (Allemagne) et … …, né le …, à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine et de Mademoiselle … …, née le …, à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision orale du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 1er octobre 2007 portant une mesure d’éloignement du territoire à leur encontre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2007 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Olivier LANG et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 4 novembre 2005, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant en leur nom ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs deux enfants mineurs … … et … …, ainsi que Mademoiselle … …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 11 août 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci après désigné par « le ministre », rejeta cette demande, décision confirmée par le ministre en date du 2 octobre 2006, suite à un recours gracieux introduit par les consorts … en date du 21 septembre 2006.

Suite à un recours contentieux introduit par les consorts …, ceux-ci furent définitivement déboutés de leur demande par un arrêt de la Cour administrative du 12 juillet 2007 (numéro 22996C du rôle).

Par courrier de leur mandataire du 14 août 2007, les consorts … sollicitèrent de la part du ministre l’obtention d’un statut de tolérance.

Par décision du 10 septembre 2007, le ministre refusa de faire droit à cette demande.

Suite à une convocation du 31 août 2007, les consorts … se présentèrent au ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 1er octobre 2007. A l’exception de Mademoiselle … …, ils y signèrent une déclaration indiquant qu’ils voulaient bénéficier d’un retour assisté dans leur pays d’origine.

Par requête déposée le 19 octobre 2007 au greffe du tribunal administratif, les consorts … ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision orale du ministre du 1er octobre 2007 portant mesure d’éloignement du territoire à leur égard.

A titre liminaire, le tribunal est amené à analyser le moyen d’irrecevabilité du recours soulevé par le délégué du gouvernement, dans la mesure où il ne pourrait y avoir de décision orale du ministre susceptible d’un recours. Il y aurait eu en l’espèce un rendez-vous entre les agents du ministère et les demandeurs afin « de se voir exposer les possibilités qui s’offraient à eux, leurs demandes de tolérance ayant été rejetées. » Il n’y aurait cependant pas eu de décision de la part du ministre ce 1er octobre 2007, le rapport de l’entretien avec les demandeurs, dressé par les autorités ministérielles ne pouvant être assimilé à une décision ministérielle. Le représentant étatique estime que faute de décision ministérielle, les demandeurs seraient dépourvus d’un intérêt à agir.

Les demandeurs exposent à ce sujet que suite à la convocation précitée, ils se seraient présentés au Commissariat du Gouvernement aux Etrangers, où des agents ministériels leur auraient rappelé le caractère irrégulier de leur séjour sur le territoire du Grand-Duché. Ces agents leur auraient ensuite expliqué qu’ils avaient le choix entre deux possibilités, soit ils pourraient bénéficier d’une aide au retour s’ils consentaient à un retour volontaire dans leur pays d’origine, soit il serait procédé à leur retour forcé, sans aucune aide au retour et à une date dont le choix resterait à la discrétion du ministre et dont ils n’auraient connaissance qu’au jour de l’exécution.

En droit, les demandeurs soutiennent que le 1er octobre 2007, une mesure orale d’éloignement forcée aurait été prise à leur encontre. Ils estiment, en se référant à une jurisprudence du tribunal administratif1, que l’information orale donnée par un agent à un demandeur d’asile débouté que son rapatriement dans son pays d’origine était fixé, constituerait 1 trib. adm. 18 février 2004, no 16962 du rôle, Pas. adm. 2006, vo « Etrangers », no 327 une décision orale portant mesure d’éloignement au sens de l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2.

d’un régime de protection temporaire.

En l’espèce, les demandeurs se sont présentés sur convocation au Commissariat du Gouvernement aux Etrangers. Ils y ont été informés que deux possibilités s’offraient à eux, soit ils retournaient volontairement dans leur pays d’origine, en bénéficiant ainsi d’une assistance lors du retour, soit le ministre prenait la décision de les éloigner de force à une date que ce dernier choisirait discrétionnairement.

Un choix fut donc proposé aux demandeurs. Ceux-ci, à l’exception de Mademoiselle … …, ont opté de retourner volontairement dans leur pays d’origine. Ce choix fut matérialisé par la signature d’une déclaration de retour volontaire. L’information par les autorités ministérielles sur l’existence d’un choix ne peut pas s’analyser en décision du ministre. Il s’agit en effet d’une offre du gouvernement à l’adresse des demandeurs d’asile déboutés de les faire bénéficier d’un retour volontaire assisté doublé d’une aide financière sous condition d’accepter cette offre dans un certain délai, son contenu s’analyse en substance en l’annonce du gouvernement de son intention de procéder au retour forcé des demandeurs d’asile déboutés en cas de refus de l’offre d’un retour volontaire assisté, sans pour autant constituer d’emblée à leur égard une décision d’éloignement ou d’expulsion telle que légalement requise en vue de leur éloignement du territoire. Une telle information ne comprend aucun élément décisionnel.2 Dans ce contexte, il y a lieu de constater que le raisonnement du tribunal administratif retenu dans son jugement du 18 février 20043, auquel se réfère le mandataire des demandeurs, ne peut pas s’appliquer en l’espèce. Contrairement à cette affaire où les demandeurs n’avaient pas opté pour un retour volontaire, de sorte que l’intervention du ministre s’imposait et qu’une décision portant mesure d’éloignement du territoire leur avait été communiquée oralement, l’intervention du ministre ne s’est pas révélée nécessaire en l’espèce, étant donné que les demandeurs avaient de leur propre gré consenti à un retour dans leur pays d’origine.

D’un autre côté, l’affaire, sur laquelle porte le jugement précité du 18 février 2004, diffère encore du cas d’espèce dans la mesure où la procédure a abouti à une décision se matérialisant par la communication d’une date précise pour l’éloignement du territoire, tandis que dans la présente affaire la procédure est restée au stade d’une information conférée aux demandeurs et n’a pas abouti à la communication d’une date pour le rapatriement et donc à une mesure concrète.

Les demandeurs ne peuvent donc pas se fonder sur le jugement du 18 février 2004 pour soutenir qu’en l’espèce, il y aurait eu une décision orale du ministre portant mesure d’éloignement du territoire.

Au stade actuel de la procédure, même Mademoiselle … …, qui seule n’a pas opté pour un retour volontaire dans son pays d’origine, ne s’est pas vu imposer une date pour un rapatriement forcé, matérialisant la mesure d’éloignement. Les démarches des autorités ministérielles à son égard se sont également limitées à l’information de l’existence d’un choix. Or, comme le tribunal 2 Voir à ce sujet : trib. adm. 24 mars 2003, no 15565 du rôle, Pas. adm. 2006, vo « Actes administratifs » no 20 3 Voir également à ce sujet : trib. adm. 27 septembre 2004 no 18089 du rôle vient de relever ci-avant, une simple information des demandeurs ne peut pas s’analyser en une décision du ministre susceptible d’un recours contentieux.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à constater qu’à ce stade de la procédure, une décision du ministre, informant les demandeurs du rapatriement dans leur pays d’origine et pouvant s’analyser en mesure d’éloignement fait défaut en l’espèce.

Le recours est dès lors à déclarer irrecevable pour être dirigé contre une information communiquée aux demandeurs, celle-ci n’étant pas constitutive d’une décision administrative susceptible d’un recours contentieux.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 19 mars 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 23555
Date de la décision : 19/03/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-03-19;23555 ?

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