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18/03/2008 | LUXEMBOURG | N°25302

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2008, 25302


Tribunal administratif No 25302 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 18 mars 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20 L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25302 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2009 par Maître Valérie Demeure, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,

né le … (Kosovo), demeurant à L-…, tendant d’une part à la réformation d’une décision...

Tribunal administratif No 25302 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 18 mars 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20 L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25302 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2009 par Maître Valérie Demeure, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), demeurant à L-…, tendant d’une part à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 19 décembre 2008 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 février 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en ses plaidoiries à l’audience publique du 11 mars 2009.

En date du 1er décembre 2008, Monsieur … introduisit une demande en obtention du statut de protection internationale auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Le 17 décembre 2008, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et les motifs à la base de sa demande en obtention du statut de protection internationale.

Par décision du 19 décembre 2008, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé du 6 janvier 2009, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée par application de la procédure accélérée prévue à l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, décision qui est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 1er décembre 2008.

En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) « il appartient clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale » En mains le rapport de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 17 décembre 2008.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu depuis toujours à … dans la commune de … , ensemble avec votre famille. Vous dites que vos parents auraient tous les deux été sans emploi et qu'ils auraient cultivé leurs terres pour survivre. Vous dites que vous les auriez aidé et que de temps en temps vous auriez eu des travaux journaliers.

Vous dites qu'en date du 15 novembre 2008, vous auriez quitté le Kosovo d'abord en direction de la Macédoine pour continuer votre voyage dans des camionnettes vers le Luxembourg. Selon vos dires, votre père aurait emprunté la somme de 2.500.- euros chez des oncles pour pouvoir payer les passeurs. Vous expliquez que vous auriez quitté le Kosovo comme vous n'auriez plus « supporté la misère ». Vous dites que vous auriez des problèmes de santé, mais que vous n'auriez pas pu vous faire soigner comme vous n'auriez pas d'argent.

Vous dites que vous voudriez faire passer un contrôle médical au Grand-Duché et vous ajoutez que vos parents seraient également malades, raisons pour lesquelles vous auriez décidé de vous rendre au Luxembourg. Vous ajoutez que si vous aviez eu un travail, vous n'auriez pas quitté votre pays d'origine. Pour résumer, vous dites que « j'ai quitté le Kosovo parce qu'ils nous ont coupé l'aide sociale depuis longtemps, mais je n'étais persécuté par personne. » Vous ajoutez que vous n'auriez également pas les moyens financiers pour pouvoir continuer vos études.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d'un parti politique.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, votre demande de protection internationale n'est basée que sur des motifs d'ordre médical et économique, ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de votre demande d'asile, des raisons économiques et médicales ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. » Par requête déposée le 21 janvier 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 19 décembre 2008, lui refusant une protection internationale et tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, compris dans la même décision ministérielle.

1.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 19 décembre 2008 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de sa demande, Monsieur …, déclarant être de nationalité kosovare, fait valoir que le futur statut du Kosovo ne serait toujours pas défini et qu’il n’aurait pas de travail, serait malade et ne pourrait pas se faire soigner dans son pays d’origine. Il reproche au ministre de ne pas avoir répondu à son appel au secours mais d’avoir pris une décision générale de politique des étrangers, au lieu d’une décision administrative individuelle reflétant son appréciation. Le ministre aurait fait une appréciation erronée des faits d’espèce, alors qu’il serait à tort qu’il aurait conclu « que les faits relatés étaient une demande de protection internationale ».

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé. Il aurait déposé sa demande de protection internationale pour des raisons purement économiques et médicales.

Or, de telles raisons ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié ni du statut de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006.

A titre liminaire, le tribunal est amené à analyser le moyen du demandeur selon lequel sa demande n’aurait pas due être qualifiée en une demande de protection internationale. Or, il ressort de l’examen di dossier relatif à Monsieur … que sa demande a été analysée à bon droit en une demande en obtention d’une protection internationale. Ainsi, le rapport de l’audition, effectuée au ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration le 17 décembre 2008, précise, à plusieurs reprises, explicitement que ladite audition était effectuée dans le cadre d’une demande de protection internationale. Le demandeur, assisté d’un interprète tout au long de l’audition n’a cependant relevé à aucun moment qu’il n’entendait pas introduire une demande de protection internationale. De plus, le demandeur reste en défaut de préciser dans sa requête introductive d’instance la nature de la demande qu’il aurait voulue introduire au lieu d’une demande de protection internationale, en se limitant à reprocher au ministre une erreur manifeste d’appréciation, de sorte que le moyen afférent du demandeur est à rejeter pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, « le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants: a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale », tandis qu’aux termes de l’article 2 a) de la même loi, la notion de «protection internationale» se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, lors de son audition, Monsieur … a déclaré à plusieurs reprises et sans équivoque que son unique raison pour demander un statut de protection internationale au Grand-Duché de Luxembourg serait qu’il serait malade et qu’il n’aurait pas trouvé de travail au Kosovo. Ainsi il affirme « j’ai quitté ma maison à cause de la misère, (…) je n’ai pas eu de la pression de la part de qui que ce soit, (…) si j’avais eu un bon travail alors je serais resté au Kosovo auprès de mes parents, mais je voudrais également passer un contrôle médical, (…) j’ai quitté le Kosovo parce qu’ils nous ont coupé l’aide sociale depuis longtemps, mais je n’ai été persécuté par personne. Je suis à plusieurs reprises allé à la commune, à l’administration de l’emploi, mais il n’y a pas de travail (…) ». Sur question supplémentaire de l’agent du ministère, le demandeur a réaffirmé qu’il n’aurait pas eu d’autres raisons pour quitter son pays d’origine, tout en rajoutant qu’il n’aurait « même pas assez d’argent pour continuer [ses] études ».

Force est dès lors de constater que les raisons ayant poussé le demandeur à quitter son pays d’origine sont exclusivement d’ordres économique et médicale. Il ne soulève aucune crainte de persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006. Or, des considérations d’ordre économique ou médicales ne constituent pas un motif d’obtention du statut de réfugié, statut que le ministre a donc valablement pu refuser d’accorder.

De même, le demandeur n’invoque aucun motif spécifique, à part les considérations développées ci-avant, de nature à justifier dans son chef la reconnaissance du statut de protection subsidiaire au sens des articles 2 (e) et 37 de la loi du 5 mai 2006. Il reste en défaut d’établir un quelconque motif sérieux et avéré laissant croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

C’est donc également à bon droit que la décision ministérielle déférée a refusé à Monsieur … la reconnaissance du statut de protection subsidiaire, aux termes des articles 2 (e) et 37 de la loi du 5 mai 2006.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 19 décembre 2008 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 19 décembre 2008 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, une décision refusant la protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.

En l’espèce le demandeur sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif qu’il serait malade.

Force est cependant au tribunal de constater que le demandeur se borne à invoquer dans des termes généraux qu’il serait malade, sans fournir de précisions quant à son état de santé et sans verser en cause le moindre certificat médical, de sorte que le tribunal se trouve dans l’impossibilité d’analyser plus en avant le moyen soulevé qui est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur n’a à aucun moment fait état, ni même soulevé une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni des atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006, de sorte qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 19 décembre 2008 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 19 décembre 2008 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 18 mars 2009 par le président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Marc Feyereisen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20.3.2009 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25302
Date de la décision : 18/03/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-03-18;25302 ?

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