Tribunal administratif N° 22896 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 avril 2007 Audience publique du 13 mars 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 22896 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2007 par Maître Isabelle FERAND, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tchiowa (Angola), de nationalité angolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 27 mars 2007, ayant rejeté sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2007 ;
Vu le mémoire en réplique intitulé « mémoire en réponse » déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2007 par Maître Isabelle FERAND pour compte du demandeur ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2007 ;
Vu le mémoire supplémentaire intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2007 par Maître Isabelle FERAND pour compte du demandeur ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Isabelle FERAND ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
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Le 2 mars 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».
Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Il fut entendu les 28 septembre, 18 octobre et 30 novembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.
Par décision du 27 mars 2007, notifiée par lettre recommandée le 29 mars 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », l’informa que sa demande en obtention du statut de réfugié avait été rejetée comme n’étant pas fondée et que le bénéfice de la protection subsidiaire lui était refusé. Cette décision est libellée comme suit :
« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 9 mars 2004 et les rapports d'audition de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 28 septembre, 18 octobre et 30 novembre 2004.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté votre terre d'origine le 29 février 2004 en direction de la Pointe Noire au Congo Brazzaville. Un africain lusophone dénommé Pierre vous aurait fourni des papiers et accompagné jusqu'en Europe par avion moyennant le paiement de 5000 $. Vous ne sauriez pas avec quelle compagnie vous auriez voyagé mais auriez pris une correspondance avant d'arriver dans un pays francophone.
Une voiture vous aurait ensuite conduit jusqu'au Luxembourg en trois ou quatre heures.
Il résulte de vos déclarations que depuis 1995 vous seriez un membre adhérant du FLEC (Front de Libération de l'Enclave de Cabinda) sans pour autant avoir été en possession d'une carte de membre. Votre tâche aurait été de sensibiliser la population et en particulier la jeunesse sur les motifs de la résistance du FLEC contre le régime de l'Angola. Pour ce faire, vous auriez travaillé de nuit, rassemblant des groupes de jeunes pour leur expliquer la cause du FLEC et collant des pamphlets sur les murs de la ville. Vous auriez été surpris par la police angolaise et emprisonné à trois reprises lors de vos activités nocturnes. Ainsi, le 10 juin 2002, vous auriez été gardé 24 heures au poste de police dans le quartier de bairro Gika à Tchiowa.
Vous auriez été libéré après avoir signé une déposition vous engageant à arrêter toute activité liée au FLEC. Poursuivant envers et contre tout votre lutte, vous auriez été arrêté une deuxième fois le 22 avril 2003 pour les mêmes raisons et au même endroit. Après avoir pris une « raclée », vous auriez été relâché 24 heures plus tard car il n'y aurait eu aucune raison de vous retenir plus longtemps. La troisième fois, la police vous aurait surpris le 15 novembre 2003 alors que vous seriez venu d'une réunion du parti et auriez transporté des pamphlets.
Vous auriez été emprisonné deux mois et demi à Povo Grande. Vous auriez été libéré le 3 février par le Capitaine dos Santos qui, étant cabindais, aurait été sensible à la cause que vous défendriez.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Force est cependant de constater qu'à défaut de pièces, un demandeur d'asile doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Or, il convient de relever les invraisemblances dans les faits relatés. En effet, vous affirmez être membre adhérant du FLEC sans pour autant posséder de carte de membre. Or, il ressort du Titre V des Statuts du FLEC que tout membre doit posséder sa carte de membre, les membres effectifs et adhérents devant s'acquitter de cotisations obligatoires et mensuelles.
De plus, votre récit relatif à vos divers emprisonnements et surtout à vos libérations sont peu crédibles. En effet, soulignons que lors de votre première audition le 28 septembre 2004, vous mentionnez uniquement avoir été emprisonné en 2003 durant trois mois. Puis lors de votre deuxième audition en octobre, vous ne parvenez à décrire que votre première arrestation du 6 juin 2002 qui aurait duré 24 heures. Vous mentionnez le fait d'avoir été emprisonné plusieurs fois sans pour autant vous souvenir des dates. Lors de la dernière audition du 30 novembre, vous vous souvenez soudain de toutes vos arrestations. Vous corrigez ainsi la date de votre première arrestation qui aurait eu lieu le 10 juin 2002 et non le 6, vous ajoutez avoir été détenu une deuxième fois le 22 avril 2003 dans les même conditions, puis une troisième fois le 15 novembre 2003 durant 2 mois et demi. Ces inconsistances entre vos trois auditions sèment des doutes sur la véracité de votre récit.
En outre, les raisons que vous avancez pour expliquer vos libérations sont peu vraisemblables. En effet, la première fois, vous auriez simplement convaincu vos gardiens de la validité de la cause pour laquelle vous vous battriez. Vous auriez par conséquent simplement signé un papier vous engageant à ne plus coller de pamphlets et auriez été libéré. La deuxième fois, malgré le fait que vous auriez été frappé, vous auriez été libéré 24 heures plus tard car il a été considéré que vous auriez été détenu sans raison. La troisième fois, vous auriez également été frappé quotidiennement mais auriez été libéré par un capitaine du FAA sur le simple fait qu'étant lui-même cabindais, il n'aurait pas accepté qu'une telle injustice arrive à un cabindais qui lutte pour une cause juste. Ainsi, vos emprisonnements répétés et vos allégations de mauvais traitements sont peu consistants avec les conditions très aisées de vos libérations.
Ajoutons à cela que lors de la deuxième audition, vous dites que vos parents auraient été victimes de menaces de mort pour ne pas avoir dénoncé le lieu où vous vous trouviez. Or, à aucun moment vous ne mentionnez une éventuelle fuite ou cachette puisque vous auriez à chaque fois été libéré de manière régulière par des officiels des autorités cabindaises.
De toutes façons, même à supposer les faits que vous alléguez comme établis, ils ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, fonder dans le chef du demandeur d'asile une crainte justifiée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève. En effet, les conditions très aisées de vos libérations par des officiels du FAA prouvent l'absence de chef d'accusation à votre encontre. Vous affirmez de plus ne pas posséder de carte de membre du FLEC ce qui confirme le fait qu'il n'y ait pas de véritable raison pour les autorités angolaises de vous détenir et vous considérer comme un ennemi potentiel. Ainsi, à supposer vos détentions véridiques, vous auriez été libéré en toute légitimité et n'avez par conséquent aucune raison de craindre de nouvelles poursuites de la part du gouvernement angolais.
Enfin, vous n'apportez en l'espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d'origine pour ainsi profiter d'une fuite interne.
Ainsi, vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé » (…).
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2007, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 27 mars 2007.
Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.
d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de protection subsidiaire déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise.
Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être originaire de l’enclave du Cabinda et de nationalité angolaise, reproche au ministre compétent d’avoir fait une appréciation erronée des éléments en cause, de sorte à lui avoir refusé à tort la reconnaissance du statut de réfugié.
Il expose plus particulièrement qu’il aurait été un membre du « Front de libération de l’Etat du Cabinda » (FLEC) dont les membres revendiqueraient l’indépendance de la région du Cabinda, de sorte qu’ils seraient à considérer comme constituant des opposants au gouvernement angolais actuellement en place. Il fait dans ce contexte état de ce que depuis 1975, une guerre civile aurait éclaté entre le gouvernement angolais et lesdits opposants, membres de FLEC. Il se réfère ensuite à la situation générale existant actuellement dans l’enclave du Cabinda, en exposant qu’une lutte armée « très violente » y aurait lieu, dans le cadre de laquelle les Cabindais seraient déportés et massacrés en Angola dans des camps de concentration, que « les enfants servent de chair à canon dans la guerre interne angolaise, les femmes sont violées, les hommes tués, les villages incendiés, les nombreuses ressources naturelles pillées ». Il ajoute que son frère … aurait également fait l’objet de persécutions et qu’au cours de l’année 1999, il serait décédé des suites de son empoisonnement par des membres des forces gouvernementales angolaises.
Quant à sa situation personnelle, Monsieur … fait exposer qu’il aurait été arrêté à trois reprises, à savoir en date du 10 juin 2002 pour une durée d’environ 24 heures, en date du 22 avril 2003 pour une durée également d’environ 24 heures et enfin en date du 15 novembre 2003 pour une durée d’environ deux mois et demi. Il estime que ces arrestations auraient été « arbitraires et violentes ».
En substance, il reproche au ministre compétent d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé. Il fait valoir que le récit du demandeur manquerait de crédibilité. Il estime en outre que le demandeur ne justifierait pas une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, du fait qu’il ne possède pas une carte de membre du FLEC, mouvement politique dont les statuts prévoiraient que tout membre devrait posséder une telle carte de membre. Ainsi, du fait qu’il ne serait pas en possession d’une telle carte de membre, les autorités politiques actuellement en place en Angola ne pourraient pas le considérer comme constituant un « ennemi potentiel ». Il s’ensuivrait que ses craintes d’être poursuivi par le gouvernement angolais seraient sans fondement.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait relever qu’il ressortirait de son rapport d’audition précité du 18 octobre 2004 qu’il serait membre du FLEC depuis 1995 et qu’au sein de ce mouvement politique, il aurait eu pour « rôle de sensibiliser la population en général et la jeunesse en particulier en expliquant les motifs de la résistance et en collant des affiches par exemple ». Il donne encore des explications dans le cadre dudit mémoire en réplique quant aux prétendues contradictions et incohérences constatées par le ministre dans ses déclarations effectuées au cours des auditions par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration pour conclure à la cohérence et à la crédibilité de son récit se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
A part le fait qu’il a donné des explications supplémentaires dans ledit mémoire quant à la situation générale régnant actuellement en Angola et quant à la situation de la province de Cabinda dont il déclare être originaire, il revient sur sa situation personnelle en déclarant avoir été victime d’actes de persécution et en attirant une nouvelle fois l’attention sur le décès de son frère qui aurait été assassiné par les forces gouvernementales angolaises.
A l’appui de son mémoire supplémentaire, le demandeur a fait déposer au greffe du tribunal administratif une troisième farde de pièces « contenant son certificat de naissance, sa carte d’identité cabindaise ainsi que sa carte de résistant de la République Cabindaise » ainsi qu’« une copie de sa carte délivrée par le FLEC », en estimant sur base des pièces ainsi versées que son identité cabindaise devrait être prouvée à suffisance de droit. Une quatrième farde de pièces versée à l’appui de ce mémoire supplémentaire contient une « attestation délivrée par le Représentant du Gouvernement Cabindais sur le territoire Benelux » dont il ressortirait qu’il constituerait un « militant actif du FLEC » ayant tenté de « sensibiliser la communauté publique et internationale sur l’occupation du Cabinda par les troupes angolaises et les violations des droits de l’homme commises par le régime angolais » et qu’il aurait « subi des persécutions en tant que militant de la cause cabindaise ».
Dans son mémoire supplémentaire, le délégué du gouvernement, sans vouloir remettre en cause la bonne foi des autorités en exil du Cabinda ayant émis les pièces précitées, s’interroge toutefois quant à leur validité et leur caractère probant. Les doutes du représentant étatique se basent sur le fait qu’un grand nombre de demandeurs d’asile d’origine cabindaise fournissent à un stade tardif de leur procédure, et simultanément, des cartes de membre du FLEC « dont les numéros se suivent », peu importe que les récits de ces différents demandeurs d’asile fassent ou non état de persécutions en raison de leur appartenance au FLEC.
L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.
Une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.
En effet, même en admettant la véracité de l’ensemble des déclarations du demandeur, c’est-à-dire en faisant abstraction des incohérences, lacunes et imprécisions relevées par le ministre dans sa décision du 27 mars 2007, force est de constater que le demandeur n’a pas fait état à suffisance de droit d’un état de persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.
Les déclarations faites par le demandeur, notamment en rapport avec ses craintes en raison de ses opinions politiques en raison de sa qualité de membre du FLEC, constituent en substance l’expression d’un sentiment général de crainte, sans que le demandeur ait établi un état de persécution vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, étant relevé qu’il ne ressort pas des pièces et éléments du dossier ainsi que des déclarations du demandeur que les trois arrestations dont il déclare avoir fait l’objet aient été justifiées par les opinions politiques exprimées par lui en sa qualité de membre du FLEC engagé dans la lutte pour obtenir la libération du Cabinda. Il s’y ajoute que s’il est vrai qu’il ressort des auditions du demandeur par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration qu’il avait déclaré ne pas être en possession d’une carte de membre du FLEC, une telle carte est néanmoins versée par le mandataire du demandeur à l’appui de son mémoire complémentaire. Il en est de même de ses déclarations quant à la détention d’une carte d’identité, puisque lors de ses auditions, il avait déclaré ne pas être en possession d’une carte d’identité, alors qu’une telle carte d’identité a été versée en original à l’appui du mémoire supplémentaire du demandeur. Ces contradictions flagrantes sont partant de nature à jeter un certain doute quant à la véracité et à la crédibilité des déclarations du demandeur.
Il se dégage également des mêmes auditions du demandeur qu’il est resté extrêmement vague quant au type de persécutions qu’il aurait subies dans son pays d’origine en raison de ses activités au sein du mouvement politique FLEC, ayant consisté dans l’affichage de messages et de pamphlets dans le but de sensibiliser la population pour lui expliquer « les motifs de [leur] résistance contre le régime de l’Angola », visant « la population en général et la jeunesse en particulier », le demandeur expliquant essentiellement au cours desdites auditions la situation politique et économique difficile du Cabinda, en faisant simplement état des trois emprisonnements précités qui auraient été motivés par le fait qu’il aurait collé des affiches pour compte du FLEC.
Au vu du caractère extrêmement vague des déclarations du demandeur quant aux prétendues persécutions dont il aurait fait l’objet dans son pays d’origine et du caractère peu grave des emprisonnements dont le demandeur aurait fait l’objet, pendant des périodes somme toute assez courtes, du fait d’avoir affiché des pamphlets alors que ceci serait défendu en Angola, à supposer que ces faits soient liés à ses prétendues activités au sein du FLEC, le tribunal arrive à la conclusion que le demandeur, au-delà de l’expression d’un simple sentiment général d’insécurité insuffisant pour lui reconnaître le statut de réfugié, ne fait qu’exprimer des craintes essentiellement vagues, non circonstanciées et purement hypothétiques, qui, à elles seules, sont insuffisantes pour s’analyser en une persécution personnelle vécue ou justifier de l’existence d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.
En ce qui concerne les nouvelles pièces versées à l’appui du mémoire supplémentaire du demandeur, à savoir une carte d’identité cabindaise, une carte de résistant du FLEC et une carte du FLEC, indépendamment de leur authenticité et des incohérences relevées ci-avant, il échet de retenir que ces nouvelles pièces ne suffisent pas à établir que le demandeur s’est engagé au sein du FLEC avant son départ de son pays d’origine.
En ce qui concerne encore l’attestation du 10 septembre 2007 du représentant du gouvernement cabindais en exil du FLEC au Benelux, il échet de relever que cette pièce non traduite dans l’une des langues officielles du Grand-Duché de Luxembourg, ne saurait être prise en considération pour établir les déclarations du demandeur.
Concernant ensuite la référence faite à la situation politique instable prévalant actuellement au Cabinda, force est de constater qu’elle traduit plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité et non pas d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Il suit de ce qui précède que les craintes dont le demandeur fait état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, tel que prévu par les dispositions des articles 2 e) et 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, force est de constater que le demandeur n’a pas attaqué spécifiquement ce volet de la décision et qu’il n’a d’ailleurs pas invoqué de moyens spécifiques à son encontre, de sorte que le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à ce volet de la décision.
Par ailleurs, il ressort encore des pièces versées en cause par le demandeur et plus précisément d’une lettre du 12 avril 2007 du délégué de Monsieur le Bâtonnier à l’assistance judiciaire que le demandeur bénéficie de l’assistance judiciaire, de sorte qu’il convient de lui en donner acte.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
donne acte au demandeur de ce qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 13 mars 2008 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
s. Legille s. Schockweiler 8