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12/03/2008 | LUXEMBOURG | N°23775

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2008, 23775


Tribunal administratif Numéro 23775 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2007 Audience publique du 12 mars 2008 Recours formé par les consorts …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23775 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2007 par Maître Sébastien RIMLINGER, avocat à la Cour, assist

é de Maître Yves TUMBA MWANA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avoca...

Tribunal administratif Numéro 23775 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2007 Audience publique du 12 mars 2008 Recours formé par les consorts …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23775 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2007 par Maître Sébastien RIMLINGER, avocat à la Cour, assisté de Maître Yves TUMBA MWANA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), ainsi que de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants…, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 novembre 2007 portant refus de leur demande de protection internationale, ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jérome BACK, en remplacement de Maître Sébastien RIMLINGER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 février 2008.

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Le 27 juillet 2007, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs …, ci-après « les consorts … » introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Les époux … furent entendus séparément respectivement les 9 et 28 août 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 13 novembre 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts … que leur demande avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« En mains les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 9 et 28 août 2007.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous seriez serbe de …/Kosovo. Jusqu'en 1999 vous auriez travaillé dans le service de sécurité de l'entreprise …, production de viande.

Les albanais auraient repris la gérance de l'entreprise et vous n'auriez pas pu réintégrer votre poste. Durant les bombardements de 1999 vous auriez été mobilisé à la police pendant 3 mois.

Vous dites ne pas être en sécurité au Kosovo et ne pas pouvoir circuler librement. A plusieurs reprises des albanais auraient jeté des pierres contre votre voiture. Ainsi, le 21 avril 2003 alors que vous auriez été dans votre camionnette avec votre femme et vos enfants des pierres auraient été jetées. Vous auriez été blessé à l'épaule. La police aurait été appelée et un procès-verbal aurait été dressé. Vous dites que la police composée d'albanais n'aurait pas voulu vous donner de copie.

Vous ne faites pas état d'autres incidents précis, mais dites avoir subi des insultes et provocations. Vous auriez peur de vous faire tuer. Enfin, vous seriez simple membre adhérant du parti politique SPO, mais vous n'auriez pas eu d'activité au sein de ce parti.

Madame, vous confirmez les dires de votre mari. Vous dites ne pas avoir eu d'autres problèmes avec les albanais depuis l'incident d'avril 2003. Vous n'oseriez pas vous déplacer et auriez peur des albanais. Vous auriez quitté le Kosovo en raison de l'insécurité.

Vous auriez quitté le Kosovo en date du 25 juillet 2007 à bord d'une camionnette moyennant le paiement de 6000 euros. Vous seriez arrivés au Luxembourg le lendemain. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 27 juillet 2007.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Force est de constater que même à supposer vos dires comme vrais, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, fonder dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, la situation générale des membres de la minorité ethnique serbe est certes difficile, elle n'est cependant pas telle que tout membre serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Selon la jurisprudence de la Cour administrative une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des traitements discriminatoires.

Or, en l'espèce l'incident d'avril 2003 est certes condamnable, mais il n'est pas d'une gravité telle pour fonder à lui seul une demande en obtention d'une protection internationale.

Vous ne faites pas état d'autres problèmes concrets depuis cette date. Des insultes et des provocations ne revêtement également pas le caractère de gravité requis pour rendre votre vie intolérable dans votre village composé majoritairement par des membres de la communauté serbe.

A ce sujet il convient de souligner qu'après le rapport de mai 2006 de l'OSCE (Organization for Security and Co-operation in Europe), la ville de Gnjilane compte environ 130.000 habitants et se compose de diverses ethnies, dont 9.5% serbes. En outre, le même rapport relate que:

"before and during the deployment of the OSCE Kosovo Verification Mission (KVM), the municipality was considered one of the more calm areas of Kosovo. During the NATO air strikes Gnjilane did not suffer to the extent as other municipalities.

Gnjilane municipality contains a District Court (six judges – five Kosovo Albanian and one Kosovo Serb) a Municipal Court (seven judges – six Kosovo Albanian and one Kosovo Serb) and the Minor Offences Court (five judges, ail Kosovo Albanian). There is also a District Public Prosecutors' Office (four Kosovo Albanian prosecutors) and a Municipal Prosecutors' Offices (six prosecutors, incl. one Kosovo Serb).

The Kosovo Police Service (KPS) in the municipality comprises a total of 273 officers (211 male, 62 female). Of these 225 are Kosovo Albanian and 42 Kosovo Serb. Gnjilane station was one of the first in Kosovo to introduce ethnically mixed KPS patrols and the station was handed over to the KPS in autumn of 2003. The Regional Police Station in Gnjilane has been handed over to KPS on March 2005. This was the first regional station in Kosovo to be transferred from International Police to KPS.

The Regional Hospital is based in Gnjilane, and has 5 departments with a total of 430 beds. The Hospital employs 540 staff members (incl. two Kosovo Turks and one Kosovo Serb). In addition there is a Health Centre with 326 staff members (251 Kosovo Albanian, 60 Kosovo Serbs, 11 Turks and 2 Roma), that pro vide primai)/ and secondary services to the population through a network of 12 Ambulantas and 17 smaller clinics. There are two psychiatric institutions (so called Protected House and Daily Care). Four Ambulantas' are located in Kosovo Serb villages, but for secondary medical treatments many Kosovo Serbs prefer to travel to Serbia proper." Votre peur traduit plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution.

Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution.

Enfin, la situation des minorités est devenue plus stable. En règle générale, celles-ci ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité. Plus particulièrement, les Serbes commencent à bénéficier de la liberté de mouvement. S'il est vrai que leur situation économique est encore peu favorable dans les villes, les Serbes ont accès à l'enseignement et aux soins de santé.

Il ne ressort également pas de votre dossier qu'il vous aurait été impossible de vous rendre dans une autre partie de votre pays d'origine pour y bénéficier d'une fuite interne.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la précitée du 5 mai 2006. Les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la Serbie a aboli la peine capitale pour tous les délits en date du 26 février 2002. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. La situation actuelle au Kosovo ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire ».

Par requête déposée le 13 décembre 2007, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 13 novembre 2007 en ce qu’elle porte rejet de leur demande en obtention d’une protection internationale comme étant non fondée, ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois inclus dans la même décision.

1.

Quant au recours visant la décision du ministre du 13 novembre 2007 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit, lequel est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce recours, les demandeurs exposent être originaires de…, commune de…, au Kosovo et d’avoir fait l’objet pendant près de huit ans d’actes de persécution de la part des Albanais du Kosovo. Ils auraient ainsi fait l’objet de menaces quotidiennes qui se seraient traduites par des insultes, des jets de pierres et des demandes de quitter le Kosovo par téléphone.

Ils auraient fait l’objet en outre d’une agression grave en date du 21 avril 2003 lorsqu’ils auraient voulu se rendre au centre médical pour faire soigner leurs enfants. Ce jour-là des Albanais leur auraient lancé des pierres et Monsieur … aurait été blessé. En dépit du fait qu’ils auraient porté plainte contre ces menaces, la police kosovare n’aurait pas procédé à l’ouverture d’une enquête, de sorte que tout espoir de découvrir les auteurs de ces menaces aurait été vain. Ils relèvent avoir été traumatisés à tel point par ces menaces qu’ils n’auraient plus osé sortir de chez eux pour aller travailler ou pour se faire soigner dans une clinique en cas de maladie, le risque de se faire agresser sérieusement par des Albanais ayant été trop grand et permanent.

Au vu de la gravité des actes de persécution dont ils auraient fait l’objet, les demandeurs estiment que le ministre se serait livré à une mauvaise appréciation des faits en soutenant que ces actes ne revêtiraient pas une gravité suffisante pour établir l’existence d’une menace réelle pour leur vie. Ils se réfèrent à cet égard aux termes de l’article 31 (2) de la loi précitée du 5 mai 2006 pour soutenir que des actes de persécution susceptibles de justifier l’octroi du statut de réfugié peuvent consister autant dans des violences physiques que mentales. Quant à la référence faite par le ministre à l’existence de 9,5% de Serbes à … sur une population de 130.000 personnes, ils font valoir que l’existence d’une communauté serbe dans cette commune n’empêcherait pas pour autant ses membres de faire l’objet d’actes de persécution de la part des Albanais qui demeureraient largement majoritaires. Les demandeurs se réfèrent plus particulièrement à un rapport de l’UNHCR du mois de juin 2006 pour soutenir que les Serbes du Kosovo constitueraient un groupe particulièrement exposé à un risque sérieux de persécutions.

Quant à la possibilité alléguée d’une fuite interne en Serbie, les demandeurs se réfèrent aux articles 28 à 25 du chapitre V du rapport de l’UNHCR au sujet des besoins de protection des individus du Kosovo pour soutenir qu’une pareille possibilité ne serait pas donnée en raison d’innombrables obstacles d’ordre administratif, sociale et humanitaire en Serbie auxquels les réfugiés de la minorité serbe du Kosovo devraient faire face en cas de fuite vers la Serbie. Pour les mêmes raisons exposées à l’appui de leur demande en obtention du statut de réfugié, les demandeurs estiment que c’est à tort que le ministre a refusé de reconnaître qu’ils courent un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 en cas de retour dans leur pays d’origine. En raison de la réformation préconisée du volet de la décision déférée ayant trait au refus du statut de réfugié, respectivement d’une protection subsidiaire, les demandeurs estiment qu’il y aurait également lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire leur adressé dans le cadre de la décision déférée.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé. Il estime que le ministre aurait à juste titre retenu que les demandeurs ne feraient valoir qu’un sentiment général d’insécurité, tout en précisant que les Serbes vivant dans une enclave serbe bénéficieraient d’une sécurité et protection adéquate et que la situation des minorités serait devenue plus stable. Il soutient de surcroît que les demandeurs n’auraient pas démontré un défaut de protection de la part des autorités en place au Kosovo et qu’ils n’auraient pas apporté de raisons valables pour lesquelles ils seraient dans l’impossibilité de s’installer en Serbie, étant entendu qu’ils auraient d’abord dû tenter de s’installer en Serbie avant de venir au Luxembourg.

En ce qui concerne le fond du litige, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi précitée du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale lors de leurs auditions respectives, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs établissent à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef d’une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur appartenance ethnique.

En effet, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile.

Or, le tribunal est amené à relever que dans la dernière version actualisée de sa prise de position sur la protection et le rapatriement de personnes du Kosovo datant de juin 2006, invoquée par les demandeurs à l’appui de leur recours, l’UNHCR admet certes que : « Since the issuance of UNHCR’s March 2005 position paper, the overall security situation in Kosovo has progressively improved. The number of members of minorities working at the central Institutions of Provisional Self-Government (PISG) and in the Kosovo Protection Corps (KPC) has increased; freedom of movement has generally progressed; a number of important steps have been taken to reinforce the protection of property rights; and an Inter-Ministerial Commission to monitor minorities’ access to public services has been established »1. Cependant, l’UNHCR souligne que la population serbe du Kosovo constitue un groupe exposé à un risque sérieux de persécution en précisant ce qui suit:

« IV. Groups at Risk Kosovo Serbs, Roma and Albanians in a minority situation.

Given the present fragile security situation in Kosovo and serious ongoing limitations to the fundamental human rights of Kosovo Serbs, Roma and Albanians in a minority situation, UNHCR maintains its position that persons in these groups continue to be at risk of persecution, 1 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p. 3, n° 8.

and that those minorities having sought asylum abroad should be considered as falling under the provisions of Article 1 A (2) of the 1951 Convention and the 1967 Protocol relating to the Status of Refugees. Where a State feels unable to grant refugee status under the law, but the individual is not excluded from international protection, a complementary form of protection should be granted. The return of individuals belonging to these groups should only take place on a strictly voluntary basis. Individuals who express a wish to return voluntary should be able to do so freely and with the full knowledge of the current situation in Kosovo ».

Or force est de constater que l’Etat, à qui ces conclusions ont été opposées par les demandeurs, n’a pas pris position y relativement, si ce n’est pour reprocher aux demandeurs de ne pas avoir mis en évidence un défaut de protection de la part des autorités en se basant sur un rapport de l’UK Home Office du 12 février 2007 dont il ressortirait que la protection fournie par la KFOR serait suffisante. Il s’avère cependant à la lecture de ce rapport que la conclusion mise en avant par la partie étatique est à nuancer en ce sens qu’elle ne s’applique qu’aux Serbes demeurant dans des enclaves ou sous protection de la KFOR (« There is sufficiency of protection for Kosovan Serbs within Serb enclaves or when specifically under KFOR protection »2), les Serbes résidant dans des régions à majorité albanaise pouvant être considérés comme exposés à des persécutions ou à un risque de persécution justifiant l’octroi du statut de réfugié (« However, for ethnic Serbs living in predominantly ethnic Albanian areas the cumulative effect of severe harassment and intimidation, together with often extreme limitations upon freedom of movement may reach the threshold required to qualify for a grant of asylum »3).

Or en l’espèce, si la partie étatique affirme que les demandeurs proviendraient d’une enclave serbe, force est cependant de constater à l’étude du rapport de l’OSCE versé en cause par l’Etat4 que ni le village d’origine des demandeurs, Pasjane, - d’ailleurs largement détruit au cours des hostilités de 1999 - ni la municipalité afférente, Gnjilane, ne sauraient être considérés comme enclaves serbes, le village de Pasjane n’étant pas mentionné par ce rapport parmi les villages exclusivement habités par des Serbes et la municipalité de Gnjilane, dont fait partie le village de Pasjane, comptant une population largement majoritaire d’Albanais (89,4 %), de sorte que la conclusion du prédit rapport de l’UK Home Office, mise en avant par la partie étatique dans son mémoire en réponse, ne saurait être appliquée à la situation des demandeurs.

S’y ajoute en l’espèce que les demandeurs, ayant fui un village serbe au Kosovo implanté dans une région à prédominance albanaise et originaires d’un village à population mixte, mais à majorité albanaise font état de manière crédible d’agressions physiques et d’une continuité d’insultes et d’harcèlements de la part de membres de la population albanaise du Kosovo. S’il est vrai qu’une partie de ces persécutions remontent à 2003, l’article 26 paragraphe 4 de la loi précitée du 5 mai 2006 érige cependant le fait pour un demandeur d’avoir déjà été persécuté ou d’avoir déjà subi des atteintes graves ou fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes en un « indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas ».

2 UK Home Office, Operational Guidance note, Republic of Serbia, p. 16, n° 3.13.10.

3 Ibidem 4 Municipal Profile, Gjiilan / Gnjilane, OSCE, May 2006, p. 2.

Or le tribunal ne saurait, à la lecture des rapports précités et notamment au vu de la conclusion explicite de l’UNHCR qui considère la population serbe du Kosovo comme continuant de constituer un groupe exposé à un risque sérieux de persécution, déceler de « bonnes raisons » lui permettant de penser que les persécutions mis en avant par les demandeurs ne se reproduiront pas.

Au vu de l’appartenance non contestée des demandeurs à la minorité serbe du Kosovo et des éléments personnels par eux invoqués, ils doivent être considérés comme ayant subi des actes de persécution de nature à leur rendre la vie intolérable dans leur région d’origine malgré la présence des forces internationales de l’UNMIK et comme se trouvant exposés, en cas de retour au Kosovo, au risque concret de subir à nouveau des actes de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi précitée du 5 mai 2006, l’existence d’une possibilité de fuite interne ne pouvant être raisonnablement admise en l’espèce, tant le rapport de l’UK Home Office (« Freedom of movement for Serbs outside of Serb enclaves is severely restricted and therefore internal relocation for Kosovan Serbs within Kosovo is not an option. ln addition due to the precarious position of IOPs within Serbia proper internal relocation for Kosovan Serbs, to other parts of Serbia is also not an option »5) que le prédit rapport de l’UNHCR (« the circumstances faced by internally displaced persons in Serbia, leads UNHCR to maintain its general conclusion that internal flight in such conditions does not offer a relevant or reasonable alternative to international protection. (…) UNHCR considers that the application of the internal flight or relocation alternative is not reasonable due to the hardship that persons belonging to Kosovo’s minorities face in the areas of relocation. »6) tendant à exclure pareille possibilité, et ce tant au Kosovo qu’en Serbie.

Il résulte des développements qui précèdent et en l’état du dossier et des moyens échangés de part et d’autre que les demandeurs prétendent à juste titre à la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef et que la décision critiquée du 13 novembre 2007 encourt la réformation en ce sens.

Cette conclusion n’est pas énervée par le rapport de l’OSCE dont la finalité n’est pas de dresser un état des lieux de la situation sécuritaire de la municipalité de Gnjilane, mais d’établir la situation des institutions et infrastructures de cette commune, notamment du point de vue de la présence de forces de police et d’infrastructures judiciaires, sociales et sanitaires. S’il est vrai que ledit rapport indique que « Before and during the deployment of the OSCE Kosovo Verification Mission (KVM), the municipality was considered one of the more calm areas of Kosovo », cette affirmation, toute relative, est largement contredite par le prédit rapport de l’UNHCR et par le rapport du secrétaire général de la MINUK7 qui fait état d’une recrudescence des incidents et notamment des attaques de Serbes pour des raisons ethniques ( « The increase in serious security incidents, including of incidents that may have targeted Kosovo Serbs for ethnic reasons, is a further cause for concerns »).

5 UK Home Office, Operational Guidance note, Republic of Serbia, p. 16, n° 3.13.9.

6 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p. 8, n° 28.

7 Report of the Secretary-General on the United National Interim Administration Mission in Kosovo, January 2006, n° 21.

L’analyse de la demande subsidiaire en obtention de la protection subsidiaire et du refus afférent du ministre devient, au vu de la conclusion ci-avant, surabondante.

2.

Quant au recours visant la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 octobre 2007 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi relative au droit d’asile prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 15 novembre 2007 a pu valablement être dirigé contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en annulation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi relative au droit d’asile, une décision négative du ministre prise dans le cadre de la procédure accélérée vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers, 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère.

Dans la mesure où le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs sont fondés à se prévaloir du statut de réfugié et que la décision de refus de la protection internationale est à réformer dans cette mesure, il y a lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire tel que contenu dans la décision ministérielle déférée du 13 novembre 2007.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 30 octobre 2007 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 novembre 2007, reconnaît à Monsieur …, à son épouse Madame … et à leurs filles Alexandra, Daniela et Andriana …, le statut de réfugié et renvoie l’affaire devant le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration pour exécution ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 novembre 2007 ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, premier juge M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13.3.2008 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23775
Date de la décision : 12/03/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-03-12;23775 ?

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