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12/03/2008 | LUXEMBOURG | N°23366

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2008, 23366


Tribunal administratif Numéro 23366 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2007 Audience publique du 12 mars 2008 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’employé de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23366 du rôle et déposée le 24 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, chargée d’éducation, dom

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…, tendant à la réformation d’une décision de l’Etat du Grand-Duché de Luxembour...

Tribunal administratif Numéro 23366 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2007 Audience publique du 12 mars 2008 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’employé de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23366 du rôle et déposée le 24 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, chargée d’éducation, domiciliée à L-

…, tendant à la réformation d’une décision de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre d’Etat et pour autant que de besoin par son ministre de l’Education Nationale et de la Formation professionnelle du 16 juillet 2007 « refusant de reconnaître que la requérante est liée par un contrat de travail à durée indéterminée à l’Etat » et pour autant que de besoin contre un courrier du même jour ayant le même objet et accompagnant la prédite décision ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2007 par Maître Michel MOLITOR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Virginie MERTZ, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, et Maître Nadine CAMBONIE, en remplacement de Maître Michel MOLITOR en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mars 2008.

Suivant contrat de louage de services daté du 12 septembre 2000, Madame … fut engagée en qualité de chargée d’éducation à durée déterminée au Lycée technique Joseph Bech, Grevenmacher, pour la période du 16 septembre 2000 au 15 septembre 2001 pour une tâche hebdomadaire de 4 leçons, sous la précision que cette tâche « pourra également consister en activités administratives, en activités sociales et périscolaires, en activités de surveillance et de remplacement » de même qu’elle « pourra faire l’objet au cours de l’année scolaire, d’adaptations ou de modifications nécessitées par des raisons de service ».

1 Moyennant son article 5, ledit contrat du 12 septembre 2000 prévit une clause de renouvellement.

En date du 11 juillet 2001, un nouveau contrat de louage de services de chargé d’éducation à durée déterminée auprès du même lycée technique fut signé par Madame … pour une tâche hebdomadaire de 4 leçons pour la période du 16 septembre 2001 au 15 septembre 2002, ce contrat ayant à son tour été suivi d’un itératif contrat de louage de services du 10 juillet 2002 pour la période du 16 septembre 2002 au 14 septembre 2003 sous la précision qu’il expire de plein droit et sans préavis à son échéance. Ce dernier contrat fit l’objet d’un avenant du 21 septembre 2002 par lequel la tâche hebdomadaire de Madame … de 4 leçons fut portée à 15 leçons pour la période du 23 septembre 2002 au 14 septembre 2003.

Le prochain contrat de louage de services de chargée d’éducation à durée déterminée de l’intéressée fut signé en date du 18 juillet 2003 pour la durée du 15 septembre 2003 au 14 septembre 2004 et pour une tâche hebdomadaire de 6 leçons. Suivant avenant signé en date du 15 septembre 2003, cette tâche hebdomadaire de 6 leçons fut portée à 13 leçons pour la période du 15 septembre 2003 au 14 septembre 2004. Un dernier contrat de louage de services de chargée d’éducation à durée déterminée fut signé par Madame … le 15 juillet 2004 pour la période du 15 septembre 2004 au 14 septembre 2005 et pour une tâche hebdomadaire de 12 leçons. Ce contrat fut modifié moyennant avenant signé le 17 septembre 2004 en ce sens que la tâche hebdomadaire de 12 leçons fut portée à 17 leçons pour la période du 17 septembre 2004 au 14 septembre 2005.

Pour les années scolaires 2005/2006 et 2006/2007, Madame … n’a plus obtenu de contrat.

Estimant qu’elle serait en droit de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée, Madame … s’est adressée moyennant courrier de son mandataire du 29 mai 2007 au mandataire de l’Etat ayant occupé dans une série de dossiers de chargés d’éducation, pour s’enquérir des possibilités d’une régularisation éventuelle de sa situation.

Par courrier du 8 juin 2007, le mandataire de l’Etat a répondu que la demande « tendant à confirmer que Madame … serait bénéficiaire d’un contrat de travail à durée indéterminée » serait non fondée alors que l’intéressée n’est plus sous contrat de travail avec l’Etat depuis le 15 septembre 2005.

Par décision du 16 juillet 2007, la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle prit position comme suit par rapport à la demande de Madame … :

« J'accuse bonne réception de vos courriers en date des 29 mai 2007 et 14 juin 2007 dans l'affaire émargée par lesquels vous souhaitez obtenir confirmation que Madame … serait liée à l'Etat par un contrat de travail à durée indéterminée.

Ainsi, tout comme mon mandataire vous l'avait fait savoir par courrier du 8 juin 2007, je confirme que je n'entends pas reconnaître que votre mandante bénéficie d'un contrat à durée indéterminée la liant à mon ministère.

En effet, Madame … n'est plus en service depuis le 15 septembre 2005, date d'expiration de son contrat à durée déterminée. Par ailleurs, elle n'a jamais entrepris une 2quelconque démarche en vue de voir reconnaître le caractère à durée indéterminée de son contrat de travail.

Elle n'est donc pas fondée à voir reconnaître qu'elle serait liée par un contrat à durée indéterminée avec l'Etat, alors qu'il se trouve qu'elle n'est plus en relation contractuelle avec l'Etat depuis 2005. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2007, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision prérelatée du 16 juillet 2007 en ce qu’elle refuse de reconnaître qu’elle serait liée par un contrat de travail à durée indéterminée à l’Etat et ce à partir du 16 septembre 2002, sinon à partir de toute autre date à fixer par le tribunal.

Quant à la recevabilité L’Etat entend résister à cette demande en soulevant à titre principal la nullité de la requête introductive d’instance pour libellé obscur, pour ensuite soulever son irrecevabilité pour « défaut d’objet de la demande », au motif, notamment, que le dispositif de la requête introductive d’instance omettrait de solliciter l’annulation ou la réformation d’une quelconque décision administrative.

L’obligation prévue par l’article 1er, alinéa 2 tiret 3 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel la requête introductive d’instance doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués, est à appliquer corrélativement avec l’article 29 de la même loi, aux termes duquel « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

En l’espèce la partie défenderesse omet non seulement de préciser en quoi l’imprécision alléguée des moyens de la demanderesse porterait atteinte à ses droits, mais il y a encore lieu de constater qu’elle ne s’est pas trompée quant à la portée de ces moyens, puisqu’elle y a répondu de manière circonstanciée.

Il en résulte qu’en l’absence de grief effectif porté aux droits de la défense, le moyen d’irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter.

En ce qui concerne le second moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie étatique, force est au tribunal de constater que le dispositif du recours introductif d’instance ni ne mentionne la décision déférée, ni ne précise si le demandeur en sollicite la réformation ou l’annulation, le dispositif se contentant de demander au tribunal de dire par réformation de la décision attaquée que la requérante est liée par un contrat à durée indéterminée à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ce à partir du 16 septembre 2002, ou toute autre date à fixer par le tribunal.

La partie défenderesse relève à ce sujet qu’aux termes d’une jurisprudence du tribunal administratif, la seule décision utilement attaquée est celle qui figure dans le dispositif de la requête introductive d’instance.

3Le tribunal est cependant amené, sans se départir de la jurisprudence citée par la défenderesse, à relever qu’il n’est pas, en la présente matière, et ce à titre exceptionnel, saisi d’un recours dirigé contre une décision administrative, mais d’un recours lui soumettant une contestation relative à une situation de fait et de droit donnée.

En effet, si d’une manière générale et aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif peut être saisi d’un recours « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible », il s’est vu confier par le législateur, et plus particulièrement par l’article 11 (1) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, un recours au fond « quant aux contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires ». Il s’ensuit que d’un point de vue strictement formel, la non-indication de la décision déférée dans le dispositif de la requête introductive d’instance ne saurait être sanctionnée par l’irrecevabilité de cette dernière, d’autant plus que pareille sanction n’est pas prévue par un texte et que, comme relevé ci-avant, la partie défenderesse reste en défaut de faire état d’un quelconque grief résultant de cette non-indication formelle.

Bien au contraire, le tribunal relève que la partie défenderesse ne s’est pas méprise sur la portée et sur l’objet du recours, et ce d’autant plus que la décision litigieuse est non seulement formellement identifiée dans le corps de la requête, mais qu’elle a encore, conformément à l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, été déposée parmi les pièces versées.

Enfin, en ce qui concerne l’absence de précision alléguée quant au but poursuivi par le recours, force est de constater que dans le corps de la requête il est précisé que le recours tend à la réformation de la décision déférée, de même qu’il est précisé au dispositif, comme cité ci-

avant, que la partie demanderesse demande au tribunal de dire par réformation « que la requérante est liée par un contrat à durée indéterminée à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ce à partir du 16 septembre 2002, ou toute autre date à fixer par le tribunal », cette demande tendant partant clairement à la réformation de la décision refusant à Madame … le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée.1 L’article 11 (1) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat instaurant un recours de pleine juridiction quant aux contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation en ce qu’il a pour objet une contestation résultant du contrat d’emploi d’un employé de l’Etat.

Ledit recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond La partie demanderesse conclut à la requalification de son engagement auprès de l’Etat comme étant à durée indéterminée en raison du fait qu’elle a bénéficié de contrats successifs couvrant une période ininterrompue de plus de 24 mois, et qu’elle serait partant liée par un 1 cf. Trib. adm. 12.10.2005, n° 19157 du rôle 4contrat à durée indéterminée à partir du 1er jour suivant ces 24 mois, soit à partir du 16 septembre 2002, sinon à partir d’une date à arrêter par le tribunal, ceci par référence à un arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2007 ayant statué en ce sens.

L’Etat rétorque que Madame … n’était plus liée à l’Etat par un quelconque contrat à partir du 15 septembre 2005, de sorte qu’elle n’aurait plus pu demander, en date du 29 mai 2007, la requalification d’un contrat en contrat à durée indéterminée. L’Etat se réfère à cet égard aux dispositions de l’article L-122-12 du code de travail qui prévoit la cessation de plein droit du contrat à durée déterminée à l’échéance du terme. Dans la mesure où la requalification d’un contrat de travail ne serait concevable que dans le seul cas de la poursuite de la relation de travail, le recours sous examen serait à rejeter comme étant non fondé.

Pour soutenir cette argumentation l’Etat se réfère à deux jugements rendus par le tribunal administratif en date du 11 juillet 2007 inscrits sous les numéros du rôle respectifs 20560 et 20876.

Force est de constater que la demanderesse, outre de se référer d’une manière générale à un arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2007 non autrement identifié par l’indication notamment d’un numéro de rôle et non versé en cause, reste en défaut de fournir la moindre indication au sujet des dispositions légales ou réglementaires qui auraient fait l’objet d’une mauvaise application par le ministre lors de la prise de la décision déférée.

Si l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 portant notamment règlement de procédure devant les juridictions administratives permet certes au requérant de se limiter à exposer sommairement seulement les faits et moyens invoqués, le demandeur ne saurait cependant être admis à libeller une prétention seulement dans son résultat escompté en fait. Afin de pouvoir utilement réformer ou annuler une décision administrative, le tribunal, en tant qu’organe juridictionnel, est appelé à statuer par rapport aux moyens tant en droit qu’en fait qui lui sont soumis par la partie demanderesse mais il ne lui appartient pas, en l’absence de moyens concrètement soumis, d’instruire de sa propre initiative une demande qui lui est adressée. S’il est encore certes possible de prendre appui sur des jurisprudences en la matière, encore faut-il qu’une référence jurisprudentielle sous-tende un raisonnement juridique au moins sommairement exposé, ne serait-ce que par l’indication des dispositions légales pertinentes par rapport auxquelles le tribunal est censé orienter son propre examen du recours et du bien-

fondé de la décision litigieuse.

Or, en l’absence de moyen juridique ne fût-ce que sommairement exposé, le tribunal est en l’espèce amené à rejeter le recours comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

5condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2008 par :

Mme Lenert, vice-président, M. Sünnen, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23366
Date de la décision : 12/03/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-03-12;23366 ?

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